Mer 4 Juin - 19:57 | | | | Ennui. Ennui. Ennui. Ennui, ennui, ennui. Ennui ! Ennui, tous en chœur ! Ennui, ennui, ennui ! Dieter est un peu irascible, ces derniers temps. Un tout petit peu. Un des esclaves, pardon, des travailleurs (ils ont un contrat à durée indéterminée, ils n'iront pas non plus se plaindre de leur nourriture ou des heures de travail.) n'a pas fait son travail, justement, ou n'a pas rempli ses quotas ? Dieter est peut-être aveugle, mais au moins, il a des solutions à tout. On l'embroche au soleil en le recouvrant d'un tissu noir. Il ne mourra pas du pal, ni du soleil, mais de la chaleur, possible. Problème réglé. Ennui ? Toujours là. Un client insatisfait ? Comment ose t-il !-Le bureau des réclamations n'ouvre que demain à huit heures. Répond le duc, d'un air calme. Ledit client reste muet, sans trop savoir quoi répondre. Voilà qui est fort aimable de sa part. Le vampire lui plante une de ses dagues dans le ventre d'une main, pousse un peu sa tête aux oreilles pointues de l'autre, histoire que, quand il crache son sang, celui-ci ne vienne pas tâcher son costume. Grognant un peu sous l'effort, Dieter le soulève du sol et l'emmène, plus loin dans le château.
Même la cuisine ne parvient plus à le sauver de l'ennui. Le couteau glisse sous ses ongles, coupe finement le persil ; puis il tranche délicatement la chair. La viande est de qualité première, et il y a encore l'os. Le fendoir s'y abat violemment. Il prend les oreilles d'elfes (la plante, évidemment), s'en aide pour ajouter un peu d'arôme. L'ennui ? Toujours. Passons alors à son autre activité favorite !
Le client se fait traîner sur le sol, à moitié conscient, probablement à cause de la perte de sang massive. Un claquement de langue, le vampire ouvre brusquement la porte. S'aidant de sa force surnaturelle, il le laisse glisser et rouler dans les escaliers qui mènent à sa cave. L'elfe s'écroule contre les petites tables métalliques où sont posés les instruments toujours propres du vampire. Un nouveau claquement de langue.-Parce qu'en plus, il est mal élevé ! Son petit accent délicieux magnifie ses paroles pleines de haine. Un autre claquement ; la main de Dieter racle sur la table et y ramasse un instrument au hasard. Il le lève, et quand elle se baisse, la bougie est soufflée. Un cri, instantané ; il s'est réveillé de son inconscience. Puis plus rien, à nouveau ; il faut croire qu'il y est retombé.
Le duc remonte les marches, un claquement de langue instinctif à chaque marque, même si ce n'est pas forcément nécessaire ; mais au moins, c'est un bon rythme à suivre. Un tempo sec et claquant -que de jeux de mots- qui lui sied à merveille.
Il ouvre la porte, la lumière du soleil revient. Ah, c'est bien, ça. Quand on peut voir, ça doit être bien, oui. Il réajuste une mèche de cheveux qui s'était égaré devant son visage, derrière son oreille. Il jette son jabot ensanglanté sur le premier serviteur à portée. Il n'est d'habitude pas adepte du despotisme absolu. Mais quel ennui ! Même après avoir tout essayé, il ne trouve toujours pas d'activité qui ait une saveur à son goût ! Satanée éternité.-Scheiße.Quelle belle langue ! Un peu oubliée, quelque peu délaissée, à une époque moquée. Mais qu'importe. Il l'emploie avec plaisir, d'autant plus que, pratiquement disparue -il doit être un des derniers usagers, personne ne le comprend. Peu importe, si ces moins-que-rien ne comprennent pas le sens précis ! Quand Dieter siffle dans sa langue, on en comprend le sens général. Et il vaut mieux. -Arbeit ! Schnell !Un autre se précipite pour ouvrir la porte, alors que le Duc continue de vociférer quand il passe à quelques millimètres de lui. Une jolie trajectoire, même pour un voyant. C'est le petit nom affectif que Dieter leur donne tous, quand il n'a pas envie d'être acerbe, "voyants". C'est qui est à remarquer, c'est que là, il a envie. Le mot "Ennui" lui revient constamment en tête.
