Mer 30 Avr - 13:51 | | | | - Et je ne te permets pas de rire.Jack fit la grimace en s’entendant parler. Il avait l’habitude que cette dernière change plus ou moins en fonction de ses métamorphoses, certes, mais les choses étaient différentes cette fois-ci. Impossible de retrouver les timbres graves dont il s’était accoutumé au fil des années dans cette voix de demoiselle. Tout comme il n’était pas habitué à la démarche particulière qu’il était nécessaire d’adopter pour marcher avec des talons d’une certaine hauteur, ou la sensation pas des plus agréables de ces vêtement supposés mettre en valeur ses divers attributs. Et ce manque d’habitude se voyait assez clairement pour l’instant, avec ses débuts de chutes tous les quatre pas. Ce qui n’était pas si étonnant que cela, ce n’était que la seconde fois de sa vie qu’il empruntait une telle forme, après tout.
Si la première fois cette transformation radicale de physique était plus née de la curiosité d’un jeune métamorphe en pleine adolescence, en train de petit à petit prendre conscience de ses capacités et de certaines pulsions, et souhaitant un peu toucher à tout, elle n’avait pas été une expérience des plus agréables, bien au contraire. Au point de vouloir à tout prix éviter de le refaire. Autant dire que quand il s’est avéré que la meilleure solution pour s’emparer de l’objet des convoitises de Pat était de pénétrer l’intimité du capitaine du navire, en laissant le célibataire capitaine faire de même pour une jeune femme. Et bien que l’équipage de Jack en comprenne, aucune n’avait le physique correspondant aux fantasmes les plus fous de leur cible. Et comme une seule personne pouvait prendre cette forme...
Malgré l’interdiction formelle de son capitaine, le membre d’équipage accompagnant ce dernier riait aux éclats tout en s’approchant de la taverne dans laquelle se reposait le maître de la chatte. Une taverne emplie de guerriers des Glaces... Même en tant qu’homme Jack n’oserait pas y mettre les pieds. Même si dans les deux cas, il ne serait qu’un tas de viande ambulant, dont la seule différence serait la façon dont il serait consommé. Il n’aimait pas se laisser aller à des préjugés, mais un établissement empli d’hommes passant leur temps sur la mer, entre eux, et dont la réputation était d’être assez basiques intellectuellement ne lui laissait pas beaucoup d’autres alternatives que celle d’avoir une très forte appréhension quant à ce qu’il allait se passer. - Tout ira bien, capitaine. Vous êtes très jolie, vous en faites pas.- Je t’ai demandé de rester en silence, et de surtout ne pas faire intervenir ce sujet.- Bon. Z’arriverez à marcher seule ?- Seul.D’un geste de la main, le métamorphe envoya son compagnon à l’endroit qui avait été fixé. S’il voyait que les choses se déroulaient mal, il devait créer une diversion, comme faire naître un feu qu’il ne parviendrait malheureusement pas à maîtriser, afin d’offrir un peu de temps à Jack pour mettre les bouts. Lissant sa robe de quelques gestes rapides de ses mains, trop fines à son goût, ce dernier commençait à avoir réellement froid dans cette tenue pas spécialement adaptée au climat du lieu, et y trouva le courage pour pousser les portes de la taverne. Il ne fallût pas une demi-seconde pour qu’il regrette son geste, et se maudisse de veiller à ce que les caprices de Pat soient comblés.
A peine avait-il posé un pied dans l’établissement qu’il se sentit tiré par le bras vers une chambre, à l’étage. Perdant l’une de ses chaussures par la même occasion. Oh, ce n’était clairement pas un natif, ni même un habitué du coin. Plus une sorte de dérangé incapable de contenir ses instincts animaux. Un rapport avec la pleine lune, ou un truc du genre. A peine arrivé poussa-t-il le capitaine sur le lit, déchirant une bonne partie de sa robe. Jack regretta son corps d’homme d’autant plus quand il se rendit compte que malgré toute sa bonne volonté, ses coups de pieds ne faisaient qu’un peu repousser l’homme pendant qu’il reculait, cherchant désespérément une arme.
