Au moment où le Dragon se posait sur le petit avant poste au sommet de l’Ungrid, la Cloche résonna trois fois, signe que les nains étaient maintenant en état d’alerte ! Le petit peuple allait surement retourner se cacher dans les montagnes, mais en tout cas cet avant poste allait disparaitre. Perché sur le toit du bâtiment, Zaïthan rigola en voyant six nains sortirent avec l’arme au poing ! Que voulaient-ils faire avec ça ? Mais au moins, eux ne fuyaient pas !
 
-         Que… Je… Repartez d’où vous venez, messire dragon ! Nous ne vous… Nous ne vous craignons pas … Plus, je veux dire ! Alors… Repartez d’où vous venez sans faire d’histoire, et tout le monde sera content. Sinon… Je ne garantis plus votre survie… D’accord ?
 
-         D’accord !
 
Puis le Dragon se jeta sur eux, ses crocs coupèrent en deux l’un des nains pendant qu’il fauchait avec ses griffes les autres. Deux nains esquivèrent le coup en sautant en arrière, mais les autres eurent moins de chance et perdirent la vie soit à cause des griffes aussi grandes que des faux, soit en heurtant avec violence des rochers. Le Dragon avala la moitié du nain qu’il venait de sectionner avant de cracher son souffle corrosif sur les deux derniers qui chargeaient vers lui sans craindre la mort. Un nouveau hurlement put se faire entendre dans la nuit. Ensuite Zaïthan s’efforça de réduire l’avant poste en un tas de pierre en utilisant la force de ses membres.
 
Détruire un avant poste avec seulement six nains n’était pas suffisant pour le reptile, il s’envola donc en prenant le reste de ses victimes entres ses pattes et prit la direction de fort granite. Là il était sur de marquer les esprits ! Zaïthan se laissait complètement envahir par son instinct Draconique, pas besoin de se demander pourquoi il faisait ça, c’était simplement dans sa nature…
 
Il survola une première fois fort granite en relâchant le corps des nains avant de le survoler une deuxième fois en crachant son souffle corrosif. Simple mise en bouche. Suite à cela Zaïthan se posa un peu plus loin pour voir la réaction des nains. Allait-il devoir les faires sortir lui-même ou non ? Humant l’air de ses naseaux, il ne put s’empêcher de rire en sentant l’odeur de la peur… !

La puissance brute de la créature était telle qu’aucune des armes des Nains ne semblait pouvoir l’atteindre. Même le Fauche-Dragon n’avait réussi qu’à le blesser légèrement. Suffisamment, cependant, pour le forcer à se replier vers les cieux. Mais les Fils de la Pierre n’allaient pas le laisser s’en sortir à si bon compte.

Le canon-harpon continuait à cracher son flot de projectiles meurtriers alors que le Dragon fuyait en hâte aux abris, après avoir compris que Fort Granite ne lui serait d’aucune protection à court-terme. Quittant la forteresse grandement endommagée, il prit rapidement de l’altitude.

- Ne l’lachez pas ! Envoyez moi c’te sal’té au sol comme un pauv’ drake !

Le Maître-Ingénieur dirigeait son équipage avec habileté et talent, corrigeant rapidement les erreurs de tir, et coordonnant efficacement le rechargement du canon afin que les « pauses » ne durent jamais plus de quelques secondes. Cependant, malgré les stocks considérables de munition dont il disposait, le Nain savait qu’il ne pourrait pas soutenir un feu nourri bien longtemps. Il fallait mettre un terme rapide à ce combat, avant que le Dragon ne les ait à l’usure.

Heureusement, le draconien semblait partager ce point de vue. Il lança donc son va-tout dans une attaque aérienne, profitant d’un angle-mort du canon pour récupérer un immense rocher en vue de le laisser tomber sur les Nains. Les petits-hommes virent le Dragon s’élever jusque dans les nuages, se concentrant pour le moment de vérité.

- Y’arrive ! Donnez tout c’que vous avez, les p’tits gars !

Effectivement, le béhémoth ailé venait de lâcher l’immense bloc de pierre granitée. Celui-ci accéléra rapidement, menaçant de broyer les malheureux Nains en contre-bas. La réponse ne se fit pas  attendre, et le Fauche-Dragon lança une volée de traits dorés en direction du roc. En quelques secondes il se brisa en une multitude de fragments de petite taille, qui se répandirent comme une pluie sur le flanc de colline où était installé le canon.

L’un des tireurs avait été assommé par l’un des projectiles, et serait mort sur le coup s’il n’avait pas disposé d’un solide casque. Thargh se jeta à sa place, sachant qu’il ne disposait plus que d’une poignée de secondes avant que le Dragon ne soit au corps-à-corps. Il poussa sans ménagement son frère d’arme hors du poste de tir, et fit basculer le Fauche-Dragon en direction de l’ennemi de tous les Nains. Ca y était, il l’avait dans sa ligne de mire. Il allait être le héros de tout le Conglomérat. Son gros doigt pressa la détente.

Et rien ne se passa. Seul un bruit claquant répétitif répondit au Maître-Ingénieur. Le canon venait de tomber à court de munition. Dans leur envie de se protéger du rocher, les tireurs avaient lancé plus de traits que nécessaires pour briser la pierre. Et il n’y en avait désormais plus un seul pour abattre le fichu Dragon. Etait-ce la fin ?

Par mesure de précaution, le monstre écailleux détourna la bouche de tir du canon loin de lui, ne sachant pas que le Fauche-Dragon n’était plus en mesure de tirer. Il semblait évident qu’il allait carboniser les malheureux Nains sur place. Quoi que… C’était sans compter sur les Brise-Acier. Ces braves pouvaient tenir quelques instants le feu ou l’acide d’un Dragon, et leur armure était assez solide pour résister à un coup de queue ou de patte.

