Terra Mystica

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 [Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss]

 
[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Lun 7 Oct - 20:24
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Spoiler:

Les doigts courraient le long des cordes, tissant une harmonieuse mélodie qui venait se perdre dans le bruissement des feuilles et se lier à la terre elle même.

Agenouillé au cœur de la clairière, les yeux mi-clos, Saeros écoutait sa musique plus qu'il ne la jouait. Entre ses mains, on aurait dit que la lyre résonnait d'elle même et que ses doigts étaient animés d’une vie propre. L'instrument exerçait son pouvoir sur ses mains plutôt que ses mains sur l’instrument. Les cordes vibraient, vibraient, et faisaient résonner à l’unisson la nature et les arbres. La clairière entière semblait connectée au rythme de la lyre, et les merles s’étaient arrêtés de chanter pour pouvoir mieux écouter. Le soleil lui même semblait avoir arrêté sa course et on aurait dit qu’il brillait d’un éclat plus intense entre les nuages.

Alors, brusquement, alors que la mélodie atteignait son paroxysme, de manière presque violente, Saeros s’arrêta. Ses doigts cessèrent de danser et les cordes de vibrer. Un lourd silence se fit dans une clairière qui semblait à présent manquer une dimension. Quelques secondes s’écoulèrent, dans le plus parfait silence. Les yeux toujours mi-clos, Saeros semblait savourer l’écho des toutes dernières notes. Incapable de supporter ce vide angoissant, les oiseaux perchés sur les branches s’envolèrent. Le bruit des battements d’ailes tira Saeros de sa rêverie et il rouvrit les yeux. Il se leva et la lyre - qu’il avait négligemment délaissée - tomba dans l’herbe. Il s’étira, prit une profonde inspiration, puis fit quelques pas pour dégourdir ses muscles bien trop longtemps laissés au repos.  

Il faisait bon aujourd’hui et il se sentait presque d’humeur joyeuse. Il affectionnait les promenades dans la forêt de Drayame, car elles lui rappelaient ses années de jeunesse. Bien qu’elle n’ait pas toujours été très plaisante, même lui pouvait parfois se sentir un peu nostalgique, pas vrai ? Bien sûr, il venait ici incognito. Il était inconcevable qu’après sa prétendue « traîtrise » qui avait conduit au massacre de ses pairs, il soit toujours le bienvenu ici, et ce même malgré le fait que la forêt soit dans l’intervalle devenue un protectorat de l’Empire. Il ne comprenait toujours pas en quoi il était fautif, d’ailleurs. Il n’avait fait que légitimement se libérer des mensonges, des chaines dont on l’avait chargé, pour s’éveiller à la seule et unique vraie loi : « Le plus fort a tous les droits sur le plus faible». Il avait tué ses compagnons prêtres parce qu’il en avait le pouvoir et parce qu’il en avait l’envie. Il avait rejoint Aile Ténébreuse parce que le démon était la plus puissante créature de Terra, et parce que la puissance exigeait qu’on la suive et qu’on plie devant elle. Il ne voyait décidément pas le mal à cela. Ce n’était pas lui le traitre ! Les traîtres, c’étaient les autres elfes qui continuaient à croire qu’ils pouvaient vivre honnêtement dans un monde corrompu. Et bien ils avaient tort ! Le monde était cruel, et la seule vérité dans un monde cruel, c’était la force.

Il leva les yeux, contempla la cime des arbres qui s’étendaient à perte de vue et poussa un profond soupir.  Pourquoi les autres n’arrivaient-ils pas à le comprendre ? Pourquoi cherchaient-ils à nier ? Comme il se sentait mieux, lui, depuis qu’il avait enfin admis tout cela.

Il se leva et jeta un coup d’œil à sa tenue. Une tunique de forestier en daim, des bottes en cuir marron, un pantalon en fourrure de mouton retournée. Il avait tout de la représentation qu’on se faisait généralement d’un jeune elfe sylvestre en vadrouille. Il était venu seul, et ce malgré le danger, car il ne voulait pas faire profiter des balourds soldats impériaux de ce lieu magique. Il était à lui et à lui seul.

Plongé dans sa rêverie, il ne remarqua même pas le craquement d’une brindille, le bruissement des feuilles mortes sur le sol. Il ne remarqua pas l’arrivée d’un nouvel arrivant ? Ne remarqua pas que, désormais, il n’était plus seul.

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Mar 8 Oct - 2:08
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[Hrp : Au vu de l'heure, j'espère que tu me pardonneras mes éventuels déboires... xD]



Le soleil glissait sous le couvert des arbres en de somptueuses flaques de lumière, inondant les sous-bois de reflets nervurés. Les verts émeraudes se mêlaient aux grands panachés des arbres éternels, leurs ramures échevelées s'élançant vers le ciel en de longs doigts élégants que rien ne semblait pouvoir arrêter... Et rien d'autre que le silence, le silence pour emplir tout cet espace, moulé dans cette forêt qui n'avait plus ni début ni fin... Drayame la merveilleuse. Source de magie et terre foulée des elfes seuls, lorsque toutes les autres races étaient étrangement conduites à détourner leur chemin...

Les plis et replis des racines recelaient de nombreux secrets, et les ombres d'invisibles animaux fuyaient à l'abri des regards au détour des arbres, toujours mouvants et souvent insaisissables. Luz décelait à l'odorat la présence de nombreuses pistes intéressantes. Elle effleura du bout des doigts le sol de terre meuble, froissant les feuilles mortes entre ses mains habiles. Odeur d'humus piétiné... Un troupeau de mangeur d'herbes, probablement... Elle ne pouvait s'empêcher de pester contre le toit de verdure formé par les arbres qui était certes splendide de complexité mais très peu pratique pour son apparence naturelle. Ses sens en étaient considérablement tronqués, et la désagréable sensation d'un monde émoussé ne la quittait guère depuis l'aube...

Un long voyage s'annonçait. Voilà ce qui arrivait quand elle volait trop longtemps, avec trop d'acharnement ! Ses ailes n'étaient pas conçues pour essuyer plusieurs jours sans repos, ni de quoi se sustenter... Elle qui voulait être de retour au plus tôt au Quartier Général de la Confrérie, ne pouvait décemment pas arriver dans cet état ! Oh bien entendu, il y avait eu ce lièvre qu'elle avait piégé assez aisément. Mais l'odeur étrange de la forêt l'empêchait de se vouer tout à fait à un bon repas... Il y avait... Des mouvements. Beaucoup de mouvements. Des sons qui n'étaient certainement pas humains, et des fragrances qui l'étaient encore moins. Tout ceci lui donnait la malsaine impression d'une traque sinistre. Dont elle n'était pour une fois pas la cible !

Luz frémit en songeant à ce passé lointain, où la séquestration avait eu un goût de fer et de sang. Pourquoi les elfes qui étaient si paisibles d'ordinaire traquaient-ils une innocente cible ? Devait-elle intervenir, face à ce groupe qu'elle voyait circuler sous le couvert des arbres, doué de cette agilité silencieuse si commune à leur race ? Une nuée de chats gris qui s'occupaient davantage de la personne qu'ils poursuivaient que de surveiller leurs propres arrières... S'ils se croyaient seuls à être nés animaux, ils se trompaient allégrement !
Luz espaça ses appuis, répartit son poids. Elle se coula comme une ombre sous un taillis, et s'immobilisa à la frontière d'une petite clairière...


Les elfes chassaient l'un de leur semblable. Quelles mœurs étranges pour des bipèdes !

« Tu oses t'afficher devant nos propres yeux et la terre que tu as bafouée... ! Ce ne sont pas ces frusques qui nous duperont ! »

Cinq individus faisaient front devant un sombre inconnu. Et ma foi, ce dernier ne semblait pas agités des élans sociopathes que les autres cherchaient tant à lui prêter...
Luz grimaça. Ah dieu, qu'elle connaissait ce tiraillement ! Et voilà qu'elle était repartie pour une nouvelle fournée ! Sa curiosité et son envie d'agir ne lui laisseraient-elles donc aucun répit ?


« Rends-toi, et nous n... »

« Paix sur vos âmes, chers amis végétariens. »

Luz s'avança d'un pas souple et glissé, de cette lenteur lascive des félins aux aguets. Les yeux mi-clos, ses prunelles s'ambrèrent d'une lueur plus sombre, plus sauvage...

« Cet elfe est déjà ma proie. Ne me le volez pas si peu subtilement. »

Elle se glissa insidieusement entre les deux groupes, jusqu'à s'interposer tout à fait devant l'individu seul. Si elle songeait à l'absurdité de la scène... Elle n'avait pas d'autre choix que d'improviser. Affronter des elfes ne la tentait que très peu, leurs réflexes étaient aussi aiguisés que les siens et leur rapidité primait sur le sienne... Alors cinq, c'était tout à fait hors de propos ! Sa seule option restait le bluff en bonne et due forme, et pour ce faire, rien de tel que de leur voler la mèche et l'origine de leur haine...
D'un geste négligeant du poignet elle désigna l'inconnu derrière elle, et plaqua son regard si déroutant sur celui qui s'était désigné porte-parole :


« Il a des comptes à me rendre. Et je ne tolérerai pas que quelqu'un d'autre me vole celui qui m'a fait tant de mal... Je n'en ai pas fini avec lui. Vous repasserez donc une prochaine fois. »

Ses longs cheveux flammes dénoués, elle écarta les bras en une lenteur impérieuse. Celui qui s'était apprêté à répliquer en esquissant si joliment un pas vers elle, se figea dans sa posture. Il lui restait encore une carte à jouer...

« Au nom de l'amitié qui lie nos deux peuples, laissez-le moi. Au nom de ma vengeance et de la vôtre. »

Des écailles de braise coururent sur sa peau, puis s'effacèrent en un souffle de vent... Un grondement modulé grimpa de sa gorge, animal, un brin menaçant.

Luz Weiss

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Jeu 10 Oct - 21:41
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Quand les cinq elfes débarquèrent, la réaction première de Saeros fut l'énervement. On ne pouvait donc jamais profiter de quelques instants de solitude en ce bas monde ? Il avait justement choisi cette clairière parce qu'elle était déserte, tranquille et paisible. Et voilà qu'une bande d'idiots venait déranger son repos ! Infernal, vraiment. C'est alors qu'il ruminait ces sombre pensées qu'il s'aperçut que la bande s'était déployée en demi-cercle, comme pour l'empêcher de fuir, et qu'ils n'avaient vraiment pas l'air d'être ici en promenade de santé.

Ce fut un sentiment plus proche de la peur que l'agacement qu'il ressentît alors.

Maudit soit-il, lui et son égoïsme mal placé ! Si seulement il avait pris une escorte durant ses promenades, alors peut être aurait-il pu s'épargner cette humiliation ! Péniblement, il se redressa et fit face à ses adversaires. Ceux-ci se rapprochaient à grandes enjambées, paraissant décidés à en découdre. Saeros recula d'un pas et un éclair de lumière bleutée passa fugitivement le long de son corps.

- Attention, attention, mes amis ! Évitons d'aborder des sujets un peu trop explosifs...

Les autre elfes s'arrêtèrent net, les yeux fixés sur la paume du magicien depuis laquelle se diffusait à présent une sombre pulsation magique.

- Nous ne voudrions pas que le calme d'un si beau lieu vole "littéralement" en éclat, pas vrai ?

- « Comment oses tu te présenter devant nous et la terre que tu as souillée ! Tu croyais vraiment que ces frusques te protégeraient ? »

Et bien pour tout dire, il aurait cru que oui, en effet. Si ce n'était ses yeux violets (qu'il avait justement pris la peine de dissimuler derrière son capuchon) ses balourds de semblables n'avaient aucun moyen de le reconnaître, surtout qu'il avait bien fait attention à rester à l'écart du cœur de la forêt, pour ne croiser personne. De plus, qui aurait imaginé que le Chien - comme les autres Elfes se plaisaient à le surnommer - se rendait parfois sur sa terre natale ? Non, non... il n'y avait aucun moyen que ces idiots aient découvert sa véritable identité tous seuls. À la réflexion, les uniques personnes qui savaient qu'il se rendait parfois à Drayame étaient les membres de sa maisonnée. À partir de là, la  conclusion se dessinait d'elle même. L'un de ses valets, pour des raisons idéologiques stupides ou une quelconque histoire de vengeance sordide, l'avait dénoncé et vendu la mèche. Oui, il pouvait bien l'imaginer... Un des membres d'une des familles qu'il avait exterminé sans pitié se faire engager comme serviteur dans sa maisonnée et attendre le bon moment. Sa joie quand il avait découvert que l'Elfe avait un point faible !

Il faudrait vraiment qu'il se souvienne d'exterminer et remplacer tous ses serviteurs quand ce petit malentendu serait éclairci. Mais en attendant...

- « Rends-toi, et nous ne...»

Saeros allait lui répondre une grossièreté bien sentie quand un bruit de fourré qu'on écarte et de feuilles mortes qu'on écrase attira son attention. Avant qu'il ait eu temps de réagir, une grande jeune femme aux cheveux de feu avait fait irruption dans la clairière, s'interposant entre les deux parties.

- « Paix sur vos âmes, chers amis végétariens. »

Il pensa à préciser qu'il avait depuis longtemps commencé à manger de la viande depuis qu'il s'était libéré de ses chaines mais décida finalement que ce ne serait pas pertinent.

- « Cet elfe est déjà ma proie. Ne me le volez pas si peu subtilement. »

Saeros leva les yeux au ciel. Génial ! Encore quelqu'un qui allait essayer de le trucider ! Et pourtant,  il ne se souvenait pas avoir déjà croisé cette délicieuse créature auparavant... Cela dit, si il fallait se souvenir de toutes les personnes à qui il avait causé du tort dans sa vie.

- « Il a des comptes à me rendre. Et je ne tolérerai pas que quelqu'un d'autre me vole celui qui m'a fait tant de mal... Je n'en ai pas fini avec lui. Vous repasserez donc une prochaine fois. »

Saeros fronça un sourcil. Étrange, le discours de cette jeune femme. Si elle était venu ici pour le trucider, pourquoi refuser l'aide des elfes puis tenter de les éloigner ? Était elle si assoiffée de sang qu'elle ne supportait pas l'idée d'avoir à partager sa proie ? Possible, mais étrange tout de même.

- « Au nom de l'amitié qui lie nos deux peuples, laissez-le moi. Au nom de ma vengeance et de la vôtre. »

Alors qu'elle prononçait ces mots, le corps de la jeune femme se recouvra fugitivement d'une carapace  et l'éclat dans ses yeux se fit plus... reptilien. Saeros frissonna. Il ne savait pas à qui il avait affaire, mais il espérait sincèrement qu'elle n'en avait pas après lui et qu'elle essayait simplement de lui rendre service.

De leur côté, les elfes hésitèrent longuement. Ils n'arrivaient visiblement pas à se décider entre leur soif de vengeance et la peur mêlée de respect qu'ils ressentaient à l'égard de la fille. Ce fut après deux bonnes minutes que celui qui semblait être le chef du groupe se décida à parler.

- « Soit. Si vous le souhaitez, nous vous  laissons l'honneur de vous débarrasser du Chien. Soyez cependant sûre que sa mort soit la plus lente et douloureuse possible. »

Et sur ces bonnes paroles, le groupe commença sans hâte à se replier sous le couvert des arbres. Bientôt, ils avaient disparus aussi rapidement qu'ils étaient arrivés et avaient laissés la jeune femme seule et Saeros en tête à tete. Celui-ci profita de l'occasion pour l'observer plus amplement. Une grande rousse, vêtue d'une tunique et de bottes en cuir, un œil doré et l'autre  d'un vert très foncé. Rien de très extraordinaire en apparence, mais il y avait cependant quelque chose - peut être dans sa démarche féline ou la grâce qui émanait de ses mouvement - qui contredisait cette première impression.

- Ils vont revenir vous savez.

Il observa une courte pause avant de reprendre.

- Vous les avez peut être surpris, mais ils se concertent et nous observent en ce moment même. Si vous voulez me tuer, je pense que vous feriez mieux de vous dépêcher. En revanche, si vous êtes là pour me secourir, je vous conseille d'avoir très vite une très bonne idée pour nous sortir d'ici.

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Sam 12 Oct - 21:28
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Luz se détendit imperceptiblement. Même si elle gardait l'assurance intuitive que ce groupe restait mille fois plus dangereux à distance qu'à deux pas d'elle, obtenir le loisir de réfléchir tranquillement n'était pas de refus... Certes, ils avaient des arcs. D'accord, son seul point fort était le corps à corps. Mais ne venait-elle pas de gagner de précieuses minutes ?
Elle pivota sur ses talons et, pour la première fois depuis le début de cette aventure, elle eut enfin tout le loisir de contempler l'inconnu. Une capuche ombrait ses traits, l'empêchant de visualiser son visage. Mais sa silhouette, ses gestes précis et mesurés, trahissaient sans mal son appartenance aux elfes ou tout du moins à quelque chose de non humain... Elle passa son regard vairon sur ses épaules, glissa sur son ceinturon, et remonta prestement jusqu'à la hauteur supposée de ses yeux. Tout cela dans une lenteur délicieuse, sans se cacher et animée d'une intensité fort indécente...


« … Je réfléchis, figurez-vous. »

Elle se baissa sans plus de préambules, et ôta d'un geste délié le poignard qui ceignait l'intérieur de sa botte. Le large coutelas était évidemment construit pour la découpe et les préparations culinaires, mais elle se garda bien de lui dire qu'elle ne savait s'en servir qu'à des fins nutritives ! Elle s'était interposée. Parce qu'il n'était pas dans ses habitudes d'être passive, rien de plus. Après tout, le connaissait-elle pour le juger innocent ? Non, bien sûr, autant garder un atout dans sa manche, et éviter de lui dire ce qu'elle savait ou ne savait pas faire par la même occasion...
Luz avait parfaitement conscience que le groupe n'en resterait pas là. Et qu'ils se retrouvaient de fait sous les feux des projecteurs... Elle devait absolument faire durer la mascarade jusqu'à son point de rupture, gagner de précieuses secondes qui les sauveraient probablement tous les deux !


« Écoutez, ça ne va pas vous plaire, mais je vous demande de me faire confiance. »

Elle esquissa un demi-sourire en coin craquant, dérobée aux yeux des autres elfes qui se tenaient loin dans son dos à la lisière de la forêt. Ils ne pourraient pas voir ses lèvres bouger, ni entendre ce que les deux malchanceux avaient à se dire...
Elle s'avança jusqu'à lui, prenant garde à rendre visible de leur public malvenu le couteau qu'elle tenait.


