Les Plaines Mystiques, en dépit de leur uniformité générale, regorgent d’irrégularité. Berceau des premières civilisations, elles portent aujourd’hui la trace des générations comme autant de rides sur le visage des vieux humains. Derrière la sage apparence des grandes étendues vertes, soumises par les populations, dressées par les agriculteurs et les éleveurs, harnachées par les seigneurs, barons, ducs et comte, derrière ce doux vernis ondulant sur un relief apaisé que survolent les aigles avec dédain, se multiplient les singularités de la nature qui donnent à chaque localité son identité.

La Flèche Grise est l’une de ses singularités. Située à l’ouest du Duché Feral, juste avant d’entrer dans les terres des Lan’Ouhi, dans une de ces régions sans histoire où les principales inquiétudes concernent l’humeur des nuages et la préparation des festivités villageoises annuelles, la Flèche Grise semble avoir été créée pour être oubliée. Dénuée de toute prétention, cette rampe naturelle d’une dizaine de mètre de large s’enfonce dans le sol avec douceur, et ne débouche sur aucune clairière mystérieuse, aucune grotte secrète. S’affinant au long de la descente, elle débouche après un demi kilomètre sur un court couloir à ciel ouvert, où seule une demi-douzaine de mètres séparent les deux murs de pierre, anormalement lisses, de dix mètres de hauteur. Peu profond donc, mais suffisamment étroit pour être privé de la lumière du soleil pendant la quasi intégralité de la journée. Ce couloir d’une vingtaine de mètres de long est occupé dès son centre jusqu’au cul de sac final par une maison basse, longue, poussiéreuse, semblable à la mue d’un serpent restée dans son tunnel.

La Flèche Grise n’est pas un haut lieu touristique, malgré l’étrangeté du lieu et le mystère de son origine. On y voit passer un ou deux visiteurs par jours, rarement plus, lesquels ne sont tant intéressés par l’endroit que par son unique habitant. Personnalité capricieuse, dont on ne sais jamais rien de plus que ce qu’il souhaite faire savoir. Réputé pour les soins qu’il est capable de prodiguer contre les maux les plus durs, ce pouvoir fait aussi la face sombre de sa renommé. On murmure qu’il se lie à des puissances obscures pour obtenir de telles capacités, et que chaque guérison emporte un morceau de l’âme du patient. Foutaises, assurent les téméraires, mais l’habitude a été prise de ne le consulter qu’en ultime recours. Encore que certains préfèrent périrent l’esprit en paix que de survivre avec le poids de la damnation.

En début d’après midi, une femme vêtue d’un long manteau pourpre s’arrête à l’entrée de la Flèche Grise. Son regard balaye la pente douce, remonte vers le ciel, se perd dans l’horizon, coule vers la rampe, et circule ainsi à plusieurs reprises sur cette échelle invisible qui relie l’univers céleste et les profondeurs de Terra. L’obscurité de sa destination accélère le rythme de son pouls mais un poids plus précieux la retient à terre et ses mains ne tremblent pas. Elles se contentent de se resserrer autour de l’enfant agrippé à son cou, visage tourné vers les Plaines. L’adulte observe le chemin qui s’enfonce dans l’obscurité, l’enfant fait face à l’infini calme et plat, la mère s’inquiète du présent et le fils accueille l’éternité.

Quelques minutes plus tard, le duo passe la porte de la bâtisse qui emplissait le fond de la Flèche, et débouche sur une pièce en fort contraste avec la sombre descente qu’il vient de faire. Grâce à un audacieux système de bougie, la salle est doté d’une forte luminosité; le mobilier hétéroclite et nombreux empli l’espace sans complexe; les odeurs multiples s’affrontent pour se dominer mutuellement; la poussière a laissé place à une atmosphère pure quoique étrangement chaude; et des grincements amusés semblent jouer à cache cache sur tous les murs. En face de l’entrée, une unique seconde porte de bois noir se devine, coincée entre une vielle étagère sans fond et une table base couchée sur le coté.

La femme s’avance, frappe à la porte et, face au silence qui lui répond, s’en détourne et entreprend de faire le tour de la pièce. Comme on l’a vu, une brocante ou un vide grenier semble s’être condensé sur cette vingtaine de mètres carrés, créant un labyrinthe d’armoire, de lits, de fauteuils, buffets, canapé, … et sur chaque meuble s’entassent une foultitude d’objets différents. L’humaine pose sa progéniture sur le sol et lui met une petite figurine de dragon dans les mains. Puis elle s’éloigne de quelques pas, découvre un grand livre de géographie, revient s’asseoir auprès de son fils et se plonge dans la lecture de l’ouvrage.

Le printemps ... Quelle poisse ! Nous haïssons le printemps ! Oh oui, les plantes sont fleuries, c'est beau, ça égaye les intérieurs ... Et ça pique notre nez et fait pleurer nos yeux ! Nous avons l'air d'un lapin mixomatosé doublé d'un ivrogne avec nos yeux rouges et notre nez gonflé ... et tout aussi cramoisi. Nous avons des frissons, puis des bouffées de chaleur, puis à nouveau des frissons ... Et Svike ne suit plus, nous usons nos mouchoirs plus vite qu'il ne les lave ... Et Nayris sait combien cet Impis, aussi éminemment sot soit-il, est un maître dans l'art de la lessive impeccable. Ah ça, nous espérons que celui-ci ne s’incinérera point de si tôt !

Toujours est-il que ça devient insupportable. Nous n'en pouvons plus ! Nous devons faire quelque chose pour ces satanés allergies. Nous avons passé l'âge de passer nos journées au lit pour un vulgaire rhume des foins ! Et l'autre vieux fou d'apothicaire qui nous dit que ça va passer ... Et bien ça ne passe pas assez vite ! Et nous aimerions surtout que cela ne revienne plus ! Non mais ! Nous avons bien d'autres sacrifiés à exécuter pour nous occuper ce cet ahuri dégarni et décrépi ! Et il aurait fallu que nous le payions pour ça en plus ! HA ! Il fera moins le fier la semaine prochaine quand son sang sera servi à Nayris ! HA !

Bon, voilà l'endroit. Qu'avait dit l'aubergiste déjà ? Ah oui, nous devons suivre cette route qui descend et pénétré dans le ... trou de la flèche ... ? Drôles de gens tout de même. Nous n'avons toujours pas compris pourquoi ils nous regardaient avec autant de surprise ni pourquoi certains ont rit si fort ... Ba, les petites gens trouvent l'amusement où elles le peuvent ! Nous-même avons des goûts simples ... Ah, voilà, oui, nous voyons ! Là-bas, ce doit être cela ! Hum, cela s'enfonce dans l'ombre ... La personne qui vit ici est forcément quelqu'un de bien, cultivé, pour sûr. Oui. Bien. Parfait. Délicieux ! Quelle intelligence de se cloisonner dans un endroit pareil ! Cela en impose ! Cela inspire le mystère ! Oui, si l'on veut se verser dans les arts obscurs, il faut cultiver le mystère. Nous le faisons. Ah, le soleil lutte ici. Délectable sensation que de voir que l'obscurité l'emporte toujours, finalement. Au revoir soleil, bonjour pénombre !

