Dana leva les yeux vers le ciel déjà sombre en cette fin de soirée pour alors apercevoir un petit flocon virevolter avec une légèreté infinie jusqu’à l’épaule de sa belle sœur Ceiluyne et où reposait la tête de son petit neveu d’un mois qui n’avait pas cessé une seule seconde de pleurer depuis qu’elles avançaient dans les rues de Cardrak. Un léger mal de tête commençait à se manifester chez elle, une petite lourdeur frontale, face à la mauvaise humeur de l’enfant et l’exaspération de la mère qui accéléra le pas jusqu’à la porte d’une des grandes maisons de la rue par laquelle venait de disparaître trois grandes silhouettes. Néanmoins, l’albinos avait le sourire. Son frère aîné qui s’était absenté ces derniers jours venait de rentrer avec d’autres guerriers et elle avait eu l’écho du lieu où ces derniers avaient décidé tout d’abord de s’arrêter. Tout naturellement, elle était passée chez Ceiluyne pour la prévenir et elle n’avait pas été étonnée de la voir attraper à la va-vite son tout jeune fils pour se précipiter dehors d’un pas ferme. Ensembles, elles étaient le jour et la nuit. Sa belle-sœur faisait bien une bonne tête de plus qu’elle, un corps musclé et charnu, des cheveux roux épais et retenus en une queue de cheval bâclée, des yeux noirs inquisiteurs et des joues parsemées de petites tâches de rousseurs. Si elles étaient proches ? Dana ne l’avait rencontrée qu’une fois revenue à Cardrak et si elle n’avait pas de mal à l’accepter au sein de sa famille, elles n’avaient pas pour autant développer de grands atomes crochus entre elles, la rousse bien plus terre à terre et occupée dans son propre foyer. Et le principal responsable de ce débordement venait de soudainement se taire quand un autre flocon de neige descendit jusque devant son petit nez, attirant bien plus son attention que la porte que venait d’ouvrir sa mère.

Maintenant, les pleurs laissèrent place à un brouhaha de diverses discussions plus ou moins animées, de rires rauques et la chaleur du grand feu de la taverne se faisait sentir depuis l’entrée. Etant la dernière, Dana referma la porte derrière elle et apprécia l’atmosphère plutôt bon enfant qui semblait régner ce soir-là, et pour combien de temps ? L’inquiétude et la colère de l’attaque sur leur roi dominaient beaucoup les échanges en général. Les Cardrakiens ne laisseraient pas cette infamie impunie, loin de là. Un rire familier s’éleva au-dessus des autres et les deux femmes tournèrent en même temps la tête vers une table plus vers le fond à droite, localisant de suite leur cible. Après un échange de regard, la rousse toujours quelque peu exaspérée, la plus jeune plutôt amusée, elles se glissèrent entre quelques tables pour rejoindre un Stein, une pinte à la main, frappant du poing sur la table, de toute évidence de raconter une bonne anecdote à ses compatriotes guerriers et qui se figea quand il aperçu les deux nouvelles arrivantes. Passée la surprise, époux et femme se retrouvèrent avec une certaine pudeur alors que la jeune Jansson ne se gêna pas le moins du monde pour enlacer affectueusement ce dernier, fermant les yeux à la main venant caresser ses cheveux.


- Bon retour parmi nous, grand frère ! dit-elle pour se reculer ensuite sous le regard un peu amusé des autres sans s’en soucier le moins du monde. Elle ne savait et ne voulait pas cacher ses émotions pour ne pas se préoccuper ainsi des jugements extérieurs. Et c’était une chose à laquelle Ceiluyne commençait à peine à s’habituer, se rapprochant de Stein alors que leur fils refaisait entendre de sa voix, en un élan possessif peut-être…

- Ne soyez pas trop jaloux, à peine les pieds remis à Cardrak, elles sont déjà après moi et ce n’était qu’une absence de quelques jours ! fanfaronna-t-il gentiment tout en faisant signe au tavernier d’apporter une autre pinte pour sa femme, conscient cependant que la venue de Ceiluyne exprimait le souhait de celle-ci de le voir rentrer plus tôt avec elle à leur maison, et s’il ne le fit pas pour sa sœur, c’était qu’il n’avait nullement l’intention de l’inciter à boire en bon frère protecteur. Un peu en aparté, se penchant vers l’albinos, le guerrier se fit un peu plus sérieux. A ce que j’ai cru comprendre, tu as pas mal de choses à me raconter.