« N'ayez crainte, je ne vous toucherai pas d'un millimètre, j'essaye simplement de gagner du temps pour les autres excités que nous avons là-bas... »

Un pas, deux pas... Et elle ne fut qu'à un souffle de lui. Elle fit doucement glisser la lame contre son cou, prenant une infinité de précautions pour que le métal n'entaille pas sa peau... Elle plongea un regard suave dans ses yeux, proches, si proches. Elle pouvait le sentir respirer, le sang qui glissait dans ses veines, cette délectation du cœur qui bat et la chaleur de sa peau...
Les mots glissèrent sur ses lèvres comme du velours, murmure à peine audible de lui seul...


« Je ne sais pas qui vous êtes, et honnêtement, j'aimerais bien entendre votre histoire une fois que nous serons sortis de ce traquenard... Votre nom me suffira pour l'instant. Je m'appelle Luz. Et si vous pouviez avoir l'air de quelqu'un en très mauvaise posture, ce serait parfait pour nos amis ici bas ! »

Elle esquissa un grand geste, et mima l'attitude de celle qui change d'avis et opte pour une toute autre mise à mort. Les autres lui avaient demandé de la souffrance. Leur faire croire à une blessure au ventre serait parfait ! Être touché à l'estomac, c'était être bon pour des heures de souffrance et d'agonie...
Elle eut un geste ample et fit mine de le poignarder, ne retournant le couteau qu'au dernier instant de sorte à ce que la lame soit à plat entre eux, inoffensive. Ce faisant, elle se retrouva beaucoup plus proche que prévu, et vint doucement poser la paume de sa main libre sur son ventre de sorte à lui imposer un certain mouvement de recul. Mouvement qui aurait été naturellement produit par un coup de poignard en bonne et due forme !
Tout contre lui, elle chuchota alors dans un ronronnement un brin amusé :


« Ce que je vous propose maintenant, c'est soit de nous battre en les prenant par surprise lorsqu'ils viendront vérifier votre mort, soit de partir par la voie des airs. J'ai ce qu'il nous faut de ce côté là, mais seulement si vous me promettez de ne pas être surpris ou de vous débattre dans tous les sens... Sauf si vous avez une meilleure idée, bien sûr. A moins que vous ne me preniez en otage ? »

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Dim 13 Oct - 11:06
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Quand la lame entra en contact avec sa gorge, Saeros sentit un frisson glacé lui parcourir l'échine. Bien qu'elle lui ait affirmé être ici pour l'aider, la proximité de la jeune femme le mettait mal à l'aise et l'intensité de son regard lui donnait envie de détourner le sien. Une chance que son capuchon dissimulât ses traits, empêchant la jeune femme de distinguer ses réactions !

« Je ne sais pas qui vous êtes, et honnêtement, j'aimerais bien entendre votre histoire une fois que nous serons sortis de ce traquenard... Votre nom me suffira pour l'instant. Je m'appelle Luz. Et si vous pouviez avoir l'air de quelqu'un en très mauvaise posture, ce serait parfait pour nos amis ici bas ! »

Le magicien songea à lui mentir. Après tout, on ne pouvait savoir comment elle réagirait si elle apprenait sa véritable nature. Dégoûtée par un nom associé à tant d'horreurs, se détournerait elle de lui pour le laisser seul à la merci de ses agresseurs ? Ou pire, choisirait elle de revenir sur sa décision et le tuerait elle même ? Pressé par le temps, il décida néanmoins de jouer la carte de la franchise.

- Mon nom est Saeros. Et pour ce qui est de la mauvaise posture, je pense que je n'ai pas vraiment besoin de la feindre.


Brusquement, la lame quitta sa gorge ce qui le fit sursauter. La dénommée Luz fit alors un grand geste ample, le couteau décrivant un arc de cercle en direction de son estomac. Pris de panique, il voulut crier mais les mots restèrent coincés en travers de sa gorge. Il esquissa un mouvement de recul mais il savait qu'il ne serait jamais assez rapide. Le couteau filait bien trop vite, et il ferma les yeux pour s'épargner la vue de ses entrailles dégoulinant sur le sol.

Il attendit une seconde en silence, puis deux. Toujours rien. Est-ce qu'il était déjà mort ? Lui qui croyait que l'éviscération était une méthode d'exécution lente et douloureuse... Il rouvrit lentement les paupières, s'attendant à demi à se trouver dans les limbes.

Mais non. Quand il eut baissé les yeux, il s'aperçut que le couteau avait été retourné au dernier moment, de telle sorte que c'était le plat de la lame qui était entré au contact de son corps, et non la pointe.  Soulagé, il était sur le point de pousser un léger soupir quand la jeune femme, qui en avait profité pour se rapprocher, posa délicatement sa paume sur son ventre et le força à se pencher légèrement. Il joua le jeu et comme il faisait environ la même taille que Luz, son menton entra presque en contact avec son épaule. De loin, on aurait vraiment dit qu'il venait de se faire poignarder.

Malgré sa chemise, il pouvait sentir la chaleur de la main de Luz contre son corps. Ce n'était pas désagréable mais plutôt... inattendu. Il y avait si longtemps qu'il n'avait pas partagé de contact humain qu'il avait presque oublié à quoi cela pouvait ressembler. Le chuchotis d'une voix résonna alors à ses oreilles, et on pouvait distinctement sentir une note d'amusement dans le ton adopté.

« Ce que je vous propose maintenant, c'est soit de nous battre en les prenant par surprise lorsqu'ils viendront vérifier votre mort, soit de partir par la voie des airs. J'ai ce qu'il nous faut de ce côté là, mais seulement si vous me promettez de ne pas être surpris ou de vous débattre dans tous les sens... Sauf si vous avez une meilleure idée, bien sûr. A moins que vous ne me preniez en otage ? »

La voie des airs ? Cette femme l'intriguait décidément au plus haut point. Il repensa au moment où il avait vu son corps se couvrir d'écailles et ses yeux prendre leur éclat si particulier. Il pâlit. Est ce qu'il avait bien en face de lui ce qu'il pensait avoir en face de lui ? Si c'était bien le cas, il remerciait le ciel qu'elle ait choisi de l'aider plutôt que les autres elfes.

- La voie des airs me convient parfaitement, Dame Luz. Je promet d'être sage, ne vous inquiétez pas.

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Lun 14 Oct - 0:44
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Luz rit dans son cou, amusée de cette répartie qui semblait être sienne. Le tissu de sa capuche lui chatouillait la joue, mais sa chaleur était bien présente. Elle ne savait dire d'où lui venait cette intuition qu'il n'était pas son ennemi -et un elfe bien singulier par la même occasion-, mais elle était fin prête à en faire le pari... N'étaient-ils pas liés à présent, dans cet étrange duo qu'ils formaient comme deux danseurs sur le devant de la scène ? Voilà qu'ils étaient bien direct, pour une première rencontre...

« Enchanté, Saeros. Et merci pour cette étreinte que je n'avais pas eu depuis bien longtemps ! »

Un sourire se laissa deviner dans sa voix, ses intonations rieuses et musicales filant entre ses lèvres en de légers murmures. Son voyage ennuyeux lui semblait loin à présent... Les gris mornes et indolents des jours qui se répétaient étaient soudain brisés par sa simple présence. Oh bien sûr, son nom évoquait en elle bien des souvenirs... Des rumeurs qui glissaient dans l'oreille, savaient toujours trouver son publique de mégères... Mais Luz n'était pas dragonne à leur prêter plus d'attention qu'elle ne leur en devait. Combien pouvait-il y avoir de Saeros au monde ? Et combien avaient autant à lui apprendre que le véritable Saeros, celui qui hantait tant d'âmes elfiques dans leur sommeil ? Non. Elle n'avait pas peur des cauchemars. Et aimait davantage s'y frotter et apprendre toujours plus du monde qui l'entourait !
Elle recula d'un pas souple et silencieux, libérant sa main pour ne plus le toucher que du bout des doigts, comme un regret indicible...


« Je compte sur vous pour tenir votre promesse. Je tiens à voir ce que vous cachez sous cette capuche... »

Elle lui décocha un sourire désarmant et fit appel à son pouvoir réflexe. Derrière eux, les buissons explosèrent sous une nuée d'elfes en colère...
Ses yeux s'ambrèrent d'un doré vif, fendus d'une prunelle qui n'avait plus rien d'humain. Sa silhouette s'effaça d'un voile luisant et l'ombre de ses immenses ailes se déplia sur la clairière... Elle fit volteface dans un éclair d'écailles, le rouge embrasé de sa cuirasse se reflétant sous le soleil de Drayame... Quelle délectation sans pareille de retrouver enfin un corps ajusté à ce qu'elle était vraiment ! Plus de sens tronqués, plus de vision étroite, plus de perte d'une moitié d'elle-même comme un membre arraché ! Luz revivait, et des langues de feu fougueuses naissaient dans sa gorge et laissaient un goût de cendre explosive sur sa langue...
Elle dévoila ses longs crocs en un grondement menaçant, animal. Ses écailles se hérissèrent et sa queue fouetta l'air comme un chat impatient, le jeu d'ombres de ses ailes nervurées dessinant de complexes arabesques sur le sol de la forêt. Qu'ils ne songent même pas à s'approcher !


« Cette affaire ne vous concerne en rien, ancestral dragon ! Laissez-le nous ! »

S'ils n'étaient pas sur l'offensive, du moins n'abandonnaient-ils pas tout à fait l'affaire... Courageux peuple. Luz réagit promptement, et sa rapidité reptilienne les fit tous sursauter lorsque ses immenses crocs claquèrent violemment à quelques centimètres à peine de l'outrecuidant.

« Cet elfe est ma proie, bipède. »

Difficile langage que celui qu'usait les dragons... Mais elle ne doutait pas un instant de l'esprit érudit des elfes, les deux races s'étant longuement côtoyées autrefois. Mais... Les temps avaient changé. Et il n'était plus question de lien privilégié ou d'inimitié.
Elle s'ébroua et se retourna avec une lenteur mesurée vers Saeros. Voler, il fallait voler. Elle voulait voler ! L'appel du ciel chantait dans chaque fibre de ses veines, le vent soulevait d'ores et déjà la fine membrane de ses ailes et chantait son retour, impérieuse mélopée qui la faisait frémir d'envie... Elle faisait tous les efforts du monde pour s'accrocher aux dernières bribes rationnelles de son esprit et ne pas oublier sur l'instant le jeune elfe qui l'intriguait tant. Ô contrecoup d'une transformation qu'elle n'avait pas effectuée depuis bien longtemps !
Elle l'attrapa cependant avec une douceur étonnante pour sa taille, du bout des crocs, traversant le tissu de sa tunique aussi aisément que du beurre. Puis elle se ramassa, ouvrit l'immense envergure de ses ailes... Et la suite s'annonça beaucoup moins drôle pour lui. Elle les rabattit brusquement d'une formidable détente, et se propulsa instantanément à des mètres de hauteur dans l'infinité du ciel, laissant le groupe derrière eux comme des sombres petits points noirs sur le sol.

Pas beaucoup, pas beaucoup... Juste un peu, une simple traversée de la forêt... Cela irait. Personne ne viendrait leur chercher outrage à quelques lieux, et les fauteurs de trouble mettraient un certain temps à les retrouver... Elle s'arracha à contre cœur des courants caressants, et décrivit un large arc de cercle au-dessus de ce qui ressemblait fort à une seconde clairière. Elle vrilla vers le sol et ouvrit grand ses ailes pour stopper sa chute et se stabiliser, raclant enfin la pierre de ses longues griffes ivoires afin de se poser... Retour à la mère patrie.
Elle lui laissa le loisir de recouvrer terre, et fit un ultime effort pour reprendre forme humaine. Sa hauteur s'effaça d'un souffle, le doré de ses yeux fut chassé par un vert plus contraignant, et sa silhouette élancée refit surface aussi naturellement qu'elle respirait...


« … Sauvés... Pour le moment... »

Luz tomba à genoux dans l'herbe tendre, ses sens ayant peine à retrouver un semblant d'équilibre.

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Mer 16 Oct - 17:31
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Coincé entre les griffes d'une dragonne de plusieurs mètres de long, les pieds ballottants à plus de cinquante mètres du sol, Saeros se demandait finalement si il avait bien fait de choisir la voie des airs. Il aurait certainement hurlé si les vents n'avaient pas été si forts qu'ils l'empêchaient quasiment de respirer. Il lui fallut faire appel à toute la force de sa volonté pour tenir sa promesse et s'empêcher de se débattre entre les pattes de la jeune femme. Heureusement pour lui, le trajet fut de courte durée et Luz se posa rapidement dans une seconde clairière, située à seulement quelques kilomètres  de la seconde. Il tituba un instant, trébucha, faillit s'étaler par terre, mais parvint finalement à rester debout sur ses deux jambes. De son côté, Luz, une fois qu'elle l'eut déposée, regagna son apparence humaine et s'effondra à genoux, en proie à une sorte de contre-coup.

Saeros la regarda un instant, une lueur calculatrice dans le regard. Ne serait-il pas sage de s'en débarrasser maintenant, alors qu'elle paraissait affaiblie ? Il ne connaissait pas ses véritables  intentions, ne savait même pas qui elle était exactement. Cela l'inquiétait. D'ailleurs, tout ce qu'il ne comprenais pas lui faisait peur, et cette jeune femme demeurait un mystère pour lui. Il resta un instant à la dévisager, les mains crispées et le visage tendu. Une seconde passa en silence. La dragonne ne semblait pas avoir remarqué le fugace changement d'atmosphère opéré, trop occupée à reprendre son souffle. Une autre seconde passa, puis Saeros se détourna. Non, même si sa seule chance de la vaincre était probablement de l'attaquer alors qu'elle était en train de récupérer, il ne le ferait pas. Même lui n'était pas assez ignoble pour tuer une personne qui s'était affaiblie justement pour lui sauver la vie.

Il poussa un  silencieux soupir et porta la main à son capuchon, désireux de réajuster le tissu qui avait sûrement été mis à mal lors de sa brève expérience du vol. Ce fut à ce moment qu'il se rendit compte que son capuchon avait été bien plus que mis à mal. Déchirée par les griffes de la dragonne et malmenée par les vents, sa cape avait été emportée sans même qu'il s'en aperçoive. Confus, il brassa l'air de sa main pendant quelques secondes, à la recherche d'une pièce de tissu qui n'était plus là. Gêné, il détourna le visage et baissa la tête, cachant ses yeux démoniaques derrière le rideau gris de ses cheveux mi-longs.

- Pourquoi m'avoir aidé, Luz ?

Refusant de faire face à la dragonne, il s'exprimait d'une voix douce et interrogative. Il était réellement curieux de connaître les motivations de la jeune femme, les raisons qui avaient pu la pousser à sauver un parfait inconnu sur un coup de tête.

- Vous ne savez donc pas qui je suis ? Si vous désiriez sauver une pauvre victime frappée d'injustice, je crois que vous vous avez fait erreur sur la personne.

Non, décidément, elle devait forcément ignorer son nom ou le confondre avec quelqu'un d'autre. Nulle personne saine d'esprit n'aurait consciemment sauvé Saeros le Chien, le serviteur loyal du cruel Aile Ténébreuse.

- Vous ne connaissez pas mon identité, n'est ce pas ? Et bien, en ce cas, ne vous étonnez pas si un jour vous finissez avec un poignard dans le dos. L'ignorance et l'excès d'altruisme récoltent ce qu'ils sèment, en l'occurrence un sursis d'existence pour l'un des plus grands monstre que cette Terre ait jamais portée. Mais enfin, à quoi avez vous pensé ?

Il secoua doucement la tête, effaré que son salut se soit joué sur la bonté d'une dragonne qui ignorait vraisemblablement les conséquences de son acte.

- Cela dit, j'imagine que des remerciements s'imposent...

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Lun 28 Oct - 1:43
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« Votre... Identité ? »

Luz demeurait stupéfaite. La caresse de l'herbe sur sa peau, la terre mouillée sous la paume de ses mains, tout lui paraissait soudain si dérisoire... Il... Souffrait ? Souffrait-il ? Comment, comment pouvait-on s'abandonner à de telles pensées obscures ? Se sentait-il... Si seul ?

« Mais vous... ? Non. »

Ses sourcils se froncèrent et un imperceptible pli de colère naquit là, juste au coin de ses lèvres... Son regard se fit dur et les sombres couleurs de ses prunelles distinctes s'ombrèrent d'une nouvelle facette bien plus nuancée. Il avait cette voix qu'ont les êtres seuls, ces ténèbres que la nuit vole parfois à la vie... Et aucun visage à mettre sur ces mots. Des phrases dénuées d'identité, celle qu'il se dérobait à lui-même en se refusant si bien le droit d'exister au présent. S'était-il perdu dans le passé, avalé par ses souvenirs et cette réputation si sanglante à laquelle il semblait tant vouloir s'accrocher... ?

« Je vous ai aidé parce que vous étiez seul. Vous êtes seul. Pas parce que vous faisiez face à un groupe armé. Pas parce que vous portez un nom entaché d'une certaine complexité, pas parce que vous êtes vous, pas parce que vous avez probablement tué autrefois, un jour, demain, encore ! »

Elle se releva souplement et serra les mains en deux poings compactes. Tout ça... Lui... Il l'a mettait hors d'elle. Parce qu'elle souffrait pour lui, parce qu'elle n'avait d'autre choix que de se confronter au vide immense qu'il dévoilait soudain devant elle, comme une carte de visite. Il lui faisait mal. Si mal... Monstre ? Altruisme ? Voulait-il la poignarder dans le dos, là maintenant, tout de suite, sur ce carré d'herbe si banal ? N'avait-il que cela en tête, des mots stupides pour réduire autant toute la diversité de ce qu'il était ?
Elle fit un premier pas chancelant vers lui, fut prise d'un frisson.


« Je me contrefiche de ce que vous êtes. J'entends par là d'être un monstre. Personne n'est un monstre, et surtout pas en cachant son propre visage ! Je n'ai pensé à rien d'autre qu'à cet homme qui me paraissait si seul avec lui-même... Quand bien même vous seriez entourés d'une dizaine de personnes que vous resteriez seul à mes yeux ! A l'intérieur, je veux dire. Vous ne pouvez et ne pourrez jamais vous réduire à un seul mot, et encore moins à celui de monstre... Vous êtes assurément bien plus que cela. »

Il avait les cheveux si argentés, si peu humains... Et par-dessus tout cette aura énigmatique qui semblait bien solitaire au milieu de tous ses horribles méfaits. Qui lui parlait à lui, lorsqu'il allait mal ? Qui encaissait pour lui lorsqu'il faisait front seul, lorsque l'air venait à manquer ? Étouffait-il parfois de ce lourd fardeau qu'était ce fameux masque de ne jamais paraître humain, mais toujours cruel, assoiffé ?
Son pas se fit plus sûr, plus volontaire. Elle releva les yeux, fouilla ses traits à la recherche de ce regard qu'elle voulait tant capturer. Elle tendit la main par-delà le temps et l'espace qui les séparait, doucement, très doucement... Elle n'était plus fâchée, non, elle voulait comprendre à présent.
Luz frôla la ligne de son menton du bout des doigts, esquissa les contours de ce visage qu'elle ne pouvait voir tout à fait. Il faisait presque la même taille qu'elle, peut-être un peu plus, et malgré tout... Quelqu'un lui avait-il déjà paru si lointain ?