Oh, quelle étrange bâtisse. Une question nous vient à l'esprit : as-t-on creusé cette voie qui finit en impasse pour y insérer cette demeure, ou n'est-ce là que le fruit d'une hasardeuse rencontre circonstancielle ? Nous sommes curieux ... Très ... trop ? Non ! Hum, poussiéreux comme endroit ... Cela ne va pas ... cela ne va ... cela ne v....

ATCHAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !

Nom d'une marre bouillonnante de défécation porcine ! Nous avons de la morve sur notre gant tout neuf ! Vite, il faut nettoyer les preuves, vite vite vite ... Bon ... Personne ne nous a vu ... Pffffffiou. Nous avons eu chaud ! Cela aurait pu être grave, très grave pour notre réputation ! Cela aurait pu nous nuire de façon inconsidérée, inimaginable ... INTOLÉRABLE !

Bon, nous y voilà. Il faudra que nous notifions à ce ... médecin ? ... que nos glaires sont parfois verdâtres ... Ce ne doit pas être normal, ça ... Surtout que ... ça brille un peu, à la lumière ... Hum, cette porte aurait besoin d'être graissée, ça ne fait pas très professionnel ... Ah tiens, il y a déjà quelqu'un d... Oh ! Ah ! HU ! Quelle ... Oh, c'est de toute beauté !

Mâdâme !

Ha ! Notre plus belle révérence ! A n'en pas douter, nous avons frôlé le sol et ...

AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAh ! Qu'est-ce que ... Oh ... Un enf..... Un enffff..... Madame, pouvez-vous éloigner cette cho... Votre euh ... Hum ... Excusez-nous ...

Bien, courage Andromaque, nous pouvons le contourner sans le toucher. Voilà, ce siège là, il est assez éloigné ... Cela devrait nous aller. Respirer ... Nous devons respirer calmement. Bon, nous allons aussi devoir lui demander de vérifier notre tension ...

Elle tournait les pages sans grande attention, visiblement préoccupée par d'autres pensées. On pouvait la voir sourire, puis froncer les sourcils, pincer les lèvres, et c'est à peine si il n'haussait pas les épaules en réponse à une intense discussion intérieure. A côté d'elle, l'enfant découvrait l'objet à l'aide des ses doigts agiles. Privé de la vue, il faisait preuve d'une incroyable dextérité dans ses mouvements. L'humain, semblable à une foret, a tellement de potentialités concurrentes qu'il faut être amputé d'une d'entre elle pour mieux voir grandir les autres.

Eve ne réagit donc pas en voyant son fils se lever et partir explorer à l'aveuglette dans ce dédale d'antiquaire, elle réprima une anxiété pessimiste et choisit plutot de sourire avec confiance et fierté. Elle finit de feuilleter l'ouvrage, déçue par le contenu; ces cartes trop précises ne lui évoquait rien et sa passion pour l'histoire ne trouvait pas d'écho particulier dans la géographie. Elle fouilla rapidement dans son sac, sorti un morceau de pain et grimaça devant l'épuisement des provisions. "Pourvu que Voyl suive bien la liste des achats à faire..." espéra t-elle en partant retrouver Sammaël.

Elle venait de le retrouver, agitant fièrement une minuscule sculpture de cheval dans sa main droite, la gauche toujours serrée autour de son dragon, quand la porte s'ouvrit. Le personnage qui fit son entrée était à première vue fortement excentrique. Vétu d'une belle robe dans les tons ocres, qui n'était pas spécialement du goût d'Eve mais qui mettait en valeur l’élégance du nouveau venu, il s'inclina avec grâce. La chose semblait un peu surjouée, mais le jeu pouvait être un état naturel chez cette personne et la jeune humaine ne se permit aucun jugement.

En realité, Eve était préoccupée par un autre détail. Plus qu'un détail, un petit pincement au cœur, une inquiétude muette dans son esprit. Les Limbes, et Nayris en particulier, ne se fréquentent pas sans conséquence, sans marquer d'une façon ou d'une autre ceux qui s'y aventure, de force ou de gré. En huit mille ans, la première humaine avait eut le temps de saisir la quasi intégralité de l'essence de Nayris, et toute son âme ne pouvait ignorer que le nouveau venu avait lui aussi rencontrée la déesse. Cependant, Eve n'avait jamais put éprouver cet amour obscure pour la maîtresse des Limbes, et sans doute était-ce là la raison pour laquelle elle ne compris pas l'origine de sa propre inquiétude. Tout en sentant une certaine peur en elle, elle ne pouvait en soupçonner l'origine.

Le jeune enfant, moins craintif mais tout aussi curieux, inconscient de la signification de l'attitude de l'inconnu, se tourna vers la présence qu'il sentait, comme s'il pouvait le dévisager. Remise de sa première réaction, Eve s'approcha d'Andromaque en surveillant son fils du coin de l’œil.

- Excusez moi... Etes vous le... medecin?

L'hypothèse se tenait difficilement, un médecin malade et effrayé par les enfants n'était pas chose courante, mais l'humaine n'avait pas reelement réfléchit avant de poser sa question et espérait ainsi obtenir, sinon une réponse positive, des renseignements sur cette étrange personne.

Le médecin ? Nous ? Serait-ce une écervelée ? Lui manquerait-il le bon sens ? Ou alors ... Oui, peut être devrions-nous être honoré qu'elle nous pense de cette profession ... Hum ... Que devons-nous en penser ? Oui oui oui ... Oh mais, si elle pose des questions, elle est donc patiente aussi ... Serait-elle malade ? Oh ... malheur, ce doit être l'enfant ! Oh il ne faut surtout pas l'approcher, nous avons bien fait de nous en éloigner ! Il doit avoir ... la peste ! La lèpre ! Ou pire ... la varicelle !!! hum ... Nous devrions sans doute répondre à cette gente dame ... oui oui oui.

Non, nous ne le sommes point très chère madame. Nous le cherchons également, voyez-vous ... Et puisque nous sommes ici à l'attendre de concert, nous pensons qu'il peut s'avérer divertissant de palabrer pour passer le temps. mais nous manquerions à nos devoirs si nous ne nous présentions point ! Nous nous nommons Andromaque Ardhanarîshvar, prêcheur de vocation en voyage pour notre humble paroisse, et attaqué vilement par les effluves du printemps !