Petite réflexion pour vous détruire le cerveau ! Mais comment pense t-il le mot et ses lettres s'il est aveugle de naissance ! Vous avez quatre heures.
Ennui, ennui, ennui. Les portes se referment derrière lui. Le calme, enfin. N'allez pas croire que le centre d'accueil des non-voyants est si proche de la salle de torture, Dieter avait marché depuis un petit moment pour y arriver. L'on était certainement pas dans un centre de muets -quoi que le Duc aurait sûrement apprécié leur traits d'esprit. Ou plutôt, aurait t-il dû dire... Leurs mains d'esprit ! Ha. Ha. Humour. Humour noir. Ennui. Peut-être pourrait t-il se ressourcer ici, loin de tout, loin de toute la violence de ses occupations habituelles.
Parce que couper une bonne viande demande une certaine dextérité. La dernière fois qu'un traiteur avait été mandaté, Dieter avait trouvé sa façon de faire tellement violente qu'il a vengé la viande. Il ne fallait pas croire le contraire, le vampire est un grand protecteur de la nature. Surtout la sienne.
Le seul bruit, donc, que l'on entendait, de temps à autres, était un claquement de langue. Une technique à l'apprentissage long, mais devenue particulièrement populaire, une fois la nouvelle répandue. Les humains, qui se présentaient souvent à un âge avancé, la maîtrisait mal, encore en fin de vie. Le Duc les enviait parfois. Toujours était-il que l'investissement était ici à son maximum. C'était la seule exigence de Dieter quand il accueillait un nouveau pensionnaire. Pas une vie d'esthète, peut-être pas jusque là, mais au moins une ferveur toute estudiantine. S'il était élitiste, le vampire préférait au moins qu'ils s'occupent à quelque chose de plus constructif que leurs activités habituelles : Mendier sous un pont, se taper les uns sur les autres, et cetera, et cetera. Tous les trucs de barbare peu glabres -poilus-, mendiants, incultes, en somme, rayer la mention inutile.
Certains ne faisaient que passer, mais l'étude restait obligatoire pour bénéficier du gîte et du couvert. La plupart restait bien plus longtemps ; le temps d'appréhender l'écholocation, qui se doit d'être un travail de précision, long et complexe.
Ses étudiants claquent la langue ; les meilleurs tournent la tête vers lui. Dieter sait se faire suffisamment silencieux quand il progresse dans la salle pour n'être visible que par écholocation ; ceux qui s'étaient habitués à se fier au son s'en trouvaient bien réduits. Le centre se résumait presque exclusivement à cette grande bibliothèque, construite dans la longueur, non dans la largeur, où les armoires de livres se chargeaient de remplir le rôle des murs. Le Duc constata qu'il y avait à chaque table, entre chaque armoire, plusieurs étudiants et leurs professeurs -eux-mêmes anciens apprentis- entrain de travailler sur la méthode qu'il y avait mise au point.
L'ennui se dissipait peu à peu ; Ce centre était un accomplissement que Dieter considérait comme relativement bien réussi, et le remplissait fréquemment d'un orgueil peu ou pas masqué. Mais c'était un orgueil paternel assez bien différencié de son orgueil vampirique habituel. Il s'arrêta soudainement dans l'allée. Faisant claquer sa langue sur son palais, il pencha la tête sur le côté, intrigué, quand une odeur qui lui semblait familière arriva jusqu'à lui. Une jeune femme, de toute évidence, ce qui était décelable dès son écholocation. Il eut du mal à se rappeler d'où ce sentiment de déjà-vu -si on peut dire ça comme ça dans son cas- venait ; c'est évidemment une expression, car son hypermnésie le forçait à se souvenir immédiatement, ce qui lui garantissait la plupart du temps des maux de têtes singulièrement douloureux (comme si ses cicatrices n'en faisaient pas suffisamment). Non, c'étaient des souvenirs olfactifs diffus, et lointains, mais pas assez pour sa mémoire, cela dit. Certains courriers, certains documents... L'odeur n'était pas forte, à peine présente. Aux moments où ils étaient passés par les mains de Dieter, il ne s'en était même pas inquiété.