« Moi, je sens de la chaleur. Votre peau est chaude contre la mienne. Est-ce dur d'être un monstre, quand on est si vivant... ? »

Était-ce dur de vivre, lorsque l'on ne s'autorisait qu'à détruire ? Comment pouvait-on encore avancer lorsque l'on ne connaissait pas même la candeur d'une étreinte, cette force de la présence d'autrui à ses côtés ou le contact d'une main dans la sienne ?

« Vous ne pouvez m'obliger à avoir le même point de vue que le vôtre sur vous... Vous êtes quelqu'un que je viens à peine de rencontrer, et non pas tout ce passé que vous me jetez à la figure comme s'il vous résumait d'une traite et tout entier ! Et si cela devait être le cas et bien... »

Elle pencha doucement la tête de côté, un air douloureux et pensif effleurant son visage. Les mèches folles de ses cheveux glissèrent de l'une de ses épaules, s'enchevêtrant en de longues boucles flammes...

« Et bien… Allez-y. Si faire de moi votre victime peut vous soulager, mon couteau est encore dans ma ceinture... »

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Mer 30 Oct - 1:55
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Un choc. Ce fut bien ce qu'il ressentit quand la dragonne eut finie de parler. Une étrange impression de vertige l'envahit et il se sentit sur le point de tomber dans un précipice dont il ne voyait pas le fond.

Cette femme avait raison. Il était seul. Il l'avait toujours été. Pour commencer, il n'avait même pas connu ses parents. Les  prêtres qui l'avaient élevé pour devenir l'idole de leur religion stupide ne l'avaient jamais vu comme une personne mais une sorte d'objet, une incarnation d'une entité supérieure. Une fois qu'il était devenu la voix de l'arbre monde, il n'avait connu aucune réelle chaleur humaine, aucun véritable contact… Et maintenant qu'il était devenu ce qu'il était, personne ne l'approchait. Ses prétendus camarades étaient prêt à le déchiqueter au moindre signe de faiblesse, et il ne pouvait en aucun cas se fier à eux. Quant à son maître, l'empereur, ce dernier tuait ses serviteurs par douzaines et se souciait peu du sort de son conseiller. Il l'éliminerait quand il se serait lassé de l'utiliser comme un jouet, et jusqu'au  souvenir de son nom tomberait dans l'oubli.

Il était… tout seul.

Cet état de fait ne l'avait jamais dérangé auparavant car il n'avait jamais connu rien d'autre que cette solitude. Mais voilà que cette femme était arrivée  et, en le traitant tout simplement comme une personne normale, lui avait fait sentir le désespoir inhérent à sa condition. Il ne s'était pas aperçu à quel point il était désespérément seul avant que cette dragonne ne débarque et lui sauve la vie. Quelqu'un prêt à risquer sa vie pour sauver la sienne ? C'était si stupide… si étrange. Et bientôt, elle disparaîtrait comme elle était venue, ne laissant rien derrière elle si ce n'était l'immense creux dans le cœur de l'elfe. Comme il aurait aimé ne l'avoir jamais rencontrée ! Comme il aurait aimé pouvoir garder ses certitudes chaudement enveloppées autour de lui, à la manière d'un lourd manteau de fourrure… Mais la dragonne avait arraché tout cela en quelques mots, aussi facilement qu'elle avait tout à l'heure déchiqueté sa cape entre ses griffes. Et voilà que maintenant il se sentait nu face à une immensité glaciale et inhospitalière. Il frémit et serra ses bras autour de lui pour s'empêcher de tomber en morceaux. Du coin de l'œil, il remarqua que la dragonne s'était rapprochée de lui et tendait un bras en direction de son visage. Il aurait voulu lui dire de reculer, de ne pas faire plus de dégâts qu'elle n'en avait déjà causés… mais il n'y parvint pas. Les mots restèrent coincés en travers de sa gorge et il laissa les doigts de la jeune femme glisser le long de son menton et commencer à parcourir les traits de son visage.

« Moi, je sens de la chaleur. Votre peau est chaude contre la mienne. Est-ce dur d'être un monstre, quand on est si vivant... ? »

Elle s'était exprimée d'une voix peinée, comme si elle souffrait à travers lui. Mais pourquoi donc se souciait-elle de lui au point de se faire mal ? L'idée ne serait jamais venue à Saeros de faire la même chose pour qui que ce soit.

« Vous ne pouvez m'obliger à avoir le même point de vue que le vôtre sur vous... Vous êtes quelqu'un que je viens à peine de rencontrer, et non pas tout ce passé que vous me jetez à la figure comme s'il vous résumait d'une traite et tout entier ! Et si cela devait être le cas et bien... »

La dragonne sembla hésiter un instant. Elle baissa la tête et des mèches écarlates vinrent se mêler aux cheveux gris.

« Et bien… Allez-y. Si faire de moi votre victime peut vous soulager, mon couteau est encore dans ma ceinture... »

Il jeta un coup d'œil à la dite ceinture et aperçut le couteau dont parlait la jeune femme. Il aurait été si facile de passer une main autour de sa taille, d'attraper la lame et de l'enfoncer dans la gorge de la dragonne. C'était l'affaire de quelques instants… oui, si facile. Le jeune magicien desserra les bras et tendit une main en direction de la ceinture. Il la tendit, la tendit encore, mais malgré ses efforts répétés, ne parvint pas à atteindre le couteau. Avec stupeur, il s'aperçut que ses doigts tremblant ne lui obéissaient plus. Il écarta sa main et laissa son bras retomber, inerte, le long de son corps.

- Que m'avez vous fait ?

Il releva le visage et plongea ses prunelles violettes dans les yeux vairons de la jeune femme. Tout à l'heure, il n'avait pas eu l'occasion de l'observer bien longtemps sous sa forme humaine. À présent, il pouvait clairement distinguer ses traits volontaires, les cheveux couleur de la flamme indomptable, et l'aura enivrante de liberté qui se dégageait de ses mouvements…

- Mais qui ? Qui êtes vous donc ?

Il recula de plusieurs pas.

- Je ne suis pas comme vous, Luz ! Je ne suis pas libre. Je ne veux pas être libre. Il est trop tard pour moi, trop tard pour revenir en arrière. Je suis un monstre ! Je ne l'ai peut être pas choisi, mais c'est ce que je suis à présent. Si je renie cela, alors je ne suis plus rien. Ma vie n'a plus de sens ! Je suis Saeros le Corrompu, je me dois de l'être !

Il avait prononcé ces derniers mots d'un ton vindicatif, avec hargne. Ses bras étaient de nouveau serrés autour de son torse et il avait adopté une posture agressive. Il n'était pas  question de laisser la jeune femme détruire les derniers lambeaux de sa santé mentale !

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Jeu 31 Oct - 2:11
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Luz frémit. Un trouble vif parut passer sur ses traits à la vitesse d'un soupir. Ces yeux... Azawel avait les mêmes. Ce n'était que de lointaines bribes de souvenirs, le frisson froid qui remontait au creux du dos et la sensation d'une souffrance à fleurs de peau, d'une plaie ouverte encore et encore, chaque heure que fait le jour lorsqu'il chasse la nuit... Elle voulut reculer. Son corps du moins chercha une échappatoire à ce gouffre de traumatisme qui malgré le temps persistait dans les remous de son subconscient. Il allait lui faire du mal. Forcément. Et recommencerai. Forcément.

« Mais qui ? Qui êtes vous donc ? »

Luz s'aperçut qu'elle avait cessé de respirer depuis belle lurette. Ce regard si déroutant qu'il venait de plaquer sur elle avait zappé tous les fondements de son intégrité mentale en moins d'une fraction de seconde... Mais son regard à lui était différent. Différent de celui de son démon intérieur, mort depuis maintenant plusieurs années. Oui, à présent qu'elle y regardait de plus près, qu'elle calmait son souffle affolé qui se dérobait tant à son emprise, ces yeux étaient immensément différents... Un violet que bien d'autre aurait trouvé glacial mais qu'elle persistait à trouver magnétique. Envoûtant. Peut-être avait-elle perdu l'esprit ? C'était un mystère. IL était un mystère. Et coup de chance ou du hasard, Luz avait une affinité particulière avec toutes ces originalités chromatiques que pouvait créer le monde !
Elle ne détourna pas les yeux malgré son envie première. Entrouvrit les lèvres dans cette expectative admiration de cette couleur si détachée du reste, si inattendue sur un être qui désirait tant devenir un monstre. Elle ne pouvait ni ne voulait se dérober à ce regard, et quand bien même aurait-il tourné la tête qu'elle se serait réveillée comme d'un songe irréel... L'image disparaît de l'esprit mais le goût de l'ivresse reste sur la langue longtemps encore après...


« Ne me fuyez pas. »

Sa voix avait filé, suppliante. Elle manqua sursauter face à ce ton qui n'était d'ordinaire pas le sien, mais avait fusé presque instinctivement. Reculer et accepter ce qu'il tenait tant à lui dire était au-dessus de ses forces, bien loin de son amour de la liberté qu'elle s'échinait à protéger par-delà tout ce qui existait... Il était un abîme d'incompréhension. Un mur infranchissable qu'elle ne pouvait pas même effleurer dans l'espoir d'en saisir les limites !
Elle se mordit la lèvre inférieure, prit sa décision. Il la tuerait sûrement. Ou tenterait. Peut-être faisait-elle fausse route, peut-être se vouait-elle à foncer dans ce mur sans aucun espoir de retour... Mais elle ne pouvait décemment pas rester passive. Cela n'était pas dans sa nature ! Son ton prit un nouvel essor, et c'est avec plus d'assurance qu'elle refit un pas dans sa direction, envers et contre toute cette agressivité qu'il déversait sur elle.


« Je m'appelle Luz, je vous l'ai dit. Et je ne suis rien d'autre que moi, pas de magie, pas de subterfuges, aucun mensonge. Vous êtes Saeros le Corrompu, très bien. Enchanté. Personne n'est un « rien », on est toujours un « quelque chose » ! Qu'est-ce qui pourra vous empêcher d'être vous, qu'est-ce qui peut vous arracher ce qui vous est le plus précieux ? Même sans être un monstre, vous resterez complexe et entier, et même un « rien » est un « rien » puisqu'il a un nom et qu'on peut le désigner ! Je voudrais tellement vous faire comprendre que la vie a un sens ! Votre sens ! »

Elle leva lentement les mains à hauteur de son propre visage, paumes vers lui en guise de signe de paix. Inutile peut-être, puisqu'ils paraissaient tous deux impossibles à arrêter et fort bien remontés l'un contre l'autre...

« Mais qu'est-ce qui vous empêche de vivre bon sang ? Si vous êtes à ce point ce « rien » sans vos convictions, alors qu'est-ce qui vous pousse à vouloir sauver votre vie en cas de péril ? Un monstre ne craint pas pour sa vie : il est ce qu'il y a de plus chaotique, sans forme ordonnée. L'êtes-vous ? Ou voulez-vous l'être pour vous protéger ? »

Ses beaux yeux vairons ne quittaient plus l'insondable violet de son regard. Ah si celui-ci pouvait parler... Révéler ces noirceurs qui l’enchaînaient tant, si sombres, si sombres...
Il ne lui restait plus qu'une seule arme à son attirail. Une seule. Et elle était fin prête à tenter le tout pour le tout, quitte à essuyer une réaction violente de sa part...


« Je ne fuirai pas de mon côté. Je ne vous quitterai pas. Je vais rester là, semblable à moi-même par-delà les années. J'ai l'éternité pour moi après tout... Il y a quelque chose que j'aimerais vous montrer, et ce n'est pas de la souffrance. Après ceci, je jure sur tout ce que j'ai de plus cher que je ne vous toucherai plus jamais, Ô grand jamais, tant que vous n'en manifesterez ni l'envie ni le désir. Je resterai là, à un mètre de vous, et plus rien n'ébranlera plus jamais votre carapace de monstre. »

Elle se prit à sourire. Un sourire léger, harmonieux comme seule elle savait en faire... Après tout, elle ne faisait jamais que risquer sa vie. Mais il en valait la peine, de ceci, elle restait persuadée... Quelles nuances merveilleuses pouvaient bien prendre ses yeux violets lorsqu'il souriait, lorsqu'il était heureux... ?

Avec douceur, parcimonie, presque enfantine sur la pointe de ses pieds, la dragonne vint déposer la chaleur de ses lèvres sur son front en une subtile caresse.


« Ceci s'appelle un baiser, et si ceci fait partie du « rien » que tu crains tant, alors je comprendrai enfin que tu ressentes le besoin d'être un monstre... »

Le calme revenait en elle, et c'est au moins paisible qu'elle aurait l'honneur de mourir suite à ce geste Ô combien effronté...

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Ven 1 Nov - 0:29
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Un jour, le philosophe Zhuangzi s’endormit dans un jardin fleuri, et fit un rêve. Il rêva qu’il était un très beau papillon. Le papillon vola çà et là jusqu’à l’épuisement ; puis, il s’endormit à son tour. Le papillon fit un rêve aussi. Il rêva qu’il était Zhuangzi. À cet instant, Zhuangzi se réveilla. Il ne savait point s’il était, maintenant, le véritable Zhuangzi ou bien le Zhuangzi du rêve du papillon. Il ne savait pas non plus si c’était lui qui avait rêvé du papillon, ou le papillon qui avait rêvé de lui.

Zhuangzi, penseur Chinois du IVème siècle


Tout cela était si… surréel. Comme lorsque l'on rêve que l'on rêve. Tout ce qu’il expérimentait aujourd’hui était totalement absurde. Il hésita un instant. À moins que… que ce ne soit la vie qu'il avait menée jusqu'à présent qui était absurde, et que ce qu'il était en train de ressentir était "normal" ? La tête lui tourna. Est ce qu'il avait passé quatre-vingt dix huit ans dans le mensonge et le déni ? Est ce qu'il était en train de vivre les premiers véritables moments de sa vie ?

La peau lui picotait à l'endroit où les lèvres de la dragonne s'étaient posées sur son front. Ce n'était pas une sensation particulièrement désagréable... Il leva le bras, écarta une mèche folle qui le gênait et effleura l'endroit de ses longs doigts blancs.

- Je… je ne…

Il ne savait pas quoi répondre. Il ne savait pas quoi dire. Il était pourtant certain d'avoir des choses à rétorquer, des arguments à lui opposer… Mais sur le moment, il était incapable de s'en rappeler. Une seule phrase, une question plutôt, lui traversa l'esprit.

- Est ce l'effet que cela fait d'être… vivant ?

La dragonne lui sourit. Elle semblait sur le point de répondre quelque chose quand un léger bruit attira leur attention. Oh, ce n'était pas grand-chose. Tout au plus le froissement d'une feuille foulée au pied, la plainte estompée de la terre que l’on piétine. Ce fut toutefois suffisant pour les sens affutés de l'elfe et de la dragonne. Un instant plus tard, le sifflement aigu et caractéristique d'un objet long et droit qui file à très grande vitesse retentit. Ce son, un elfe comme Saeros l'aurait reconnu entre mille.

- Luz, attention !

Il se précipita et poussa violemment la dragonne par terre. La flèche qui aurait dû se planter dans le dos de la jeune femme continua sa trajectoire et se ficha dans son épaule gauche. Il y eut un choc sourd, un bruit mat, et l’odeur métallique du sang. Le choc le fit reculer d’un pas mais il parvint à rester debout. Une autre flèche fila mais cette fois Saeros fut le plus rapide. Il leva la main droite et une décharge d’énergie vint pulvériser le projectile. Il pointa alors sa paume en direction de l’endroit d’où provenait la flèche et une lance lumineuse jaillit du pentacle gravé sur son gant. Elle décrivit une trajectoire parfaitement rectiligne et fit voler en éclat l’arbre derrière lequel s'était embusqué le tireur. On entendit un grand cri et des morceaux de bois et de terre tombèrent en pluie dans la clairière. Le feu se déclara et commença à se propager aux autres arbres. Saeros arracha la flèche qui dépassait de son épaule et se dirigea vers le cratère causé par l’explosion. Au cœur de la fumée, un corps gémissant et défiguré gisait dans un linceul de débris. Ce n’était qu’un jeune adolescent elfe, de quelques dizaines d’années au plus. Sans la moindre hésitation, Saeros leva une nouvelle fois la main et une autre décharge vint mettre fin à sa vie. Froidement, il se détourna du cadavre et jeta un coup d’œil à ses mains qui venaient une fois de plus de prendre une vie. Elles ne tremblaient plus comme tout à l’heure à présent. Pensif, l’elfe se tourna ver la dragonne.

- Rien. Je viens juste de tuer un enfant et je ne ressens absolument rien. Je trouve simplement stupide qu’après m’avoir identifié il ait décidé de m’engager seul plutôt que d’aller chercher des renforts. Ce petit imbécile ! Les idiots comme lui ne méritent vraiment rien d’autre que la mort. Enfin, on ne lui a pas appris à ce gamin qu’en plus d’être fou j’étais dangereux ?

Son changement d’attitude était flagrant. L’elfe était désormais beaucoup plus assuré, beaucoup moins hésitant. Il s’exprimait avec une certaine méchanceté dans la voix et ses yeux brillaient de malice.  

- Non, je pense décidément que ceci est le vrai moi, dragonne. Je ne suis pas un monstre, vous aviez raison. Je suis simplement un être particulièrement égoïste – comme chaque créature sous le soleil – qui a admis la cruauté inhérente à sa condition et qui fait tout ce qui est en son pouvoir pour arriver à ses fins. Ah, comme cela fait du bien ! J’ai cru un instant que j’allais devenir fou. Tuer ou être tué, telle est la question : la seule et unique vérité. Il fit un petit signe de la tête en direction du cadavre. Je devrais remercier le petit pour m’avoir remis les idées en place ! Je suis seul, peut être, mais simplement parce que les faibles me craignent et que les forts se méfient de moi. Les autres, les idéalistes qui n’ont pas encore compris la réalité du monde, ils me méprisent. Et bien ainsi soit-il alors ! Je finirai par leur montrer, à tous, la vérité dans son éclatante splendeur !