Oui oui oui, ne point trop en dire, nous ne sommes point chez nous, nous arpentons un territoire qui pourrait être dangereux pour nous, nous devons rester discret et éluder le principal ... Nous n'aurons qu'à inventer, une déesse mineure, quelque chose ... à moins que ... Oui, laissons là dévoiler d'elle-même avant d'aller plus loin. Nous devons faire attention à nous, surtout lorsque nous montrons notre vrai visage ! Cela dit ... Une si aimable créature ne saurait nous faire du mal ... Mais ... Elle a un enff... un enff... il est malade !

Hum ... espérons que ce médecin soit aussi doué qu'on le prétend, sinon nous sortirons de cette bâtisse avec moins d'espérance de vie que lorsque nous sommes entré ...

Eve plissa légèrement les sourcils en entendant l'utilisation du pluriel et releva immédiatement:

- Nous? Vous et… ?

Eve jeta un regard autour d’Andromaque, cherchant cette autre personne qui serait englobé dans le “nous”. Il n’y avait évidement personne, et la petite humaine conclut qu’il s’agissait d’une façon originale de s’exprimer,
à moins que ce ne soit la marque d’une agitation intérieure…

- Excusez moi, ça n’a aucune importance. Je me nomme Eve, et je suis heureuse de faire votre connaissance, Andromaque. Il est à craindre que le soigneur soit absent, ou fort occupé.

Elle commença à se demander si elle avait bien fait de venir ici. Du temps et de l’argent - même si elle n’avait encore qu’une notion très vague de la valeur de ses choses là - perdus pour rien. Même si le médecin se présentait finalement, rien n’assurait qu’il soit capable de guérir Sammaël. Il allait falloir s’en remettre aux Dieux…

- Quel Dieu prêchez-vous donc?

Il était toujours amusant pour Eve de voir la façon dont les Dieux étaient considérés dans cette nouvelle aire, car l’approche était souvent différente de celle qui lui était coutumière dans son ancienne vie. Depuis son retour, elle avait eu l’occasion de croiser et d’échanger avec une Paladin de Von Luar, un croyant en Yehadiel et une adoratrice de Nayris. Si le souvenir de cette dernière rencontre était plutôt amer, elle était, de manière générale, impressionnée par les démarches religieuses.

Eve, quel doux prénom qui sonne agréablement à nos oreilles et qui ... Eve ? Se pourrait-il que ce soit ...? Non, ce serait ... Ce serait ... Et si c'était elle ? Après tout ... Pourquoi pas ... Peut être devrions-nous lui demander ... Non, demander l'âge d'une dame, c'est indécent, même si nous sommes parfois femme, cela ne se fait point. Mais cela est fort curieux. Et nous aimons que notre curiosité soit piquée, autant que nous aimons la satisfaire. Et voilà que notre belle nouvelle amie nous demande pour qui nous prêchons.

Nous voilà donc devant un cruel dilemme. Allons-nous lui dire ou lui mentir ? Nous ne sommes pas en territoire ami, avouer notre foi pour Nayris peut nous faire risquer gros. En revanche, le déclarer ici pourrait la faire réagir au point de répondre à nos questions intérieures à son sujet. Hum ... que choisir ? Et puis ... qu'allons-nous donc bien pouvoir inventer ? Dire que nous croyons en Yeha... non, si c'est LA Eve, elle pourrait nous démasquer. Dire que nous croyons en ... en qui donc ? Tout sauf Nayris sera brûlure sur notre langue ...

Et si nous lui disons que non seulement nous croyons en Nayris mais qu'en plus nous la servons ... Elle connaît notre vrai visage, notre identité ... Mais le jeu pourrait être drôle ... Peut être même que nous pourrions discuter en toute amitié. Elle doit avoir des choses intéressantes à dire si elle est vraiment elle. Oui, nous allons le faire !

Nous servons la Déesse de la Mort, très chère Eve. Nous aurions peut être du, en ces lieux, prétendre le contraire, mais votre nom a piqué notre curiosité, bien qu'il soit peu employé dans nos litanies. Puisque nous vous avouons sans crainte notre appartenance, accepteriez-vous de nous révéler si vous êtes cette Eve, celle que notre Déesse a ... pris en grippe ? Oh, nous vous rassurons avant que vous ne répondiez : nous sommes ici en tant que patient, et non en tant que prêcheur, encore moins en tant qu'ennemie. Mais nous avons la curiosité avide et nous aimons converser théologie ... alors imaginez notre bonheur, si vous êtes LA Eve, de pouvoir palabrer avec un mythe vivant !

Allons, faisons-lui les yeux doux, car après tout, c'est vrai, même si elle est elle, nous ne lui ferons aucun ma. Point ici qui plus est ... Nous ne sommes pas chez nous, et il est inconvenant de faire le mal chez les autres, si on n'y est point invité.

Un, deux, trois, un, deux, trois - répéta sans bruit l'humaine, à la fois pour ne pas paniquer et pour réussir à remettre les informations reçues dans l'ordre. Un deux trois, un deux trois. Pourquoi n'avait-elle pas prévue cette réponse? Parce qu'elle était en terre féral, peut être, mais surtout parce qu'Andromaque ne ressemblait pas à un Adorateur de Nayris. Mais qu'en savait-elle au fond? A quoi doit ressembler un adorateur? N'importe qui peut vénérer la déesse de la mort sans pour autant ressembler à ces paysages terrifiants et obscurs des Limbes. Nayris elle même avait autrefois l'habitude de prendre l'apparence d'une femme, belle et avenante. Un deux trois. Pourquoi Andromaque se faisait aussi rassurante? Elle semblait soupçonner le passé d'Eve et pourtant il n'y avait dans ses mots aucune agressivité, aucune hostilité. La situation était pour le moins cocasse, l'humaine se trouvait face à un adepte de la déèsse qui l'avait torturé pendant des milliers d'années, et ce fervent croyant lui proposait de converser dans ce salon de thé improvisé. Un, deux, trois Bluffait-il? Naïveté oblige, Eve était convaincue que non. Mais le fait de croire aux bonnes intentions de son interlocuteur n'apaisait pas encore sa peur.

Elle fit deux pas en arrière, ce n'était pas très correct envers Andromaque, mais rester immobile était au dessus de ces forces, et ce léger recul était un bon compromis entre l'impossible calme et la fuite pur et simple. Derrière elle, Sammaël, assis sur le sol, avait posé ses deux figurines et écoutait, silencieux, tout ses sens sensibles à la tension palpable de la pièce.

Pouvait-elle nier? Même si c'était la consigne donnée par la famille Féral, elle était inapplicable ici. Sa reaction était une preuve criante de son identité, et elle ne pouvait prendre le risque de mentir à l'adorateur. Il ne faudrait pas grand chose pour que le "mythe vivant" devienne un "mythe mort", ce qui serait bien moins agréable, surtout en prenant en compte la destination promise aux défunts.