Mais avoir sous la main -ou sous la dent, encore une fois, c'est à l'envie selon votre humour- la propriétaire draconnique -Dieter n'aurait pu dire draconienne que si elle était vêtue de cuir, encore une fois, humour humour, l'ennui n'est pas tout à fait parti- de ces odeurs sur des courriers sensibles était une occasion qu'il se devait de saisir. Il ne rechignait à enseigner dans son centre à aucun membre de quelque faction que ce soit, sauf celle des imbéciles -et malheureusement, la secte des imbéciles était infiltrée dans toutes les autres, et personne ne faisait rien contre.
Le Duc fit donc un pas vers elle, touchant discrètement de sa langue ses dents de vampire, avant de la faire claquer à nouveau. Mais il s'arrêta quand les portes, derrière lui, à quelques dizaines de mètres, s'ouvrirent -de manière assez brutale pour lui déclencher l'envie de tuer le malotru dans des souffrances à taux variable. Oui, car Dieter était encore mieux que votre banque. -Je croyais avoir dis que je ne voulais voir personne ici, à moins d'en être physiquement recevable. Fit-il de la voix douce et suave qui caractérisait souvent son état, celui juste avant la folie meurtrière. Toutefois, le serviteur, pourtant pas très sûr de lui, osa s'avancer encore, pour chuchoter quelques urgences à l'oreille du vampire. Il était si dangereux de s'approcher si proche des crocs du Duc. Et surtout, c'était terriblement provocateur. Mais l'affaire était effectivement suffisamment urgente pour qu'il doive remettre sa séance de torture à plus tard. Il fixa un dernier instant la jeune femme, puis fit brusquement virevolter son manteau dans un geste ample, reprenant le chemin de ses obligations ducales.
Le soir venu, il avait fait tout ce que l'on attendait de lui, tout ce qui était attendu d'un Duc. Son domaine était relativement étendu, mais il n'y avait pas de ville, juste son manoir, et les vignes. Ce qui rendait l'administration beaucoup plus simple. Les squatteurs étaient expulsés -les récidivistes servaient d'engrais pour les récoltes à venir ; les voleurs, de même, mais sans l'étape préliminaire. Allongé sur son lit, les mains croisées, la tête levée vers le plafond et ses fresques. -Faites lever Wolfgang. Dit-il, sans bouger, au serviteur qui se tenait là en permanence. Le règne de Von Meyer était de longue date, et si Dieter était à présent le seul locuteur dans sa vieille langue, l'héritage se faisait sentir au niveau des prénoms. Quelques minutes plus tard, l'orgue se mit à jouer d'une douce mélodie obscure.
Il tenta de fermer les yeux, mais l'expérience ne fut guère concluante tant de sombres souvenirs en profitèrent pour se profiler. Il se leva, toujours habillé, sans son manteau, cela dit, et se décida à parcourir le château une énième fois, seul, profitant de la musique. C'était la pleine lune, ce soir, selon le calendrier. Mais pas de loup-garou en vu, quand il colla presque son visage à une vitre qui donnait sur l'extérieur. Le vampire l'ouvrit, se décidant à accroître son champ de perception. Un claquement de langue, sonore, et il voyait déjà plus loin. Il y avait quelque chose, d'ailleurs, dans la cour du château.
Dieter s'avança, doucement. Un nouveau claquement de langue, plus faible. Le cerf n'est qu'à une dizaine de mètres. Ils se fixent tous les deux. Le chasseur et la proie. Mais la proie est trop noble pour que le chasseur de bonne morale s'autorise à songer à autre chose que l'admirer. L'animal semble tranquille ; ses bois sont immenses, royaux. Soudain, alors qu'il s'écholocalise à nouveau, le Duc perçoit un mouvement, éloigné, dans le château, par une fenêtre ouverte. Quand il fait revenir son "regard" sur le cerf, celui-ci a disparu. Était-ce un présage ?