- On a tout le temps pour ça, ne t’en fais pas ! Yehadiel veille sur nous… répondit aussitôt avec un sourire Dana qui préféra rester debout, remerciant d’un petit geste l’un des guerriers qui avaient voulu lui céder sa chaise et aller en chercher une autre. Elle préférait retarder toute discussion pouvant briser l’atmosphère légère à cet instant, lui faisant oublier son mal de tête naissant.

- Puisses-tu dire vrai, petite sœur ! Etait-ce un petit soupçon de tristesse qu’elle perçut chez lui ? La jeune femme fixa son frère qui, un bras autour de la taille de sa femme, ayant elle consentie à s’asseoir, souffla doucement vers le visage de son fils qui se calmait sous le mouvement de berceuse initié par Ceiluyne. Non, ils auront bien le temps, Cardrak n’allait pas disparaître d’ici demain et c’était bien une chose qu’elle ne pouvait imaginer. Impensable en tout point. Alors que la discussion changeait sur la fierté des pères présents autour de la table sur les bons guerriers que deviendraient leurs progénitures, Dana eut son attention détournée vers la gauche, apercevant plus loin un petit groupe qui ne devait pas venir d’ici, chose assez rare en ces temps, à moins qu’ils ne soient de Silena ou de Selian. Elle se recula un peu sur la gauche, dans l’espoir de pouvoir mieux les distinguer, leurs visages surtout, et ce sans la moindre discrétion, et voilà qu’elle sentit un choc, bousculant une pauvre âme dans son élan de curiosité. Elle se retourna alors vivement, les joues légèrement rouges de honte, commençant déjà à se perdre en maintes excuses.


- Oh, je suis désolée, vraiment, pardonnez-moi ! Je ne vous ai pas fait mal au moins ?

Saline. Plus précisément Cardrak. Voilà où les pas de Chioné l'avaient conduite, dans la perspective de découvrir qui avait bien pu commanditer l'assassinat de sa mère. Car pour qu'il y ait eu tout un groupe pour exécuter la basse besogne, il fallait un ordre venu de plus haut. Et la jeune femme donnerait tout pour le découvrir.

Mais lorsqu'elle arriva à Cardark, Chioné ne put s'empêcher d'observer avec un brin d'admiration la grandeur de la cité. Pour quelqu'un qui n'avait quitté Selian, son lieu de naissance, qu'une fois - deux si on comptait celle-ci -, la cité avait de quoi impressionner. Avec ses immenses bâtiments, sa foule fourmillante, la jeune femme se sentait toute petite à côté. Tellement petite qu'une petite angoisse la prit : et si son pouvoir se manifestait à ce moment-là ? Et si sa promenade se transformait en course-poursuite pour avoir accidentellement tué quelqu'un ?

Elle poussa cependant rapidement un soupir de soulagement : elle ne craignait rien, elle avait pris soin de mettre ses gants protecteurs... Au pire, il y aurait un peu de neige, mais pas de pic de glace qui finirait dans la gorge d'un passant... Guillerette par cette perspective, elle se remit en marche, cherchant des yeux un bâtiment ou quelqu'un qui pourrait la mettre sur la voie de sa quête personnelle.

Elle entra dans une auberge pas tout à fait pleine, et voulut se rendre au bar. Jusqu'à ce qu'elle se retrouve par terre, bousculée par inadvertance ; par réflexe, ses mains se mirent devant elle et amortirent le choc, qui heureusement n'était pas violent, marquant le sol d'une légère trace de neige. La jeune femme se relevait pendant qu'une jeune femme, qui l'avait bousculée, se répandait en excuses :

Oh, je suis désolée, vraiment, pardonnez-moi ! Je ne vous ai pas fait mal au moins ?

Chioné lui sourit pour la rassurer :

Non, non, rassurez-vous. J'ai eu plus de peur que de mal.

Elle défroissa sa robe avant de se présenter :

Je m'appelle Chioné. Ravie de vous rencontrer, peut-être pourriez-vous m'aider ?

