Vagus est distant, il est solitaire. C’est le genre de personne qui ne parle pas si il ne doit pas le faire. Le genre de personne qui ne laisse rien transparaitre et qui essayes de ne rater aucun détail. Ses sens aiguisés couplés (ou dus) à la hantise dont il est victime font de lui quelqu’un de presque paranoïaque.
Contre toute attente c’est une personne qui ressent une empathie aussi profonde que sincère. Il accorde à la justice et à la liberté une place privilégié parmi ses valeurs morales.
Il a été assassin durant des années, penserez-vous, où étaient cette empathie et cette justice ? Elles étaient là où se versent ses larmes, dans son cœur insondable.
Il connait la valeur de chacune des vies qu’il a prise et son cœur tend vers la moindre personne faisant preuve de gentillesse ou subissant un malheur. Mais son cœur tend vers elles invisiblement, bien caché derrière le masque de chaire et de sang qu’est son visage.

La justice étant importante pour lui, il s’efforce d’endosser la responsabilité de tous ses actes. Il a tué et il tuera encore il le sait mais si il le fait, si il s’engage à combattre de la sorte au lieu de vivre paisiblement. C’est parce que toute paix d’esprit lui est ôtée par l’entité qui le hante et il n’a aucune idée d’où peut-être sa place en Terra, ce pourquoi il est actuellement neutre. Il sent qu’il porte sur ses épaules un fardeau que lui seul est destiné à porter, comme une impression que toute sa vie n’est qu’une épreuve. Ce pourquoi, parfois, lorsqu’il s’oublie un moment, l’on a l’impression que son regard cherche à transcender cette réalité sans y arriver.

Un grand vide l’habite et un grand malheur derrière le masque de son visage, ne pensez néanmoins pas qu’il ne peut sourire ou être heureux par moments, lorsqu’il est assez distrait pour oublier les ombres.

Il considère que la liberté est le droit de tout individu et répugne l’idée de posséder un esclave ou quelque chose du genre. A la limite il peut garder quelqu’un captif pour des raisons bien précises mais il est contre sa nature de dépasser ce stade. Bien que vous me le direz, il est contre sa nature empathique de tuer, les circonstances sont alors là pour le faire porter son masque d’insensible tandis qu’il fait ce qu’il a à faire à contrecœur.

Sombre est la nuit et en ses entrailles germent les pires horreurs. Ombres, monstres, bêtes et tourmentés, tels sont les êtres qui en son sein trouvent vie. Cette nuit est une nuit sans lune, la plus obscure du mois et aussi, celle où les créatures nocturnes émergent le plus fortement.
Dit-on aux enfants, à ces nuits là, gardez-vous de vous aventurer dans les forêts et les grottes car esprits et monstres s’y voient déchaînés.
Moi, je n’écoute pas les mises en garde. Je ne suis pas un enfant et les rôdeurs de la nuit ne sauraient attiser ma peur car la crainte véritable je la connais et elle ne peut être tranchée avec ma lame. La crainte véritable, de celles qui nous transcendent, celles qu’on ne peut appréhender, c’est Elle qui en est la source. La vérité, c’est que je ne sais pas ce que je suis, tout ce qu’il m’est donné de savoir c’est qu’il m’est nécessaire de trouver des réponses à mes questions. Je me dois de trouver un refuge contre la folie, un lieu pour y garder en sûreté et ne serait-ce qu’en partie, ma raison. Et ce avant qu’Elle ne me la prenne pour de bon.

