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- • Chef des espions (0/1)
Il dirige toutes les activités de renseignement, et tous les espions, tant que cela n’a pas un rapport direct avec les Adorateurs de Nayris. Si c’est le cas, il travaille avec la Milice de l’Ombre. Rapports fréquents avec les assassins.
- Épreuve : Raconte-nous comment tu t'es retrouvé face à Aile ténébreuse la première fois.
Les couloirs et diverses salles du palais de Sen'Tsura n'avaient pour la plupart plus rien de mystérieux pour la démone courtisane. Depuis qu'Aile Ténébreuse avait assis son autorité sur la quasi-totalité de ce monde, et donc depuis que la jeune Sybaris avait effectué une reconversion professionnelle, le palais était devenu son lieu de travail privilégié - tout autant que sa forme humaine était devenue son atour favoris ... Mais il existait encore une salle - du moins, ici nous ne parlerons que de celle-ci, car il va de soi que jamais elle n'eut mis les pieds dans l'antre de l'Archi-Démon - qu'elle pensait ne jamais voir un jour. Une salle qu'elle espérait observer tout autant qu'elle le redoutait : car y pénétrer signifiait faire face à son Roi vénéré ... Une épreuve à en faire regretter la vie sur Zelphos ...
Mais revenons au pourquoi de cet intérêt pour la salle du trône ...
Depuis bientôt quatre ans, Sybaris avait quitté officiellement l'armée démoniaque. Après la prise de Sen'Tsura, la démone eut envie de travailler pour elle et de se faire sa place ... Il faut dire qu'en dix - longues - années dans les rangs des soldats, elle n'avait jamais pu montrer un quelconque intérêt, elle ne valait pas mieux que la pléthores d'autres troufions qui avaient passé le portail sur Zelphos. Elle le savait, depuis toujours : si elle était douée avec ses griffes et ses lames, si elle avait un don naturel pour les attaques sournoises et le poison, les batailles rangées et le combat pur et dur n'étaient pas du tout son fort. Pour tout dire, elle n'avait pas du tout la carrure pour faire un bon soldat, et ce n'est que par sa ruse et son intelligence analytique qu'elle pu garder sa vie sauve - et ne point trop se faire remarquer pour ses lacunes.
Aussi, lorsqu'elle quitta l'armée, au douzième jour de Nàdrillä de l'an 110, elle vit rapidement ce qui pourrait la hisser plus près du sommet de la chaîne alimentaire. Les habitants de Terra Mystica, a fortiori les mâles, étaient friands d'activités pour le moins ... exotiques. Il est vrai que sur Zelphos, Sybaris n'avait jamais goûté au sexe, à cause d'un physique qui le lui en empêchait. Et sa première visite dans une maison close de la capitale de Terre et de Terra lui appris qu'elle pouvait elle aussi faire tout cela. Sa forme humaine, elle ne l'utilisait jamais sur Zelphos. Ici, elle sera son meilleur atout ! Pendant trois mois, elle vécut dans cette maison pour apprendre, pour apprivoiser ce corps humain, pour comprendre les désirs de la chair, pour deviner ce qu'aime les clients, pour devenir, en somme une véritable femme parmi celles que les hommes aiment s'offrir. Mais la démone voulait plus. Elle voulait savoir soutirer des informations, elle voulait pouvoir utiliser son corps pour servir, à sa façon, son Roi. Et cela aussi, on le lui enseigna.
En moins d'une année, elle réussit à se faire accepter comme courtisane dans les plus riches demeures et dans les fêtes les plus fastueuses. Et très vite, elle fut assez remarquée pour faire du Palais de Sen'Tsura son terrain de chasse de prédilection.
Mais il lui fallait plus, toujours et encore plus !
C'est donc pour cela qu'elle attendait patiemment devant les portes de la salle du trône en cette fraîche matinée du septième jour de Raël de l'an 111. Elle avait réussi à se faire remarquer par ses talents. Elle avait pu offrir aux siens des informations précieuses, parfois en un temps si court que les espions officiels en étaient verts de jalousie - et de rage. Elle avait montré ses dons et on voulait la voir. IL voulait la voir ...