Saeros frémit légèrement et il porta sa main à son épaule qui perdait beaucoup de sang. Il rassembla un peu d’énergie arcanique et la fit exploser au contact de sa peau. La chair brûla au deuxième degré, cautérisant la plaie. Il se rendit soudain compte qu’il était en état de choc et que son assurance tenait plus à la soudaine montée d’adrénaline qu’autre chose. Ces mots, il les avait rabâchés un millier de fois. Il les avait peut être prononcés pour se convaincre lui même, ou peut être pour faire fuir la dragonne. Si seulement elle pouvait partir maintenant, sans se retourner, alors il se sentirait mieux. La seule personne à l’avoir jamais considéré comme un être humain l’abandonnerait, et il serait enfin seul avec ses certitudes.

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Ven 1 Nov - 17:18
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[Hrp : Bon courage pour faire abstraction de l'avatar. xD]



Luz se sentit chuter. Malgré ses sens aiguisés, les attaques à distance n'étaient pas son fort, et il était toujours complexe de les voir venir et de les esquiver. Ne serait-ce que le temps infime qui s'écoulait entre la perception d'un sifflement, l'identification d'une flèche... Luz était morte. Ou plutôt, sans doute l'aurait-elle été si Saeros n'avait pas employé ses réflexes surhumains d'elfe. Elle sentit la violence de la terre contre son dos, le souffle qui immanquablement s'enfuyait et venait à manquer, et la nécessité instinctive de se redresser... Elle accompagna le mouvement, accepta de tomber. Elle rentra la tête en une souple roulade arrière, repoussa le sol de ses mains pour atterrir sur la pointe des pieds en un léger nuage de poussière glissé. Une flèche se planta à quelques centimètres à peine de sa semelle, à l'endroit précis où son corps se tenait une fraction de seconde plus tôt.
Elle voulut à son tour prévenir Saeros, un élan électrique qui la poussait en avant, un sentiment de danger au cœur des lèvres. Mais les mots restèrent figés dans sa gorge... Il n'y avait déjà plus grand chose à faire. Ni pour lui, ni pour la forêt qui s'embrasait en de lourdes volutes couleur de cendre. Les habitants de Drayame n'allaient pas aimer... Il était à parier qu'ils rappliqueraient tous d'ici une poignée de secondes, prêts à en découdre auprès de ce fameux Corrompu qui leur portait tant préjudice.


« Je suis seul, peut être, mais simplement parce que les faibles me craignent et que les forts se méfient de moi. Les autres, les idéalistes qui n’ont pas encore compris la réalité du monde, ils me méprisent. »

Luz se releva avec une infinie précaution. Son instinct de survie avait malheureusement viré au rouge de l'alerte absolue... Un manieur d'énergie. Un magicien. C'était bien sa veine ! Elle ne l'avait jamais sous-estimé, mais voulait bien croire qu'il recelait en définitive de bien plus d'énergie qu'il ne le laissait de prime abord supposer. S'il lui prenait l'envie d'attaquer...

« Et moi ? Dans quelle case me classez-vous ? Où me rangerez-vous pour vous débarrasser d'un cas un peu trop difficile et complexe à résoudre ? Je suis sérieusement butée, comme fille, vous savez. »

… Elle ne fuirait pas. Ceci, elle le lui avait assuré. Et Luz était quelqu'un qui tenait toujours ses promesses, aussi rares qu'elles étaient sûres...
Elle grimaça lorsqu'il usa de sa magie pour cautériser sa plaie. On avait pas idée de traiter une blessure ainsi ! Son corps n'était pas constitué d'alliage renforcé, viendrait un jour où sa propre énergie lui causerait bien plus de dommages qu'une simple flèche s'il conservait cette sale habitude ! Saisie par ses réflexes médicaux à des années lumières de ce que lui hurlait sa bonne conscience, Luz en oublia sur l'heure la dangerosité de l'elfe et s'approcha sans l'once d'une gêne. Elle ne se l'avouerait probablement jamais mais elle conservait en elle le secret espoir de lui voler un peu plus de ce regard violet qu'elle cherchait tant à croiser...


« Vous êtes peut-être fou et dangereux, mais ce n'est pas ainsi qu'on soigne une blessure. Même quand on vient de tuer un enfant. »

Un enfant qui avait cherché à les tuer. Un enfant ne devrait pas avoir à prendre les armes, encore moins à s'interposer entre un monstre et un dragon. A croire que toutes les chimères de ce monde se retrouvaient aujourd'hui en un splendide zoo de créatures loufoques...
Luz leva la main, tendit spontanément les doigts vers son épaule abîmée. Se figea à quelques centimètres à peine de sa peau, bloquée par ce gouffre qu'elle ne pouvait franchir... Une lueur douloureuse et perdue assombrit son regard vairon un infime instant, impuissante à l'aider.

« Après ceci, je jure sur tout ce que j'ai de plus cher que je ne vous toucherai plus jamais, Ô grand jamais, tant que vous n'en manifesterez ni l'envie ni le désir. »

Non, elle n'en avait plus le droit. Quoi qu'il advienne. Elle détourna soigneusement les yeux, referma sa main en un poing indécis qu'elle ramena contre sa poitrine.


« Bref, je suis médecin, vous feriez mieux de passer de la pommade sur cette méchante brûlure avant qu'elle ne transforme votre épaule en fabrique de souffrance. Surtout si vous utilisez vos mains pour vos sorts, allez faire bouger cette épaule en étant aussi peu soigneux avec vous-même... »

Elle releva les yeux dans les siens, sous la barrière sombre de ses cils. Un sourire dérisoire parvint à masquer sa frustration, elle qui avait toujours été bien plus que tactile et aimait par-dessus tout la chaleur des autres sur sa peau...
Mais il n'était pas temps pour ces choses là. Car la forêt explosait sous les pas d'un peuple en colère, et de nombreuses odeurs diffuses régnaient déjà sur la clairière. La cendre tout d'abord, le lourd drapé du gaz amère qui rappait la gorge et asséchait la langue, puis la fragrance sylvestre des sous-bois humides, l'odeur des arcs tendus et du cuir élimé des armures... Luz sentait les vibrations sensibles de leurs pas sur l'humus, toutes ses variations que sa nature de reptile parvenaient à lui rapporter. Elle n'était pas rassurée. Mais ne fuirait pas.


« Je vous accorde que votre vérité en est une. Mais j'en ai une différente, et tout comme vous j'y tiens beaucoup. Et je vais rester ici s'il le faut, j'espère que vous êtes prêt à vous battre... Ne me faites pas l'affront de mourir, car croyez bien que je serai capable de venir vous ennuyer jusqu'au fin fond des Limbes ! … Alors, quelle est notre porte de sortie cette fois-ci ? »

Elle lui offrit un sourire implacable, un rire dans le reflet de ses yeux.
Un, deux, trois elfes apparurent à la lisière des arbres encore intactes. D'autres devaient s'activer dans l'ombre dans l'espoir d'éteindre ce feu ravageur. Là, au centre de tout, de cette clairière vide et si animée, Luz et Saeros étaient désormais seuls. Seuls à deux...

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Ven 15 Nov - 21:47
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Étonnant l'effet que pouvait avoir sur quelqu'un une bonne dose de réalité. Il y a quelques minutes à peine, il avait cru pouvoir se débarrasser de son identité. Cru possible de changer de peau comme un papillon sort de sa chrysalide.

Le crépitement des flammes, les imprécations et les cris de douleurs qui raisonnaient à présent dans la clairière, tout cela lui faisait comprendre à quel point il s'était montré stupide. Même si il l'avait désiré, changer n'était plus possible. Le monde ne le laisserait pas faire. Si il abandonnait aujourd’hui, son passé le poursuivrait et se chargerait de le remettre à sa place demain. On ne se débarrassait pas d'un demi-siècle de haine comme on se débarrassait d'une vulgaire chemise ! Le seul moyen de survivre était de continuer à courir, de fuir en avant pour échapper à tous les dommages qu'il avait causés. S'arrêter pour regarder en arrière était un luxe qu'il n'avait pas les moyens de s'offrir.

Il jeta un coup d'œil sur le côté et admira le profil racé de la dragonne. Quelle étrange personne que celle-ci ! Elle lui avait tout à l’heure demandée dans quelle catégorie il la casait, et pour tout avouer il aurait été bien en peine de lui répondre. Un mince sourire étira ses lèvres. Pas dans la catégorie des faibles en tout cas ! La force, le courage et la détermination… ces qualités qu'il appréciait, il les retrouvait en elle. Il fit la moue. Son instinct de survie avoisinait toutefois les zéros, et sa propension à l'altruisme avait quelque chose de malsain pour un homme terre à terre - pour ne pas dire égoïste - comme lui. Quel dommage qu'elle ait été dotée d'une conscience !

Sa gentillesse naturelle allait cependant lui servir une fois de plus. Il avait encore besoin d'elle pour se tirer de ce guêpier.

- Si cela ne vous dérange pas, je propose que nous partions par où nous sommes venus. La frontière de l’empire est proche, mon fief n'est qu'à quelques kilomètres à l'est de cette maudite forêt. En prenant le, disons… "Dragon Express" je pense que nous y serions dans moins d’une demi-heure. Si vous vous sentez capable de me porter, bien sûr.

Les elfes étaient de plus en plus nombreux à se rassembler autour de la clairière, mais ils n'osaient pas encore passer à l'attaque. Plusieurs groupes essayaient vainement d'éteindre le feu tandis que d'autres les pointaient frénétiquement du doigt en hurlant des imprécations. Il reconnut parmi eux les elfes qui l’avaient abordé tout à l'heure, et il leur adressa un joyeux signe de la main. Politesses mises à part, il fallait se dépêcher où bientôt ils seraient encerclés.

- Je vais nous offrir un peu de répit le temps que vous preniez une décision. Je vous prie cependant de vous dépêcher, je ne pense pas les retenir longtemps.

Après ces derniers mots, il se détourna de la dragonne et ferma les yeux pour mieux se concentrer. Il tendit les bras en croix et une fois de plus les lueurs bleutées scintillèrent depuis le creux de ses paumes. Les elfes eurent un mouvement de recul et certains se replièrent dans les sous bois. D’autres, plus courageux, se décidèrent enfin à réagir. Un ordre fusa et une dizaine de flèches s’abattirent en sifflant sur la clairière. Malheureusement pour eux, il était déjà trop tard. Une brume informe émergea des gants du magicien et commença rapidement à se solidifier. Elle prit la forme d’un grand oiseau et celui-ci enveloppa Saeros dans ses ailes immenses. Les flèches atterrirent sur les plumes de l'oiseau et rebondirent comme si elles  avaient été faites de métal. Un sourire narquois fendit le visage du magicien.

- Le corbeau prend son envol…

L’oiseau se détacha de son maitre, déploya ses ailes, et avec une étonnante vélocité étant donnée sa démesurée carcasse, se précipita vers le groupe le plus important rassemblé à l’orée de la clairière. Une nouvelle volée de flèches s’abattit sur la créature, mais elles furent balayées avec la même facilité qu'auparavant. Une fois sa création parvenue au dessus des archers, Saeros tapa violemment dans ses mais. Une seule fois. La créature frémit et se mit à trembler. Son corps commença à se décomposer et reprit son apparence initiale. Sans préavis… il explosa.

D’un tout autre niveau que la javeline de tout à l’heure, l’explosion souffla les elfes à proximité, les ballotant comme de vulgaires fétus de paille. Plusieurs corps démembrés retombèrent dans la clairière et leur sang écarlate s’écoula sur l’herbe émeraude. Saeros croisa les mains dans son dos et sourit une nouvelle fois. Il avait vraiment bien calculé son coup. Le souffle de l’explosion lui avait à peine ébouriffé les cheveux. Satisfait, il se retourna et jeta un coup d’œil à la dragonne pour voir où elle en était. Ce fut sa seule erreur mais elle lui fut fatale.

Le crépitement des flammes couvrit le sifflement de la flèche. Elle émergea de la fumée à l’instant précis où il faisait volte face et il ne put la voir. Il ressentit un coup sec dans le dos et perdit l’équilibre. Vaguement, il se demanda si un elfe lui avait lancé un caillou. Il voulut continuer à avancer mais ses jambes étaient lourdes et ne le portaient plus. Il fit quelques pas maladroits mais fut forcé de s'arrêter.

Le sol lui sauta dessus et son visage heurta violemment le sol.

Il passa les mains sous son corps et lutta pour se relever. Il se demanda ce qui lui arrivait mais aucune réponse cohérente ne lui vint à l'esprit. Ses forces l'abandonnèrent une nouvelle fois et il retomba. La terre était douce contre sa joue et elle sentait bon l’herbe. Et puis pourquoi... ?

Pourquoi faisait-il si noir tout à coup ?

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Sam 16 Nov - 22:00
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Luz dérapa dans la terre sèche, sentit l'acier mordre son épaule en une longue estafilade. La terre s'était renversée en un rapport de force sanglant, et partout, les cadavres, les elfes, en proie à une rage qui déformait leurs traits en d'ignobles prismes d'obscurité, invisibles dans le jour si noir. Il y avait tant de lumière, et il n'avait jamais fait si sombre... C'était tuer ou mourir. La complexité d'une âme se borne alors à s'aplanir sur la véracité d'une violence légitimée, enfin retrouvée, dans cette grande joie jouissive de redevenir animal ! Découper, déchirer, mordre, griffer... Et adieu l'expertise des armes, un combat bien mené, propre sur soi et sur les autres ! Le monde -ce monde-là-, était ampli de saletés. Corruption peut-être, mais ce n'était qu'excuse rejetée sur les autres : oui, cette graine était déjà bien là avant même notre naissance... Une fleur, une jolie fleur rouge. Sanglante. Et elle n'avait jamais aussi bien poussé qu'ici.

Et elle n'avait jamais aussi bien poussé qu'en Saeros. Mais les doutes, les cris, la sensibilité n'avaient pas lieu d'être sur la terre labourée par la colère, et seuls les sifflements des flèches répondaient à son cœur éperdu de questions, perdu tout court, même, dans cet océan de cruauté où elle ne faisait que se noyer... Esquiver, pivoter, frapper. Un pas de côté, un pas de l'autre, comme une danseuse sur le fil, rivalisant de souplesse avec ces chats naturels qu'étaient les elfes. Et puis... Elle vit la flèche, probablement. Trop tard aussi. Et le tireur qui fusait à sa suite, pressé de récupérer son trophée de chasse, voire de précipiter la mort de Saeros qu'il devait juger trop lente et pas assez douloureuse.
Luz s'élança d'une détente vive, s'aidant d'une poussée électrique pour se propulser plus loin, plus vite. Plus haut. Elle bondit à son visage, enserra son cou entre ses jambes et se cambra d'une torsion violente vers le sol. Elle vint y poser les mains et envoya valser par-dessus elle le corps léger de l'elfe, qui partit s'écraser contre la terre en un craquement morbide.
Elle se rétablit dans un liserai de poussière. Sous ses mains, les particules vibrèrent d'une électricité tangible, fouillant le sol à la recherche de quoi que ce soit de métallique, le moindre objet qui entrainerait la délivrance de cette situation intenable... Son magicien était probablement mort, et elle ne pouvait pas même se retourner pour évaluer sa blessure. Sa lutte était vaine, on ne défend pas des causes perdues. Sauf quand on s'appelle Luz.

Un grondement sourd monta de sa gorge, les crocs dévoilés en un simulacre de sourire. Les reflets incendiaires de ses cheveux se mêlaient en de lourdes boucles lascives, une dégringolade de mèches flammes qui ourlaient son regard d'une ire divine. La couleur de ses yeux prit une nuance plus sombre, un doré ombrageux comme le roulement des nuages chargés d'orage... A quelques kilomètres à l'est de cette forêt, hein ? Lui qui était capable de massacrer une multitude de gens sans sourciller, comment pouvait-il être mis à terre dans un moment pareil ? Comment justifierait-elle la présence du « maitre » entre ses crocs, dans un état proche du comas ? Ce serait du suicide. Un délicieux suicide.
Sa transformation fut instinctive et n'eut même pas à être pensée. Ses ailes apparurent déjà déployées, entre ciel et terre dans la continuité d'un mouvement qu'elle avait amorcé humaine. Des langues de feu se déversèrent sur la terre brûlée, léchant le bois et les pierres en de somptueux crocs de suie. Un observateur attentif aurait noté le soin tout particulier qu'elle mit à ne déverser ses flammes que sur les parties de la forêt déjà condamnées, et à délimiter une précieuse barrière entre elle et les autres. Entre Saeros et les autres. Elle referma ses griffes sur lui, pria pour qu'il tienne le temps du voyage. Allez, juste un dernier vol et...

Elle s'élança par-delà le plafond bas des nuages. Les elfes en bas devaient impérativement perdre sa trace, et les écailles solaires d'un dragon rouge sont repérables à des milles à la ronde. Voilée derrière cet écran de lumière que réverbéraient les nuages sous elle, elle se faisait de fait invisible... Atterrir fut plus ardue. Surtout au vu du maigre jardin qu'avait la petite ferme qu'elle s'était dégottée, davantage convaincue que ses chances de survie augmenteraient plus ici que sur le domaine privé de Saeros. ! Elle connaissait de vue les habitants de ce coin reculé des Plaines, juste à la frontière de la forêt et des champs... Et voilà un autre voyage catastrophique d'accompli. Vraiment, Luz commençait à avoir vocation de taxi !


« Qu... Qu'est-ce que vous... »

Une petite bonne femme potelée observait le reptile qui lui faisait face, et l'elfe évanouit entre ses griffes. Des tubercules avaient roulé à ses pieds, et son regard avait tout l'air de dire à quel point cette scène était saugrenue... Le dragon s'effaça pour laisser place à la silhouette plus fine de Luz, qui ne put que s'écrouler sous le poids soudain de celui qu'elle tentait de protéger. Elle sentit quelque chose de chaud glisser le long de son bras, et leva avec stupeur une main couverte de sang. Ce n'était vraiment pas bon signe.

« Merde ! »

Au diable toutes les promesses du monde, il pouvait la maudire pendant des siècles qu'elle ne le laisserait toujours pas mourir ici ! Un brin paniquée, elle s’astreignit à respirer calmement, s'évertua à le maintenir assis tout en surveillant attentivement son souffle. Elle dégagea les mèches de cheveux qui lui gênaient la vue d'un rapide revers de main et se mit au travail...

