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 La floraison du mutin

 
La floraison du mutin Sand-g10Jeu 24 Juil - 17:00
Assis au fond de la taverne, Abran observait ses troupes. La pièce était sombre, assez pour qu'il passa inaperçu, seulement les quelques lumières permettaient au nouveau capitaine de voir l'étincelle dans le fond de leurs yeux: il avait senti l'équipage s'échauffer des semaines durant avant la mutinerie, il les connaissait, peut être bien plus qu'ils ne le pensaient, le tout pour lui, était de définir d'où cela viendrait. Qui se présenterait comme porte parole ? Il marcha tranquillement le long des murs de la pièce puis prit une chope, la porta à ses lèvres et tendit la main à une courtisane, alla s’asseoir avec.
La femme qui était sur ses genoux ne lui donnait aucune autre distraction que d'être là, et lui permettait de faire croire à cet apparent mensonge qu'il était comme eux tous, ivre de cet instant. En réalité, il avait fait une erreur. Celle de le laisser en vie, mais il ne pouvait se résoudre à le tuer, cet homme qui lui avait tout appris, malgré ses failles et ses faiblesses, son âge aussi, qui l'ont amené à sa perte, il ne méritait pas la mort ou plutôt Abran ne voulait pas sa mort. La seule solution pour lui fut d'être à la tête de cette trahison pour amoindrir les pertes, pour avoir une chance d'imposer sa volonté sur tous : ce qu'il fit. Cependant ce choix l'avait laissé dans une situation délicate, il passait pour un faible, sa place était remise en cause et sa force se présentait plutôt comme la suite logique d'une préférence. Il fallait à tout prix arrêter cette montée rebelle avant qu'elle ne le mène à sa perte.
Il sentait les lèvres de la femme qu'il tenait fermement dans ses bras et contre lui, se poser dans son cou, expertes. Il pencha délicatement la tête, serrant les dents feignant de se laisser envahir par le désir. Ithelas lui avait toujours dit que la faiblesse de la plupart des hommes se trouvait entre les cuisses des femmes, il n'était peut être pas fin, mais il était perspicace. Il se redressa, posa la main dans ses cheveux qu'il caressa et dans un geste peu délicat, la lui fit renversa pour lui rendre l'appareil, poursuivant ce chemin qui l'amenait vers la naissance des rondeurs soutenu par le corset. Il leva les yeux, un homme le regardait aussi, c'était l'ancien chef d'équipage. Ses yeux, oui il a ses yeux, ce serait lui. Abran sourit, se disant que la chance était de son côté. Il continua son parcours sur le torse de la jeune femme et tout en remontant de l'autre côté de son cou, défaisait son corsage tout en jetant de temps à autre des regards sur sa vraie proie.
Il commencait à faire chaud, la lumière était sa seule accompagnatrice mais l'ombre serait sa fidèle complice, tout doucement, il releva la cuisse de la jeune femme comme pour l'amener plus en avant vers lui, et y glissa un poignard dans ses bas. Dans un fougueux baiser, il dissipa la surprise de la jeune femme et dans un échange de regard compris qu'elle devait jouer le jeu. Il fut reconnaissant de ce courage qu'il vit dans ses pupilles. Le chef d'équipage continuait à le regarder mais Abran faisait en sorte de ne pas trop le chercher du regard et dans un comportement complètement frivole pris sa chope dans sa main, rigola en éclat en la serrant fort contre lui et s'adressant à tous :

«  Quelle merveilleuse vie mes amis, ne soyez pas jaloux, je possède la plus belle d'entres elles. »

Tout le monde le regardait, parfait.

«  - Comment t'appelles-tu merveilleuse créature ?
- Betty.
- Betty voilà un nom que je graverais à jamais dans mon cœur, rien ne saurait faire plus grand hommage à ta beauté ».