Lançant un vase à la tête de celui qui avait failli être son amant d’une nuit, et profitant de la distraction causé par quelques soldats ayant observés la scène et venant à la rescousse de la demoiselle en détresse, Jack s’esquiva rapidement, couvrant son visage de ses bras, pendant qu’il plongeait au travers de la fenêtre. Habitué à ce genre de sortie, il se rendit cependant compte que les robes, même déchirées, n’étaient pas spécialement faites pour atterrir d’un premier étage. Roulant au sol avant de repartir de plus belle vers son bateau, la cheville un peu en compote, il apprécia tout de même la froideur du sol infiniment plus que la douleur causée par ses anciennes chaussures. - Comme vous le savez tous, le plan d’hier n’a pas fonctionné comme nous le souhaitions. Je n’ai pas vu la chatte que nous cherchons, et n’ai donc pas pu la capturer.- Vous pensez que le gars s’est dit la même chose hier soir, Cap’taine ?- Passons donc à notre deuxième plan. Leur navire devrait partir d’ici quelques heures en mer. Nous le suivrons, l’aborderons, on prend l’animal, et on repart. On rentre, on sort, on ne fait de mal à personne...- En gros, le même plan qu’hier, quoi ?- Pas de victimes, disais-je donc. On ne va tout de même pas faire couler le sang pour si peu...- Nan, mais, c’était rapport au sexe. Rentrer, sortir, voyez ?- Le but sera simplement de faire en sorte que celui qui semblerait donner les ordres sera Pat. Paraît que les femmes aiment les hommes de pouvoir, alors pourquoi le raisonnement ne s’appliquerait pas à un animal ?- Je trouvais ça vachement drôle, moi.La voix du perturbateur se faisait de plus en plus basse au fil de ses mots, se rendant compte que Jack s’approchait petit à petit de lui, jusqu’à s’arrêter à quelques centimètres, le fixant d’un regard relativement peu amusé. Il n’eut que l’occasion de bredouiller quelques mots d’excuses avant de se faire entraîner par le col dans la cabine du métamorphe. Avant d’en ressortir vêtu de la robe déchirée de Sira, jetant ses vêtements précédents à l’eau. Il retourna dans les rangs, tout penaud. Ecartant légèrement les bras, le capitaine demanda au reste de son équipage : - Et je veux que tu sois le premier à sauter sur le navire quand on l’abordera. D’autres petits comiques, ou nous sommes tous d’accord pour ne plus parler, d’une quelconque manière, de ce qu’il s’est passé hier soir ?Ce à quoi personne ne répondit par l’affirmative. Quelques heures plus tard, comme prévu, le navire des Glaces sortit du port. Et, comme prévu, le Perroquet se mit à le suivre. Juste le temps d’être assez éloignés des côtes afin de ne pas attirer le courroux d’autres équipages encore à terre qui verraient la scène. Est-ce que Jack se rendait compte des risques ridicules qu’il faisait prendre à tout le monde juste parce que Pat avait un besoin visiblement pressant ? Probablement, il faisait juste en sorte de ne pas y penser. Ils avaient l’ordre de faire demi-tour et de détacher les grappins d’abordage dans les deux minutes, pour profiter de l’effet de surprise afin de mener l’assaut et de s’enfuir à la fois. Ce qui, dans de nombreux cas, était suffisant. Sur d’autres navires qu’un vaisseau de guerre, rempli à craquer de guerriers dont la réputation était variable selon les coins de Terra, mais généralement pas liée à une bande de petites frappes sursautant au moindre pet de travers.
Le Perroquet n’eut aucun mal à se mettre au niveau de l’autre navire, et à pratiquer les premiers gestes d’abordage. L’humoriste en robe veilla à, comme indiqué, prendre les devants dès que possible, très vite suivi par Pat lançant l’assaut dans un miaulement presque effrayant. Spectacle qui laissa perplexe les marins qui en furent témoins, permettant au reste de l’équipage de suivre le mouvement dans un grand cri, se mettant tous à simplement courir deux ou trois fois en rond sur le pont du bateau avant de revenir sur celui dont ils venaient.