« Mais... Mais... »

« Fermez-la un peu, et venez m'aider ! »

Elle devait ôter la flèche. Et vite ! La bonne femme sursauta et -incroyable !- s'exécuta prestement à la simple vue du sang. Elle l'aida à le maintenir ainsi et Luz put enfin avoir les mains libres. Elle brisa d'un coup sec la hampe gênante qui risquait fort d'aggraver les choses, ôta le haut de son vêtement sans plus de préambule. Elle  passa avec délicatesse la paume de sa main sur la blessure et retira le fer restant avec une infinie précaution...

« Bon sang Saeros, ce n'est pas le moment de me claquer entre les doigts... ! »

Elle avait murmuré entre ses dents serrées, appliquant fermement la paume de sa main contre la plaie afin d'en limiter de son mieux l'hémorragie, l'elfe contre elle heureusement toujours inconscient. Ses bras s'étaient teintés de rouge en d'étranges lignes incurvées, et son précédent revers de main avait laissé sur son visage la trace étalé d'un vermeil sanglant...

« Je... Je vais chercher des bandages ! »

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Lun 18 Nov - 0:27
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La température de la pièce chuta d'un seul coup. Une fine pellicule de glace tapissa la surface du pentacle et s'étendit progressivement aux tapis et aux murs. Un nuage de fumée d'un noir d'encre s'éleva au centre du cercle et s'amplifia jusqu'à atteindre des proportions gigantesques. Les bougies disposées dans tous les coins furent soufflées d’un seul coup, plongeant la petite pièce dans la pénombre. De très loin - si loin qu'on aurait dit qu'elles provenaient d'un autre monde - un chœur de voix désincarnées se mit à gémir à l'unisson. Soudain, la fumée se condensa, se solidifia, formant une silhouette humanoïde aux proportions affreuses. Après une très courte pause, deux yeux ardents se matérialisèrent au centre du nuage, parcoururent rapidement la pièce des yeux, et se fixèrent sur le jeune elfe qui se tenait à l’opposé du pentacle.

- Par le pouvoir du cercle, la contrainte du verbe et les pointes du pentacle, j-je te somme de me répondre ! Es-tu le démon supérieur répondant au nom de Kalkaïn ?

Du côté de la créature, pas la moindre parole ne fut prononcée. Elle croisa lentement les bras et pencha la tête de côté, comme si elle avait en face d'elle un animal curieux dont elle ne savait encore que faire. Nerveusement, l’elfe se passa la langue sur les lèvres et reprit la parole d'une voix tremblante.

- Es tu le Kalkaïn qui fut invoqué jadis pour écraser les armées du grand Xerxès ? Le Kalkaïn qui, en des temps reculés, provoqua la grande épidémie qui ravagea le r...

La créature donna un violent coup de talon sur le sol et le gamin eut un mouvement de recul. La glace sur les murs se fendilla brusquement et la silhouette s'enfla de manière menaçante.

- Mes noms sont nombreux dans de nombreux pays. Aucun n'a la moindre importance en ce lieu. Ici, seul compte la requête que tu souhaites me soumettre, mortel, et la manière dont tu comptes me rémunérer. Parle, et sois rapide ! Je commence déjà à me lasser...


L'elfe déglutit bruyamment, la peur se lisant clairement sur les traits de son visage.

- J-je te somme de me céder les yeux du démon Tubalchaïn ! Les yeux que tu as volé il y'a de cela quatre cents années et qui permettent de voir la vérité là où règne le mensonge !

Un rire sépulcral retentit alors dans la pièce. Le son semblait provenir de partout et de nulle part à la fois. Il n’avait RIEN d’humain.

- Et que tu proposes de me donner en échange de ce trésor, petite et misérable créature ?

Cette fois-ci, ce fut au tour de l’Elfe de sourire. Il rabattit le capuchon qui depuis le début de l’entrevue dissimulait ses yeux et révéla une paire de pupilles dorées.

- Un trésor plus grand encore ! Je te donne les miens, ceux que l’arbre monde m’a offert à la naissance. Les pupilles qui permettent de voir dans le cœur des hommes.

Les yeux écarquillés, le Démon resta interdit un moment. Ce ne fut qu’après une très longue pause qu’un immense sourire se peignit finalement sur son visage.

- Voilà qui est pour le moins surprenant ! C’est donc toi le nouvel élu, petit gamin ? Très étrange… Et qu’est ce qui motive ce choix, exalté représentant de l’Arbre Monde sur cette Terre ? Si cela n’est pas indiscret, bien sûr…

L’elfe sembla hésiter un instant avant de se décider à répondre.

- Mon pouvoir ne m’a procuré jusqu’à maintenant que malheurs et désillusions. Le cœur des hommes est rempli de mal et de faux-semblants. Si tu savais ce que j’ai pu voir dans le crâne des gens ! L’amour d’une mère pour son fils ? La volonté de vivre par procuration ! Un amour causé par la peur d’une mort certaine ! L’altruisme et les bons samaritains ? Des égoïstes qui souhaitent voir la reconnaissance dans les yeux de ceux à qui ils rendent service ! Car le plaisir que l’on ressent à la perspective de faire plaisir à son ami, quel plaisir est-ce sinon le sien ? Assez ! Assez de tous ces hypocrites ! Je renie tout ce qu’on m’a fourré dans le crâne sans mon consentement ! J’échange une vie de mensonge contre une existence sous le signe de l’honnêteté !

Le sourire du démon était à présent si grand qu’on avait l’impression qu’il courrait d’une oreille à l’autre.

- Ainsi donc, tu as fini par comprendre la réalité de ce monde maudit ! Tes prédécesseurs avaient préféré l’ignorer pour continuer à avancer dans ce qu’ils considéraient être le « droit chemin ». Le démon observa une courte pause. Es-tu plus lucide qu’eux ou bien plus faible et plus aisément corruptible ?  Je me le demande bien… Puisses tu ne jamais regretter ton choix !

Tout à coup, le démon sortit de son pentacle et franchit rapidement les quelques mètres qui le séparaient du jeune garçon. Ce dernier émit un petit glapissement et porta la main au poignard accroché à sa ceinture. Kalkaïn lui saisit vivement le poignet et le serra jusqu’à ce qu’il laisse tomber son arme sur le sol. Il approcha son visage à quelques centimètres du sien et le prêtre put sentir l’haleine fétide du démon courir sur son visage.

- Excuse moi, jeune maîte, mais cela risque d’être très légèrement douloureux. J’espère de tout cœur que tu ne m’en tiendras pas rigueur. Après tout, je ne fais que respecter ton choix !

Une main griffue se tendit vers l’œil droit du jeune home et commença doucement à caresser les contours du globe oculaire. Alors, le démon enfonça un peu plus profondément ses ongles dans la peau tiède et...

---

- NOOOOOOOOOOOOOON !!!!

Saeros se réveilla brusquement. En proie à une peur panique, il se débattit dans ses couvertures, gigotant en tous sens. Une douleur fulgurante le saisit soudain au niveau du dos et il fut contraint de se rallonger. Il sentit une main glacée se poser sur son front brûlant et il entendit une voix lui murmurer des mots dont il ne comprenait plus le sens. Il saisit la main sur son front et la serra le plus fort qu’il put, tentant frénétiquement de l’éloigner de son visage.

- Non, je ne veux pas ! Je ne veux plus ! Va t’en, pars !

La douleur se fit plus forte à mesure qu’il s’agitait et il sentit un filet de sang couler dans son dos. Sa vision se brouilla progressivement et ses forces le lâchèrent. Son bras retomba le long de son corps et il sentit les ténèbres l'envelopper.

Quand il se réveilla à nouveau, il faisait sombre dans la pièce. Le soleil semblait s'être couché et personne n'était à son chevet. Il ne divaguait plus et sa fièvre était retombée. Combien de temps était il resté inconscient ? Quelques heures ? Quelques jours ? Sa convalescence lui avait fait perdre toute notion du temps. Était on au début de la nuit ou à la veille d'un jour nouveau ? Il n'aurait pas su le dire. Il rejeta les couvertures sur le côté et se leva aussi agilement que faire se peut après s'être pris une flèche dans le dos. Sa colonne vertébrale ne semblait cependant pas avoir été touchée car il ne ressentait aucune difficulté à se mouvoir et à marcher. Il parcourut la pièce des yeux et remarqua que les meubles étaient rustiques et grossiers. Apparemment, il n'était pas être dans une chambre de son château, car jamais ses hommes n'auraient osé le mettre dans une pièce si peu luxueuse. Où donc pouvait-il bien être ? Les événement étaient confus et brouillés dans sa tête. Comment en était-il arrivé là déjà ? Il y a peu, il se baladait tranquillement dans une forêt, et à présent voilà qu'il était en convalescence dans la maison d'une personne qu'il ne connaissait même pas. Le plus étrange était que tout cela l'étonnait à peine. Cela semblait être la suite logique d'une série de choses dont il n'avait plus le souvenir.

Il se concentra, essayant de se remémorer les événements précédant sa blessure. Il en fut incapable. Consterné, il comprit qu'il devait être victime d'un quelconque choc post-traumatique provoqué par la douleur et l'état d'épuisement avancé dans lequel il s'était trouvé. Un nom lui revint en mémoire toutefois : Luz… et la vague image d'une belle jeune femme aux cheveux étincelants. Trop fatigué pour continuer à creuser sa mémoire, il parcourut la pièce en sens inverse et se rassît sur le lit. Les couvertures étaient propres, quelqu'un ayant pris la peine de ne pas le faire dormir dans son propre sang. Voilà qui était appréciable.

Il se faisait cette réflexion quand il entendit une clé tourner dans la serrure de sa chambre. La porte s'entrebâilla doucement, avec une infinie précaution, comme si l'on avait craint de le réveiller. Il s'aperçut alors avec embrassement qu'on lui avait retiré sa chemise, et qu'exception faite de son bandage, il était complètement torse nu. Confus, il se couvrît vivement de la couverture et se recoucha dans le lit. Il fixa la porte des yeux, se demandant qui allait bien pouvoir surgir.

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Mar 19 Nov - 0:09
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« Mais, non je vous dis ! Je ne veux pas de votre soupe aux légumes ! »

Luz laissa filer un soupir à rendre l'âme, et tâcha de rééquilibrer le lourd chargement qu'elle portait dans ses bras. Elle poussa du bout du pied la porte qu'elle venait d'entre-bailler, un petit pain chaud entre les dents et les mains visiblement prises. Derrière elle, Tilda la maitresse de maison prit ses grands airs de mamie effarouchée :

« Mais... Mais cela vous ferait du bien ! Ma soupe aux légumes est bonne, regardez comme vous êtes maigre et pâlichonne ! C'est pas comme ça qu'on fait des enfants ma bonne dame ! »

« Je suis un dragon nom de nom ! Pas végétarienne ! Vous voulez me tuer ? Et occ... »

Ses mots se figèrent sur ses lèvres, et son petit pain manqua tomber de surprise. Clouée sur le perron par deux yeux violets, elle ne put qu'ouvrir grand ses prunelles et esquisser un léger pas en avant, incertaine quant à la marche à suivre...

« ...Saeros ! Tu es réveillé... ! »

Quelle remarque incroyablement pertinente.

« Je vais lui faire de la soupe aux légumes, dans ce cas ! »

Le sourire qui s'amorçait sur ses lèvres se tordit en un semblant de grimace. Pitié, que quelqu'un la fasse taire ! Elle haussa un sourcil railleur, et parvint à libérer une de ses mains qu'elle agita avec négligence :

« Allez-y, faites donc, et ne revenez pas avant plusieurs heures, si possible. Voire jamais, en fait ! »

Inutile d'insister, la bonne dame était d'ores et déjà partie en direction de sa cuisine... Luz opta pour un sourire plus franc. Les ombres et les chimères s'en étaient allées, nuls ennemis dans les parages et comble de joie, son patient paraissait enfin à peu près vivant. Elle s'avança dans la pièce et referma la porte derrière elle d'un habile mouvement de cheville. Elle vint poser la lourde bassine d'eau tiède qu'elle portait sur la petite table de nuit, et éparpilla sur le bois une serviette propre et un bol...

« Tu as l'air d'aller mieux... J'ai posé tes affaires et tes gants dans la malle au pied du lit. Je voulais éviter que tu ne lâches la bride à tes pouvoirs par accident, au vu du peu d'énergie que tu avais ces derniers temps... »

Comment, comment lui dire qu'il délirait depuis bientôt deux jours, perdu entre ciel et terre dans une illusion à laquelle elle ne pouvait accéder ? Que ses cris parfois prenaient figure de mots sous les effets de sa trop forte fièvre, et que ses paroles dénonçaient les contours sombres d'un cauchemar insaisissable ? Qu'avait-il bien pu vivre dans sa folie... ?
Elle baissa inconsciemment les yeux sur les marques rouges qui ceignaient son poignet, lorsque les doigts de l'elfe s'étaient violemment refermés sur sa peau... Sa supplique résonnait encore désagréablement à ses oreilles, et elle n'avait pas oublié le frisson d'effroi qui était lestement remonté le long de sa nuque. Il avait vécu quelque chose de douloureux. A un point qu'elle n'envisageait probablement pas...
Elle s'ébroua, comme sortie d'une longue rêverie. Ses longs cheveux flamme ondulés d'humidité gouttaient sur la chemise blanche qu'on lui avait si gentiment prêtée, tout juste sortie d'un long bain que lui avait imposé la vieille sorcière. Il aurait été plus juste de dire que cette dernière l'avait purement et proprement noyée dans la rivière glacée du coin, mais enfin... Ses anciens vêtements étaient malheureusement couverts de sang, et il aurait été malvenu de sa part de se montrer à Saeros dans  un état fort semblable. Et là, elle ne parlait même pas de l'apoplexie qu'allait lui faire Léandre lorsqu'elle poserait le pied au Quartier Général de la Confrérie des Brumes ! Elle en aurait pour des heures d'explications farfelues !
Elle se pencha au-dessus du lit, s'appuyant d'une main sur le drap froissé que le matelas mou rendait mouvant. Elle glissa spontanément l'autre sous ses mèches de cheveux blanches, posant avec douceur sa paume chaude contre son front... Elle ferma les yeux un bref instant, et parut se détendre imperceptiblement.


« Tu n'as presque plus de fièvre, heureusement... Tu ne semblais plus vouloir descendre en-dessous des trente-neuf quarante depuis une journée et demi ! »

Ses prunelles se figèrent sur la marque à son poignet, puis firent le lien entre elle et lui. A présent qu'il était conscient, il ne serait plus aussi aisé de trahir sa promesse...
« Va t’en, pars ! »
Quand bien même ces mots ne lui étaient pas destinés, ils faisaient échos à son précédent désir de ne plus jamais la voir s'approcher... Peut-être... Peut-être s'était-il vraiment adressé à elle. Peut-être le dégoûtait-elle, elle qui était si peu humaine... Elle se força à brider ses élans physiques, et revint sagement s'asseoir sur le bord du lit, Ô combien cela lui en coûtait.
Puis elle vit l'un des bords de son bandage imbibé de sang. Ses yeux se plissèrent en une attitude suspicieuse, et un grondement farouche monta à ses lèvres :


« Ne me dis pas que... Tu t'es levé ? Tu ne peux pas rester en place plus de quelques heures ? Ta blessure ne cesse de se rouvrir, combien de fois vas-tu donc devoir frôler la mort ? »

Elle s'adoucit un tantinet, et passa une main malhabile dans ses cheveux, les ébouriffant davantage encore en de fantaisistes boucles mouillées. Là, elle ne savait trop quoi dire pour masquer sa frustration...

« Je te dois des excuses, j'ai été bien obligée de te toucher pour t'accorder les soins dont tu avais besoin... Mais à présent que tu es réveillé, je peux t'expliquer comment faire, si tu le souhaites. »

Elle désigna la serviette, l'eau chaude et le bol d'onguent, ainsi que la petite aiguille à coudre qui s'y trouvait.

« La sauge officinale est un puissant antiseptique, et au vu de la fièvre que tu as eu... Il faut désinfecter régulièrement. »

Luz Weiss

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Jeu 5 Déc - 3:51
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[HRP : désolé, je suis encore très en retard cette fois ci. Je n'ai pas vraiment de justification valable, si ce n'est une masse de travail  scolaire assez imposante et particulièrement déprimante…]

Quand Luz déboula dans sa chambre, un flot bouillonnant de souvenirs lui revint en mémoire. Une série d’émotions contradictoires se succédèrent rapidement sur le visage de l'elfe : surprise, embarras, plaisir, amertume. Entièrement concentré sur la jeune femme, il remarqua à peine la personne avec qui elle se disputait sur le pas de la porte. Quand elle fut finalement parvenue à chasser l’encombrante matrone, la dragonne referma la porte et s’avança dans la pièce, les mains visiblement chargées de tout un tas d’objets encombrants. L'elfe ne prit cependant pas la peine de regarder exactement ce qu’elle transportait. Il regardait le visage de la jeune femme avec une telle intensité qu’on aurait dit qu’il cherchait à graver ses traits dans son cerveau. Il ouvrit la bouche à plusieurs reprises puis la referma, comme un poisson rouge hors de son bocal :

- Vous…? Je veux dire… tu…?

Cependant, sa voix ne s’était pas élevée au dessus du volume sonore d’un murmure, et Luz ne semblait pas l’avoir entendu. La dragonne posa son chargement près du lit et se tourna vers lui. Elle ouvrit la bouche et commença à parler, mais Saeros ne comprit pas ses mots, ne les entendit pas, ou ne fit peut être pas assez attention pour en saisir le sens. Cela n’avait pas vraiment d’importance. Ce qui importait en cet instant, ce n’étaient pas les paroles de Luz mais ses gestes. La dragonne semblait peut être détendue, mais Saeros pouvait lire dans son attitude une certaine tension, une tension dont il ne parvenait pas à déceler l'origine. L'elfe suivit inconsciemment le regard de la dragonne qui s'était baissé sur ses bras, et il remarqua que des marques bleuâtres striaient ses poignets. Le magicien retint son souffle et ses yeux s’écarquillèrent. Il n’était pas bien difficile de deviner par quoi ces marques avaient été causées. Un individu particulièrement brutal avait dû saisir le bras de la dragonne, et le serrer, le serrer jusqu’à imprimer ces marques douloureuses. Il n’était pas non plus très difficile de deviner l’identité de cet "individu brutal". Saeros rougit et baissa les yeux sur ses couvertures. Le jeune magicien sentit tout à coup un autre sentiment prendre la place de ceux qu’il avait expérimenté tout à l’heure. Un sentiment qu’il avait si peu souvent connu qu’il mit bien plusieurs secondes avant de l’identifier. De la honte. Par deux fois déjà, la dragonne lui avait sauvé la vie et extirpé des situations les plus critiques qu’il avait jamais connu. Non seulement il n’avait pas pris la peine de la remercier, mais voilà qu'à présent il la faisait souffrir ? Les joues brûlantes, Saeros n’osait plus regarder la jeune femme en face. De son côté, Luz, qui ne semblait pas avoir remarqué son embarras, se pencha au dessus du lit et posa délicatement une main sur son front. Le magicien se raidit imperceptiblement mais il n'osa pas demander à la dragonne de retirer sa main. Il se sentait encore trop coupable pour lui opposer un quelconque refus. Et puis, bien qu'il se refusât catégoriquement à l'avouer, une petite part de lui même ne trouvait pas si désagréable le contact de la main chaude sur sa peau.