Ah vraiment voilà qui lui apprendra à ne pas être vigilante à ce qui l’entourait totalement. Dana en oublia totalement le petit groupe qui avait attiré son attention pour la porter entièrement sur la pauvre personne qu’elle venait de bousculer. Et qu’elle ne fut pas sa surprise de se retrouver face à une jeune femme qui, tout comme elle, ne ressemblait absolument en aucun cas à une cardrakienne. Des cheveux blancs tout comme elle, une silhouette fine et fragile, mais si elle avait les yeux rouges, ceux de sa vis-à-vis était du bleu froid que l’on pouvait retrouver chez la glace. L’albinos n’avait pas entendu parler d’une telle personne à Cardrak et c’est tout naturellement qu’elle en conclut qu’elle ne devait pas être originaire d’ici. Sa gêne ne dura pas longtemps, rassurée de voir qu’elle n’avait provoqué aucune catastrophe. Dans une taverne, elle aurait fort bien pu déclencher un accident plus malheureux. Pas par un choc violent, elle n’en avait pas la force mais renverser une assiette ou un verre. Elle en avait déjà fait l’expérience une fois dans sa jeunesse, courant dans la même taverne, pas plus haute que les tables et surprenant un des clients trois fois plus grand qu’elle, résultant à une pinte renversée sur sa tunique. Heureusement, à son âge et avec sa bouille adorable, on lui pardonnait si facilement… Et c’était encore plutôt le cas à vrai dire. Elle entendit la voix de son grand frère en un « Dana ? » interrogateur et elle se tourna rapidement vers ce dernier, soufflant d’un ton rassurant.

- Tout va bien ! Elle était toujours autant surveiller par sa famille protectrice et si elle refit rapidement face avec un sourire à la dénommée Chioné ; Stein, lui, surveilla les deux jeunes femmes du coin de l’œil l’air de rien, si facilement méfiant. Enchantée, Chioné, je m’appelle Dana. Je suis bien rassurée que vous n’ayez rien, encore une fois, je suis vraiment désolée. Et bien sûr que je peux vous aider, en quoi puis-je vous être utile ? demanda-telle avec un franc enthousiasme. Rien de tel que de rendre service pour se faire pardonner pour le petit désagrément occasionné.

Pourtant, Dana voyait bien que rien de grave n’était arrivé mais c’était dans sa nature, il valait bien mieux rester dans la sympathie de nouvelle connaissance. Un raclement de chaise sur leur droite lui fit réaliser alors une chose, c’est qu’elle gênait le passage entre les tables à rester debout et elle désigna alors l’espace libre prés de la grande cheminée de la taverne à Chioné.

- Nous ne devrions pas rester ici, on bloque le passage, allons prés du feu et vous me raconterez ce qui vous amène ici et ce que je peux faire pour vous.

Se décalant déjà un peu vers la cheminée, Dana marcha alors sur la petite trace de neige, réalisant le contact moins dur du planchais sous son pied et elle baissa les yeux. Que faisait donc cette poudre blanche ici ? Certes, il y a peu quelques flocons étaient apparus mais le sol n’était pas couvert d’un manteau blanc dehors. Un mystère qu’elle préféra laisser pour le moment de côté, laissant la place pour passer à Chioné, si elle ne voyait aucun inconvénient à laisser le passage libre, toujours un sourire sur les lèvres. Elle avait le temps d'en parler après une fois qu'elles seraient plus tranquilles.

La jeune femme qui avait bousculé Chioné lui répondit avec enthousiasme :

Enchantée, Chioné, je m’appelle Dana. Je suis bien rassurée que vous n’ayez rien, encore une fois, je suis vraiment désolée. Et bien sûr que je peux vous aider, en quoi puis-je vous être utile ?

Chioné s'apprêtait à lui répondre lorsqu'elle se rendit compte qu'elles bloquaient le passage ; Dana l'invita donc à se décaler et à venir près du feu afin de lui dire en quoi pouvait-elle l'aider. La Reine des Neiges sourit et s'exécuta prestement, libérant ainsi le passage, en se rendant devant la cheminée où brûlait un feu revigorant.

Elle prit le temps de bien apprécier la chaleur du feu avant de répondre à la question de sa nouvelle connaissance :

Hé bien... Comment dire... Je suis à la recherche de la personne qui a commandité l'assassinat de ma mère, et à part un vague symbole qui était tatoué sur la main d'un des meurtriers, je n'ai pas d'indice.

Elle chercha dans son sac de quoi dessiner ; une fois qu'elle eut mis la main sur un bout de papier et un crayon, elle esquissa, de mémoire, le symbole en question :

Spoiler:

Elle tendit ensuite le dessin à Dana et lui demanda :

Ce symbole vous dit-il quelque chose ? Si oui, où pourrais-je le retrouver ?

