Nuitée de fêtes a Faestalia : Bombes, fusées, bangalores, comètes, feu de Bengale, fontaines d’étincelles. Toute la ville croulait sous un drapé pyrotechnique qui perçait le noir manteau de la nuit d’un halo vif et scintillant.
Dans cette ambiance d’ivresse et libidinale, toutes les races de la ville se mêlaient les unes aux autres le temps d’une nuit. Le temps d’une nuit, il fut donné l’illusion de croire que la guerre pouvait cesser.
Au détour des grandes rues remplies d’une marée de festivalier en délires, au grès des vagues de hourras, se trouvait une auberge isolée, l’enseigne crasseuse crissait sur ses gonds au fils des vapes venteuses qui progressaient dans l’étroite ruelle sur laquelle elle donnait. Au travers de couche de graisse noire qui la couvrait, un œil avisé pouvait y transcrire « l’Auberge des bru-es », la quatrième lettre du dernier mot étant illisible, les ivrognes habitués des lieux se plaisaient a en spéculer sur le mot d’origine, que ce fut « brunes » ou « brumes » le gros Troll nommé Gart qui en était le tenancier se refusait encore à y répondre.
_ J’vous en sers une autre ma jolie ?Le phrase grasse du tavernier résonna au travers des échos lointains de la fête comme un Gong pour la minette qui était avachie et somnolente sur le comptoir. Son doux minois couché entre ses bras lâchement croisés, la brunette était encerclée de chopines vides, trahissant indéniablement qu’elle était en proie à une ivresse morose. Son mal de crâne sonnant le glas de toute pensée claire et productive. Levant alors son regard vitreux vers le Troll qui la barrait maintenant de son ombre imposante, Sharane lâcha un léger glapissement risible avant de poser un index hasardeux sur une faille dans la ceinture de choppes qui l’entourait. Attitude cocasse pour étaler qu’il fallait absolument combler cette fente, le gros tenancier la déchiffra aussitôt, passant sa main dodue dans l’anse d’une énième choppe, il l’arrosa goulûment d’un liquide ambré qui finit bientôt au goulot d’une femme déjà bien comblée.
_ J’vais te dire …. Gros porc… Après une longue rasade pénible, un long râle gras et alarmant, la brunette s’était enfin émise de tenir quelques mots, ayant visiblement passé le dernier cap de l’ébriété, elle marquait le pic de sa soûlerie d’une voix suave et hoquetante. Lui laissant le loisir d’une entrée en insulte, le gros Troll se pencha vers la sombre brune en apposant ses deux mains calleuses des deux côtés du comptoir ou elle était avachie. La trouvant plutôt risible, la grosse créature décida de ne rien soulever de l’injure pour porter sur la femme une écoute distraite.
_J’ai … J’ai… Mil… Mille ans t’vois… Mille ans et … de ma... via-vio-…vie ! Eh beh … j’ai rien foutue… tout m’enmeyr…m’enmerde… les gens … sont comme toi gros Porc…. Des ptits cons … imbus d’eux même… j’ai … j’ai tout vu d’ma vie… et j’me fais toujours… chier comme … une morte.Hoquetant encore, la belle se mit à fermer les yeux, le visage crissé par les ondes douloureuses qui pulsaient dans sa caboche. Se saisissant les tempes quelques instants, la brunette œuvra à recouvrir le cœur de ses propos. Reprenant d’un timbre fragile qui peinait à se faire entendre.
_ Putain de fête… de merde….. j’ai voulu … pour un.. une fois … vous faire confiance… putains de mortels… j’ai bu… j’ai dansé… J’ai essayé d’m’amuser… et me v’la ici … a chialer comme une conne devant … une face de cu-.Ne pouvant finir sa phrase, la minette fut happée par une main puissante qui la saisit par le col pour la lever face à la trogne hideuse de la créature, piqué au vif, ou semblant en avoir assez de ses injures satyriques, le Troll armait une gifle puissante sur l’ivrogne qu’il tenait quand celle-ci écarquilla alors les yeux comme saisie d’une révélation. Stupéfait d’un tel changement de conduite, sa baffe tarda à gagner sa cible. Fixant la femme a la peau noire avec un regard stupéfait, la créature pu l’écouter glapir d’une voix étouffée mais désormais très claire :
_ Tu vas mourir.Sonnant comme la voix d’un Oracle millénaire, il la fixa dans un affrontement silencieux qui s’étira sur quelques secondes, fronçant alors ses épais sourcils, la trogne horrible du troll se déforma en une crise de rire grasse et incontrôlable, tenant toujours l’étrange femme de sa poigne de fer, il la leva bien haut, l’observant s’étrangler de cette emprise qui gagnait maintenant la gorge de la minette. Cessant peu à peu son infâme rire, il observa la femelle gesticuler pendant quelques secondes avant de montrer ses crocs et de se décider enfin à briser cette teigneuse décidément bien hilarante.