- En effet, j'ai eu quelques rapports conflictuels avec votre déesse. En revanche, j'ai peur de ne pas pouvoir apporter de témoignages qui feront grandir votre foi et votre dévotion pour Nayris.

Elle hésita, detourna le regard, repoussa une mèche de cheveux en arrière et revint soutenir le regard d'Andromaque. La curiosité l'emporta finalement et elle ajouta:

- Je ne comprends pas... Pourquoi souhaitez vous uniquement discuter? Je ne m'en plains pas, mais ne pensez vous pas que la reine des limbes aurait attendu de vous... une autre attitude?

J'avais revu Alys avec plaisir quelques jours auparavant et elle m'avait fait passé une commade un peu...spéciale. Lorsque qu'elle était repartie, j'avais pris la direction, du manoir Féral situé au grand Lac et y avait retrouvé Eve, une femme bien différente des démons environnants... Je n'avais pas voulu en savoir trop sur elle mais je ne put m'empêcher de penser qu'une simple humaine n'avait pas vraiment sa place au milieu d'une famille de démons. C'est pourquoi je l'avais "inspecté" et avait découvert une chose étrange, elle était humaine mais avait plus de 8000 ans!!! Je ne put me retenir et la question finit par être posée, et la réponse: elle était Eve, la première humaine, être pure innocent, mais surtout, immortel.

Ma réaction? Le respect le plus total et une franchise sans limite, je pris la peine de prendre forme dragonique pour les emmener là ou ils devaient allez, car oui, elle avait un jeune enfant et il devait être emmené chez un médecin. Enfin le médecin était surtout une excuse pour que je puisse lui apporter quelque chose de...particulier.


Une fois la commande d'Eve récupérée, je retournai à la maison du médecin. Personne n'était en vue et aucun signaux indiquaient la présence de vie aux kilommètres environs, la seule source venait de l'intérieure de la batisse, je reprit forme humaine et dessendais la pente; arrivait devant la porte et l'ouvrait. Il y avait une troisième personne en plus d'Eve et de son fils. Et ce n'était surement pas le médecin... Mon regard rouge braise se posa sur lui, et je découvris une mine d'information, ma phobie pris le dessus et je pris le temps de l'étudier en détail, chaque parcelle de son corps fut scruté à la recherche d'information, au bout d'une minute, mes yeux commencèrent à me faire souffrir mais il ne me manquait qu'une chose: un nom pour la race de cette personne. Mais mon objectif premier était autre.

<< Dame Eve, voici ce que vous m'aviez demandé>>

Je lui tendit un panier ou ce trouvait du pain frait du fromage et quelques autres victuailles; et au milieu ce trouvait un flacon comportant le liquide demandé.

<< Le flacon contenant le liquide que vous m'aviez demandé est à l'intérieur, mais faite attention à ne pas avoir de plaies en le manipulant. >>

Puis, lentement, je me retournait vers le troisième individu, il n'avait pas l'air bien, un malade? Quelle méthode devrais-je employer pour lui soutirer l'information recherché? Le secouer un peu? Ou essayer d'abord de demander gentillement?

<< Dite moi, vous n'êtes pas... >>

Et puis merde quoi! Qu'il réponde vite!

<< Je sais que vous n'êtes pas humain, à quelle race appartenez vous?

HRP:

Oh, nous avons donc tapé dans le mille ! Ève, c'est LA Ève ! Oh Nayris, dois-tu nous aimer à l'infini pour nous offrir ce beau présent ! Et sur les terres de nos ennemis qui plus est ... Nayris, déesse de nos pensées, nous ne pouvons que te vénérer davantage pour ce cadeau divin ! Pauvre enfant, nous lui causons tant de crainte ... Oh déesse bien-aimée, que vous avez du être cruelle envers cette jeune écervelée ... Il est vrai que la rancune du cœur est une force incroyable pour déverser la haine qui nous empli. Nous allons devoir la jouer fine, et poser nos mots avec douceur. Oui, parler avec amour, nous savons faire. Nous avons tant prêcher que nous savons deviner ce qui attire et ce qui repousse. Et cette femme-là a besoin qu'on lui ouvre les bras, qu'on la réchauffe, qu'on l'accueille avec amour. Oui. La flatter dans son rôle de mère aimante, la rassurer dans sa qualité de femme aimable. Lui montrer que Nayris est désormais une déesse de vie et d'amour. Oui, un challenge à notre hauteur !

Et bien voyez-vo... que ?

Oh diantre, quelle interruption ! Les gens d'ici ne sont bien que des rustres et ... Oh, un ami de cette dame semble-t-il ... hum, il va donc nous falloir faire preuve d'une extrême prudence dans nos propos ... Et ... mais qu'a-t-il à nous déshabiller du regard, c'est inconvenant ! C'est dégradant ! C'est dégoûtant ! C'est ... oh, bel homme tout de même. Charmant. Et ... uh, c'est bien le moment tiens ! Voilà que nous servons les affres de nos hormones et redevenons femme. Oh, ce n'est pas plus mal après tout, il nous sera sans doute plus aisé de parler avec Ève de femme à femme. Enfin, si cet énergumène nous le permet !

Hum ! Nous sommes, jeune homme, un spécimen honorable de la race si bien conçue des métamorphe. Et cessez de tenter de regarder à travers notre toilette, c'est indécent ! Nous nous nommons Andromaque, et nous étions en grande conversation avec cette noble dame, et si cela vous sied, nous aimerions continuer cette saine activité ...

Là ! Nous l'avons mouché ! Tiens, d'ailleurs, nous devons également nous moucher. Ha quelle organe ! Un trompettiste ne serait pas plus doué que nous ! Voilà et ... uh, toujours aussi verdâtre ... mais que fait ce bougre de médecin ! Nous allons mourir, ce doit être ça ! Diantre ! Bien, cachons cette preuve de notre état dans notre poche pleine de mouchoirs usagés et remplis, et retournons à notre belle interlocutrice ...

Et donc, mâdâme, nous allions vous dire que notre but n'est que la simple réalisation de notre devoir, justement. Nous avons une fois entendu qu'il fallait encore mieux connaitre ses ennemies que ses amis, alors nous nous faisons un devoir de connaître chaque personne que le destin met sur notre chemin. Nous ne faisons, en réalité, que satisfaire notre insatiable curiosité qui nous pousse à nous intéresser à tout le monde ... Il est vrai que cela nous perdra sans aucun doute, mais on ne chasse pas facilement sa nature, n'est-ce pas ? Et oh, d'ailleurs, qui est ce monsieur que vous semblez fort bien connaitre ?