Il retourna à l'intérieur, posa sa main au sol, et fit claquer sa langue de nouveau. Quelqu'un se dirigeait manifestement vers le bureau officiel du Duc -celui où il n'allait jamais. Son père y allait toujours, en revanche. Il y avait probablement une explication psychologique à tout ça. L'ombre du vampire sembla se glisser sur les murs, silencieuse. Il frappa à sa propre porte, ouvrit et entra sans attendre de réponse à sa première question.-Puis-je entrer ? J'espère que vous êtes ici à votre aise. -Oui merci, mais vous n'auriez pas une tasse de thé ?-Vous savez, si je me mettais à proposer du thé et non du vin, cela me ferait une bien mauvaise publicité. Mademoiselle... ? -Weiss. Luz, Weiss. -"La" mademoiselle Weiss ? Ah, mes yeux me manquent. Il fit claquer sa langue une première fois. Les contours de son visage lui apparurent.-Il semble être d'or de connaître votre visage. Mais peu importe, ceci... Puis une deuxième, et voilà qu'il avait gravé à jamais son visage dans son esprit. Qui aurait pu imaginer que derrière ce petit brin de femme se cache une dragonne, dirigeante de la Confrérie des Brumes.-...suffira. Malheureusement, ce que vous cherchez n'est pas ici, j'en ai bien peur. Suivez moi, mademoiselle Weiss. Il passa à côté d'elle, appuyant sur un petit carré dans le bois du mur, faisant coulisser la porte dissimulée, donnant sur un long couloir éclairé. Ledit couloir était une des fiertés de Dieter. Tous ses trophées de chasse, empaillés là, dans une posture les caractérisant tous. Le vampire se positionna à côté du passage, légèrement courbé.-Après vous, je vous en prie. Elle s'avança prudemment, probablement pas plus rassurée du fait que son hôte soit aveugle ; mais étrangement, s'intéressa à toutes les statues autrefois vivantes avec un intérêt non-feint. Il n'en attendait pas moins -quoiqu'après s'être pris un croc de dragon dans l’œil, ça devait compliquer le travail du taxidermiste. -Celui-ci, fut le sommelier officiel du château de Sen'tsura, il y a de cela quelques siècles. Mauvais, et manquant à la fois d'ambition et de politesse. Cette posture corrige tout cela, du moins, je l'espère. L'homme, habillé de façon noble, était courbé vers l'avant, le bras plié sous le ventre. Si on s'attardait suffisamment, on constatait que l'expression de terreur avait été laissée sur son visage. Dieter appréciait beaucoup le contraste. Il avait une âme d'artiste.-Après vous. Encore une fois, il la laisse entrer la première -c'est incroyable comme la politesse pouvait être terrifiante, parfois- dans la pièce dont il avait ouvert la porte, plus loin dans son couloir à trophées. Le Duc entra à son tour, claqua la langue, puis des doigts, ordonnant ainsi à un serviteur d'allumer les bougies. Dieter devança ensuite Luz, et lui tira une chaise dans ce qui se révélait être la salle à manger.-Filet mignon accompagné de sa sauce au vin et à l'oreille d'elfe, avec ses pâtes aux marrons. Fit-il en soulevant la cloche devant-elle. Cuvée spéciale, douze ans d'âge. Une bonne année, en la servant, puis va s'asseoir de l'autre côté de la table, posant des papiers à côté de sa propre assiette. Je sais qu'il est un peu tard pour manger. Mais je ne dors jamais, et l'occasion me semble idéale pour déguster ce que j'ai préparé. -Je suis instatiable en matière d'appétit, faites donc... Je suis toute ouïe.-Parfait. J'espère que le repas sera à votre goût. Dieter fait claquer sa langue, prend ses couverts, découpe délicatement la viande, puis la porte à sa bouche. Il savoure. Une qualité exquise. Le sang d'elfe ne produit qu'un vin très léger, mais la chair en elle-même... -Si vous êtes ici, j'imagine que ce n'est pas pour apprendre à surmonter un handicap. Mais je suis flatté que mademoiselle Weiss se déplace en personne pour s'occuper de la concurrence. Il savoure également un verre de vin. Trop doux, pas assez relevé. Trop jeune. Même en carafe, ça ne suffirait pas à lui donner la marque d'un grand cru. C'est bien dommage. Agréable, malgré tout, cet arrière-goût dans la bouche. Heureusement que ce n'était pas le même elfe, que celui-ci avait vieilli un peu. Il faudrait encore quelques années avant qu'il ne soit vraiment savoureux.