Spoiler:

Dana laissa donc derrière elle l’étrange neige comme sortie de nulle part pour suivre Chioné, libérant ainsi le passage. En même temps, elles s’entendraient mieux en n’étant pas coincées entre deux tables et les voix fusant de toute part. Une douce chaleur se répandait autour de la cheminée mais ce que préférait l’albinos était l’odeur du bois, le bruit du crépitement et la danse des flammes. Dernièrement, elle y trouvait un repos bien agréable, à rester assise devant celui de la demeure de ses parents, se vidant peu à peu la tête des pensées de sa journée pour se laisser gagner par le sommeil. La jeune femme se plaça face à l’étrangère, tendant ses mains vers le feu pour les réchauffer un petit peu, tout en attendant ce qu’avait à lui demander. Elle ramena vivement ses mains vers elle quand Chioné lui expliqua ce qui l’avait amené ici. Elle fut sincèrement attristée d’apprendre le malheur qui avait frappé cette dernière mais aussi bien perplexe de la voir alors ici à Cardrak. La Jansson avait grandit dans un milieu aimant et surprotecteur pour être à chaque fois ramenée brutalement sur terre lors de ce genre d’information. La notion de la mort planant au-dessus d’elle à cause d’ennemis, le sentiment de vengeance et la perte d’un être proche lui étaient inconnus. Mais sa compassion n’avait pas de limite et elle n’était pas de ceux qui détournaient facilement le regard de la souffrance des autres.

- Je suis navrée pour ce qui vous est arrivé murmura-t-elle craignant que ses paroles puissent paraitre creuses mais déjà l’autre jeune femme était en train de dessiner le symbole dont elle avait parlé. Dana se sentait bien bête à cet instant, elle ne connaissait absolument rien en assassinat alors comment pourrait-elle savoir quoi que ce soit ou reconnaitre un signe qui pourrait être attaché à ce domaine ? Elle prit cependant entre ses doigts le papier et le leva à la lumière du feu pour observer le fameux symbole. Une croix avec un serpent l’entourant, le tout surmonté d’ailes et d’une couronne. Comme attendu, elle ne l’avait jamais vu de sa vie. Affichant une mine déconfite, elle se pinça les lèvres, rendant le papier à Chioné et elle secoua négativement la tête. Jamais vu ! Je ne suis sûrement pas la bonne personne pour vous renseigner mais je ne sais même pas qui le pourrait. Vous n’êtes pas de Saline, n’est-ce pas ? Je doute que vous puissiez trouver ici des réponses sur l’assassinat de votre mère. Le commanditaire n’est certainement pas d’ici, ça ne nous ressemble pas de faire appel à des assassins

Dana avait une image fière de son peuple et l’assassinat était un acte dégradant et loin de l’honneur des Cardrakiens à ses yeux. Ils affrontaient de front eux-mêmes plutôt que de passer par autrui en toute lâcheté. Et même, elle ne pouvait s’intéresser à ceux qui ôtaient la vie si facilement alors que pour elle, c’était là le bien le plus précieux qu’il y ait. Elle plongea son regard dans celui de Chioné, se demandant bien ce qu’elle pouvait ressentir, tristesse, colère ?

- Savez-vous pourquoi une telle chose est arrivée à votre mère? ajouta-t-elle en un petit éclair d’esprit. De prime abord, elle ne pouvait penser que la jeune femme devant elle puisse être liée à une fâcheuse histoire amenant à une telle fin. Si certains voyaient toujours le mal, c’était l’inverse dans son cas, et ce n’était pas vraiment une qualité, une naïveté qui pouvait bien finir par jouer des tours. Et si cette dernière trouvait des réponses ici à Cardrak, ce serait alors que la mère avait été d’une façon ou d’une autre ennemie aux yeux du peuple de l’albinos mais, ça, c’était un détail qui n’était pas encore venu à l’esprit de Dana. Aussi polie et bien éduquée puisse-t-elle paraître, elle n’était pas une lumière en terme de raisonnement.

Dana présenta ses condoléances, mais Chioné était déjà en train de dessiner le symbole qu'elle avait vu sur la main du dernier assassin resté en retrait pour finir le travail. Certes, elle ne se faisait pas trop d'illusions, mais qui ne tente rien n'a rien, alors autant jouer les dés.

