Le grand jour était arrivé. L'heure de l’effervescence des Damnés avait sonné. Aujourd'hui la très vénérée serait satisfaite de l'accomplissement d'un de ses plus dévoués fidèles : L’Apothicaire Peste-Mort.
Lorsque l'horloge à feu indiqua le petit matin à la surface, l'activiste du Culte surgit de son cercueil et se dirigea vers l'une de ses étagère pour y rassembler l'ensemble des plans qu'il soumettraient plus tard aux Impériaux
A force d'errer dans les Catacombes de la capitale, l'alchimiste n'avait plus aucunes notions du temps et s'était efforcé d'innover un système qui lui permettait de déterminer l'heure qu'il était à la surface. Ainsi, il créa l'horloge à feu, soit un dispositif permettant la mesure du temps par l'emploi de la combustion lente et prévisible d'un combustible.
Peste-Mort rassembla les multiples parchemins présentant les trouvailles qu'il souhaitait présenter en vue d'accomplir la deuxième phase de son plan et les rangea dans une sacoche en cuir qu'il passa sur l'épaule. S'il avait réussi à s'introduire au sein du lieu le plus défendu de Terra, il entreprenait maintenant un tout autre projet.
D'un bref signe de main, il indiqua à ses serviteurs de rester sur place et de défendre le lieu de Culte pendant son absence, probablement longue. Les deux soldats squelettes s’exécutèrent et se postèrent devant l'entrée de la maigre pièce qu'ils occupaient depuis leur arrivé. Peste-Mort fixa la faux qui reposait contre le mur et songea un moment : il devait se forger une nouvelle identité, une nouvelle existence. Or s'équiper d'un objet aussi voyant et funeste n'était peut-être pas la meilleure solution pour parvenir à ses fins. Aussi, il opta pour abandonner ses talents de nécromancies pendant qu'il serait en surface et quitta donc la pièce sans son artefact. Il passa une dernière fois ses poches en revues et retira la poupée artisanale de Nayris qu'il déposa sur son bureau, avant de prendre la direction de l'escalier qui menait à la surface. Aidé par sa vision ténébreuse, l'Apothicaire de Nayris n'eût aucun mal à trouver son chemin et parvint bientôt devant les marches de granit qui lui permettraient de rejoindre le quartier populaire. Au fur et à mesure qu'il gravissait les dalles, l'individu masqué ressentit une vive douleur à travers sa chair. Les rayons lumineux du soleil traversaient son corps décharné et le faisaient atrocement souffrir. Sa vision se troubla au fur et à mesure qu'il progressait, il n'avait pas vu la lumière depuis un moment.
Lorsqu'il arriva à destination, il surgit de l'entrée discrète, au fond d'une sombre ruelle, en se plaquant les mains contre le visage. Il soupira longuement en restant sur sa position, avant de se décider à avancer. La tâche n'allait pas être aisée, si il devait par la suite travailler à la fois à la surface et dans les souterrains il devrait trouver un moyen de s'habituer rapidement au changement de luminosité.
Il surgit de la ruelle et continua sa lancée en marchant sur les pavés déchaussés du vieux quartier.
Il passa devant un banc où étaient regroupés plusieurs individus, provoquant un émoi général à cause la forte odeur de décomposition qu'il dégageait. Une dizaine de regards curieux étaient à présent braqués sur l'étrange silhouette masquée et capuchonnée qui progressait dans les ruelles du vieux quartier.
Bien que ne possédant plus de pouls et donc d'émotions, l'individu savait qu'il risquait gros en ces lieux hautement gardés par les sbires du Démon. Si le Quartier Populaire était l'endroit le moins surveillé de Sent 'Sura, il l'était certainement plus que n'importe quelle autre cité sous le joug impérial.
Au croisement d'une ruelle, l'Adorateur tomba nez-à-nez avec deux humanoïdes frappés de l'uniforme impérial et qui au vu de l'expression sur leur visage affichaient clairement leur étonnement. Face à cette situation d'urgence, Peste-Mort adopta dans l'immédiat un stratagème de façon à se sortir de là :
« Holà gendarmes, où se trouve la bibliothèque la plus proche .. ? Le Haut-Clergé m’envoie lui chercher un ouvrage particulier et je n'ai pas l'habitude de fréquenter ces misérables quartiers. »
Les soldats impériaux se jetèrent un regard étonné, puis se concertèrent un moment et indiquèrent à la silhouette masquée une direction à prendre, tout en se pincent discrètement le nez. L'Apothicaire ne demanda son reste et fila vers le lieu désigné, soit à quelques pâtés de maison plus loin.