Oh, quel talent ! Cette allusion fort peu discrète dans notre dernière phrase ! oui, nous aimons les potins !

Déboussolée par l’enchaînement des événements, Eve s'efforçait de raisonner sagement. Que dire, que cacher? Que faire, de croire, que penser, que montrer? Qu'est ce qui est risqué, qu'est ce qui est plus sur? Toutes ces questions la perdaient encore plus, elle était surprise par ce qu'elle s'entendait penser.

Finalement, elle décida que l'arrivée de Voyl était une bonne chose, rassurante au moins. En engageant un "garde du corps" , elle cherchait surtout à rassurer ceux qui s'affolaient de la voir partir seule avec Sammaël. Mais à plusieurs reprises elle avait déjà estimer que cette protection, en plus d'être une agréable compagnie, pouvait aussi se montrer très utile.

Voilà qu'Andromaque devint femme. C'est une transformation en temps réel des plus surprenante, déstabilisante même. A qui parle t-on vraiment? Aucun doute, il s'agissait de la même personne mais, sans raison logique, Eve se sentit plus apaisée de parler à une femme. En dépassant la ressemblance entre Andromaque et sa déesse - ces deux femmes semblaient si attachées à l'image qu'elles donnaient - Eve s'aperçue aussi de toutes leurs différences. Les adorateurs n'étaient des simples répliques de la déesse qui hantait les Limbes, il fallait aussi prendre en compte tout leur caractère, leur histoire, ...

- Voyl Vangard, il a eu la gentillesse d'accepter de m'accompagner dans ce voyage. Voyl, je viens de faire la connaissance de Monsieur... Madame... euh, Andromaque, qui souhaite elle aussi rencontrer ce fameux docteur. Et elle est aussi precheresse pour Nayris.

Elle avait legerement hesité avant d'ajouter ce detail, mais s'il devait se passer quoique ce soit, Voyl serait mieux en mesure d'agir s'il avait toutes les informations en mains.

- Je vous demande pardon pour ma reaction Andromaque, j'ai pris peur et je pense que vous comprenez pourquoi. Je partage votre curiosité, bien que je craigne que nos avis divergent trop pour qu'il nous soit permis de converser longtemps dans le calme.

Elle eut un petit sourire d'excuse. La dernière adoratrice de nayris qu'elle avait put rencontrer était resté inconsciente après un combat qui aurait fait rire n'importe quel combatant experimenté, mais qui avait fortement éprouvé Eve, moralement plus que physiquement. Elle pris un morceau de pain dans le panier que lui avait remit Voyl et le donna à Sammael avant de se retourner vers Andromaque.

- D'où vous est venue cette foi si forte pour la déesse originelle?

La race des métamorphe? Intéressant, je sortai mon calpin et notai ceci ainsi que les informations capitales au sujet de cette race quand elle dit une parole quelque peu stupide.

<< Tenter de regarder au travers de... mais je n'ai aucun besoin de chercher a faire cela... Je n'ai en ce monde, d'yeux que pour une femme et celle ci et loin d'ici. >>

A ces paroles j'eu une pensée pour Alys et eu un sourire des plus charmants. Il ou elle demanda à ma commenditaire, Eve qui j'étais, et j'allais répondre lorsqu'elle le fit pour moi.

<< Je me permet d'ajouter que je suis mercenaire; Voyl Vanguard mercenaire et grand conseillé des Lames d'argent pour vous servir >>

C'est sur ces paroles qu'un vieil homme apparu vers l'enfant de dame Eve, il n'avait pas l'air très en forme et assez contrarié du bruit sensiblement trop intense que l'on devait faire. Il se présenta comme "médecin". Mes pupilles devinrent brievement rouge et je sus qu'il était humain, rien de bien intéressant, seulement, l'impression qu'il dégageai était étrange, il me mettait mal à l'aise sans que je ne puisse expliquer pourquoi.. Puis je me retournais vers Andromaque.

<< Un précheur de Nayrïs hein... >> Dis-je à voie basse.

Un petit sourire se dessina sur mon visage en pensant que peut-être personne ne le regrêterai et que je pourrais m'adonner à un examin plus...physique de cette race...sur le cadavre de ce dernier. Puis mon regard croisa celui d'Eve. Elle était ma priorité, si je le retrouvait une fois Eve r'ammené à bon port, je pourrais m'en donner à coeur joie...

Tenter de regarder au travers de... mais je n'ai aucun besoin de chercher a faire cela... Je n'ai en ce monde, d'yeux que pour une femme et celle ci et loin d'ici. Je me permet d'ajouter que je suis mercenaire ; Voyl Vanguard mercenaire et grand conseillé des Lames d'argent pour vous servir.

Nous le regardons à peine. Que nous veut-il, bon sang, cet énergumène venu troubler notre aimable conversation, avec ses remarques si ... paysannes ! Oh flûte à la fin, il est agaçant à coller sa ... maîtresse ... Est-ce elle qu'il aime ? Hu, ce serait cocasse, elle semble si indifférente. HA ! Oh mince, il nous parle encore ...

Hum ? Oh, vous faites ce que vous voulez de votre vie l'ami ...

Nous nous retournons donc à notre si agréable interlocutrice. Oh, très chère Ève, ne soyez donc pas aussi apeurée à notre contact, ce n'est point ici et maintenant que vous risquez quoique ce soit. Nous ne comptions que nous faire guérir ici et nous changeons rarement nos plans. Et puis, la pêche aux informations est tellement grisante !

Je vous demande pardon pour ma réaction Andromaque, j'ai pris peur et je pense que vous comprenez pourquoi. Je partage votre curiosité, bien que je craigne que nos avis divergent trop pour qu'il nous soit permis de converser longtemps dans le calme. D'où vous est venue cette foi si forte pour la déesse originelle ?

Que de mots bien choisis, et quelle question si vaste à laquelle nous allons devoir répondre. Quelle aimable petite ... Oh, petite ... Nous devrions être honteux : c'est nous le vermisseau devant elle ! Huit millénaires tout de même, nous faisons pâle figure avec nos même pas deux siècles ! Ha ! Nous devons quoiqu'il en soit la rassurer ... Oui oui oui !

Ne craignez rien pour la calme de notre conversation : nous ne sommes point du genre à nous énerver devant si aimable personne que vous. Et nous savons, par ce que nous connaissons de vous, que votre opinion sur notre Déesse est établie et que rien de ce que nous dirons ne vous fera changer d'avis. ce n'est là d'ailleurs point notre but. Prétendre vouloir vous convertir serait tout autant une hérésie que du suicide ... Mais la discussion ... Cela est de notre domaine !

Nous sommes enjoué. Oh oui, nous aimons tant palabrer de théologie !

Quant à notre foi pour notre Déesse ... C'est une très longue histoire, voyez-vous nous avons été élevé dans sa foi et ... Oh !