-Je vais vous faire une confidence. Vous devez connaître l'étendue de mes activités, et moi de même, pour vous. La vente d'informations ne m'intéresse plus, et mes autres revenus constituent plus de quatre vingt dix-huit pour cent du total. Je suis beau joueur, et force est de constater que dans ce domaine, vous avez le monopole. Je peux vous recommander à mes derniers clients les plus fidèles. -Je crois que nous pouvons faire mieux que cela cher Duc Von Meyer. Allons, nous réunissions à nous deux le plus grand réseau d'informateurs en ce monde, ne serait-il pas possible d'en tirer davantage d'efficacité ? Comment réagiraient vos contacts si d'aventure ils devaient cesser d'avoir à faire à vous ? Mal je présume. Vous êtes quelqu'un qui n'effectue qu'un travail d'excellence, et je ne prétends pas me hisser à votre place. Nous gagnerions davantage si vous conserviez votre rôle... Pour nous. Et de vous à moi, la Confrérie possède certains grands clients amateurs de crus de qualité, cela ne serait-il pas un bon échange de procédés ?Dieter hausse un sourcil, puis continue à manger. Perspicace, le ton intéressé, et pourtant toujours aux aguets. Luz peut passer d'une humeur peu sérieuse à une attitude beaucoup plus relevé. Avec quelques habits de marque, elle aurait pu passer pour une noble sans trop de problèmes. -Vous m'êtes sympathique, mademoiselle Weiss. C'est pourquoi je vais vous proposer ceci : Je garde mes derniers clients, je vous transmets le reste. Je propose des prix plus intéressants aux vôtres. Mais il se trouve que j'ai un certain déficit dans... deux autres de mes activités. "L'obtention" d'informations -et non leur revente, dont nous venons de discuter-, et la revente des possesseurs desdites informations, ou la revente d'individus tout court. -Vous êtes difficile en affaire. Je ne suis pas particulièrement partisane du trafic d'êtres vivants, mais il m'arrive en effet d'avoir besoin... De faire disparaître certaines personnes. Comprenez bien que cela tâcherait notre beau sol tout juste posé cette année, et nos autres clients s'effrayent tellement d'un rien... S'il advenait qu'une tiers personne prenne ceci en charge pour nous, et que rien ne puisse nous relier... Cela servirait grandement nos intérêts à tout deux. Je fournis, et personne ne viendra regarder de trop ce que devient la « marchandise » qui vous est livrée. Trouvons-nous enfin un terrain d'entente ?Un sourire tout à fait vampirique se dessine sur son visage. -Loin de moi l'idée d'abuser de votre temps, mademoiselle Weiss. Dans cette optique là, je vais appeler un chat, un chat. Dans la mesure du possible, j'aimerais que la torture me revienne. Je doute que beaucoup de vos clients en soient partisans. Pour ma part, je ne rechigne pas à le faire, au contraire, d'autant plus que je le fais bien. Et comme vous l'avez dis, je peux faire disparaître quiconque vous pose problème, en plus de pouvoir lui faire dire ce dont vous avez besoin. Il changea alors, soudainement, à la fois de conversation et de ton, comme si de rien n'était. Après tout, ladite conversation était tout à fait normale.-Comment est la viande ? A votre goût, je l'espère. -Elle est parfaite, vous avez cerné mes goûts avec une très grande justesse. Hé bien, je pense que c'est entendu, voilà un marché prometteur que je suis satisfaite de conclure ici même ! Souhaitez-vous un support papier compromettant ou ma parole vous suffit-elle ?Il lève doucement la main, en signe de refus.-Nul besoin d'écrit. Nous sommes des gens civilisés qui savent s'entendre par les mots, il s’essuie la bouche avec une serviette, délicatement, puis se lève pour lui apporter les documents, ainsi qu'une bouteille de vin sans étiquette, qui ne semblait pas encore ouverte. Voilà qui devrait vous intéresser. Et conservez donc la bouteille encore un an ou deux, elle devrait être parfaite ensuite. -J'y veillerai. Elle porte un toast, se saisissant du tout. J'étudierai ça à loisir plus tard dans la soirée, ne gâchons pas un bon repas à trop parler affaire...-J'en conviens. Le vampire acquiesce avec respect, retournant s'asseoir. Le reste du repas se déroule dans un silence impérieux. Luz semble manger la viande sans même une remarque. En étant une dragonne, il ne fait nul doute qu'elle avait déjà saisi à la fois son odeur et son goût, afin de déterminer sa nature exacte. Ne pipait-elle pas mot par respect, ou parce qu'elle appréciait réellement ? Dieter se ferait un plaisir d'étudier la question de façon ultérieure.