Peste-Mort pénétra à l'intérieur de la boutique où régnait un certain silence. D'un bref geste de main il salua le libraire assis à son bureau et s'engouffra dans les rayons, avant de remarquer que tous les regards s'étaient à nouveau braqués sur lui. « Il va falloir remédier à ce problème .. » songea l'alchimiste en regardant les occupants de la pièce se pincer le nez en jurant.
« Que regardez-vous, misérables ? Serais-ce l'odeur bénite d'un serviteur de Zelphos qui dérange en ces lieux .. ? »
Sur ces derniers mots, l'intégralité des individus s'offusquèrent et retournèrent à leurs occupations, d'un air interdit pour l'ensemble. Un léger sourire se traça sous le masque du Mort-vivant qui parcourait les ouvrages d'une étagère de son habile main squelettique.
En vue de l'opération clandestine qu'il allait entreprendre au sein de la capitale impériale, l'Apothicaire avait passé un long moment à étudier la religion de Zelphos, en se plongeant dans des ouvrages concernés pendant de longues heures de rang. En territoire hostile, il ne lui serait permit aucunes erreurs. Lorsqu'il eût rassemblé ce qu'il cherchait, à savoir deux grimoire frappés de l'insigne de Clergé, Peste-Mort se présenta au comptoir et fouilla l'une de ses poches de sa main libre. Il en sortit deux Phénix d'or, qu'il posa sur le bureau du libraire, puis quitta la boutique sans faire de commentaires.
A l’extérieur, il leva la tête vers les cieux, en se retournant brusquement, comme cherchant quelque chose. Il aperçu finalement le sommet gotique au loin et qui s'élevait derrière quelques habitations.
L'Apothicaire plaça les deux tomes sous son bras droit, espérant augmenter sa crédibilité, puis s'élança d'un air serein à travers les ruelles du vieux quartiers.
Cette fois-ci, il ne rencontra aucuns obstacles, si ce ne furent les regards curieux des citadins, intrigués par son étrange silhouette. Il parvint bientôt devant la structure qu'il recherchait, la grande Cathédrale du Quartier Populaire.
A l'entrée de celle-ci, il remarqua une certaine concentration de la plèbe, mêlée à des gardes baignant dans de lourdes armures et aux armes autrement plus stupéfiantes. Une importante conférence devait probablement avoir lieu et le moment était mal choisit pour entamer la seconde phase de l'opération. Immobile, Peste-Mort contempla les individus qui pénétraient dans l'église, sous l’œil vigilant des soldats. La tâche était hautement risquée, mais ce jour-ci, la témérité de l'Apothicaire l'emporta sur sa conscience et bientôt l'alchimiste se dirigea vers l'entrée du lieu sacré, ses ouvrages à la main. Peste-Mort arriva en bout de queue et patienta un certain temps jusqu'à ce que l’entièreté de la file d'attente soit à l'intérieure de la Cathédrale. Il s'y engouffra à son tour, avant qu'une poigne de fer ne vienne le ramener à l'entrée de l'église. Face à lui, un soldat dépassant les deux-mètres lui demanda de vive voix :
« Est-ce toi qui dégage cette épouvantable puanteur, misérable ? »
Bien que dénudé de pouls et d'émotions, l'Apothicaire ne put s'empêcher de fixer la longue hache à deux mains que le gardien tenait dans son autre main, avant de déclarer en le fixant droit dans les yeux :
« Hélas nous n'avons pas tous eu la chance de servir le très Grand en bonne et due forme .. mais croyez-moi, il n'est jamais trop tard pour éprouver Zelphos, même lorsque la vie vous abandonne. » Déclara-il en levant son ouvrage, comme pour se justifier davantage.
« Par Zelphos, c'est comme si mille cadavres parlaient à ta place. Mais soit, reste dans le fond de la pièce, je t'ai à l’œil. »
Lorsque le garde relâcha l'épaule du mort, ce dernier passa l'entrée du lieu de culte et se dirigea vers le fond de la messe. Il prit place en bordure du dernier rang, provoquant un nouvel émoi de la part des prêcheurs alentours. Ignorants ces derniers, son regard se porta vers l'estrade surélevée où un individu visiblement âgé et de grande taille monopolisait la parole. L'heure était aux harangues.