Un nouvel arrivant. Décidément nous ne pourrons jamais finir cette conversation ! Qui est donc encore ce vieillard qui ... Oh, le médecin ?! Diantre, comment une ... croûte pareille pourrait bien nous soigner ? S'il n'a sûrement pas le même âge qu’Ève, lui il les fait ... Nous sommes même étonné qu'il arrive à marcher sans se casser en deux ... Avec les enfants, nous détestons encore plus la vieillesse. Les vieux, ça pue la poussière et la moisissure. Pire que les enfants oui. Et voilà que dans une même pièce où nous nous tenons, le destin réuni deux spécimens de ces ... choses ! Ha, Nayris, tu ne cesse de nous tester !

Bien le bonjour messire médecin, nous vous prions de nous excuser pour la conversation animée que nous tenons céans ... Cette ... jeune dame était là avant nous par ailleurs, déclamons-nous avec une mignonne petite révérence à l'intention de notre compagne de ce jour.

Nous la regardons et lui glissons tout bas :

Si vous voulez, nous pourrons continuer cette saine discussion plus tard, nous nous en voudrions de perturber votre emploi du temps avec nos prolixes paroles ...

Eve était encore hésitante. Entre crainte et curiosité, souvenirs et espoirs, le choix se dérobait à la simplicité. Encore eut il fallut qu'elle ait reelement le choix, le contexte lui permettant difficilement d'autre choix que celui de jouer le jeu de la courtoisie. Mais l'attitude de la pécheresse, qui semblait si douce et raffinée malgré son étrange apparence, l'encourageait à engager et apprécier cet échange, au lieu de subir poliment.

D'un autre coté, la présence de Voyl lui rappelait qu'elle n'était pas dans un salon de thé au sein du domaine des Férals, mais au fond d'une étrange impasse où seuls les fous et les désespérés jugeaient bon de s'aventurer. Désespérée, Eve l'était. L'enjeux de ce périple étant de trouver l'espoir d'une guérison pour son enfant dont la croissance exponentielle cachait une course aveugle vers la mort. Sammaël se consumerait en deux ou trois années, pas plus, assuraient les médecins les uns après les autres, sans être capable de donner le moindre remède. Une perspective vertigineuse pour l'intemporelle première humaine qui souffrait de ne pouvoir rien faire pour protéger son fils.

L'entrée du médecin fit sursauter Eve qui prit rapidement le sang mêlé dans ses bras, remercia d'un sourire Andromaque qui lui laissait la priorité et l'assura quelle était prête à prendre le temps d'une discussion une fois leurs entrevues respectives avec le médecin terminées.

- Vous m'attendez? Demanda t-elle d'une voix inquiète au mercenaire avant de suivre le medecin dans la salle voisine.

Elle sortie moins d'une demi heure plus tard, les dent serrées, le regard fuyant mais plein de colère. Quand la porte se referma sur Andromaque, elle attrapa de sa main libre un objet sur une étagère et le serra de toute ses forces. Elle s'en voulait d'avoir eu trop d'espoir, mais elle en voulait surtout au destin ou hasard, quelque soit son nom, d'avoir donné cette malediction à son fils. Elle se refusait au désespoir mais héritait en échange d'une colère étrange qui lui donnait envie de s’énerver, qu'importe la raison ou la personne.

La jeune mère resta crispée ainsi jusqu'à ce que le sang coulant sur son poignet lui offre un autre sujet de préoccupation. Elle relacha l'objet coupant sur lequel elle avait tenté de faire passer sa colère et grimaça devant l'état de sa main droite. Maudissant son impulsivité inconsciente, elle déposa Sammael sur le sol et chercha sur les étagères un tissu pour bander sa main.

- Merci pour les courses, dit-elle à l'intention de Voyl tandis qu'elle s'affairait. Ne trouvant qu'un vieux carré de tissu à la propreté douteuse, elle entreprit de le nouer à l'aide de sa main gauche.

- Pensez-vous que Andromaque ne représente aucun danger? Depuis le début de leur périple, elle avait appris à faire confiance au dragon, aussi consciencieux qu'elle était inconsciente. Sa personnalité discrète mais accessible avait achevé de convaincre Eve de lui donner son entière confiance. Elle souhaitait en faire autant avec la pretresse, mais ne pouvais pas passer à coté de l'avis de son garde du corps. Elle se demandait aussi si Voyl et Andromaque avaient échangé pendant son absence, et quelle avait été la nature de leur discussion si elle avait eu lieu.

Incapable d'y parvenir seule, elle finit par lui tendre sa main blessée avec un sourire d''excuse pour qu'il referme le tissu d'un petit noeud.

- Ce medecin serait bien incapable de guerir le moindre rhume, soupira-t-elle au passage avec mauvaise foi.

Eve était sortit de la deuxième salle, et je vis clairement dans quel état d'esprit elle était et ce que cela signifiait.
C'est surement inconsciemment qu'elle prit dans sa main un objet douteux qu'elle entreprit de serrer tellement fort qu'elle ce coupa avec celui-ci; et c'est à ce moment qu'elle prit conscience de son acte et voulu utiliser un bout de tissu tout aussi douteux pour s'en servir de bandage. Elle me demanda ce que je pensais d'Andromaque,mais, voyant qu'elle n'arrivait pas à faire de "bandage de secours"; je sortit deux chiffons de l'une de mes petites sacoches, j'imbibait le premier d'eau contenu dans une gourde et nettoyait la plaie avec soin, faisant attention de ne pas lui faire mal. Je pliai ensuite le deuxième chiffon et l'apposait sur la plaie; je fini par utiliser un bandage afin de faire tenir le tout. Je fini par lui dire:

<< La prochaine fois plutôt que de vous blesser bêtement, si vous avez besoin de vous calmer, frappez moi de toutes vos forces, et n'utilisez pas d'objets à la propreté aussi douteuse pour vous soigner, une infection et bien trop vite arrivé.

Un cour silence passa, comme si une gêne due au actes d'Eve et à mes paroles nous avaient éloignés; puis, je repris avec un sourire rassurant:

<< Concernant Andromaque... Il ou elle ne représente aucun danger pour moi ou pour toute autre personne que je protège. Sa musculature n'est pas celle d'un combattant et je ne pense pas qu'il cache de pouvoir magiques suffisants pour être dangereux... Par contre...sa race m'intéresse.

Je fini ma phrase avec une lueur d'intérêt dans les yeux. Lueur qui s’estompa rapidement avec le retour d'Andromaque dans tout ces états.

<< Voulez vous rentrer de suite ou rester parler avec...elle? Attendre ne me dérange pas et ce sera de toute manière, le même tarif...sauf si quelque chose d'imprévu arrive. >>

Et c'est en espérant que quelque chose d'amusant ce passe que j'attendais la réponse d'Eve.