Armant sa gueule pour arracher le crâne suffocant et cramoisie de sa victime, il ne put percevoir qu’un fracas assourdissant réduire la porte de sa taverne en une gerbe de cendre. La scène s’ouvrit alors sur une bande de cuirassés noirs qui se tenaient groupés devant l’enseigne crasseuse de la taverne qui grésillait encore au sol, les flammes magiques qui avaient donné raison de la porte léchant la crasse du panneau d’acier pour révéler un « M », coupant alors cours aux paris futurs. Par-delà le halo cuisant des fées d’artifices qui bombaient encore le ciel, la lumière gagna la sombre taverne et illumina le groupe en noir qui se tenait à l’entrée. Posant ses pupilles globuleuses sur eux avec une mine effarée, le Troll ne put apercevoir qu’un éclat métallique oblong qui traversa furtivement la pièce pour foudroyer la créature en pleine tronche. Crevant la gueule béate, le tortionnaire de Sharane la laissa choir lacement au sol, littéralement empalé contre le mur de sa taverne, il n’eut que le temps de réaliser les prédications de la mystérieuse basanée avant de rejoindre les Limbes.
Une main enserrée sur sa gorge, attachée à un souffle ténu, la belle leva ses yeux albâtres vers ses sauveurs, ne sachant encore ni quoi penser ni quoi dire, la brunette fut bien trop occupée à reprendre ses esprits pour encore saisir ce qu’il se passait.
_ Gart…. Le Troll… était un foutu traitre … Voilà ce qu’on gagne à servir… ton cher démon.D’une œillade furtive et vacillante, Sha’ put repérer la femme qui avait parlé et qui gagnait maintenant le seuil de la taverne, précédée de ses sbires, elle balaya la taverne vide d’un regard fermé et glacial lorsqu’un éclat particulièrement vif perça le ciel en une myriade d’étincelles qui noyèrent bien vite l’intérieur de l’auberge de la lumière vive et apocalyptique. L’éclat incandescent révélant Sharane inerte et échoué aux pieds de l’immense troll statufié, à peine put elle entendre le « bang » saisissant qui suivait l’explosion de lumière, que déjà la femme mystérieuse s’était penchée sur la belle ivrogne qui trônait misérablement au sol. Surprise et horrifiée par la rapidité de la mystérieuse femme, Sha’ ne put que lâcher un hoquet alarmé, se relevant les quatre fers en l’air, la brunette se heurta au coin d’une table et finie par tomber adossée au comptoir, vaincue par son ivresse harassante. Restée face à sa sauveuse qui trônait encore accroupie devant elle, Sharane put apercevoir un visage blafard et des yeux rouges vifs.
_ Je suis Myla Perceçang, moi et mon groupe venons de te sauver d’un des fumiers de partisan de l’aile ténébreuse qui allait te déchiqueter… Tu ne sembles pas avoir la tête à être des leurs… que faisait tu dans un lieu aussi mal famé qu’une taverne vouée à la gloire de l’ArchiDémon ?Sharane ne pouvant répondre que par des bredouilles futiles, la mystérieuse femme, qui ne pouvait être que vampire, comprit bien vite qu’elle faisait face à une ivrogne totalement dépossédée de ses moyens, souriant alors grandement, la femelle suceuse de sang continua d’un ton mutin, les mots glissant en sifflant entre ses deux canines acérée comme des aiguilles.
_ Tu nous dois la vie tu sais, tu dois la vie aux rebelles qui chaque jours risquent leur vie pour offrir a des belles femmes comme toi une vie libre et hors du danger de l’aile ténébreuse et de ses sbires. Qu’as-tu donc à nous offrir en échange de cela, hm ?Fixant encore la belle ivrogne a la peau noire qui semblait tarder à répondre, l’air plus enclin d’œuvrer à repousser le comptoir avec son dos pour s’éloigner de la terreur qui la gagnait maintenant de toute part. En cet instant, Sharane put se maudire d’avoir cédé à tous ces spiritueux, complètement affolée et victime de ses peurs, elle s’attelait toujours distancer la femme qui lui faisait face, utilisant ses mains pour se repousser au loin, elle ne se rendait même pas compte que le comptoir contre lequel la brunette était adossé refusait de bouger plus loin. Risible.