Les dés ne lui furent pas heureux avec la réponse de Dana :

Jamais vu ! Je ne suis sûrement pas la bonne personne pour vous renseigner mais je ne sais même pas qui le pourrait. Vous n’êtes pas de Saline, n’est-ce pas ? Je doute que vous puissiez trouver ici des réponses sur l’assassinat de votre mère. Le commanditaire n’est certainement pas d’ici, ça ne nous ressemble pas de faire appel à des assassins

Résignée et dépitée, la Reine des Neiges rangea son dessin ; tant pis, ce ne serait pas aujourd'hui ni ici qu'elle aurait un début de réponse... Elle leva la tête lorsque Dana lui demanda :

Savez-vous pourquoi une telle chose est arrivée à votre mère?

Chioné hésita un instant, cherchant ses mots, avant d'hasarder une réponse :

À vrai dire, je l'ignore. Elle a passé vingt ans de sa vie à m'élever, à l'abri, je ne vois pas ce qu'elle aurait pu faire de mal pour mériter cela...

Ah la déception… Dana put la ressentir si bien chez Chioné, et elle regretta davantage si c’est possible de ne pas pouvoir lui apporter les réponses qui semblaient si chères au cœur de cette dernière. Et cela pouvait se comprendre, cette envie de savoir la raison et qui était le responsable de son malheur, non ? Pour ce qui était de la vengeance, c’était bien plus différent, la jeune Jansson n’ayant pas eu l’occasion de vouloir la rechercher, son bon fond et sa naïveté l’amenait à ne pas être rancunière et pardonner facilement. Comment réagirait-elle si c’était sa mère qu’on avait assassiné ? C’était bien là une situation dans laquelle elle n’arrivait absolument pas à se projeter. Inconcevable que cela puisse devenir une réalité un jour et quand bien même serait-elle capable de vouloir faire du mal à quelqu’un ou pire de le tuer ? Elle en doutait fort et ce avec d’excellentes raisons. Pendant un instant, elle se demanda si sa question n’était pas des plus déplacées, remarquant l’hésitation de la jeune femme, mais elle estimait elle-même que de ne pas y porter attention serait un acte cruel d’ignorance envers Chioné. Et qui sait, peut-être qu’en écoutant l’histoire pourrait-elle apporter conseil pour la guider ? Et encore une fois, une certaine déception se fit ressentir.
Ainsi, sa vis-à-vis ignorait ce qui aurait pu amener quelqu’un à vouloir assassiner sa mère ? Etait-ce un geste gratuit sans raison ? Même si Dana n’était pas une lumière, elle avait assez conscience que ce devait être rare et que, dans ce cas-là, on n’appellerait pas ça un assassinat, juste un meurtre. Elle esquissa un petit sourire contrit, tandis qu’elle sentait à nouveau la pesanteur au niveau de son front se manifester, tandis qu’éclats de voix mécontents au loin se faisaient entendre et de l’autre des rires, offrant bien un cocktail aux saveurs différentes à cet instant.

- Puissiez-vous réussir à faire la lumière un jour, pour votre bien. Souffla-t-elle tout en tournant la tête vers son frère, concentré dans une discussion animée aussi et elle passa une main sur son front, se disant qu’elle ferait peut-être mieux de ne pas trop s’attarder ici. Elle refit face soudainement vers Chioné, et cette fois ses lèvres s’étirèrent en un sourire rempli d’un entrain qu’elle voulait lui communiquer, lui attrapant alors soudainement les mains.

- Mais, puisque vous êtes ici à Cardrak, profitez-en Chioné ! Comment avez-vous trouvé la ville ou vous n’avez peut-être pas eu l’occasion de la découvrir ? J’en connais les moindres recoins. Si vous voulez, je pourrai vous la faire visiter avec mon amie Urëla demain ! Dana avait décidé de compenser son manque d’aide tout autrement et avec ce qu’elle savait faire le mieux, sympathiser et proposer une bonne compagnie. Certes, il y avait bien quelques rustres ici, et la fierté de son peuple était légendaire, leur attitude étant souvent comparée au froid de leur territoire. Elle enchaîna, ne laissant guère le temps de répondre, ne lâchant toujours pas les mains de sa vis-à-vis, ignorant un léger frisson traverser son dos alors qu’elle était juste à côté de la cheminée. Oh et il faudrait que vous goûtiez notre spécialité culinaire, je peux la préparer, le poisson, je m’y connais. Que vous gardiez un excellent souvenir d’ici !

Dana souffla doucement à l'oreille de Chioné :

Puissiez-vous réussir à faire la lumière un jour, pour votre bien.

La Reine des Neiges hocha doucement la tête : oui, ce serait bien qu'elle fasse la lumière sur cette affaire, même si pour cela elle devrait quitter les Glaces pour se rendre quelque part ailleurs. Peut-être même que sa famille saurait lui dire qui était le responsable.