HRP:

Durant une bonne trentaine de minutes, nous nous retrouvons seul avec cet homme. Nous n'avons rien à lui dire. Il n'a pas l'air de nous apprécier et d'ailleurs lui-même ne nous est pas très agréable. Nous échangeons des regards tantôt gênés, tantôt renfrognés, mais le temps que dura la consultation de cette chère Ève nous n'avons rien commis d'imprudent. C'est déjà ça ... Il nous serait bien désagréable de mourir ainsi en cet endroit, et aussi tôt alors que notre vie commence seulement à être réellement intéressante ... Non pas que voir Nayris ne soit pas une perspective plaisante ... mais tout de même !

Trente minutes donc viennent de s'écouler et voilà que notre aimable nouvelle amie revient dans cette salle d'attente encombrée. Son regard empli de malaise trahit l'impuissance du médecin ... Espérons qu'il arrivera à nous guérir de nos allergies tenaces ... Mais cela nous fait nous demander ce qu'il se passe pour elle et son fils ... Quelle maladie les touche ainsi pour avoir recours à cette aide ?

Mais trêve de rêveries et de questionnements intérieurs, il est temps pour nous de passer devant le praticien, et nous laissons là cette belle femme et son acolyte, non sans avoir signifié notre ardent désir de continuer cette conversation des plus riche en contenu. Cela sera fort plaisant pour nous, nous aimons beaucoup converser avec des êtres intelligents. Et cette femme là ne semble pas dénuée d'esprit.

Nous voilà donc devant cet étrange vieillard qui nous ausculte et nous questionne. Nous ne serions pas habitué à nos propres médecins en Adhès que nous en serions vite décontenancé, mais l'examen se révéla fort rapide et efficace. Ravi de nous savoir loin de l'agonie, nous acceptons donc avec grand plaisir l'immonde potion dans son poussiéreux flacon que nous vend le médecin. Cela hume la mort, mais tant qu'elle nous permet d'humer autre chose après, nous la prendrons avec rigueur !

Ainsi donc, nous sortons avec notre médication pour rejoindre notre nouvelle amie, non sans transmettre le souhait du vieux bonhomme rabougris.

Monsieur Vanguard, le médecin nous a de mandé de vous confier qu'il aimerait palabrer un instant avec vous. Nous vous en faites point, nous tiendrons compagnie à cette dévouée mère en vous attendant !

La commission passée et l'homme musculeux passé dans l'autre pièce, nous voici à nouveau seul avec Ève, comme il nous convient fort bien. Et là nous remarquons sa main bandée, qui ne l'était pas tout à l'heure ... Étrange ... Vraiment, étrange ... Hum ! Quoiqu'il en soit, nous lui sourions le plus aimablement possible, car il est vrai que cette jeune femme ... cette femme ... ne nous déplaît pas et qu'elle est d'une très agréable compagnie. Même si elle a avec elle ce ... cet enf.... ce ... voilà !

Chère enfant, votre main ... Vous devriez faire plus attention, une si belle nature que la vôtre ne devrait jamais subir les affres de la vie, à mon sens ... Mais dites-nous, nous sommes très curieux par essence : votre rejeton doit-il endurer de grandes souffrances que vous veniez ici ?

Et nous concluons notre question par un sourire tout aimant qu'il puisse être, non pas par compassion pour le petit être à côté de nous, mais plutôt pour cette femme qui a touché de près notre Déesse vénérée.

Voyl pansa la plaie avec application, tandis que la blessée baissait les yeux en repentir de cette stupide blessure. L'androgyne arriva peu de temps après, transmettant l'appel du medecin qui souhaitait rencontrer le dragon.

- Je vais rester parler un peu, je n'ai rien à craindre ici. Elle ajouta en regardant Andromaque avec un sourire complice: Et si les Dieux ont demandés que nos chemins se croisent, ce n'est certainement pas sans raison. J'aurais bien honte de me défiler devant mon destin.

Elle resta donc seule avec l'adoratrice de Nayris, ne sachant pas trop par où commencer, ni même la réelle direction de cette conversation. Ce qui l'intriguait particulièrement chez Andromaque était sa curiosité posée. Quel calme! Quelle neutralité! Leurs histoires et allégeances respectives faisaient pourtant des deux femmes des ennemis potentielles, ou du moins des ennemis de nature!

Chère enfant, votre main ... Vous devriez faire plus attention, une si belle nature que la vôtre ne devrait jamais subir les affres de la vie, à mon sens ... Mais dites-nous, nous sommes très curieux par essence : votre rejeton doit-il endurer de grandes souffrances que vous veniez ici ?

Tant de gentillesse et d'attention. A milles lieux de ce que Nayris avait toujours été. Comment était-ce possible? Y avait-il un aspect du caractère de la déesse bienveillant, doux et généreux? Une version lumineuse de la déesse qu'Eve n'aurait pas sut voir pendant les millenaires passés avec elle? Le fait d'etre du côté "ennemi" de la Reine des Limbes ne lui avait certainement pas permis d'en connaitre les facettes plus sympatiques, mais de là à penser que sa tortionnaire avait des qualités d'écoute et de compassion ... Eve n'était pas encore capable de ce type d'extrapolation.

- Aucune souffrances, Yehadiel en soit loué! Mais le temps à plus d'emprise sur lui que sur un être humain ou un démon normal.

Son regard glissa vers l'enfant. Sans nul doute, il comprenait bien plus que ne le laissait croire son bas âge et son visage innocent.

- Il ne lui reste, selon les médecins, que 4 ou 5 ans à vivre, si nous ne trouvons aucun moyen d'arrêter ou de ralentir ce mal. Quelle injustice! Il n'a pas eu le temps de déplaire aux Dieux qu'il est déjà puni! Les malheurs touchent trop souvent les innocents...

Elle se ressaisit rapidement, en souvenir de cette promesse qu'elle s'était faite à elle même quand le verdict de la maladie était tombé. Ne pas se plaindre, se tenir droite, pour ne pas accabler son fils et être capable de remercier le ciel pour l'existence de celui ci.

- N'est-il pas imprudent de votre part de venir en ces lieux? D'où venez vous? Il me semble avoir vu trop de décrets et d’exécutions contre les vôtres pour que vous même les ignoriez...

Loin d’être accusatrice, elle était surtout curieuse, et se retenait pour ne pas poser d'autres questions qui pourraient, peut etre, etre indiscrètes, à moins qu'elle ne vexent ou qu'elles enervent Andromaque.

... le temps à plus d'emprise sur lui que sur un être humain ou un démon normal. Il ne lui reste, selon les médecins, que 4 ou 5 ans à vivre, si nous ne trouvons aucun moyen d'arrêter ou de ralentir ce mal. Quelle injustice ! Il n'a pas eu le temps de déplaire aux Dieux qu'il est déjà puni ! Les malheurs touchent trop souvent les innocents ...