Il la regarda encore une fois dans les yeux, avec cette bienveillance propre à Abran qui ne possède ni ne dépossède, qui est juste là, en train de regarder puis, remarqua le regard du chef d'équipage : Brosco. Abran était hilare, tous l'étaient, sous les effluves de l'alcool, puis son rire qui recouvrait la pièce se tut, laissant le silence malgré le bruit s'imposer. Son visage commenca à se tordre dans la mécanique du jeu et il poussa violemment et non sans délicatesse la demoiselle. Il se pencha en avant et ne le quitta pas des yeux.

«  Dis moi l'ami, mon œil me trompe t-il ou tu serais jaloux de ma place? »

Le moment de doute, puis l'espoir de croire que ce fut le bon moment pour s'exprimer, Brosco gonfla son torse et de sa grande voix dit tout haut, enfin, ce que tout le monde pensait tout bas :
« - Il est vrai qu'elle est pas mal, mais mon C'ptaine, j'vous la laisse. Je me demande plutôt combien de temps un lâche comme vous allez tenir à cette place.
- Je me le demande aussi l'ami. Mais vois-tu, un homme fort ne fait pas les choses par logique mais juste parce qu'il peut se le permettre.

Abran, de sa position d'écoute, commencait à se préparer à l'assaut, chaque geste était lent, simple et précis, ce temps là, fut pour que tous puisse comprendre ce que cela entrainerait pour eux que de le contrarier. Il fallait que chaque information passe correctement, sans le moindre doute qui s'installe en eux, que leurs vies résidaient dans son bon vouloir, et que laisser en vie une personne n'était pour lui, pas plus qu'un caprice que de l'ôter.

« Dis moi, Brosco, toi qui est un homme fort, de quoi as-tu envie en cet instant ? Et que serais-tu prêt à faire ? »

Il déposa ses effets de capitaine sur la table et dans un regard fit comprendre à Brosco de venir le prendre. Abran, son petit sourire en coin, lui donnant une assurance hautaine, ne le quittait plus des yeux. Il voulait voir de quoi il était fait, ce chef d'équipage ambitieux et envieux, qui ne possédait l'envie que simplement pour lui laisser un orgueil dont il n'en paierait pas le prix, mais le ferait subir aux autres. Cette jalousie de vie, qui le rongeait, lui cette montagne qui rêvait de voir les autres ployer le genoux devant lui. Il était méprisable, non pas pour son envie, mais simplement pour sa capacité à ne pas être à la hauteur de ce qui grondait à l'intérieur de lui, il aurait pu faire un véritable adversaire, mais là, il ne serait que l'exemple, que le brouillon, que l'explication, que la mise en garde, que le pantin.
Brosco, à la vue des effets de Capitaine, doutait de la bonne parole d'Abran, pouvait-il faire confiance, se lever et prendre ce dont il avait toujours rêvé comme ça. C'était aussi simple que ça. Puis après ce petit espoir, vint le doute, la peur et dans sa crainte, il ne se leva pas, il resta là. La frustration le transfigurait. Son visage se contracta sous la colère, puis dans un sourire répondit :

«  Baiser des putains ! »
Puis il lança son bras pour attraper sa chope, but, puis attrapa la fille qui était juste à côté comme pour prouver ses paroles et rigola. Abran se redressa, se resservant un verre et marcha vers lui :

«  C'est vrai qu'il y a t-il de plus vrai que la fleur qui se trouve entre deux cuisses blanches ? Viens là ma belle, approche.»
Betty s'approcha, il l'embrassa fougeusement, laissant une main baladeuse relever son jupon et remonter le long de la cuisse, prit le poignard qu'il planta dans un geste sec dans la gorge de Brosco, qui s'achoua sur place, remplissant gentillement le sol de son sang.

«  Je vais vous le dire les amis, la mort, voilà ce qu'il y a de plus vrai ! Alors au lieu de vous poser des questions sur pourquoi l'autre vit, demandez vous pourquoi vous, vous l'êtes toujours... »

Betty se détacha et laissa Abran au milieu.

« Et faites en sorte que je ne sois pas obligé de me passer de vos services. Buvons mes camarades !»

Abran Kaï

Abran Kaï




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