Le pas trainant, même si mon regard scrutait l'obscurité en quête d'un mouvement, d'un signe je titillais ma dague doucement. Jusqu'à maintenant je n'avais jamais eu à tuer quelqu'un c'était bien la première fois et pour le moment mon cœur battant refusait de ralentir, comme s'il était pris d'une frénésie incontrôlable. Mes jambes me menèrent à destination sans que je ne les commande et je montais agilement le long de la façade pour rejoindre ma chambre, celle qui jouxtait celle de ma grande sœur qui me haïssais tant.
Sans même retirer mes vêtements je m'écroulais sur le lit mon cœur toujours aussi fou, bon tu vas te calmer toi ? Je scrutais le plafond, mes yeux voyant et revoyant la scène qui s'était jouée devant moi moins d'une demi heure auparavant, je voyais l'homme se vider de son sang alors que le poison agissait, sa femme à ses cotés en lui demandant ce qui n'allait pas.
Il était si facile de tuer, d'enlever la vie à un être mais l'horreur qui en découlait était affreuse. Le regard du marchand, j'étais sure qu'il m'avait vu alors qu'il s'étouffait dans son propre sang, je suis certaine que nos regards s'étaient croisée alors que j'étais cachée dans l'ombre juste derrière la fenêtre. Cela m'avait choquée plus que je l'imaginais. Voler, espionner m'avait souvent amusée dans le passé, c'était une sorte de jeu, un jeu qui ne prêtait pas vraiment à conséquence. Parfois j'avais échoué mais je n'avais reçu comme punition que quelques coups de bâtons. Là l'enjeu n'était pas le même. Si je réussissais, quelqu'un mourrait dans d'atroces souffrances, si j'échouais, ma propre vie s'envolerait au bout d'une corde surement reniée par ma famille qui ne risquerait pas le déshonneur et m'abandonnerait sans la moindre hésitation
je me retournais dans mon lit, mes yeux grand ouvert, il était pourtant très tard... ou très tôt selon le point de vue et je n'avais pas envie de dormir, mon ventre se tordait d'un coté... et de l'autre, comme si moi même j'avais été empoissonnée par le Marabunta, le visage du marchand me hantait, son dernier souffle avait été étonnamment douloureux. Mon maitre à la dague m'avait prévenue de compenser le trop plein d'adrénaline après le premier meurtre, mais là tout n'était pas question d'adrénaline. Il était question de question existentielle, pourquoi obéis-je à mon père ainsi ? Pourquoi rendis je service à cette famille qui ne m'avait jamais montré le moindre amour ? Je brisais mon âme pourquoi ? Pour qui ? Pour une sœur qui me traitait comme une servante, pour un frère qui me regardait comme un déchet ? Pour un père qui se servait de moi à chaque heure du jour et de la nuit ?
Je me retournais encore, la colère fit place à la lassitude mais c'était une colère froide, sourde. Ce meurtre avait réveillé chez moi une rébellion qui n'avait jamais germé chez moi. Mais que pouvais je faire ? Fuir, partir au petit matin ? Abandonner ce pour quoi j'avais toujours été élevée ? Non ce n'était pas concevable même si à ce moment j'y pensais avec sérieux. Une haine que je n'avais jamais ressentis pointait son nez dans mon cerveau. Je faisais sans doute ma crise d'adolescence mais moi qui était plutôt docile et obéissance, rien que de penser à la rébellion était une chose extrêmement bizarre
La colère me prit toute la nuit, mélanger au visage horrible du marchand qui devait maintenant avoir rejoint son créateur, les larmes firent place à la colère froide mais jamais je ne trouvais le sommeil... comment aurais je pu. Je n'avais jamais ressentis de si fort sentiment et c'est les yeux grands ouverts que je vis le soleil pointer à l’horizon, je ne m'étais pas débarrassé de ma tristesse de ma colère, mais je me levais tout de même et je mis une robe un peu plus convenable et j'allais préparer le petit déjeuner de ma demi sœur. J'étais fatiguée, j'étais de mauvaise humeur, mais je ne pouvais pas tourner le dos à ma famille, qui étais je si je n'étais pas l'arme et les yeux de mon père ? Personne... il faudrait que je fasse confiance à mon père et que j'enterre ce genre de sentiment pour les fois d'après. J'étais une arme, mais celle qui la maniait, mon père, c'était lui qui avait vraiment tué cet homme. Oui c'était ca, cette pensée me faisait du bien, je n'avais pas pris la décision de tuer ce pauvre marchand dont le seul tord avait été de battre mon paternel, je n'étais donc pas la responsable de cet acte. Je soupirais et je sortis de ma chambre, sans bailler, juste le teint sombre. Mais cette pensée, cette idée, restera à jamais dans mon esprit comme une évidence.