Aujourd’hui encore, de l’aube à la nuit noire, j’ai marché sans répit jusqu’à me retrouver au cœur d’une forêt. Le plus inquiétant c’est qu’à chaque pas que j’ai fais, à chaque souffle, je sentais s’estomper lentement mais surement mes espoirs et mes rêves. Et là je me surprends à lever la tête au ciel à la recherche d’un dieu ou d’une bonne étoile, d’un signe. Quoi que ce soit, quelque chose qui me donnera la force demain et le jour d’après d’avancer encore. Trop fatigué pour continuer, j’ai jeté un coup d’œil tout autour de moi pour essayer de repérer l’endroit ou l’angle où je serais le moins vulnérable à une attaque. Ça a fini par devenir un réflexe, je me suis donc dirigé vers un grand arbre et me suis assis entre ses racines en m'adossant au tronc. Ça aussi c’est devenu un réflexe, de dormir adossé et je ne peux trouver le sommeil si je n’ai pas une arme en main. Je ne sais pas réellement d’où me viennes ces habitude mais je n’ai jamais pu fermer les yeux désarmé. Dans le grand noir qu’est ma mémoire avant l’an 109, Je peux vaguement me souvenir de cris et de larmes. Quelques images et quelques sons seulement qui attisent au-delà d’une simple curiosité, le besoin de savoir. Je me souviens que dans un lieu où nulle paix ne subsistait, seulement en empoignant Viveombre, mon épée, pouvais-je fermer les yeux pour quelques minutes. Le simple fait de penser à cette période me met mal à l’aise et pourtant, je n’ai rien d’autre pour occuper mon esprit.
Encore une fois c’est le cœur lourd que je lève les yeux au ciel avant de les baisser au sol et de les fermer. Lentement, tout autour de moi disparait, jusqu’à même mon souffle qui se fend dans la brise nocturne. Mes pensées s’entrelacent et finissent elles aussi par se laisser emporter par cette brise qui trace un chemin vers le pays des songes.

Je ne saurais dire combien de temps est passé au beau milieu de la sérénité que je trouvais dans mon sommeil. Une sérénité bien courte d'ailleurs puisque je ne dors que peu. Ce que je saurais dire en revanche c’est que le sentiment qui étreignait alors mon cœur, je le connaissais. Il était annonciateur de mes pires cauchemars, soudain encore incapable d'ouvrir les yeux, je me sentais emprisonné dans ma propre chaire.

« Mon pauvre enfant, qu’il m’est plaisant de te voir lutter contre ta fin. » Dit une voix féminine avant de ricaner doucement.
« Tu es pour sûr un petit être bien distrayant. Bientôt une heure nouvelle viendra pour tous, jusque là, mon cher, continue donc à te débattre au bout de ma toile. » Finit-elle en ricanant.

C'est en sursaut que je me réveille, la première chose que je vois est la tête de Nox. Mon loup et fidèle ami. Et la première chose que j'entends est un petit gémissement étouffé venant de lui. Encore une fois il sort de nulle part pour me tirer de mes cauchemars. Le souffle court et le front trempé de sueur je jettes un regard à ma main gauche comme je le fais à chaque réveil afin de m'assurer que je suis toujours humain, que mon corps n'a pas encore cédé aux ombres. Je caresses ensuite Nox et le remercie, en chassant l'épouvante de cette nuit il m'a épargné bien des souffrances.

Je me suis relevé et ai accroché Viveombre à ma ceinture avant de regarder Nox retourner au cœur de la forêt, maintenant assuré que j'allais bien. Il est le seul qui jette un regard aimable à ma personne et le seul qui semble comprendre ma confusion. Le seul aussi qui ne me voit pas comme une machine à tuer ou une coquille sans âme. Je l'ai regardé partir avant de reprendre ma marche, de toute façon ma prochaine destination n'était pas bien loin c'est à la recherche d'un certain expert en possessions que je me dirige. Cette nuit encore sera pour moi une nuit sans sommeil, j'ai pris l'habitude de marcher le cœur lourd et des malédictions envers le fantôme innommé qui me hante j'ai fais mes prières.
Si je tient tant à cœur ma rencontre avec cet expert, c'est parce qu'il fait partie des personnes qui alimentent mon maigre espoir de savoir qui je suis.