« Tu n'as presque plus de fièvre, heureusement... Tu ne semblais plus vouloir descendre en-dessous des trente-neuf quarante depuis une journée et demi ! »

Les derniers mots de la jeune femme frappèrent comme un marteau, le ramenant brutalement à la réalité. Une journée et demi  ? Il était resté inconscient aussi longtemps que cela ? A l’heure qu’il était, il aurait déjà dû être en route pour la capitale impériale afin de discuter avec son maître des récentes évolutions du conflit entre l'empire et les rebelles ! Et on ne pouvait pas dire que l'Archi-Démon appréciait vraiment les retards de ses subordonnés. Saeros avait à priori essayé d'éviter le plus possible. Disons qu’ils réduisaient considérablement l’espérance de vie. Il essaya de se redresser mais sa blessure se rouvrit et il grimaça. Luz, qui s’était rassise, émit un grondement sourd quand elle vit le sang qui imbibait son bandage.

« Ne me dis pas que... Tu t'es levé ? Tu ne peux pas rester en place plus de quelques heures ? Ta blessure ne cesse de se rouvrir, combien de fois vas-tu donc devoir frôler la mort ? »

Autant de fois qu’il le faudrait ! La  souffrance était une sensation relativement plaisante comparée à l'agonie que lui réservait son maître si il osait ne serait-ce qu’un instant le décevoir. Il tenta encore de se redresser mais il essuya un nouvel échec. À contre cœur, il fut bien forcé de se rallonger sur son lit. D’abord regagner des forces, puis se relever, et enfin trouver une très bonne excuse pour l'empereur, sinon…

« Je te dois des excuses, j'ai été bien obligée de te toucher pour t'accorder les soins dont tu avais besoin... Mais à présent que tu es réveillé, je peux t'expliquer comment faire, si tu le souhaites. »

Bien sûr. La dragonne avait bien été forcée de le toucher pour lui prodiguer ses soins, mais à présent qu'il était plus ou moins rétabli, il n'était plus question d'entrer à nouveau en contact avec lui. Il sentit un petit pincement mélancolique lui étreindre l'estomac à l'idée que la dragonne ne toucherait jamais plus sa peau avez ses mains douces et tièdes. Saeros secoua la tête, chassant le sentiment irréel. Il était le premier à lui avoir demandé de rester loin de lui, alors pourquoi donc regretter quoi que ce soit ?

« La sauge officinale est un puissant antiseptique, et au vu de la fièvre que tu as eu... Il faut désinfecter régulièrement. »

Saeros acquiesça et, avec une grimace, se redressa en position assise.

- Écoutez, Luz, je…

La porte s’ouvrit à la volée, interrompant le magicien en plein milieu de sa phrase. La même femme que tout à l’heure pénétra dans la pièce à grandes enjambées, l’air particulièrement soucieuse et affairée. Elle portait entre ses mains un lourd plateau en argent sur lequel reposait un gros bol de soupe, une cuillère et un torchon. Saeros lui jeta un regard mauvais, mécontent d’avoir été interrompu alors qu’il était sur le point de présenter ses excuses auprès de la dragonne, quelque chose très inhabituel chez lui. La matrone n'y prêta cependant pas la oindre attention, soit qu’elle s’en soucia peu soit qu’elle ne l’ait pas même remarqué.

- Et voilà une bonne soupe  de légumes bien de chez nous ! Vous en avez bien besoin, dans l'état où vous êtes. Ce n’est pas sain du tout d’être maigrichon à ce point. Regardez vous dans la glace, on croirait que vous n'avez rien mangé depuis une semaine ! Elle agita frénétiquement son petit index épais sous le nez de la dragonne. Et cela vaut aussi pour vous, jeune fille ! Comment comptez vous jamais avoir une descendance si vous continuez comme ça ?

Saeros était presque sûr d’avoir entendu la vénérable matrone dire exactement la même chose à Luz il y’avait de cela quelques minutes à peine, sur le pas de la porte. Amusé par l’attitude résolument « mère poule » de la vieille dame, il réprima un léger éclat de rire et…  il fronça les sourcils. Depuis quand Saeros, un conseiller impérial, riait-il d’une autre manière que sarcastique ou - à la limite - dédaigneuse ? Ses lèvres se serrèrent en une mince ligne et son visage retrouva sa façade passive qui lui convenait si bien. Voilà, c’était beaucoup mieux ainsi ! Sa blessure devrait vraiment l’avoir affaibli pour qu’il soit ainsi prêt à baisser sa garde devant des inconnus. Oh, certes, Luz n’avait plus à prouver sa bonne foi, mais…

Ses réflexions furent brutalement – et particulièrement grossièrement - interrompues par une longue cuillère en bois qui vint se forcer un passage entre ses lèvres, heurter brutalement ses dents, et déverser son contenu brûlant dans son gosier. Il toussa violemment, tenta de recracher le liquide chaud, mais il était malheureusement trop tard. Il fut forcé de déglutir, s’ébouillantant cruellement le palais au passage.

- Non, mais vous êtes complètement folle ! Vous savez au moins à qui vous avez affaire ? Je vais… mais non, attendez un peu avant de… non !

- Tut, tut, tut ! Cela va vous faire le plus grand bien, je vous dis ! Buvez moi donc ça, et vous serez requinqué en un rien de temps.

Il fit de grands moulinets avec les bras, se débattit en tous sens, mais rien n’y fit. Il n’avait jamais été très fort physiquement, et sa blessure l’avait laissé (si cela est seulement concevable) encore plus faible que d'habitude, à peu près aussi dangereux qu’un chaton. Jamais dans sa longue vie d’elfe il n’avait autant désiré avoir ses gants à portée de main.

- Luz, à l’aide ! Éloignez la de moi, éloign… mmm !!

Une autre lampée, une autre brûlure. Il fit une dernière tentative pour repousser la vieille dame mais ce fut sans grande conviction. Ses protestations se firent peu à peu moins vives, et comme un homme qu’on est en train d'étouffer (ou de donner un nombre incalculable de coups sur le crâne) il finit lentement par se résigner et cessa complètement de se débattre.

- Et une cuillerée pour tâta Tilda ! Et une autre cuillerée pour…

Quand ce fut enfin fini, que le bol de soupe eut été en totalité versé dans sa gorge, il ne restait plus de Saeros qu'une masse informe et flasque, rappelant très vaguement la silhouette du digne magicien qu'il avait un jour été. Tilda, elle, semblait plus rayonnante que jamais.

- Et bien voilà ! Ce n'était pas si difficile, pas vrai ? Restez donc allongé, je vais vous chercher un autre bol !

Saeros ouvrit la bouche pour informer l'honorable matrone qu'elle n'avait vraiment pas besoin de prendre tant de peine pour sa modeste personne, qu'il lui était déjà extrêmement reconnaissant pour sa sollicitude, mais la porte avait déjà claqué derrière elle alors qu'il n'avait même pas encore prononcé la première syllabe de sa phrase. Soudainement, la menace représentée par la personne de l'empereur ne lui semblait plus si effrayante en comparaison au danger qu'incarnait la maîtresse des lieux. Il frémit à la pensée qu'il allait bientôt devoir déguster un autre bol de soupe si il ne trouvait pas très vite une très bonne excuse. Il pensa alors à sa blessure et à la nécessité de changer ses bandages. Ça au moins, ça lui gagnerait du temps ! Il reporta son attention sur la dragonne et porta son regard sur l'endroit où elle avait posé l'eau chaude, le bol d'onguents, et la petite aiguille. Quel serait le plus douloureux ? Se faire recoudre sa blessure ou bien avaler une nouvelle ration de soupe ? Saeros opina très lentement du chef, comme si il s'approuvait lui même. Oui, le choix était vite fait.

Avec d'infinies précautions, la magicien posa les deux pieds par terre et commença lentement à se relever, les genoux légèrement tremblants. Comme se faisait-il que cela lui ait été si facile il y avait de cela à peine une demie-heure ? À croire qu'il avait un peu trop forcé la première fois. Il fit quelques pas mal assurés en direction de la table ce nuit, et et se pencha pour prendre un rouleau de bandages propres. C'est alors que se posa un problème auquel il n'avait pas pensé. En fait, ne savait pas du tout comment s'y prendre. D'ailleurs, la blessure se situait dans son dos… difficile de la laver, de la recoudre, puis de la panser lui même dans ces conditions.

« Mais à présent que tu es réveillé, je peux t'expliquer comment faire, si tu le souhaites. »

Les joues de Saeros rougirent peu à peu à mesure qu'il comprit qu'il allait devoir, une fois de plus, demander assistance à la dragonne. Il détestait devoir quelque chose à quiconque, et voilà qu'il accumulait auprès de la jeune femme un nombre hallucinant de dettes. Et que se passerait-il si elle refusait ? Si elle en avait assez de l'aider ? Si elle ne désirait plus le toucher, elle qui avait dû s'occuper de lui pendant de longues heures de convalescence, elle que Saeros avait si cruellement blessée, alors que sa seule faute avait été de lui apporter son aide ? Et si…

Il se tourna vers la jeune femme et dit, d'une voix hésitante :

- Euh… en fait je ne suis pas sûr de…pouvoir y arriver tout seul.

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Lun 9 Déc - 16:15
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Luz fit mine de s'absorber dans la contemplation saisissante d'un gond de porte. Incroyable ! On en faisait encore de cette forme là, avec ce port altier et ces rainures métalliques si parfaites ! Oui hein, il fallait croire que les dragons n'étaient pas bien vaillants face à ce monstre humain qu'étaient les femmes... Surtout lorsqu'elles se prénommaient Tilda, avaient un embonpoint tout à fait conséquent et la poigne d'un mastodonte délicieusement croisé avec un ogre des montagnes. La bave en moins -quoi que cela restât à prouver. Luz rendit donc hommage au malheureux conseiller noir qui périssait entre les griffes d'un pareil monstre, prenant grand soin de ne surtout pas poser les yeux sur la scène de crime. Cachée derrière le paravent que formait sa main en une subtile technique du « non non, du tout, ne m'appelle pas à l'aide, je ne suis pas là », elle tentait vainement d'oublier les râles d'agonie grâce à son splendide gond de porte. Pardonne-moi Saeros... Mais personne ne peut lutter contre « ça » ! Pas même un dragon plutôt suicidaire et magnanime sur les bords !

Luz avait eu son content d'émotions fortes pour la semaine à venir. Affronter une horde d'elfes en colère, se charger du transport routier, sentir la vie de Saeros lui filer entre les doigts, et presque mourir noyée pour l'unique bon plaisir d'une petite dame de ferme... Cela n'était pas sans conséquence sur ce qu'elle était capable d'endurer ! Sans parler du fait que la petite dame en question avait une idée très précise de son identité. Par l'un de ces malencontreux hasards dont le destin gardait jalousement le secret, Luz avait autrefois eu à faire avec la ferme de Tilda et de son défunt mari. Des sacs de blé et de céréales nouvellement développés qu'elle comptait bien vendre sur le continent glacé par d'ingénieux stratagème de conservation... L'affaire avait marché, mais le souvenir était resté.

Toute à ses pensées Luz n'avait pas perçu la disparition de l'ouragan par la petite porte de bois. Elle arborait le regard rêveur de celui qui songe au passé, l'ombre diaphane de ses pensées se reflétant sans mal dans le plis froncés de ses sourcils. Sa curiosité était un brasier incontrôlable. Et Saeros avait eu l'infortune de la déclencher, exactement comme l'on marche sur une dalle piégée. A présent, Luz paraissait soucieuse. Aussi soucieuse que l'on peut l'être lorsque l'on doit s'occuper d'un elfe dont on ignore le passé, juste assez esquissé pour que l'on en ait une idée imprécise mais à peine saisissable du bout des doigts... La dragonne était assoiffée. Qui était-il réellement ? Quel était ce regard pour lequel elle avait peu à peu conçu un tel émerveillement exalté, doté de ces si nombreuses facettes de violet ? Avait-elle réellement tort d'éprouver ce besoin de l'aider, d'apprendre à le connaître comme l'on effeuille peu à peu une ébauche de personnalité jusqu'à sa véritable essence ? Et, par-dessus tout... A qui était destiné ce « Va t'en »... ?


« Euh… en fait je ne suis pas sûr de…pouvoir y arriver tout seul. »

Luz eut ce frisson tranquille de ceux que l'on surprend dans leur sommeil. Un instant d'égarement flotta sur ses lèvres entrouvertes, et les prunelles vives de ses yeux vairons parurent refléter ses questions silencieuses tandis qu'elle les relevait promptement vers Saeros.
… Qu'as-tu vécu par le passé ?


« Je vais m'en occuper. » dit-elle à la place, comme si les mots qu'elle désirait réellement lui étaient désormais interdits.

Elle tira un ruban élimé d'une poche de sa chemise, et accrocha rapidement ses longs cheveux gênants en un fouillis de mèches désordonnées. Puis elle tiqua. « Écoutez », « éloignez-la »... ? Un semi-sourire espiègle étira ses lèvres, dévoilant à demi ses dents en un sourire de renard.

« Oh vous savez, vous pouvez me tutoyer. » fit-elle d'un ton faussement badin. « M'est avis que lorsqu'on a déjà allègrement pataugé dans le sang de l'autre une certaine forme de promiscuité s'instaure... »

Elle devait toutefois avouer que sa remarque était plutôt malvenue venant de quelqu'un qui hésitait sans cesse entre le « vous » et le « tu »... Depuis l'origine de leur rencontre, elle ne cessait d'aller et venir entre ces deux valeurs : soit il mourrait et la distance devenait impossible, soit il se rebiffait et plaçait d'office un abime infranchissable entre eux d'eux. Comprenez que dans ces conditions il était difficile pour Luz de savoir à quoi s'en tenir ! Elle qui avait pour habitude de classer sa clientèle dans les « vous » avait bien du mal à situer Saeros sur son échelle relationnelle...  Et puis, elle ne s'ôtait pas de l'idée qu'un elfe qui plus est noble n'accepterait le « tu » pour rien au monde !
Elle s'approcha du lit de ce pas de velours qui lui était si personnel, et attrapa le fil et l'aiguille d'une main experte. Avec l'habileté que conférait l'habitude, elle rentra le fil dans la boucle et forma un nœud en deux trois mouvements. Son regard glissa de la pointe effilée aux yeux si violets de Saeros, un regard en coin sous la barrière sombre de ses cils qui semblait tout et ne rien vouloir dire...


« Cela risque de piquer un peu... J'espère que vous avez l'habitude, car cela sera loin d'être agréable. Mais ce sera vite fait tant que vous ne me rouvrez pas cette satané blessure pour la millième fois ! »

Malgré son ton qui frisait la rudesse à s'y méprendre, ses mains conservèrent cette douceur tiède et ce calme tranquille qu'offrait l'assurance et la confiance en l'autre. Elle mit de côté sa préparation et vint s'asseoir sur le bord du lit sans une once de gêne, faisant courir ses doigts fins comme des ailes sur le bandage saboté de Saeros... Puis, tour après tour, elle l'enleva avec une infinie précaution pour ne pas réveiller la blessure, ses longs cheveux roux frôlant parfois en de mèches souples et humides la ligne des épaules de l'elfe. Elle passa la pulpe de son pouce sur la plaie laissée par la flèche, et esquissa une grimace éloquente sur ce qu'elle pensait de la manière dont il traitait ses blessures...

« Ah, et je vous serai gré de ne pas toucher cette épaule que vous avez si négligemment soignée d'un coup de magie au début de l'affrontement. J'y ai passé de l'onguent pour apaiser la brûlure et vous éviter ainsi une cicatrice désagréable et des tiraillements ! »

Elle ne lui jeta pas même un coup d’œil, parlant tout en s'affairant comme elle avait la si jolie manie de le faire. Sans doute un héritage de Clydwen ! Elle trempa la serviette dans le bol d'eau chaude, et tâcha de nettoyer les traces de sang que les mouvements de l'elfe avaient malencontreusement provoquées.

« Quant à la raison officielle de notre présence ici... J'ai dû raconter une version à peu près convenable à Tilda. Je ne réponds pas de ce qu'elle nous aurait fait si elle n'avait pas obtenu des réponses ! Je suis trop jeune pour mourir étouffée dans de la soupe de légumes ! »

Elle étouffa un rire et récupéra son aiguille dans le but d'enfin recoudre sa blessure.

« Donc, officiellement, je suis une commerçante de la Confrérie des Brumes qui devait vous accompagner, vous et une caravane de marchandises qui vous était destinée. Or, histoire habituelle, attaque de mécréants et de vils bandits qui ne nous ont laissé d'autre choix que de fuir... »

Elle laissa filer un doux soupir, et, satisfaite de son travail, vint couper le fil restant à l'aide de ses dents. Oui, cette aventure n'était pas fameuse... Mais elle avait toujours était bien plus douée dans l'art d'écouter que d'inventer des frasques pour satisfaire la clientèle. Son don était sa mémoire, non son imagination débordante ! Et l'avantage de cette version là, lui accordait au moins le bénéfice de ne pas être discréditée si jamais Tilda venait à évoquer son rôle à la Confrérie des Brumes. Saeros prendrait alors ce mot de trop comme faisant partie intégrante du mensonge qui avait été servie à la bonne dame ! Sauf s'il connaissait d'ores et déjà son nom et parvenait à faire le lien...

« … Pas de quoi casser trois pattes à un canard je sais, mais sur l'instant c'est tout ce qui m'est venu à l'esprit. »

Voilà qui était fini pour l'étape couture. Elle récupéra le bandage propre qu'elle avait apporté, le badigeonna de cette pâte bénéfique qu'était la sauge officinale préparée, et avec le même soin qu'elle avait mis à lui ôter le précédent, elle entoura son torse de cette bande protectrice bien en place sur sa plaie.

« Les soins sont finis, annonça-t-elle d'un sourire désarmant, ça suffira pour aujourd'hui si vous consentez à ne pas trop bouger durant quelques heures ! »

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Dim 15 Déc - 21:31
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Saeros banda ses muscles quand le tissu humide entra en contact avec sa peau. Il n’émit toutefois pas le moindre gémissement quand la dragonne enveloppa le bandage autour de son torse. Il était bien trop fier pour cela. Luz l’avait déjà vu en position de faiblesse à de multiples reprises, hors de question que cela se reproduise une fois encore.