Jack fût surpris de voir à quel point cette méthode, totalement improvisée et hasardeuse avait pu être efficace. Il profita, pour sa part, du questionnement général, pour se rendre vers ce qui était clairement indiqué comme la cabine du capitaine. D’un coup de pied, il enfonça la porte, interrompant visiblement une partie de cartes un peu particulière. Les quatre personnes déjà présentes et le blond se fixèrent l’espace de quelques instants, avant que ce dernier ne prenne les devants et s’empare de l’animal tant convoité. - Je ne fais que passer, ne faites pas attention...Le chat enfin dans les bras, le pirate revint sur ses pas, courant à toutes jambes, évitant tant bien que mal les masses musculaires lui rentrant dedans pour l’arrêter. A vrai dire, il préférait faire des détours plutôt que de les pousser, se rendant bien compte d’à quel point tout ce qu’il parviendrait à faire de cette manière serait, au mieux, de se déboiter l’épaule en leur rentrant dedans. Voyant enfin le bout de cette histoire quand il arriva à quelques mètres de son navire en train de s’en aller, Jack prit son élan et se propulsa au plus loin qu’il pouvait. Et il aurait atteint sa destination, si les réflexes d’un certain soldat avaient été inexistants. Qui, d’un geste bien lourd créant une surprise indescriptible dans le regard du blondinet, attrapa la jambe droite du fuyard en plein vol, afin de le tirer vers lui. Tout en prenant bien soin de le cogner fortement contre la coque du bateau, cela va de soi. - On ne pourrait pas en discuter ?Pendu par les pieds dans la cale du navire abordé, Jack balançait au fil des coups de barre en fer qu’il recevait dans le torse. Il s’estimait malgré tout heureux d’être tombé sur un maître d’équipage aussi conciliant, préférant laisser ses guerriers se défouler jusqu’à la fin du voyage plutôt que de recourir à l’exécution sommaire. C’eut été bien moins amusant. Il avait bien tenté une métamorphose rapide en une personne inconnue au bataillon, mais les gardes n’étaient pas dupes. Soit trop malins que pour se faire avoir pour si peu, soit trop stupides que pour faire la différence. Ce sera, une fois de plus, la chance teintée de malchance, ou l’inverse, qui permettra à l’homme de ne pas être transformé en petit tas d’être anciennement vivant et vidé de son sang.
La scène se déroulant devant ses yeux avait un côté fort amusant, passé le tragique de la situation. Le prisonnier voyait la barre se rapprocher de lui, puis plus rien, le bourreau ayant disparu d’un seul coup après un immense bruit, suivi de cris de ralliement face à une situation passablement délicate. Observant le cadavre, un rien impressionné par le fait qu’il n’ait été que propulsé – Si ce n’était grâce à ses muscles, il aurait probablement été transpercé – le métamorphe se rendit rapidement compte que celui-ci se mettait petit à petit à flotter. Indiquant donc, même s’il lui fallut une vingtaine de secondes pour le réaliser, que le bateau prenait petit à petit l’eau. Maugréant sur sa tendance à passer plus de temps sur des bateaux qui coulent que d’en piller, Jack tenta tant bien que mal de se libérer les mains, faisant preuve d’une douloureuse souplesse pour éviter de boire la tasse. - Bordel, plus vite Jack, plus vite...Les liens au niveau de ses mains finirent par se défaire, et il se pressa de se redresser, tant bien que mal, pour s’attaquer à ceux qui le maintenaient au plafond. Dans l’empressement du moment, il oublia cependant le petit détail qu’il tomberait au sol dans cette position. Le choc fût amoindri par l’eau continuant petit à petit de monter, mais le força tout de même à se frotter les parties endolories tout en se relevant. - Oh non, non, non !S’il eut tout juste le temps de se jeter en arrière pour éviter les planches lui tombant dessus, le métamorphe n’aura malheureusement pas eu la possibilité d’éviter le jet d’eau le propulsant contre la paroi se trouvant deux mètres derrière lui. Il ne se rendra compte que le lendemain, quand il aura eu le temps de se remettre des évènements et que l’adrénaline soit un peu redescendue, que le craquement qu’il avait entendu provenait de son dos et non du bois se brisant sous le choc. - Et tu vas voir que si l’histoire est racontée, ça va encore être de ma faute.Avançant tant bien que mal dans le liquide froid montant jusqu’à à peine un peu plus bas que ses genoux, poussant l’une ou l’autre poutre bloquant sa route et dégageant l’un ou l’autre retardataire coincé, le pirate n’atteignit le pont que relativement tardivement. Bien après que la plupart des survivants aient, sur ordre du supérieur, pris la fuite à bord de ce qu’ils trouvaient de plus ou moins navigable. Supérieur qui, forcément, avait décidé d’avoir la tête dure et de bloquer la porte à sa cabine. - Mais foutez le camp ! Vous ne voyez pas que rien n’est récupérable ?