Au delà du fait d'être un ex-assassin et un épéiste je ne sais rien de moi-même avant l'an 109 et j'ai passé ces cinq dernières années à tenter de percer le mystère. Je m'étais réveillé au beau milieu de nulle part, autour de moi des pierres sculptées étaient alignées et sur le sol où je me suis réveillé des lignes les joignait formant une sorte de cercle rituel. Les habits que je portais alors étaient en lambeau et je tenais fermement Viveombre entre mes mains. Mettez-vous à ma place, vous réveiller sans avoir la moindre idée de votre propre nom, de vos origines ou de votre place dans ce monde et avant même d'avoir le temps de se poser la moindre ressentir une douleur violente agripper votre avant-bras gauche et y voir se cumuler et s'entasser des ombres venant d'ailleurs.
Et sans même avoir le temps de réagir se voir encerclé par hommes et monstres tous partageant le même regard hostile à votre égard. Qu'auriez-vous fait lorsqu'ils ont crié " C'est lui. " avant de chargé toutes griffes sorties et toute épées dégainées ? Moi, j'étais confus et malgré la douleur qui s'emparait de mon avant-bras gauche, j'ai dégainé mon épée comme par instinct. " Voie des Limbes " ce sont les premiers mots que je me souviennes avoir jamais prononcé et j'ai tranché encore et encore et j'ai combattu sans avoir la moindre idée de ce pour quoi je le faisais. Je me souviens que je me sentais de plus en plus à l'aise dans mon maniement de l'épée, comme si que tout les mouvements que je faisais étaient gravés en moi à force de répétitions et d'exercice et paradoxalement il me semblait que c'était la toute première fois que je me battais. J'étais bon à l'épée, bien meilleur qu'eux, moi et mes opposants on l'a découvert en même temps et alors que je commençais à espérer m'en sortir vivant, cette voix dans ma tête...

« Alors champion, réveillé ? Voyons voir ce que tu vaux. » C'est ce que m'avait murmuré narquoisement cette présence étouffante.

Et sur ses mots la douleur dans mon avant-bras ainsi que les ombres qui l'entourait ont prit une ampleur nouvelle, je ne pouvais en décrocher le regard. Je sentais tout mon corps succomber à la douleur alors que l'un de mes opposants plantait sa lame au niveau de mon épaule droite me faisant lâcher Viveombre. J'agonisais, la blessure causée par l'épée ne semblait être rien de plus qu'une égratignure comparé à ce qui se propageait à vive allure de mon bras gauche vers le reste de mon corps. Je baignais alors dans les ombres et je ne me souviens de plus rien après cela.

Il devait être dix heures du matin lorsque je me suis réveillé à nouveau, autour de moi cinq dizaines de corps, des arbres déracinés et d'autres endommagés, nombreuses fissures sur le sol et au milieu de ce carnage pas la moindre réponse.
J'avais un mal de tête terrible et tout mon corps était douloureux, j'ai mis un quart d'heure pour retrouver l'autel étrange au centre duquel je m'étais réveillé, bien que ce n'était pas bien difficile je n'ai fais que suivre le sang et les cadavres qui traçaient la route. Quelques minutes plus tard j'ai retrouvé Viveombre et j'ai passé le reste de mon temps à creuser des tombes pour ceux qui étaient morts avant de les enterrer.
Aussi confus que je pouvais être, il était de leur droit d'avoir une sépulture décente, au fur et à mesure que je portais leurs corps et les enterraient, certains images remontaient à la surface. Lorsque je voyais leurs visages, j'avais l'impression de les avoir tué moi-même, l'impression que j'étais la personne qui avait tout saccagé.
C'était alors que j'ai décidé que je devais tout faire pour en savoir plus sur moi-même. Sur ce que j'étais et ce où était ma place en ce bas monde.

J'avais pris sa tenue à l'homme qui avait transpercé mon épaule et l'ai portée avant de l'enterrer, c'était le dernier et la nuit était déjà tombée. J'ai marché jusqu'à me retrouver dans un village, je suis allé à la taverne et me suis fait discret en essayant d'en apprendre plus sur le monde. J'ai alors appris qu'un homme qui ne parle pas et qui n'a pas d'argent est suspect dans une taverne, j'ai aussi eu le temps d'apprendre quelque chose de bien intéressant concernant une certaine Confrérie des brumes. Capable, disait un ivrogne, de trouver tout types de renseignements.