« Les soins sont finis ! Ça suffira pour aujourd'hui si vous consentez à ne pas trop bouger durant quelques heures ! »

Le sourire de la dragonne l’éblouit à tel point qu’il dût cligner plusieurs fois des yeux , hébété et confus. Pendant plusieurs secondes, il fut incapable de penser à autre chose qu’à l’alignement parfait des dents de la dragonne, la blancheur de l’émail qui les recouvrait, et la couleur pourpre des lèvres qui contrastaient ave…

Saeros secoua brutalement la tête, chassant ces pensées parasites. Cela ne lui ressemblait pas du tout de rêvasser comme ça ! Sa blessure - ajoutée aux évènements des deux journées qui avaient suivies - avait véritablement mis sa sensibilité à fleur de peau. Il fallait vraiment qu’il se reprenne un peu, nom de Yehadiel ! Il ferma les yeux et, de sa voix la plus calme et détachée possible, dit :

- Je ne pense pas disposer de « quelques heures » devant moi, Luz. Je n’ai déjà que trop tardé. Mon retard est inexcusable, et mon crédit auprès de l’empereur n’est pas assez important pour que je puisse me permettre de rester plusieurs jours sans lui donner de nouvelles. Mon maître aime bien garder sous surveillance étroite ses plus importants… « serviteurs ».

Il avait bien failli dire « esclaves », mais sa fierté l’avait retenu. Oui, il était vrai que Saeros devait se plier au bon vouloir d’Aile Ténébreuse. Oui, il était vrai que le magicien n’était que l’un des multiples serviteurs du trône. Mais un jour, quand il serait devenu assez puissant - dans tout au plus quelques années, et après tout qu’est ce qu’était le temps pour un être comme Saeros ? - il ferait plus, bien plus, que le servir. Mais en attendant, il devait rester en vie, et cela impliquait aussi de rester dans les bonnes grâces de l’empereur. Ce qui l’amenait à un léger problème.

Il ne savait pas où il était, ni comment rentrer à Sen’Tsura.

Il ne disposait actuellement d’aucun moyen de transport qui lui permettrait d’arriver à la capitale dans des délais corrects. Ou plutôt... il jeta un coup d'œil en biais à la dragonne Si, il y’en avait bien un. Ses traits se durcirent et il serra les poings. Il était hors de question qu’il lui réclame l'assistance de Luz une fois encore ! Il n’accumulerait pas plus de dettes qu’il n’en avait déjà contractées auprès d’elle. Il était à même de se débrouiller seul, bon sang ! Il n'avait besoin de l’aide de personne. D’ailleurs, même si il savait à présent qu’il pouvait faire confiance à la dragonne - car après tout ne lui avait-elle pas sauvé la vie à deux reprises ? - il ignorait tout d’elle et de ses origines. Qui était-elle ? D’où venait elle ? Luz lui avait tout à l’heure affirmé avoir menti  à Tilda, et avoir inventé l’excuse qu’elle faisait partie de la confrérie des brumes. Mais en ce cas, si ce n’était pas la vérité, qui était-elle réellement ? Il était évident qu’elle n’était pas habituelle. Elle était même tout sauf habituelle. Elle ne faisait pas partie de l’empire, sinon il l’aurait su. Les dragons qui avaient rejoints Aile Ténébreuse se comptaient sur les doigts de la main. Ils étaient beaucoup trop indépendants et fiers pour se soumettre à l'empire si facilement.

- Ainsi, vous avez dit à, Tilda que vous étiez une membre de la confrérie des brumes chargée de m’escorter moi et un chargement de marchandises. Si ceci est une excuse, alors quelle est la vérité ? Que faisiez-vous dans ces bois, Luz, avant de m’avoir trouvé ?

Il se redressa sur un coude et regarda droit dans les yeux vairons de la dragonne, à la recherche du moindre signe d’hésitation dans ces iris lumineuses et si expressives. Tout à coup, une certaine inquiétude le saisit à l’idée qu’il était seul dans cette chambre, sans aucun moyen de se défendre. Dépourvu de ses gants, il se sentait littéralement coupé d’une partie de lui-même. Sa magie n’était plus seulement un outil pratique pour lui, elle était progressivement devenue bien plus : le symbole de son pouvoir, l’incarnation de son autorité et de sa puissance.

- Luz ? Cela vous dérangerait d’ouvrir ce coffre et de me passer mes gants ? Son ton se fit presque suppliant. Telle une drogue, il avait besoin de sa magie. S’il vous plaît…

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Mar 17 Déc - 2:31
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Luz délia ses longs cheveux flammes d'un élégant mouvement du poignet. Un pli irrité à l'orée d'un sourcil traduisait avec éloquence qu'elle avait perçu bien mieux que quiconque la subtile différence d'un serviteur à guillemets... Pas plus qu'hier comme aujourd'hui elle n'aimait savoir l'emprise qu'avaient les puissants sur ceux qui se mettaient à leur portée. Pour une raison qu'elle ne s'expliquait pas, elle aimait encore moins cette perspective lorsqu'elle était affiliée à Saeros. Elle coula vers lui l'un de ces regards feutrés de félin, de cette nonchalance lascive du prédateur qui ne sait guère si ce qu'il tient entre ses griffes sera gibier ou traquenard...

« Si ceci est une excuse, alors quelle est la vérité ? Que faisiez-vous dans ces bois, Luz, avant de m’avoir trouvé ? »

Un lent sourire suave étira ses lèvres en un fin trait de sang mordant, à la lisière de ses crocs... Les draps épars et mouvants avaient de ces allures de couleuvres endormies qu'ont les lits dérangés, encore chauds du poids des corps et de la clarté matinale qui perçait mal les carreaux opaques de la pièce. La chambre avait la touffeur d'une alcôve secrète, invisible et obscure dans ces rais de lumières changeants, salle nue que rien ne pouvait combler si ce n'était les meubles de bien trop mauvaise facture pour avoir un jour eu meilleure mine... Sur ce lit défait, les cheveux dénoués en une dégringolade d'amples boucles enroulées, Luz eut l'un de ces sourires de reptile qui ombrageait ses prunelles d'une nuance sombre plus cendrée...

« Je rentrais chez moi, avant de vous trouver. Je rentrais pour l'un de ces rendez-vous commerciaux qui forment mon quotidien... »

Elle prononça ces mots comme l'on se délecte d'un bonbon sucré sur la langue, avec cette douce retenue du secret à peine esquissé. Toujours assise sur le bord du lit, un entre-deux précaire entre vide et draps tièdes, elle vint poser sa main sur le matelas et mêla ses doigts fins au tissu délicat afin d'y prendre appui. Elle se pencha alors vers l'elfe avec un air de chat indompté, les yeux mi-clos en une fausse torpeur de serpent aux aguets.

« Depuis combien de temps êtes-vous Conseiller Noir, Saeros ? »

De sa bouche, de ces intonations étrangères car non humaines, le titre retrouvait ses grandes lettres de noblesse qu'il lui avait si injustement arraché par un irrévérencieux « serviteur ». Ses lèvres dessinèrent le C et le N avec un charme fasciné, ce charme qu'il exerçait sur elle lorsqu'elle se heurtait au manteau de mystères dans lequel il s'était drapé...

« Si vous l'êtes depuis plusieurs années, alors vous me connaissez. Je suis celle que vous avez contacté lors de l'Enfer Polaire, à l'origine de certaines informations comme de toutes celles qui concernent le continent d'Adhès... Achetées à bon prix. La Confrérie des Brumes est mon monde... »

Luz était également à l'origine des premières campagnes de lutte contre les Adorateurs de Nayris sous l'instigation d'un agent dormant de l'Empire. Iskios. Qu'était-il devenu, par deux fois révéré client parce qu'il payait bien ? Vanitas, Asmodan, Zaïthan tout ce monde là la connaissait. Et la réciproque était également vraie. Ah le vin au coin du feu avec l'Amiral... Ces souvenirs passés la rendaient terriblement nostalgique !
Elle garda les yeux rivés aux siens, à demi-penchée vers lui en une interrogation muette, un souffle en suspension dans ce temps qui s'était arrêté entre eux deux. Ses iris fendues d'un doré sombre avaient cédé leur vairon habituel pour un regard plus sauvage, amarré aux yeux violets de l'elfe avec une infime touche d'émerveillement.


« Et c'est ainsi que je vous ai trouvé. Qu'avez-vous vécu que vous m'apparaissiez si fascinant... ? »

Sa voix n'avait été guère plus qu'un murmure. Un écho à la légère brûlure qu'elle ressentait à son poignet, celui sur lequel elle était appuyée et que Saeros avait si violemment imprimé de ses doigts... Inconsciente à son malêtre sans sa précieuse magie, inconsciente à la prudence et à elle-même aussi probablement. Luz était bien trop téméraire et pas assez consciencieuse pour garder à l'esprit que son interlocuteur venait de décimer des rangées d'elfe d'un simple effet son et lumière. Et voilà qu'ils se tenaient l'un levé sur un coude l'autre penchée vers lui, aussi proches que lorsqu'elle l'avait effleuré de cette lame, là-bas dans la forêt... Sans ces gants qui étaient une part de mystère qu'elle désirait éclaircir et qui excitaient tant sa soif d'apprendre...

Elle ne le lâcha pas des yeux et laissa courir sa main libre sur le lit, jusqu'à la petite malle surélevée. L'air ambiant avait la tension d'un rêve décousu, qui nous apparaît si décalé et pourtant constellé de détails coupants qui s'imprimaient sur la rétine comme du silex. Il y eut à peine un grincement. Et elle lui tendit ses gants comme l’œuvre de sa propre mort, sans l'once d'une hésitation ou d'un battement de cils...

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Mer 18 Déc - 23:01
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Son cœur battait à tout rompre contre sa poitrine, menaçant de lui briser les côtes. Il déglutit difficilement avant de se saisir lentement - très lentement - des gants que Luz tenait dans sa main. Accidentellement, il effleura les doigts de la dragonne et un frisson courra le long de son échine. Il dégagea vivement sa main, mais, au lieu d’enfiler les gants qu’on lui tendait, il les déposa sur le lit, incapable de détacher ses yeux de ceux de la dragonne, comme hypnotisé par la jeune femme qui le surplombait de toute sa hauteur.

Est-ce qu’il avait peur… de Luz ?

Indéniablement, il y avait de cela. Devant lui se tenait le maître incontesté de la confrérie des brumes, l’une des organisations criminelles les plus puissantes du continent. Une mafia responsable de tous les trafics imaginables : informations, armes, provisions… même d'êtres humains. Il devait avouer avoir été choqué quand elle lui avait révélé son identité. Effrayé même. Il n’aurait jamais imaginé qu’une femme si douce, si prévenante, puisse être à la tête d’une telle organisation. Il aurait pensé que quelqu’un comme le chef de la confrérie l’aurait laissé mourir dans les bois, se réjouissant peut être du bain de sang au passage. Mais en ce cas… quel intérêt y avait il pour Luz, maitresse d'une telle organisation, à le laisser en vie ? L’avait-elle sauvé pour lui extorquer des informations ?  Les secrets qu’un conseiller impérial pourrait échanger pour sauver son existence ? Et pourtant… Luz ne connaissait pas son identité quand elle s’était interposée entre lui et la fureur des elfes. Elle n’avait eu à ce moment aucun moyen de savoir qu’il était Saeros, le Conseiller Noir. Il plissa les yeux. A moins que…  A moins qu’elle n’ait été de mèche avec les elfes depuis le début ? Que tout cela n’ait été qu’un immense piège à son intention ? Une seconde de réflexion lui suffit pour infirmer cette théorie. Non, si c’était un piège pour le pousser à baisser sa garde, à le mettre en confiance pour qu’il révèle de son plein gré ses informations, elle n’aurait pas révélée ainsi son identité. Saeros fronça les sourcils. Il avait mal à la tête à force de penser à toutes les raisons, les causes et les implications, des actes de la Dragonne. Il n’arrivait pas à distinguer de logique, de fil conducteur. Luz semblait agir selon l’inspiration du moment, impulsive et impétueuse, à la manière d’un vent violent qui était prêt à changer de direction à tout instant.

Ce comportement échappait totalement à un esprit calculateur et froidement logique comme celui de Saeros.

Il s’aperçut qu’il n’avait toujours pas détaché ses yeux du regard lumineux de la Dragonne, et qu’il continuait à se perdre dans ses iris vairons. Oui, il devait admettre avoir été choqué par la révélation de l’identité de Luz… mais ce n’était pas vraiment cela qui faisait battre son cœur plus fort dans sa poitrine. Ce qui l'agitait ainsi, c'était la lueur farouche qu’il lui voyait briller dans le regard, la liberté indomptable et inconditionnelle qu'il lisait dans toute son attitude. Ses cheveux descendaient en longues cascades sur ses épaules, et il ne pouvait qu’admirer leur magnifique couleur pourpre. Le rouge… c’était la couleur même de la liberté, de l’indépendance et de la passion. Il était ironique de constater le contraste avec sa propre chevelure, grise et terne, symbole de l’abandon, du mépris et du détachement. S’il se sentait si anxieux, c’est qu’il avait conscience de se trouver face à un être qui lui était diamétralement opposé. C'était la spontanéité face à la logique, l’indépendance contre la servitude, la chaleur opposée au froid. L’existence de la dragonne était un vivant rappel du fait qu’il avait mis un prix sur sa liberté, qu’il l’avait empaquetée comme une vulgaire marchandise, puis vendue en échange de pouvoir. Un pouvoir sans limites ! Mais cela en valait le coup… n’est- ce pas ?

Parce que tout à coup, il n’en était plus si certain.

Le temps s’était figé dans la petite pièce. Une simple seconde semblant durer une minute, et chaque minute s'écoulait à la vitesse d'une heure. Il avait l’impression que son sang s’était changé en feu, et son corps lui faisait mal après chaque battement de cœur. L’idée qu’il existait encore lui brûlait le sang aux poignets, et son enveloppe charnelle lui semblait tout à coup pesante, bassement terrestre, comme une prison écœurante de laquelle son esprit ne demandait qu’à se détacher. Et tout cela, c’était à cause de cette dragonne.

- Pourquoi est-ce que je vous intéresse, vous dites ? C’est une question que je ne m’explique pas.

Et c’était la vérité pleine et entière. Le magicien était tellement prévisible et inintéressant ! Ses actions ne connaissaient qu’une et une seule motivation : l’intérêt personnel, la satisfaction égoïste des désirs, la volonté de puissance.

- C'est vous le véritable mystère vivant, Luz, pas moi. Aucune de vos actions ne trouve la moindre motivation logique. Le fil rouge de votre comportement m’échappe totalement - et ce malgré mes plus sincères efforts pour le discerner. Je n’arrive pas à vous caser dans une catégorie, Luz, et encore moins depuis que vous m’avez révélé votre véritable identité. Comment se fait-il que je ne sois pas déjà enfermé dans l’une des planques de la confrérie, prêt à être échangé contre une rançon ou à me faire torturer pour que soit extorqué de ma personne toutes les informations à ma disposition ? Ne me dites pas que vous ne l'avez jamais fait, je ne vous croirais pas.

Il tendit sa main vers ses gants, les saisissant sans hésitation cette fois ci.

- Et maintenant, voilà que vous me rendez mes armes ? Vous me faites confiance au point de croire que je ne vous attaquerai pas même après que vous m’ayez révélé qui vous étiez ? L’empire et le confrérie ont peut être collaborés par le passé, mais vous ne vous imaginez pas à quelles extrémités l’empereur serait prêt à avoir recours pour obtenir les connaissance que vous détenez. Il fit une pause de plusieurs secondes avant de continuer. Savez vous, Luz, que votre capture permettrait largement de justifier mon absence du palais impérial pendant deux jours entiers ? Que mon maître me récompenserait grandement si je vous menais auprès de lui ?

Il sentit la colère l’envahir. Il aurait voulu lui crier qu’elle était folle, que jamais elle n’aurait dû se mettre ainsi à la merci d’un être comme lui, une personne qui aurait été prête à vendre sa mère si cela lui avait permit d’obtenir un peu plus de pouvoir. Au lieu de cela, il ne prononça pas un seul mot. Il se contenta d'enfiler tranquillement sa paire de gants. Quand le tissu entra en contact avec sa peau, un éclair de lumière parcourut son corps et les symboles inscrits sur le tissu étincelèrent d'une douce lueur bleutée. Le phénomène ne dura que quelques secondes avant que les choses ne rentrent dans l'ordre. Après quoi, le magicien poussa un profond soupir. Pour la première fois depuis des décennies, cette bouffée d'énergie et de puissance ne le réjouissait pas le moins du monde.

- J'ai besoin de rentrer à la capitale, Luz, et pour m'y rendre j'aurais besoin que vous me transportiez. Toutefois, comme je vous l'ai annoncé, j'ai tout intérêt à vous faire arrêter à l'instant même où vos pattes entreront en contact avec le sol. Alors faites moi plaisir parce que je vous laisse une dernière chance. Faites ce que j'aurais fait à votre place : laissez moi en plan et envolez vous très loin. Pour une fois dans votre vie, écoutez votre instinct de survie et… partez.

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Ven 20 Déc - 21:06
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Luz était douée de cette réversibilité des êtres spontanés, jamais une ni attachée à un seul et unique fil directeur... Tout cela tenait à sa nature. Abriter en soi un dragon et une humaine n'était pas sans conséquence et pouvait à terme aliéner sa façon de voir les choses, ce prisme qu'elle étendait sur le monde afin de le revêtir des couleurs de la compréhension... Son apparence elle-même n'était qu'une erreur de la nature, un fac-similé qui faisait injure à l'être humain et ne pourrait jamais avoir plus de profondeur qu'une bête illusion. Elle n'était pas... Ça. Cette femme aux cheveux roux et au regard si singulier, si double. Double comme son âme, comme sa nature. Était-ce si difficile de vivre lorsque l'on se sentait à la fois humaine et dragon... ?
Cette schizophrénie légitime était à l'origine de ses agissements qu'elle n'effectuait que par instinct. Où trouver de la logique dans une âme qui de toute façon était déjà invraisemblable et incongrue ? Quel état d'esprit adopter, celui de l'immortelle écailleuse hors du monde ou celui de la demoiselle sujette à ses envies factices ? La seule solution restait l'improvisation. Alors, comme une aveugle, Luz tâtonnait à l'air libre, dépliait le voile nervé de son sixième sens et attendait tout de lui. Une réponse, un signe, un frôlement qui hérisserait sa peau d'écailles ouatés, quelque chose d'évident en somme capable de lui rendre la vue...

