A leur yeux, je suis simplement une autre femme, un femme qui partira avant elle. Mais elles ne me connaissent pas encore et je ne peux pas trouver en moi le courage de les juger. Ce n'est pas leurs fautes. L'ignorance est une bénédiction, du moins c'est ce qu'ont dit.
Elle entre dans la pièce, la main sur le pelage blanc de Minerva. Elle regarde droit devant elle et sa louve la guide vers la souveraine. Catriona lui fait une révérence de plus polie, avant de se laisser guider vers une place libre sur l'un des divans. Minerva se couche alors au pied de sa maitresse, à côté d'elle est posée un amalgame de tissu qui ne ressemble pas encore à une robe, mais y ressemblera bientôt. Elle le prend et le pose sur ses genoux. Ce sont les couleurs qu'a choisies Issendra et leurs textures semblent aller merveilleusement bien ensemble. La couturière ne se met pas à l'ouvrage immédiatement. Elle est plutôt d'humeur à écouter ce qu'on a dire les autres. Elle flatte d'une main le dessus de la tête de la louve, son autre main étant posée sur son travail.
*T'as entendu la dernière nouvelle. Tu sais celle à propos de..* dis l'une d'elle en laissant en suspens sa phrase.
*Oui, oui, j'ai entendu. Mais c'est horrible, tu ne crois pas ? J'ai peine à y croire ! * lance l'autre.
Cat sourit doucement. Les dernières nouvelles ? Rien qui l'intéresse particulièrement. Elle aurait voulu parler de l'état de la guerre, mais ce n'est pas un sujet que les Dames présentent aiment. Alors qu'elle se penche vers son ouvrage et s'apprête à le commencer, l'une d'elles s'assoit à ses côtés.
*Non, mais tu arrives à y croire toi ? * demande-t-elle.
Cat ferme les yeux quelques secondes et tourna les têtes vers l'interlocutrice en question. Sa voix est d'une tonalité qui frôle l'insupportable. On dirait presque que sa voix n'arrive pas à se décider ; veut-elle être belle et raffinée, ou sombre et médiocre ? Gardant son doux sourire, elle fixa le milieu de ce qui semble être le centre du visage de la femme et lui répond :
« Croire quoi ? » interroge Catriona.
Elles éclatent de rire.
*Quoi ? Tu ne sais pas ? Ma pauvre, c'est une triste nouvelle. Tu aurais dû voir tout à l'heure au village... * Elle s'interrompt et ricane doucement. *Oh pardon, j'oubliais que tu n'aurais pas pu -- *
« Pas pu voir que la femme du chapelier c'est trouver soulier à son pied ? »
Elles se taisent, indécises, puis chacune reprend sa conversation respective. Elles se mêlent enfin de leur affaire.
*Euh... En fait, si... exactement.* la Dame est mal à l'aise.
Pour la rassurer, Cat pose sa main sur l'avant-bras de l'autre et ajoute :
« Ce que la femme du chapellier ne sait pas, c'est que le soulier est encore trop petit pour ses grands pieds. » Elles ne comprendront pas la métaphore qu'elle leur donne, mais prendront plutôt ses paroles au sens figuré.
Elles éclatent à nouveau de rire et la dame à ses côtés retourne vers celle avec qui elle a plus d'affinité alors qu'une autre s'approche d'elle.
*Tu es encore en train de coudre ? Que fais-tu cette fois-ci ? *
Le sourire de Cati s'agrandit :
« Je suis en train de faire une robe, pour l'impératrice. C'est elle que me l'a demandée. » Explique-t-elle.
L'autre laisse échapper un petit « oh » pour montrer qu'elle est impressionnée, mais cela sonne faux.
*Dis, Catriona, tu nous chantes une de tes belles chansons ? * demanda une femme plus loin d'elle.
La jeune rousse acquiesce et trouve la plus belle chanson qu'elle peut. Elles semblent aimer l'entendre chanter, du moins elles lui demandent si souvent de chanter. Ses journées sont toujours construites de ce rythme régulier. C’est comme un battement de coeur, c'est chaud et rassurant. Elle est si bien ici. Bien que les Dames lui passent souvent des répliques sanglantes, ou font référence à sa cécité pour l'énervé, elles ne réussiront jamais à la mettre hors d'elle.
Leurs insulte, leurs remarques, leurs commentaires glissent sur moi, m'effleurant à peine. Leurs vaines paroles ne m'atteignent pas, loin de là, puisqu'elles s'écrasent contre le mur de mon indifférence. J'ai vécu pires cauchemars. Cependant, je sais que certaines d'entre elles ne sont pas aussi méchantes qu'elles ne veulent le laisser paraitre.