Allant hors du village pour chasser et me nourrir, J'y retournais souvent afin de vendre quelques unes de mes prises, l'argent que je me faisais me servait à me payer de l'alcool que je ne buvais que rarement. Tant qu'on paye, on attire moins les soupçons et l'hostilité. J'ai donc essayé de récolter des informations. En quelques semaines, sans m'adresser à qui que ce soit, juste en prêtant l'oreille à ce qui se disait dans la taverne, j'ai appris que la seule qualité que je me connaissais c'est à dire mon maniement de l'épée, ne serait pas une monnaie d'échange suffisante pour eux qui usent de leur alliance avec une certaine Congrégation de la nuit afin d'accomplir assassinats et batailles. Ainsi je me suis renseigné quant à la Congrégation de la nuit et ait fini par rejoindre leurs rangs.

Je ne disais pas le moindre mot, je ne discutais pas le moindre ordre, je ne faisais que mon travail. Lorsqu'on me demandait mon nom, je ne répondais pas. Ils ont fini par m'en donner un, " Vagus " cela voulait dire vagabond. C'est tout ce que j'étais pour eux, un vagabond qui excelle dans le meurtre.
Il m'était pénible de prendre des vies mais il m'était au moins aussi pénible d'endurer la vie sans savoir d'où je venais. Au moins aussi pénible m'était la hantise à laquelle j'étais victime, les ombres qui me suivent et les ennemis qui me chassent. Depuis l'an 109, je n'ai pas connu une seule nuit de sommeil complète, que je sois attaqué par des inconnus, tourmenté par la voix ou envahi par les ombres, j'ai fini par ne dormir que trop peu et d'un seul œil de crainte que mon sommeil signifie ma perte combien même rien ne se passait la plupart du temps.

J'ai enchainé les missions en prenant exclusivement les requêtes de la Confrérie des brumes durant une année. Très peu connaissait mon existence, même au sein de la Congrégation de la nuit, ceci dit ceux qui me connaissaient n'avaient pas tardé à me remarquer avec mon style d'épée, Ils me demandaient où je l'avais appris mais je ne leur offrait que le silence comme réponse. Certains trouvaient cela désagréable mais je les ignorais toujours, je n'étais pas de leur monde après tout. Je ne leur adressait la parole que lorsqu'il s'agissait de missions et sur mon visage un masque d'insensibilité totale.
Au bout de cette année là, contrairement à d'autre. Je n'avais gagné aucun prestige et aucun titre. J'étais inconnu de presque tous et c'était quelque part, preuve que je faisais mon travail comme il se doit. Cela ne m'a pas empêché d'être sujet de quelques rumeurs, Disait-on, le vagabond ne laisse pas le temps à ses victimes de voir le coup qui les achève. Alors que je ne voulais pas leur laisser le temps de souffrir.
Disait-on, le vagabond est le plus cruel de tous. Alors que j'étais celui que chaque mort peinait. C'est le cœur lourd que je prenais mes missions et que je tuais ceux dont le nom arrivait jusqu'à moi. Le nom de ceux qui gênaient la Confrérie des brumes et la Congrégation de la nuit, Ceux qui se mettaient en travers de leurs chemins. Et si je m’efforçais de faire cela, d'être le monstre qu'ils décrivaient c'est de crainte que je ne sois un monstre bien pire. C'était pour m'assurer qu'au fond j'étais humain, pour pouvoir remonter jusqu'à mes origines. Comprendre de quel bouche émanait la voix qui me tourmente et de quel monde viennent ses ombres et peut-être parvenir à m'en défaire. Alors peut-être, la paix serait à portée.