Et elle avait peur.
Peur d'en avoir trop fait, peur de ne pas avoir plu ...
Peur de ne pas être à la hauteur en ce jour, peur de décevoir ...
Peur de perdre la vie !
Mais la démone avait pour elle une force de caractère qui lui permettait pour l'heure de donner une sévère raclée à ses peurs et de les faire taire au moins jusqu'à ce que les portes s'ouvrent et qu'on la fasse entrer. De fait que ce qui la préoccupait le plus, en cet instant, c'était de savoir si elle aurait du garder sa forme humaine pour montrer son outil de travail ou si c'était vraiment une bonne idée de venir sous sa forme originelle - et bien plus majestueuse à son goût. Oui, qu'elles soient de Terra, de Zelphos ou d'ailleurs, les femmes semblent toujours inquiète de leur apparence ...
Inquiétude qui disparut, au profit de la peur qui savoura sa victoire par forfait, quand les portes grincèrent et qu'un garde intima à Sybaris l'ordre de le rejoindre et de le suivre ...
L'épreuve de sa vie était commencée !
Il ne fallut pas plus de quarante secondes pour rejoindre le fond de la salle mais ces quelques pas semblèrent durer une éternité pour la démone. Mais lorsqu'elle vit le Roi Démon, le temps paru se figer, et elle eut alors le sentiment que sa vie ne tenait plus qu'à un mince filament ... Comme mue par un mécanisme automatique, Sybaris exécuta avec adresse, déférence et perfection les règles de l'étiquette et salua son maître - déployant ses ailes squelettiques lors de sa révérence -, alors que le garde la présentait devant leur chef stoïque, froid, comme à son éternelle habitude.
La démone se sentait faiblir. Ses genoux voulaient trembler, ses jambes voulaient se dérober sous elle. Sa sueur voulait s'échapper par tous les pores de sa peau. Son être tout entier voulait hurler au monde sa peur viscérale en présence de l'Archi-Démon qui avait mis à sac un monde nouveau ... et qui le dominait de sa grandeur démente. Enfin ... qui se contentait pour l'heure de ne pas lui prêter d'attention, à part un vague froncement de sourcils à l'annonce de son nom ...
La jeune démone n'aurait pas été pourvue, grâce à l'entrainement qu'elle avait longtemps suivi - contre son gré - avec ses frères et sœurs, de nerfs d'acier - bien qu'ils soient près, pour l'heure, à lâcher - elle aurait dès lors commencé à se ronger les griffes, ce qui l'aurait rendue immédiatement passablement malade à cause du poison. Oui, certains démons ont trouvé plus efficace que le vernis amer pour forcer les jeunes à ne pas se manger le bout des doigts ... Elle aurait pu, également, se faire dessus si elle n'avait pas eu la décence de ne rien avaler de la matinée. Elle aurait pu vomir, de la même façon. Elle aurait même presque souhaité faire tout ça devant son Roi pour lui donner un prétexte de lui ôter la vie sur le champ afin de faire cesser ce calvaire ... Et elle commençait à regretter son envie d'être à une place digne d'elle - selon elle - à cause de cette peur qui l'envahissait et qu'elle haïssait plus que jamais, plus que tout autre chose ... ça et attendre ... Elle mourait de peur et d'impatience, ne sachant pas trop à quelle sauce elle allait être mangée - ni même si elle allait être mangée ou simplement jetée ...
Et c'est là qu'IL daigna lui démontrer une légère once d'attention ...
Alors c'est ... ça ?, se contenta-t-il accompagné d'une mine renfrognée du genre de celles qu'on a lorsqu'on est dérangé pour rien ... ou qu'on est constipé, mais il était indéniable que ce n'était pas le cas ...