Elle sursauta quand Dana la tira de ses pensées, un grand sourire aux lèvres, en lui prenant les mains :

Mais, puisque vous êtes ici à Cardrak, profitez-en Chioné ! Comment avez-vous trouvé la ville ou vous n’avez peut-être pas eu l’occasion de la découvrir ? J’en connais les moindres recoins. Si vous voulez, je pourrai vous la faire visiter avec mon amie Urëla demain !

Elle enchaîna, sans laisser le temps à Chioné d'en placer une :

Oh et il faudrait que vous goûtiez notre spécialité culinaire, je peux la préparer, le poisson, je m’y connais. Que vous gardiez un excellent souvenir d’ici !

La jeune fille aux cheveux blancs sourit aimablement et serra les mains de Dana dans les siennes :

Ma foi, j'accepte avec grand plaisir. Au moins je repartirai après une balade touristique...

Elle rangea son amertume dans un coin de son cœur : elle n'allait pas gâcher son séjour à Cardrak à cause d'une enquête au point mort.

Si certains auraient laissé Chioné dans son désarroi de ne pas trouver réponse à sa recherche, ce n’était nullement le cas de Dana qui tenait à permettre à cette dernière de garder un bon souvenir malgré tout de Cardrak, ne pas s’en souvenir comme d’un échec dans son enquête, mais pour l’accueil et la découverte. Et il est vrai qu’elle avait la bonne nature pour cela. Optimiste, loin d’être méfiante pour un sou et ce même envers les étrangers dont le périple les amenait jusqu’à la capitale de Saline. C’est donc tout naturellement qu’elle prit ses mains dans les siennes, se proposant de lui servir de guide, bien sûr demain, car la nuit était tombée, temps bien moins propice pour vadrouiller dans les rues. Et elle sentit qu’elle avait su par son élan faire oublier sa déception à sa vis-à-vis, non pas parce que Chioné serra en retour ses mains mais elle le ressentit. Un de ces derniers changements opérés chez elle dernièrement et elle commençait à comprendre qu’elle réagissait surtout aux émotions négatives aux alentours ou alors quand il y en avait trop en nombre autour d’elle, lourdeur frontale en signe de petite fièvre, frisson fatigue. Serait-elle contrainte à l’avenir d’éviter ces lieux bondés pour y échapper ? Non, ce n’était pas une chose à arrêter la Jansson qui se disait capable de le supporter au moins pendant un certain laps de temps pour ne pas devoir se forcer de suite à l’isolement. Bien sûr, si des disputes devaient éclater de toute part dans l’auberge, nul doute qu’elle s’éclipserait assez rapidement si son intervention se révèlerait totalement inutile pour calmer le jeu. Enfin, même si elle commençait à retrouver son léger état fiévreux, son sourire semblait ne jamais vouloir quitter ses lèvres, et elle était bien décidée à rattraper son « inutilité ». Venant d’avoir l’accord de Chioné pour se revoir demain et lui faire donc visiter Cardrak, elle souffla avec une petite pointe d’impatience, secouant un peu leurs mains en même temps qu’elle parlait.

- Oh vous ne le regretterez pas ! Il faut toujours savoir s’accorder des pauses et passer du bon temps, en toute simplicité… Tenez, par exemple, regardez ce grand specimen.

L’albinos finit par relâcher les mains de Chioné, en un geste lent, pour alors se tourner vers la table où se trouver attablé son frère avec sa petite famille et ses compatriotes guerriers. Elle attrapa alors doucement le bras de l’étrangère, agissant déjà comme si elles étaient d’excellentes amies, se penchant un peu vers elle pour murmurer telle une bonne confidente.

- C’est mon frère ! Un bon guerrier et il ne perd pas une seule occasion de pouvoir se détendre comme ça. Et jamais sans sa chope remplie à ras bord…

On pouvait nettement percevoir l’énorme affection qu’avait Dana pour son frère, et justement celui-ci se tourna vers les deux jeunes femmes en levant sa chope, éclaboussant au passage son épouse qui ne manqua pas de lui donner un coup de coude de reproche, arrachant un rire guttural à ce dernier qui venait de faire signe aux deux demoiselles à la blanche chevelure venir. Malgré tout, en y faisant attention, on pouvait déceler chez le frère de Dana toujours une certaine curiosité soupçonneuse à l’égard de son interlocutrice.