Ayant toujours veillé a exécuter mes tâches sans bavures et en choisissant autant que possibles celles confiées par la Confrérie de la brume. Cette dernière a fini par prendre contact avec moi suite à quoi j'ai pu avoir un entretiens avec l'un de ses dirigeants. Ils voulaient voir le vagabond qui sans un mot a attiré leur attention, m'avait révélé un membre de la Congrégation, et le vagabond leur a offert sa lame et sa maîtrise ainsi que l'assurance d’exécuter chaque tâche aussi efficacement qu'il était possible de le faire tout cela monnayant informations.
Je me souviens de cet entretien, On m'y avait dit qu'ils avaient remarqué que je me focalisais principalement sur leurs requêtes à la Congrégation. On avait aussi décrit mes mouvements comme étant une valse mortelle tant mes gestes étaient fluides et précis. Si on m'avait dit ça, ce n'était pas pour me flatter mais pour me faire comprendre qu'aussi discret que j'essayais de me faire, ils avaient un œil sur moi.

« Une seule question contre tes services. Peu importe si on a la réponse ou non, si on peut l’avoir ou non. C’est uniquement une seule question à la fois et tu accompliras les missions qu’on te fera parvenir via ta guilde.
Si des recherches doivent être faites. Tu feras toutes les missions qu’on te demande jusqu’à ce qu’on réponde à ta question. Ce n’est qu’à ce moment là que tu pourras poser une nouvelle requête.
Des questions ? »

« Avez-vous une tâche à me confier ? »

C’est ainsi que les conditions furent posées et que le travail pour la brume a commencé. Ma toute première question mit trois mois et plus de 34 morts sur les mains pour avoir une réponse. J'avais demandé quel était mon véritable nom, la réponse était « aucun », inconnu au bataillon et même eux étaient incapable d’en apprendre plus. Ou peut-être pensaient-ils juste que je me moquais d'eux et n'ont donc pas prit ma requête au sérieux. C’est donc sous le nom de Vagus que je continuais d'honorer ma part du contrat pour la Confrérie des brumes via la Congrégation de la nuit.
Je n'avais jamais discuté le moindre ordre, jamais parlé à mes victimes, jamais essayé d'influer ne serait-ce qu'un peu dans les affaires des guildes ou des missions qu'elles me confiaient. On me donnait une tâche et je l’accomplissais et c’était tout ce qu’il y avait à retenir.

Cela continua durant deux ans, la brume tenait parole tout comme je le faisais. J'ai appris à leur poser les bonnes questions et à chercher de mon propre côté sans dire mot. Ce parce qu'on ne se rend pas compte de l'étendue de leur influence et à quel point une information, aussi insignifiante puisse-t-elle paraitre, peut être dangereux entre leurs mains. Ainsi par mesure de précaution, je ne leur posais aucune question qui leur permettrait de comprendre précisément l'étendue de mon amnésie. En gardant cela secret je risquais moins de me faire manipuler par ceux qui pourraient avoir accès à cette information, ce n'était pas envers la brume que je me faisais méfiant plutôt envers ceux qui m'ont traqué depuis mon réveil il y a cinq ans.