Ne cessant son rictus inquiétant, la femelle au teint albâtre qui lui faisait face regardait maintenant ses compères qui avaient maintenant gagné le pourtour de la scène misérable. Tous mâles, les hommes et humanoïdes qui composaient le groupe avaient leurs yeux gavés d’envie posé sur la minette qui gesticulait misérablement au sol. Semblant très bien percevoir cela, la vampire reposa un regard entendu sur Sharane, se relevant alors avec agilité, et déclama d’une voix calme et las de la simplicité des désirs de ses comparses.
_ Faites… je me charge de vider la caisse.Les mots résonnant avec délice, les scélérat gagnèrent le corps échoué de la femme enivrée d’un élan bestial. S’attaquant à sa tenue légère qui laissait déjà peu place à l’imagination, Sha’ fut bien vite découverte avant même de le comprendre, baignée dans ce halo libidinal, la tête appuyée contre l’épaule d’un forban qui se pressait contre elle, ce fut la sensation de deux doigts qui gagnèrent l’encolure de son caleçon et qui glissèrent le long de ses cuisses en une caresse lancinante qui l’alarmèrent. Les yeux alors gagnés de terreur, ses membres furent secouées d’une détresse folle, récoltant le fruit de cette panique, les forbans redoublèrent de force pour la maintenir.
_ Hé là ! Doucement ma belle, va pas t’abimer tu veux ?Gémissant de peine, l’insoumise s’attela à mordre l’épaule de la crevure qui se pressait contre son corps dénudé, trop occupé à retirer la boucle de sa ceinture avec des gestes effrénés, le malheureux rugit de rage et répondit d’un coup de coude au menton de la minette, lui donnant la vue d’une myriade d’étoile, semblable au concert de flammes qui tonnait encore joyeusement au dehors. S’échouant alors peu à peu dans une demi-conscience, ses bras se laissant mollement saisir, la poitrine insolente, les cuisses nues transpirant la peur, fébriles des heurts encore à venir. Fixant son détracteur d’un regard désuet, la minette semblait ne même plus savoir si elle rêvait ou non, l’ivresse et l’adrénaline se catalysant dans ses veines à mesure que les caresses bestiale violentaient son corps. 500 ans à attendre … pour vivre ça ? Nan… les créatures de ce mondes se résument t’elles à cela ?... c’était irréaliste. Profondément écœurée, ses yeux vacillèrent en arrière et son corps renonça à résister.
_ Bordel… c’est quoi ça, une chimère ?!
Parvenant enfin à laminer son corset et le retirant avec un râle salvateur, un des malandrins venait de poser sa main sur la raie maintenant nue de son dos, glissant sur la muraille d’écailles qui s’y proliférait en une mince ligne dorée, les autres mâles ne purent qu’échanger un regard circonspect et ignorant avant de se faire réduire en purée sanglante contre les murs pierreux de la taverne. Un Sargon aime l’air libre et les grand espaces, les rarissimes personnes qui purent en observer un s’accorderont à dire que « l’auberge des Brumes » n’était pas un endroit idéal pour s’y transformer.
Le contact de la main violeuse sur les écailles de la donzelle dépossédée avait réveillé involontairement sa transformation. Se libérant sous sa forme originelle, un serpent dragon d’or d’une vingtaine de mètres, fulgurante pulsion de matière écailleuse, le Sargon eu involontairement raison de tous les porcins qui l’entouraient précédemment pour l’abuser. La mousseline sanglante qu’ils formaient à présent contre les parois les rendrait sans doute comestible à un vampire gastronome.
Maintenant pleinement révélée, l’écailleuse lâcha un long râle a glacer le sang, faisant vibrer les murs, il atteignit les festivités alentours avec un hourra tout aussi vibrant, les badauds semblant persuadé d’un artifice de plus. Remuant son corps serpentin dans les gravats et le mobilier brisé de la taverne, Sha’ posa alors son regard sur la seule personne qui trônait encore debout.