- Ils sont un peu rustres mais si vous voulez vous joindre à nous, n’hésitez pas. Vous n’êtes forcée en rien. Nous pouvons toujours nous retrouver demain. Au temple de Yehadiel, j’y suis toujours de très bonne heure. Et si jamais vous avez le moindre ennui, n’hésitez pas à vous y rendre, vous y trouverez protection…

Etait-elle un peu inquiète ? Oui, et pas à cause des Cardrakiens, mais de ce que Chioné lui avait révélé. Dana en venait à se demander si des assassins arriveraient à venir ici et commettre leurs méfaits… Oh mais nul doute que leur Roi punirait ceux venant répandre le mal, et ce même dans l’ombre, chez eux.

Dana souffla avec une légère pointe d'impatience, secoua les mains de Chioné qu'elle tenait toujours dans les siennes et déclara avec joie :

Oh vous ne le regretterez pas ! Il faut toujours savoir s’accorder des pauses et passer du bon temps, en toute simplicité… Tenez, par exemple, regardez ce grand specimen.

Elle libéra les mains de la Reine des Neiges pour se tourner vers un grand gaillard entouré de ses compagnons, avant de tirer doucement la demoiselle par le bras et lui murmurer à l'oreille :

C’est mon frère ! Un bon guerrier et il ne perd pas une seule occasion de pouvoir se détendre comme ça. Et jamais sans sa chope remplie à ras bord…

Chioné sourit : elle sentait clairement que Dana aimait tendrement son frère, et elle enviait son bonheur. Pour l'instant, elle-même ne pouvait pas prétendre à quelque chose de tel... Elle remarqua que le frère de Dana leur fit signe de les rejoindre, fixant Chioné avec une curiosité teintée de méfiance, ce que pouvait comprendre la jeune femme. Après tout, elle était une étrangère dans la ville de Dana et de sa famille... Dana lui déclara :

Ils sont un peu rustres mais si vous voulez vous joindre à nous, n’hésitez pas. Vous n’êtes forcée en rien. Nous pouvons toujours nous retrouver demain. Au temple de Yehadiel, j’y suis toujours de très bonne heure. Et si jamais vous avez le moindre ennui, n’hésitez pas à vous y rendre, vous y trouverez protection…

La Reine des Neiges sourit et lui répondit avec douceur :

Je vous remercie, mais... Pour aujourd'hui, je pense que ça ira. Ma route a été longue pour venir jusqu'ici, et je m'en voudrais de m'endormir au beau milieu d'une conversation qui pourrait être intéressante... Aussi vais-je me trouver un endroit pour me reposer avant de vous retrouver au temple de... Yehadiel vous dites ? Jamais entendu parler... Bref, je vous retrouverai au temple demain matin pour que vous me fassiez visiter. Ça vous va ?

Chioné se sentait en effet quelque peu fatiguée, par la route et par la déception causée par la réponse négative de Dana. Une bonne nuit de repos et il n'y paraîtra plus...

Dana resta sur sa lancée, invitant Chioné à se détendre alors en compagnie du petit groupe attablé autour de son frère dont elle-même ne pouvait ignorer le désir de ce dernier de les rejoindre. Il venait de rentrer et elle voulait profiter de sa présence avant qu’il ne soit appelé ailleurs. Cependant, en âme des plus serviables, elle n’hésiterait à reporter tout ça si jamais sa nouvelle connaissance préférait rester en retrait. Elle n’aurait nullement l’audace de l’abandonner toute seule dans cette auberge qui se remplissait de plus en plus de purs cardrakiens bruyants. L’albinos n’avait nullement perçu le regard à la tonalité quelque peu méfiante de son aîné, car, il était évident qu’elle aurait pu penser que le refus qui suivit de Chioné était dû à une certaine crainte. La demoiselle Jansson aurait alors remonté ses manches pour intégrer avec sa délicatesse naturelle l’étrangère au groupe. Elle marqua un léger temps donc à la réponse qui lui fut faite et si elle se sentit peut-être un peu déçue, cela ne dura qu’une brève seconde avant d’esquisser un sourire doux et compréhensif. Vraiment, elle aurait du y penser. Elle se rappelait de sa propre fatigue après une longue marche d’un bon pas rapide tant elle avait été impatiente de retrouver sa famille. Alors, évidemment que Chioné ne pouvait qu’être fatiguée.