Mon travail ces deux années là, n'avait rien qui sortait de l'ordinaire. J'étais toujours le même, je ne discutais pas les ordres, je me faisais discret et efficace. Ceci dit il y a bien eut trois événements notables ayant des répercussions jusqu'aujourd'hui. Le premier et le plus agréable sans doute est arrivé à la fin de ma toute première mission pour la brume après notre entretien. Celle où j'avais demandé à connaitre mon nom. Un assassinat, pas un bruit et pas un regard. Personne ne devait savoir où ni comment la victime était morte en plus de quoi, je devais laisser une lettre scellée sur son lit.
Cette personne qui était sur ma liste était un noble qui avait eut recours aux services de la brume et qui devait alors payer le prix du sang pour je ne sais quelle raison. Il habitait une grande et belle maison au cœur d'un village et avait deux gardes pour veiller à sa sécurité, ainsi que cinq ou six personnes se chargeant de l'entretiens de la maison, de la cuisine et tout ce qui pourrait lui être agréable. C'est ce que j'avais compris en analysant le terrain le jour.
J'avais attendu la nuit noire avant d'aller près de sa maison trainant derrière moi une grande charrette pleine de foin. J'avais alors escaladé la façade de sa maison, avant de rentrer dans sa chambre par la fenêtre. Et silencieusement je lui avais ôté la vie avec la Voie de l'homme c'est ainsi que je procède lorsque je ne dois pas utiliser ma lame et les instructions étaient claires. " Personne ne devait savoir ni où, ni comment il est mort " Le sang aurait pu donner une idée de la cause de la mort et du lieu aussi. Je lui ai brisé la nuque, avant de le rapprocher de la fenêtre, fort heureusement il ne pesait pas bien lourd la charrette était grande et bien remplie de foin, il ne me restait plus qu'à viser juste en le jetant par le balcon en espérant qu'il y ait réellement assez de foin pour étouffer le bruit de la chute. Ce fut le cas. J'avais alors transporté la charrette d'abord en dehors du village, ensuite je l'avais trainée durant trois jours en évitant au mieux les lieux peuplés pour arriver à une forêt. Je pouvais être un assassin habile et le faire disparaitre du jour au lendemain mais je lui devais au moins le respect qu'on accorde aux morts et l'avait donc enterré.
Soudain, un grognement hostile et un loup est sorti d'entre les arbres. Son pelage blanc était éclatant et ses yeux d'un jaune vif inspiraient la peur. Il était d'une taille respectable et sans aucun doute, il était le plus beau et le plus majestueux des loups qu'il m'ait été de voir. Il m'avait montré ses crocs et de tout son orgueil me regardait, voulant me chasser de sa forêt. En regardant au fond de ses yeux jaunes, durant un instant il m'avait semblait que je le comprenais parfaitement. Cet instant était néanmoins bien bref puisqu'il se ruait vers moi à vive allure, moi, je ne l'avais pas quitté des yeux et au moment où il avait sauté sur moi gueule ouverte, je lui avais tendu mon avant bras gauche. Je sentais ses crocs s'enfoncer dans ma chaire mais cette douleur n'était-elle pas au moins méritée pour un tueur ? De quel droit l'aurais-je tué, lui, alors que je n'avais même pas encore fait le deuil de ma dernière victime.
Je ne saurais dire pourquoi, même aujourd'hui, mais il a cessé de se montrer hostile, il a retiré ses crocs et s'est retourné en repartant vers la forêt. Il m'avait fasciné et étrangement, peu importe le lieu où j'allais, je le trouvais toujours non-loin. On a partagé des repas et des soirées ensemble, on a combattu ensemble. Il m'avait même appelé une fois pour que je chasse des brigands qui s'adonnaient à la déforestation et au braconnage. Une fois que je l'en avais débarrassé, je ne sais trop comment l'expliquer mais j'avais su qu'il se nommait Nox. Et prenez moi pour un fou si vous le voulez mais je suis convaincu que c'est bien lui qui me l'avait dit. Depuis lors je le croise dans ma route et me suis particulièrement lié d'amitié avec lui. Il peut rester des jours entiers sans me lâcher d'une semelle comme il peut disparaitre pour une ou deux semaines. Ce qu'il est important de retenir c'est que l'on se retrouve toujours.

Le second point concerne un artefact que je devais récupérer pour la brume, après m'être occupé de son voleur évidemment. Une fois mon travail terminé et l'objet en main, une vision m'était apparue. Je voyais par les yeux d'un enfant, je voyais le feu, je voyais le sang, je voyais les ombres et les cadavres gisant tout autour de cet enfant. Et je sentais ses larmes qui coulaient sur ses joues. Je sentais et sa rage et son désespoir monter. Puis j'entendais une voix, cette voix là, celle qui me hante.

« Viens à moi, mon enfant. »

Le feu avait alors prit l'enfant lui aussi, ce qui avait marqué la fin de la vision. Je n'ai jamais su si c'était un souvenir, une prémonition ou une simple hallucination. Comme je n'ai jamais réussi à déterminer si la voix parlait à l'enfant ou à moi dans mon état second.