Oui, c'était ça ... ça ... Réduite à l'état de chose sans intérêt ... Oh, elle s'y était préparée, mais l'entendre faisait toujours mal à la dignité. Et ça ne présageait pas la meilleure finalité pour la suite ... Quoique, avec Aile Ténébreuse, il était difficile de s'attendre à quoique ce soit, à part une mort très douloureuse et très lente ... Et la suite n'allait pas se faire attendre plus longtemps encore ... Aile Ténébreuse jaugeait la démone avec un regard sévère et brûlant de mépris. Plus encore que ce qu'on avait raconté à la curieuse. Elle se sentait inspectée au plus profond de son être et ... étrangement, se sentir fouillée par cet Archi-Démon était presque agréable. Vous savez, ce genre de sensations extrêmement désagréables mais qui finalement sont plaisante tant elle nous font être vivants. Ajoutez à cela l'honneur d'être regardé, de pied en cape, par cet être au charisme puissant, et vous vous approcherez de ce que percevait la jeune démone en proie à des sentiments contradictoires contre lesquels elle devait lutter pour sembler calme et sereine. Même Ssyfryss, qui jusque là était resté sans bouger autour du bras gauche de sa maîtresse, semblait vouloir fuir pour se cacher dans la chevelure chitineuse mouvante.
Et la sentence tomba :
Bien ... Il est parvenu à mes oreilles que vous aviez humilié par vos talents mes espions ... Je ne sais encore si je dois voir cela comme une bonne ou une mauvaise chose. Je déteste être en présence de personnes inutiles !Le grand démon se leva de son noble siège et toisa froidement sa nouvelle victime :
Je suppose que si j'emploie des êtres inférieurs à vos compétences, il serait judicieux que je mette vos capacités à mon service ... Mais il semble que vous me serviez déjà ... Voici votre chance de me prouver que vous pouvez m'être réellement utile ... La démone déglutit. Il ne fallait pas se tromper. Il ne fallait pas se fourvoyer. Il ne fallait pas se montrer faible. Il fallait choisir les bons mots dans les bonnes phrases ... Et vite !
Courage ma p'tite !En dehors des nôtres, peu de personnes hors de l'Empire connaissent le visage que je vous présente en ce jour. Ma forme humaine, mon outil de travail, est donc parfait pour fouiner là où certains de vos espions ont visiblement du mal à se glisser. Les femelles d'ici savent à quel point il est aisé de faire parler les mâles sans détour avec quelques malices que j'ai appris à manier avec talent. Ceux qui vous ont parlé de moi sont par ailleurs pour certains parmi mes clients ... Je vous suis donc tout autant utile à l'extérieur qu'à l'intérieur de nos rangs, et je puis vous assurer que je préfèrerais subir tous les tourments de Zelphos plutôt que de faillir à mon devoir envers vous. La démone se tut et se tint droite, attendant la réaction - ou l'absence de réaction - de son chef. Fait qui ne se fit pas attendre, une fois de plus ... Aile Ténébreuse fronça les sourcils, son air devenant encore plus sombre et mauvais. Son aura même semblait d'une noirceur impénétrable. Et Sybaris se voyait déjà pulvérisée tandis que l'air ambiant se faisait plus froid encore. L'Archi-Démon fit un pas en avant et se figea dans une expression de mépris le plus total, un feu démoniaque illuminant ses yeux.
Vous voilà donc Chef de mes espions. Cela implique que vous êtes désormais responsable de leurs échecs ! L'erreur ne vous sera pas permise ! Le Roi de Terra tourna les talons et revint sur son trône.
A présent, hors de ma vue démone !Sans réfléchir une seconde, Sybaris reprit ses automatismes et salua avec un immense respect son maître et se pressa de quitter la pièce. Une fois les portes closes à nouveau, la démone se permit de lâcher une profonde expiration, signe de l'extrême tension qu'elle venait de subir. Son cœur battait à s'en rompre. Sans un mot, elle rassembla les dernières miettes de sa dignité et de ses forces et se dirigea vers ses quartiers, avec en tête les ordres de son chef.
A présent, elle était réellement surveillée.
A présent, elle allait devoir toujours assurer ses arrières.
A présent, elle devait rendre des comptes tout en donnant ses propres ordres ...
A présent, elle allait devoir faire connaissance avec ceux qu'elle n'avait jamais vu. Les choses sérieuses commençaient ...