-Oh oui, oui, ça me convient très bien. Il faudra alors que je vous parle de Yehadiel, vraiment, je suis surprise que vous n’en ayez pas entendu parler. Yehadiel veille sur nous tous. Dit-elle, laissant bien percer sa surprise dans sa voix, s’interrogeant sur comment Chioné avait fait pour ne jamais entendre parler de son Dieu et elle espérait bien la sensibiliser à sa croyance demain matin. Et, vous recherchez un lieu où dormir ? Vous savez, l’aubergiste propose quelques chambres. Certes, elles ne sont pas d’un grand luxe mais vous pourrez vous y reposer en paix. Tenez, il est là-bas, en train de servir une table. Ses prix sont tout à fait abordables. Rassura-t-elle, après tout, Chioné n’allait quand même pas finir par devoir dormir dehors et autant lui signaler qu’elle se trouvait au bon endroit pour trouver un toit pour la nuit.

Dana refit face alors à l’étrangère, et elle lui tendit tout naturellement la main en guise d’au revoir. Elle avait grandit entourée par de grands gaillards, tous plus âgés qu’elle et dans une telle ambiance de détente et informelle, elle trouvait ce geste parfaitement approprié. Elle réalisa alors qu’elle ignorait cependant bien des choses de sa vis-à-vis, d’où elle venait, son genre de vie et si elle aimait le poisson ! Il valait mieux en venant à Cardrak pour apprécier les spécialités du coin.

- Alors, à demain, Chioné ! Demain, il faudra me parler un petit peu de vous, promis ? dit-elle avec un brin de malice, attendant que sa vis-à-vis serre sa main qu’elle récupéra par la suite. Je vous souhaite une très bonne nuit rajouta-t-elle évidemment, laissant ainsi l’étrangère se prendre en main pour obtenir une chambre et s’abandonner ensuite dans les bras de Morphée. Quand celle-ci s’éloigna, l’albinos la suivit du regard, se demandant l’air de rien si Chioné n’aurait pas un rang noble, elle dégageait une grâce indéniable à ses yeux, et elle semblait avoir reçu une bonne éducation. Enfin, tout cela, elle n’hésitera nullement à le demander plus tard et pour l’heure elle rejoignit son frère, remerciant ce dernier qui écarta sa chaise pour lui faire de la place, se perdant dans une ambiance légère mais aux multiples échos et évènements divers l’amenant à songer bien vite qu’elle ferait mieux d’aller se coucher pour son propre bien.

Chioné commençait à ne plus se sentir très à l'aise au fur et à mesure que l'auberge se remplissait de Cardrakiens, sans compter que le frère de Dana leur avait fait signe de le rejoindre. Dans sa nature discrète, elle n'aimait pas s'imposer, même quand elle y était conviée. Non, décidément, sa peur de la foule et sa discrétion avaient repris le dessus, et elle avait exprimé son souhait de se reposer après un long voyage.

Dana resta muette quelques secondes, avant de reprendre :

Oh oui, oui, ça me convient très bien. Il faudra alors que je vous parle de Yehadiel, vraiment, je suis surprise que vous n’en ayez pas entendu parler. Yehadiel veille sur nous tous.

La Reine des Neiges nota la surprise dans la voix de sa vis-à-vis, et sourit avec gêne : elle ne s'était pas renseignée sur une quelconque religion, et cela finirait par lui faire du tort si elle ne réparait pas cela rapidement... Dana reprit :

Et, vous recherchez un lieu où dormir ? Vous savez, l’aubergiste propose quelques chambres. Certes, elles ne sont pas d’un grand luxe mais vous pourrez vous y reposer en paix. Tenez, il est là-bas, en train de servir une table. Ses prix sont tout à fait abordables.

Cette fois, le sourire fut reconnaissant : elle n'aurait pas à chercher le maître des lieux bien longtemps alors, et pourrait en plus se reposer complètement... Elle prit la main que lui tendait Dana et la serra fortement pendant que la jeune femme blonde lui dit :

Alors, à demain, Chioné ! Demain, il faudra me parler un petit peu de vous, promis ?

Promis, même si ma vie n'est absolument pas trépidante, répondit Chioné en rougissant légèrement.


Dana reprit sa main et lui souhaita bonne nuit, ce que Chioné lui renvoya en souriant, avant de se rendre auprès de l'aubergiste pour lui payer le prix d'une nuit. Ceci fait, l'aubergiste l'accompagna jusqu'à une chambre de taille raisonnable, avec un lit très confortable dans lequel elle s'allongea et s'abandonna dans les bras de Morphée quasi instantanément. Une bonne nuit de sommeil l'attendait avant la visite de la cité...