Enfin, le troisième point concerne ma dernière mission au sein de la Congrégation de la nuit celle qui signait mon départ. On m'avait donné pour ordre d'infiltrer un réseau clandestin qui faisait de plus en plus parler de lui et de tuer leur leader ce avec l'aide d'un autre membre de la Congrégation. Ce qu'il y a de drôle, dans ce genre de missions c'est qu'elles peuvent prendre des tournures totalement imprévisibles. Lorsque j'étais allé à leur réunion dans un lieu isolé, il s'est avéré qu'ils avaient un lien direct avec ceux qui m'avaient attaqué en 109. Ils avaient vite fait de me démasquer durant cette réunion et je me suis retrouvé seul contre cinquante, mon allié ne voulait pas compromettre sa couverture et c'était compréhensible.
Le problème, c'est que j'avais eu une crise. J'avais eu beau tenter de retenir les ombres, j'avais eu beau tenter de résister. La voix était de retour et elle me disait qu'il était temps de s'amuser un peu. C'était étrange car je n'avais aucune prise sur ces ombres cette fois là. Aucune, ma conscience et ma présence avaient été balayés en un clin d’œil. Je m'étais réveillé au centre de la salle, chaque muscle de mon corps endolori au point où j'étais incapable de me mouvoir. Je suis resté immobile à fixer le plafond jusqu'au lendemain.
Quarante-huit morts, aucun survivant. L'autre membre de la congrégation était introuvable. En quelque sorte la mission avait été accomplie, mais pas par moi. Ce n'était pas moi, je n'étais pas cette bête noire, j'essayais au moins de me convaincre de cela.
J'avais pris une autre journée à enterrer les morts avant de prendre contact avec ma supérieure à la Congrégation. Je lui avais alors expliqué que je me retirais, le plus souvent ceux qui quittent la Congrégation le font avec plus ou moins d'aise, C'est rester vivant suite à cela qui est délicat. Cependant je n'avais pas eu plus de problèmes que cela, très rares sont ceux qui m'avaient pourchassé et j'avais réussi à m'en défaire. De la bouche de l'un d'entre eux, j'avais cru comprendre que la brume avait monnayé ma liberté et que ceux qui s'en prenait à moi ne le faisaient que pour la gloire ou par crainte que la bête que j'étais devenue durant ma dernière tâche ne foule impunément le sol de ce monde.

Cela remonte à deux ans, j'avais déjà eut de par mes requêtes à la Confrérie de la brume, un journal empli de noms, ceux d'experts en possessions, en ombrageux, en race nocturnes, en démons et en escrime ainsi que tout ce qui pourrait avoir un lien avec ce qui se rapporte à moi ou ma possession. Et depuis ma démission de la Congrégation de la nuit, je m'adonnais activement à la compréhension de mon passé et à la lutte contre cet aspect ténébreux qui m'habitait. Il arrivait quelques rares fois que la brume fasse appel à mes talents au lieu de passer par la Congrégation. Pourquoi ? je ne le savais pas et je ne le sais toujours pas, ils s'avèrent être une organisation compliquée.
Quoi qu'il en soit, la plupart de mes voyages ne m'avaient rien apprit d'intéressant, si ce n'est peut-être que je ne suis pas un ombrageux, ni un vampire, ni un lycanthrope et que mon style d'épée était inconnu par douze grands épéistes, bien que l'un d'entre eux ait fait mention de la légende d'un épéiste dans les Limbes qui utilisait un style similaire. Enfin, je ne sais pas si il disait vrai ou si il mentait simplement toucher de l'argent facile, après tout je lui avais déjà montré La voie des Limbes.

Même si chaque jour le danger me guette. Je continues mon chemin en rayant de plus en plus de noms de mon journal et de plus en plus l'espoir de connaitre un jour ce que j'étais avant ces cinq dernières années.