Le vampire attend quelques instants, quand elle a terminée ; elle boit délicatement, finit également son verre. L'hôte se lève, faisant coulisser sa chaise avec attention, invitant son invitée à faire de même, la dirigeant vers l'extérieur.-Voudriez-vous que je vous fasse préparer une chambre, ou vouliez vous partir immédiatement après m'avoir dérobé ces documents ? -Je crains que le devoir ne m'appelle ailleurs, mais sachez que j'apprécie la proposition et vous en remercie.-Le devoir, à cette heure-ci ? Diantre, mademoiselle Weiss, vous êtes très demandée. Je vous raccompagne. Il jette un œil distrait à la bouteille qu'il lui a offerte. Le rouge est bien plus écarlate que celui qu'ils ont pu boire. -Le sang de vampire est d'une rare qualité, quand son possesseur en est digne. Mais je dois dire que le sang de dragon n'a pas son pareil. Elle rit, spontanément, puis soupire. Son cas est intéressant, mais le plus important, c'est qu'elle a réussit à lui faire oublier son ennui millénaire pendant quelques temps. Ce qui est un exploit remarquable, d'ailleurs. -J'avais cru comprendre oui... Encore faut-il être capable de substituer ledit sang à son possesseur. Et entre nous, ceux de ma race sont plutôt vieux et revêches... Dieter dévoile de nouveau ses crocs pour un autre sourire, large, inquiétant. Il peut sourire pour la forme ; petit sourire qui ne fait qu'élargir à peine ses lèvres, un sourire de forme, en effet. Et il peut sourire par envie prédatrice, typiquement vampirique et relativement naturelle, en somme.-C'est ça qui leur donne toute leur valeur ! Je suppose que je n'ai pas besoin d'ordonner qu'on vous selle un cheval ? Elle sourit à son tour. Il n'y a pas besoin de parler beaucoup de soi, quand l'un est un vampire, l'autre une dragonne. Les sens se chargent de se renseigner mutuellement, et en disent beaucoup plus long.-Non, en effet. J'ai mes propres moyens de locomotion, et je n'ai jamais pu m'habituer à chevaucher un autre animal !Le vampire croise les bras, ils sont arrivés au palier de l'entrée principale ; les deux grandes portes se sont levés à leur approche -braves petits travailleurs sous-payés ; comme quoi, le salaire élevé n'est pas forcément un impératif pour la motivation.-Bonne route, mademoiselle Weiss. N'hésitez pas à repasser. Ma cuisine est toujours ouverte aux associés de valeur. D'autant plus lorsqu'ils apportent le repas avec eux... Combien d'invités se sont retrouvés à la carte de leur propre repas ? Une fois même, à l'aide d'une petite substance anesthésiante très utile, il avait fait en sorte qu'un lycan mange une partie de son propre corps. Ç’avait été un vrai régal, à la fois gustatif et narcissique. Il en sourit à cette simple pensée. Luz s'éloigna, et Dieter se prit à espérer que leur accord lui permettrait de combattre l'ennui de manière plus efficace. Si jamais il croisait l'ennui en personne, il prendrait un malsain plaisir à le faire souffrir comme il le faisait souffrir, lui !
Il alla se retirer, quand, ayant claqué la langue, il discerna une forme, à sa gauche, dans le champ de vignes. Un voleur ? Il descendit les quelques marches, claqua à nouveau sa langue contre son palais. Les bois du cerf dépassait des vignes de raisin. Ils se fixèrent encore une fois, mutuellement. L'immense animal brama, puissamment, puis se retourna, et s'en alla. Était-ce un présage ? Les portes du domaine Von Meyer se refermèrent sur le manoir et ses secrets sanglants.
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| | Dieter
Partie IRLCrédit avatar : Double compte : Pas alors que j'arrive à peine...Vitesse de réponse : Moyennne
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