La Vampire était encore là, droite et derrière le comptoir, elle tenait le pécule de la taverne sous le bras, et une choppe portée à ses lèvres dans l’autre. La scène semblait alors en pause, complètement figée, les yeux exorbités, la scélérate fixait la créature légendaire avec effarement, ne pouvant se résoudre à croire la scène qui s’était déroulé sous ses mirettes. Observant alors l’attitude de l’immense créature, elle reprit ses esprit d’un léger battement de cil, détachant lentement la chope de ses lèvres, la vampire s’attela à se saisir de ses lames aussi lentement qu’on bouge devant un tigre figé sur nous hors d’une cage.
Contre toute attente la Sragonne ne fit rien, encore totalement saisie par les efluves alcooliques et la scène qu’elle avait subie, Sha’ semblait hors de tout propos, fixant la vampire avec un regard vide.
N’est-ce rien que cela … la vie ? se dit-elle, alors que la Vampire s’approchait à pas feutrés, se déplaçant en ridant la surface du comptoir.
Juste… des bestialités et de la peine ? … continua-t-elle alors à voix haute, ce qui surprit un temps son adversaire, qui poursuivit sa progression vers la tête de la bête mystique, lames en mains ses pupilles rouges et dilatés grande ouverte sur chacun des gestes que cette chose pouvait faire.
J’ai attendu … tout ce temps… pour ça ?... L’écailleuse suivait toujours du regard la vampire qui s’approchait dangereusement, les tripes secouée mais semblant être subjuguée par l’aura légendaire de la créature, l’air résolue à l’abattre.
Les rumeurs oubliées content les Sargons comme immortel, ne pouvant s’éteindre que par une immense tristesse ou désespoir. Trouvant alors la route des limbes, ont dit aussi que leur mort est un spectacle qui marque a jamais la vie de ceux qui y assistent, qu’un Sargon qui trouve sa fin s’envole dans les cieux et se décompose en une myriade d’étoiles.
Croyez-le ou non, la Vampire n’eut même pas à se risquer à porter un coup, La Sragonne millénaire prit son dernier envol d’elle-même, le cœur brisé, Sha’ marqua le Bouquet final des festivités de Faestalia, illuminant tout Feu d’un immense brasero de la puissance d’un volcan…
...
_ J’vous en sers une autre ma jolie ?Sursautant alors avec un hoquet, Sharane releva son regard saoul et hagard sur le Troll-tenancier, bâtant furieusement des cils, la belle mit quelques secondes à réaliser ou elle se trouvait. Se retournant alors vivement en direction de l’entrée, et de la porte intacte, la brunette laissa dériver son regard dans la taverne vide avant de se lever prestement, un peu titubante, et de se retourner vers le troll, tenue au comptoir pour garder l’équilibre.
_ Non, ça ira, …. Adieu.Observant la mine morose de la créature, Sha’ ne perdit pas de temps et la laissa dans l’incompréhension de son destin, déposant son dû la belle chancela vers la sortie, se retenant à chaque dossier de chaise ou bord de table qu’il lui était donné de saisir, elle gagna lentement la sortie de l’auberge sous les yeux ahuris du Troll.
Tournant alors le dos à la bâtisse, l’écailleuse s’engagea dans la ruelle étroite en longeant les murs, œuvrant à vaincre son ivresse pour avoir une pensée claire.
Bordel… Tous des foutus crétins bestiaux…. Dans tous les camps… quoi qu’il arrive… du sang et de la violence… Aile ténébreuse… Nayris… glaces… tous des sanctuaires d’idioties… ce monde est pourris a vie… il n’y a aucune sagesse. Et je ne bois … plus jamais… Bordeeeeeelll…Tel furent ses pensées quand la Sragonne gagna la sortie de la ville, les feux de Bengale transperçant encore le drapé obscure de la nuit, Faestalia venait de perdre son bouquet final.
- Citation :
- Feu est le territoire le plus disputé des Terres Mystiques ; partagé entre les tribus indépendantes, quelques têtes au pouvoir soudoyant Aile Ténébreuse et les fiers insulaires rebelles, il n'était pas rare, dans les premiers temps où les colons de Zelphos commencèrent à étendre leur soif conquérante, que les actes terroristes secouent les établissements des puissants opportunistes qui voyaient en l'archidémon une occasion de s'enrichir.
Une auberge où séjourna Sharane pendant une nuit au milieu de Faestelia en fut victime : raconte-nous cet épisode de sa vie, ses ressentiments, ses pensées à ce sujet