- Un capitaine coule avec son bateau. Vous devriez le savoir.- Ouais, mais non. Un bateau, ça se répare, ça se remplace. C’est plus difficile pour un capitaine, v’savez ?- Je vois. Comme je m’en doutais, comme tous les pirates. Sans honneur.- Je pense que vous avez voulu dire déraison et stupidité ? Dégagez d’ici.Le maître de la future épave lança les deux sabres de Jack aux pieds de ce dernier, qu’il ramassa, légèrement surpris. - Sérieusement ?- Je ne suis pas comme vous.- Certainement pas. Mais je n’étais pas surpris quant à votre tentative de me faire comprendre à quel point mon mode de vie vous dégoûte et que vous n’allez jamais vous abaisser à cela, simplement quant à votre persistance à vouloir être un con fini.Se rendant compte que les mots ne changeraient rien, bien au contraire, il finit par se mettre en garde, espérant pouvoir abréger la situation au maximum. Le navire n’avait plus beaucoup de temps à tenir. Les deux hommes, ne se quittant pas du regard, tracèrent des demi-cercles, leurs armes et corps positionnés pour la riposte. Et ce fût Jack, trop pressé par la perspective d’une mort par noyade peu agréable, qui se jeta en premier vers son adversaire. Un coup horizontal avec son sabre droit, paré comme prévu, servant de distraction avant de faire un demi-tour sur lui-même pour attaquer de ses deux armes sur l’autre flanc de sa cible. Sans succès, cette dernière l’ayant repoussé d’un violent coup de poing dans les côtes le faisant tomber au sol. Il n’eut que le temps de se rouler sur l’épaule pour que le bois se fasse planter plutôt que son corps, et se releva aussitôt après.
Les demi-cercles reprirent, bien que la situation se fasse clairement de plus en plus urgente. Tous deux sentaient le sol sous eux descendre de niveau, signe avant-coureur que celui-ci allait petit à petit se pencher avant de couler. Cette fois, le capitaine fonça, l’épaule de son bras non armé en avant, poussant contre la rambarde derrière lui un Jack prit de court. Le souffle coupé par le choc, il eut toutes les peines du monde à parer la lame de son opposant, le temps de lui projeter son genou dans les parties, heureusement non protégées pour l’instant – Ceci dit, une certaine douleur d’après-coup lui fit se demander si ses exercices allaient aussi loin dans la musculation – suivi d’un coup de tête qu’il regrettera immédiatement ensuite. Mettant un genou au sol après une attaque aussi honteuse, le capitaine des Glaces regarda autour de lui, jaugeant les dégâts avec une mine attristée. - Comme je disais, donc, un bateau se remplace. Un capitaine, non. Allez-vous en avant qu’il ne soit plus possible de le faire.Malgré un court moment d’hésitation, le capitaine s’empara de la main de Jack, qui l’aida à se relever. Ce qui arrangeait bien ce dernier, essouflé. Après lui avoir jeté un regard mauvais mais pas trop, de ceux qui signifient que rien n’est réglé et qu’il ne s’agit que d’une trêve passagère, il prit la parole. - Laissez-moi juste aller chercher Bjørn, je serai rapidement de retour.- Bjørn ?- Mon chat. Nommé ainsi en référence à...- Oui, oui, je me fous de savoir si votre animal porte le nom de votre idole ou de votre amant. Mais Bjørn, comme dans Bjørn LE chat ?____________________________________________ Pat couinait dans sa cage, posée juste à côté de la barre du Perroquet dont se servait actuellement Jack. Le retour sur son navire n’avait pas été des plus difficiles, le capitaine des Glaces ayant généreusement accepté de lui laisser une place sur sa barque, et de lui laisser dix minutes pour rapidement s’en aller sans donner de nouvelles une fois leurs pieds à terre. Chose prévue de base, son équipage attendant son retour, suivant le plan à la lettre malgré les accrocs. Fortement remonté, d’autant plus en voyant la majorité des pirates présents inventer plaisanterie sur plaisanterie quant à tous leurs déboires, le métamorphe s’adressa sèchement à l’infernale bestiole : - Oui, trois jours sans nourriture. Tu as vu tout ce que tu nous a fait faire, sale bête ? Trois jours de perdus à cause de toi ! Ne me fais pas cette tête-là, bien sûr que c’est de ta faute. Et n’essaye pas de me dire que tu n’y peux rien, que n’importe qui aurait fait cette erreur, que n’importe qui aurait pu prendre ce chat pour une chatte, ça n’arrangera pas ton cas !
|
| |
|