Démon normal ? Diantre ! Fichtre ! Cet enf... cet enfa... il serait donc à demi-démon ? Cette Ève serait donc plus pervertie que nous le pensions ... Ainsi donc Nayris avait vu cette noirceur en elle ... HA ! Nous possédons tous une part de ténèbres après tout ! Mais cela nous rend cette créature plus intéressante encore. La pureté souillée par un démon, c'est d'un cocasse ! Nous aimons, cela nous fait sourire ... Et donc ce rejeton sang-mêlé est condamné ... Hum, intéressant ... Très chère Ève, vous payez l'affront d'avoir forniquer avec une incarnation du mal, c'est indéniable. Et nous, nous savons ce qui sauverait votre précieuse descendance. Oui, un beau sacrifice, pour Elle. Une âme encore innocente dont le sang nous serait si utile. Il ne souffrirait plus et nous serait d'un secours certain. Et puis, Elle pourrait aisément le ramener sans son mal, nous le savons. Que cela serait amusant ! Ah, Nayris, tu nous envoies vraiment de si belles choses sur notre route ! Que notre rhume des foins soit béni, pour une fois ! HA !

N'est-il pas imprudent de votre part de venir en ces lieux ? D'où venez vous ? Il me semble avoir vu trop de décrets et d’exécutions contre les vôtres pour que vous même les ignoriez ...

Que ? Oh, nous l'oublions presque, il est vrai qu'elle nous parle, nous devrions aimablement lui répondre, tout de même, n'oublions point la bienséance et le savoir-vivre ! Que diable, un peu de tenu, nous le devons de par notre statut !

Oh, vous savez, bien malins seront ceux qui arriveront à nous trouver, très chère amie. Nous ne sommes pas toujours sous cette image, et bien souvent trop difficile à reconnaître. Et puis, nous avons appris une chose incroyable sur ce monde : la meilleure cachette c'est l'ostentatoire ! Personne ne s'attend à ce que nous soyons aux yeux et vues de tous sans trembler ... Mais que vos craintes, si cela en est, ne vous peinent point : quand bien même nous serions un jour capturé et mis à mort, ceux qui en seront la cause ne feront que précipiter notre venue à Nayris, ainsi que notre retour en ce bas monde, car notre amour pour Elle est si grand qu'elle ne saurait nous laisser près d'Elle à ne point pouvoir la servir.

Nous lui sourions toujours aimablement. Notre corps, qui redevient masculin et reprend sa digne virilité, sent les affres du désir l'envahir. Ha ! C'est bien le moment ! Hop hop hop, nous devons garder le sérieux de la conversation et tenter d'oublier qu'elle est femme voluptueuse et somptueuse. Penser à Nayris ! NON ! Nayris est encore plus désirable ! Fou que nous sommes ! AAAAH ! Zut, qu'étions-nous en train de dire ? Oui, sa question ... y répondre ! Voilà ! Et garder ce sourire amicale et sincère. Oui, parfait. Bien ...

Quant à l'endroit d'où nous venons, nous craignons de ne pouvoir que vous dire cela de façon vague : nous venons tous, nos sœurs, nos frères et nous-même, de la terre que notre Déesse n'a pu garder dans les limbes. Seule cette terre nous accueille et nulle part ailleurs nous ne voulons vivre. Alors tous ces décrets nous font bien rire en vérité, car hormis de rares parmi nous, tel nous-même, aucun des nôtres ne foule les terres qui nous refoulent sans raison fondée. Mais croyez bien, très chère amie, que nous sommes bien plus hospitaliers que ce que les rumeurs clament sur notre compte ...

ET TOC ! Haha ! Nayris est grande, Elle est magistrale ! Elle est unique source de vie et de mort ! Elle seule peut dominer ce monde ingrat et Elle seule le mérite ! HA ! Nous pensons que notre rictus paisible se meut en satisfaction affichée, mais nous nous en fichons. Nous sommes Élu Prêcheur ! Nous sommes Sa voix à travers le monde. Nous convaincrons les foules de nous rejoindre, de La servir ! Oui ! HA ! Mais si nous pouvions avoir Ève ... Ha ! Quel pied de nez au destin cela ferait ! Notre plus beau coup, c'est indéniable !

Mais dites-nous Ève, nous pouvons également vous retourner la question : qu'est-c e qu'une si belle et pure femme comme vous fait avec une famille de démons aussi puissante et belliqueuse que l'est celle des Férals ? De ce que nous en avons entendu, ce sont loin d'être des personnages dotés de votre appréciable spiritualité ...

Oui, gente dame, qu'allez-vous nous répondre ?

Le médecin...si on peut appeler cette personne un médecin... avait demandé à me voir? C'est non sans avoir un légué doute au sujet de cet appel que je me dirigeais vers la salle dans laquelle ce trouvait le vieil homme tout en ayant des soupçons concernant les intentions d'Andromaque.

Une fois dans la salle, le vieillard me lança un regard étrange, il semblait réfléchir et chercher la réponse à une question qu'il n'arrivait pas vraiment à formuler lui même. Après s'être assis il posa son menton sur ses deux mains jointes avant de me poser une question des plus étranges.

<< Dites-moi, ais-je affaire à une personne avec deux personnalités ou à deux âmes bien distinctes... >>

Je commençai d'abord par observer autour de moi s'il n'y avait personne d'autre et lui répondit:

<< Je ne suis ni schizophrène, ni... Que voulez vous dire par deux âmes? >>

Il fallu un moment pour que le médecin me réponde, et encore, ce ne fut qu'après un sourire étrange qu'il m'énonça une énigme dont les paroles à peine audibles pénétrèrent pourtant profondément les méandres de mes pensées. Ils sonnèrent avec une incroyable force dans mon esprit et ce fut une évidence que le sens encore caché de ses paroles auront une importance capitale.

<< Ah oui jeune homme, prend garde aux humeurs de la reine déchue... C'est tout ce que je me donne le droit de te dire. >>

* Quoi? Quelle reine? De quoi parle t-il? *

<< Bien, sur ce, je te laisse quitter cette pièce...et ma demeure. >>

Je sortais de la salle, me demandant encore le sens de ces paroles lorsque je vis dame Eve toujours en compagnie d'Andromaque.

<< Je vous laisse poursuivre votre discussion, je vous attend à l'extérieur. >>

Tout en cherchant une solution à l'énigme que m'avais posé le vieillard, je sortit de la bâtisse, remontait quelque peu la pente et m'adossait au mur tout en fouillant les moindres recoins de ma mémoire à la recherche d'un indice...en vain, mis à part peut-être...Non, impossible.