Saeros lui, était différent. Et c'était en cela qu'il l'intriguait tant. Ce qu'il comprenait, Luz parut le saisir tout en même temps comme si l'idée elle-même qu'ils puissent être opposés s'était lovée entre leurs deux consciences... Il était son exact miroir, gauche et droite inversés, séparés par un abîme d'incompréhension mutuelle. Luz en était le cœur, lui en était le cerveau. Et ils en étaient là à se regarder en chien de faïence, ennemis depuis l'origine de l'univers et marchant pourtant main dans la main depuis au moins autant de temps. Le cœur a ses raisons que la raison ignore...
Elle répondit à sa première longue tirade d'un calme tranquille, avec l'assurance et l'aplomb de celui qui sait ce qu'il fait, doté d'une volonté inébranlable :


« Parce que j'ai promis de ne plus vous toucher. Sauf accord de votre part. Pensez ce que vous voulez, mais je ne suis pas celle que vous pensez décrire... La grande majorité des gens ignorent jusqu'à mon identité, et supposent même naturellement que le maître incontesté de la Confrérie des Brumes ne peut être qu'un homme. A tord et heureusement, puisque cela m'accorde l'anonymat. L'anonymat pour être celle que je désire être, c'est-à-dire moi-même, sans règle, et faire seulement ce que mon cœur me dicte de faire. Je n'ai jamais torturé quiconque. Mis à part une seule et unique fois, l'assassin de l'ancienne dirigeante de l'Ordre des Messagers. »

Pas même Azawel, malgré ce qu'il lui avait fait subir. Pas même lorsque ses os s'étaient brisés un à un, que sa voix s'était tue et que le goût du sang avait empli sa bouche, saturant ses sens d'une souffrance innommable. Elle avait sombré. Et lentement, peu à peu, il avait commencé à lui arracher les ailes comme l'on scie le tronc d'un arbre... Ces souvenirs resteraient à jamais ancrés dans ce qu'elle était aujourd'hui, plusieurs années plus tard. Et lui, même lui, elle ne lui avait décerné qu'une exécution en bonne et due forme...  Pas d'enfer, mais un répit rageant pour son bourreau.
Une ombre fugitive passa sur son visage, seul indice de ses pérégrinations intérieures. Un court, très court instant, une fraction de seconde, Luz eut ce trouble, cette ligne de fuite face à la douleur ancienne qui lui donnait envie de mordre et de se débattre. Jamais, jamais plus !


Elle releva les yeux vers Saeros. Un regard ombrageux, souligné de nuances fauves et d'un trait sombre animal. Alors, doucement, calmement, sa voix retrouva sa clarté sans faille, si profondément vraie qu'elle semblait teintée d'une confiance en elle qui abolissait tout le reste :

« Et vous, que voulez-vous ? Est-ce votre désir, Saeros, de me faire capturer et de me soumettre à votre pouvoir ? Voulez-vous me voir enfermée, torturée, en morceaux de chair, entièrement livrée entre vos mains à l'état d'objet ? Cela vous ferait-il plaisir, cela vous soulagerait-il ? »

Son regard si singulier eut une intensité dérangeante, ce regard double qu'elle posait sur lui sans l'once d'un jugement et qui lui renvoyait ainsi une image crue, dure de lui-même. Elle lui refusait le mépris. Elle lui refusait l'adoration. Et de ce fait, il n'était plus que lui, dépouillé de toutes ses frasques qu'il refermait sur lui avec l'anxiété fiévreuse de quelqu'un qui n'accepte pas sa véritable nature... Qui ne veut pas être libre. Elle le regardait lui et personne d'autre, c'était de lui qu'elle désirait obtenir des réponses, continuant son lent travail implacable d'effeuillage, poignardant un à un tous ses acquis. Leurs acquis communs.

« Vous me dites de fuir tout en me disant de rester. Vous ne voulez pas que je vous touche et l'instant d'après vous m'appelez à l'aide. Choisissez une bonne fois pour toute et cessez de vous murer derrière les décisions des autres ! Qui suis-je pour vous ? Me préférez-vous ainsi, vivante et entière, ou esclave et anéantie ? »

Luz tendit sa main libre en direction de ses gants, stoppa son geste avant d'en frôler le tissu. Eux aussi, étaient donc une barrière de plus entre lui et les autres... ? Ne pouvait-il qu'aimer les gens ainsi, les toucher seulement lorsque ses gants faisaient front entre leur peau chaude et la sienne ? Qu'y avait-il de profitable et d'agréable à vivre une vie de silence et de froideur... ?
Elle fronça les sourcils. Sa voix prit un accent de souffrance qu'elle ne se connaissait pas, confrontée à cet être qui était tout ce qu'elle n'était pas...


« Je ne fuirai pas. Je peux vous ramener si vous me le demandez vraiment, cette fois, comme une décision de vous et non un choix que j'aurais fait. Et si toutefois vous choisissez quand même de me faire arrêter... Je me tuerai, Saeros. Incontestablement. Tout plutôt que de vivre enfermée, prisonnière. Sans l'once d'une hésitation, et ce même si je n'ai plus aucune arme sous la main. »

Car il restait un atout chez elle qu'il ignorait... Son électricité était l'élément hasardeux du jeu, son joker si de tels problèmes venaient à survenir. Se tuer d'épuisement semblait facile, tellement facile par une décharge absolue, un déchaînement d'énergie qui n'aurait pour fin que sa propre mort et sa délivrance... Foudroyée en un instant.
Sa main dériva jusqu'au front de l'elfe, toujours perdue dans cet espace temps où elle ne pouvait guère le toucher. Un millimètre et... Ses doigts sentiraient à nouveau la fraîcheur de sa peau.


« Vous souviendrez-vous alors de mes lèvres sur votre front... ? J'ai vécu une fois enfermée. J'ai vécu l'état de marchandise et d'objet. Et cela n'arrivera jamais plus. Attaquez-moi donc si là est votre désir, que cette puissance qui est vôtre serve au moins à détruire ce que je suis et qui vous dérange tant... »

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Ven 27 Déc - 13:36
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Saeros se devait d'agir selon son intérêt personnel. Peu importait que la dragonne l'ait aidée par le passé. Si elle était tombée dans le piège de la clémence, c'est qu'elle était stupide, voilà tout. Il n'avait aucune obligation de se montrer aussi bête à son tour. En la situation présente, la voie à suivre était toute tracée. Il devait ordonner à la Dragonne de le ramener à Sen'Tsura, la faire arrêter une fois qu'ils seraient arrivés, et lui faire cracher toutes les informations qu'elle possédait sur la confrérie des brumes. Et puis enfin, la faire exécuter. Bien entendu, il y avait toujours le risque qu'elle mette à exécution ses menaces et qu'elle se suicide avant qu'on ait pu la faire parler, mais au moins ils auraient coupé la tête d'une mafia qui - un jour ou l'autre - risquait de leur poser problème.

Voilà ce que lui disait la logique. Voilà ce qu'il fallait faire. Et pourtant…

Le magicien essaya de trouver les mots qui pousseraient la dragonne vers sa fin, les mots qui la condamneraient à la déchéance et à une mort certaine. Étrangement, il n'y parvint pas. Le grand et puissant Saeros, l'impitoyable Conseiller Noir, bredouilla comme un infirme, se retrouva incapable d'aligner deux phrases cohérentes, et finit tout simplement par se taire. Il ferma un instant les yeux et s'exhorta mentalement à la fermeté.

"Allez, Saeros, ce n'est qu'un mauvais moment à passer. Allez, Magicien, puisqu'il le faut ! "

Il devait le faire. Il devait se servir d'elle. Et pourtant, Dieu savait qu'il lui avait laissé une chance de s'échapper, à cette maudite dragonne ! Il l'avait prévenue de ce qui risquait de lui arriver. Mais bien sûr, il fallait systématiquement que la jeune femme agisse à l'encontre de son intérêt ! C'était sa faute à elle, et non à Saeros, si elle finissait emprisonnée dans une cage. Tant pis pour elle ! Il la regarda droit dans les yeux, ouvrit grand la bouche et…

« Vous souviendrez-vous alors de mes lèvres sur votre front... ? »

…serra les poings si fort que ses jointures en blanchirent.

- Vous ne voulez pas agir dans votre propre intérêt, Luz ? Très bien, je vois que vous ne me laissez pas le choix. En ce cas, je vais être obligé de m'en charger à votre place.

Saeros se leva brutalement du lit, envoyant valser draps et couvertures. Il était presque habillé, il ne lui restait plus qu'à passer sa chemise et sa veste. Il les vit pliées sur le dos d'une chaise, les enfila rapidement et récupéra sa sacoche qui trainait dans un coin. Grimaçant légèrement à cause de sa blessure, il traversa la pièce d'un pas bancal et gagna rapidement la porte de la chambre. Il posa sa main sur la poignée et se tourna une dernière fois vers Luz.

- À présent, je m'en vais, Dragonne. Vous, vous allez rester ici et attendre que je sois parti. J'espère que vous vous porterez bien à l'avenir. Au revoir.

Il ouvrit brutalement la porte et manqua de se cogner à Tilda qui était sur le point d'entrer dans la pièce avec un nouveau bol de soupe.

- Mais, mais… vous êtes complètement fou, mon petit, vous ne pouvez pas quitter le lit maintenant ! Mais… attendez, jeune homme, où est ce que vous allez comme ça ?

Saeros ne l'écouta même pas, la contourna rapidement, puis traversa le couloir qui menait de la chambre au hall de la maison. Il ouvrit la porte d'entrée, sortit de la vielle masure et claqua violemment derrière lui. Il jeta un coup d'œil aux alentours.

Il ne savait… absolument pas… où il se trouvait.

En face de lui, de vastes plaines et des collines verdoyantes. Dans son dos, à moins d'un kilomètre de distance, un océan de végétation vert émeraude… une forêt interminable que l'on connaissait sous le nom de Drayame.

Sans s'attarder plus longtemps, il s'avança d'un pas vif en direction du royaume des elfes. Il ne savait pas où était le nord, le sud, l'est ou l'ouest. Il ne savait pas quelle heure il était, si le soleil allait bientôt se coucher ou si il venait à peine de se lever. Il ne savait même pas dans quelle direction il allait. Mais cela n'avait aucune espèce d'importance ! Comme il n'avait nulle par où aller, il marchait forcément dans la bonne direction. Saeros éclata d'un rire sans joie puis accéléra le pas, pressé d'en finir.

Il était furieux.

Non pas contre la dragonne - dont il ne comprenait toujours pas les motivations - mais contre lui même, qui n'avait pas saisi sa chance de s'en sortir quand il l'aurait pu, et qui errait à présent sans but vers sa destruction imminente. L'elfe avait lamentablement échoué puisqu'il avait agi délibérément contre son intérêt. Il s'était laissé aller à un sentimentalisme navrant et avait refusé de causer la perte de la dragonne. Sa seule et unique règle, le désir de préservation égoïste, il l'avait laissée tomber. Cela signifiait qu'il n'avait plus de but maintenant. Il avait renié tous ses principes il y avait un demi-siècle de cela, et il venait de se débarrasser du dernier. Il était donc creux, cette fois ci, totalement creux. Son existence était vide de sens. Auparavant, il ne vivait que pour lui même. Maintenant qu'il ne vivait même plus pour cela, il n'existait donc plus pour rien. Que lui restait t-il donc ? Il leva les yeux vers le ciel azur, qui se fichait bien de sa détresse.

Et pourtant…

« Vous souviendrez-vous alors de mes lèvres sur votre front... ? »

Si cela était à refaire, il ne changerait pas sa décision de sauver la dragonne. Il avait peut être tout perdu, mais en échange il avait gagné quelque chose. Un sourire radieux et le contact chaleureux d'une peau contre la sienne.

Brusquement, il s'arrêta. Voilà qu'il était déjà parvenu à la lisière des bois. Il hésita un instant, jeta un coup d'œil à droite et à gauche, comme intimidé par la végétation idyllique qui lui était pourtant si inhospitalière à lui, l'exilé… puis fit lentement un pas en avant et pénétra dans la forêt.

Vers un avenir radieux.

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[Terminé] Rencontre à l'ombre des peupliers [Pv Luz Weiss] Sand-g10Mar 31 Déc - 16:05
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Luz aurait voulu transformer son inertie en mouvement, s'interposer une nouvelle fois, se lever, faire quelque chose ! Blessé comme il l'était, où irait-il dans cet environnement qui lui voulait tant de mal, cette forêt si maléfique à son égard ? Les elfes le rattraperaient. Ils le tueraient. Sans l'once d'un doute ! Marcherait-il ? Combien de temps avant d'être chez lui, combien de temps avant d'être de nouveau en terrain allié, là-bas en sûreté dans ce précieux château ? Il était Comte, mais loin d'être intouchable. Sa magie pouvait certes décimer des hectares de bois vivant, il ne pourrait probablement pas faire long feu face à la colère de tout un peuple...
Pourtant la dragonne ne bougea pas. Mue par un instinct animal, le seul qu'elle n'ait jamais eu, elle se contraint à une immobilité exemplaire. Et Yehadiel seul sait qu'elle mourrait d'envie de le stopper, saisir son poignet à la volée et lui dire
« Non attends, pas encore... », contempler la surprise dans ses yeux, et cette fameuse étincelle peut-être un peu ? Son plus grand mystère n'était pas éclairci, et voilà qu'il la délaissait avec pour unique compagnie la multitude de ces points d'interrogation qu'il avait soigneusement fichés en elle !

Pour la première fois de sa vie, Luz ne sut que dire. Incapable, si incapable de le retenir... Courrait-il à sa propre perte par sa faute ? L'admonesterait-il si elle tentait une énième fois de lui faire comprendre combien il méritait davantage que ce qu'il était, ce qu'il deviendrait si Aile Ténébreuse cessait de voir en lui une utilité à peu près acceptable ? Elle, elle ne le voyait pas comme un objet ! Mais le regard qu'il lui avait jeté était bien au-dessus de ses forces. L'écailleuse avait eu la désagréable impression de n'être guère plus qu'un papillon clouté au mur, et l'espace d'un instant le violet de ses yeux avait prévalu sur la force de ses prunelles vairons... Elle s'était laissée écrasée au dépourvu. L'elfe qu'elle avait soigné n'avait plus rien eu d'enfantin ni de faible. Et c'était un adulte qu'elle n'avait pas même soupçonné qui était apparu là, si ce n'est dans toute sa gloire du moins armé d'une certaine puissance que son sixième sens ne pouvait ignorer.


« Vous, vous allez rester ici et attendre que je sois parti. J'espère que vous vous porterez bien à l'avenir. Au revoir. »

Luz n'aurait été qu'une dragonnelle qu'elle n'aurait répondu qu'un « oui » docile quoi que d'une voix blanche un tantinet effrayée. Au lieu de quoi son visage n'afficha qu'une brève stupéfaction, envers elle-même qui ne parvenait pas à l'arrêter et envers lui dont le masque semblait être tombé. Ses élans suicidaires étaient consternés d'un tel revirement de situation... Et pourtant, n'était-ce pas ce qu'elle avait désiré, ce vers quoi elle l'avait poussé ? N'était-elle pas heureuse d'être encore en vie, et non détruite par la première arcane obscure venue ?

Elle serra les dents et contempla ce dos qui s'éloignait. Cette histoire, comme toutes les histoires, avait une fin.. Il s'empresserait de l'oublier dès lors que son quotidien lui permettrait de recouvrer ses acquis, sa violence, et tout ce qui s'ensuivrait logiquement. Elle ne serait plus alors que cette « autre là-bas », celle qui un jour s'était interposée entre lui et les autres elfes, silhouette floue qui n'avait plus ni traits ni particularités... Elle ne pouvait se l'expliquer, mais cette simple pensée avait le don de l'irriter. Et ce simplement parce qu'elle se refusait encore à la colère franche ! La frustration n'était guère connue pour être prolifique, surtout lorsque l'on restait incapable d'en expliquer l'origine... Mais c'était un lent poison qui avait des allures et la saveur d'une vengeance servile, écouler ce venin avec une facilité déconcertante sur qui ne pouvait se défendre. C'était si dérisoire...


« Hé béh, quelle mouche l'a piqué ? Vous lui avez pas fait des avances douteuses au moins, qu'il soit sorti comme ça ? »

Tilda agita très savamment son bol de soupe afin de ponctuer ses propos, haussant un sourcil fort soupçonneux à l'adresse de Luz.

« Il n'est pas sorti Tilda, il est parti... »

Parti. Évaporé. Quand elle y repensait, tout ceci avait eu des allures de rêve éveillé, situation aussi improbable qu'elle ne paraissait pas réelle au regard du recul qu'elle avait à présent. Elle se releva avec la lenteur d'un chat en colère, ses dents aiguisés visibles à la frontière d'un sourire cynique et provocant, un brin vulgaire...

« Et épargnez-moi vos grimaces vieille murène, votre fille se passera très bien d'un mari tel que lui. La prochaine fois, évitez de jeter votre dévolu sur tout ce qui ressemble de près ou de loin à quelque chose de mariable et qui s'approche de votre ferme ! Vous faites fuir les hommes du voisinage ! »

« Mais... Mais ma pauvre Charlotte était parfaite pour lui ! Quinze ans, si c'est pas mariable ça quand on est jolie comme un cœur, l'ingrat... ! »

« … C'est déjà ce que vous disiez à mon garde du corps la dernière fois que je suis venue. »

D'un revers de main disgracieux Luz chassa toute tentative d'arguments de la part de Tilda, qui s'empressa en juste retour des choses de se lancer dans un sympathique monologue à grands renforts de cris de désespoirs et d'appels au dieux telle une jeune veuve éplorée. Mais qui avait eu l'effronterie de lui livrer une dragonne aussi butée que son arrière grand-mère troisième du nom... ?

De son côté, l'écailleuse récupéra les rares affaires qu'elle gardait de ses voyages et tâcha de faire front à l'avenir. Elle n'oublierait pas. C'était impossible pour un dragon, davantage encore pour elle. Sa mémoire était formatée pour ne rien laisser filer, surtout lorsque l'on avait la capacité de vivre jusqu'aux confins de l'éternité... Elle se dit que malgré tout placer quelques contacts près de là où il lui avait indiqué ses terres ne serait pas malvenu. Elle saurait ainsi s'il était réellement revenu en vie ou si ses rêves seraient condamnés à être hantés jusqu'à la fin de ses jours.
Le décès d'un Comte ne passerait pas inaperçu, non... ?




RP FINI ! ♫

Luz Weiss

Luz Weiss


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