Sauf qu’il n’y eut pas de combat. Alors que les soldats d’élite du Conglomérat se mettaient en position défensive, le Dragon fit pour la première fois entendre sa voix. Et ce n’était pas pour proférer des menaces. Apparemment, il ne souhaitait pas poursuivre le combat, et désirait s’entretenir avec le chef des Nains –Alaric, en l’occurrence-. Après un moment d’hésitation et de surprise ce fut Thargh qui émergea du poste de tir.

- Comme t’veux, l’dragon ! Soldats, emm’nez le jusqu’au patron.

Les dix Brise-Acier, en formation impeccable, ouvrir le chemin au Dragon jusqu’à Fort Granite en contre-bas, le tout au pas de course. En l’espace d’une petite minute, ils étaient arrivés au pied du QG du CMKM. La plupart étaient terrorisés à l’idée de voir un Dragon s’approcher, mais bien vite les Brise-Acier les informèrent laconiquement qu’il ne voulait que discuter, semblait-il.

Alaric, à dire vrai, n’avait aucune envie de rencontrer un Dragon en face-à-face. Mais s’il devait le faire, alors il le ferait bien protégé : Entouré de ses Brise-Acier, et dans son armure de guerre. Après tout, ces monstres avaient toujours été hostiles. Il ne se laisserait pas tuer si facilement. Equipé de la meilleure armure du Conglomérat, il serait bien plus difficile à tuer que tous les Nains que Zaïthan avait pût croiser jusqu’alors.

Alaric - Tenue de guerre:

C’est donc après avoir revêtit son armure d’or qu’il remonta faire face au monstre. Il croisa son Capitaine de la Garde, Tarkus, en bien piteux état. Le pauvre nain était évacué dans les profondeurs du Cœur de Granite, afin d’être soigné au plus vite. S’il devait mourir, alors Alaric aurait la tête du Dragon.

Il arriva enfin dans la grande salle de banquet, désormais à ciel ouvert suite au bombardement. Ses Brise-Acier étaient là, de même que le Dragon. Alaric s’avança, le pas ferme. Il serait le premier Nain à tenir tête à une telle créature. Il pensa un instant que cela augmenterait encore sa popularité auprès de la populace. Cela le fit rire intérieurement, de penser à de tels détails en une heure si sombre.

- Me voici, Dragon. Vous venez apporter la mort sur mes terres, comme vos semblables avant vous. En cela, nous ne faisons que répéter un combat mainte fois millénaire, mais que je pensais achever. Je suis cependant surpris de vous voir venir discuter avec nous.

Alaric était sincère. Les cas de communication entre les Dragons et les Nains se limitaient à « Donnez-moi l’or ou je vous massacre ». Suivi de « Il faudra passer sur nos cadavres, monstre ! ». Et c’était d’ailleurs souvent ce qu’il se passait. Sauf que cette fois, les Nains avaient des armes assez puissantes pour tenir tête à un assaut surprise de draconien.

- Ne vous attendez pas à nous voir ramper et prier pour notre survie. Vous pouvez nous tuer par centaines, des milliers sortiront des mines pour vous combattre, et nous vous vaincrons. Si vous détruisez Fort Granite, c’est toute la Montagne qui se soulèvera et vous traquera. Et je peux vous jurer que nous avons les moyens de vous abattre, Dragon. Maintenant, parlez. Je suis curieux : Pourquoi revenir après tant d’années, et pourquoi discuter après nous avoir attaqués ? Simple rappel de votre existence et démonstration de force ?

Zaïthan se fit conduire au chef des nains, pas compliqué de le différencier des autres avec son armure en or. Le petit homme prit la parole le premier, le Dragon l’écouta sans l’interrompre et ne répondit pas tout de suite. Des menaces… ? Sérieusement ?

- Sur vos terres ? Hier encore vous vous cachiez sous les montagnes, vous saviez où était votre place, mais maintenant vous foulez cette terre en pensant réellement qu’elle est la votre… grave erreur. Un petit silence s’installa. Depuis combien de temps nos deux races s’affrontent… ? Lorsque nous vous avons repoussé jusqu’au plus profond de la terre, qu’avez-vous fait? Absolument rien ! Nous avons quitté cette montagne de notre plein gré, vous ne nous avez pas chassés… donc pas la peine de me menacer ! Une fois vos canons détruits, que ferez-vous ? vous sortirez de la montagne par millier ? et alors… ?

Ses griffes s’enfoncèrent légèrement dans le sol de la grande pièce, pour qui se prenait-il ? Zaïthan était prêt à faire la paix mais il était accueilli avec se genre de paroles ?

- J’étais venu pour tenter de faire la paix avec vous car vous vous êtes bien battu… mais maintenant, en voyant votre arrogance petit nain… je me demande si je ne devrais pas plutôt prendre votre vie ! Vouloir intimider un Dragon avec des menaces, je pensais les nains plus intelligents que ça…

Le chef des nains se trouvait à porte de ses griffes, la pièce avait encore ses quatre murs donc son souffle de feu se retrouverait emprisonné ici avec les nains… pourquoi attendre ? Oui il se fichait de cette montagne, si au début il voulait juste combattre en souvenir du bon vieux temps, les paroles du nain avait changé la donne… maintenant il avait envie de repousser les nains à nouveau sous cette montagne, si il devait réunir les siens pour ça, il n’hésiterait pas !

- Donnez-moi une seule raison de ne pas vous tuer…

Le Dragon qui était bien droit devait baisser la tête pour regarder son interlocuteur. Le nain allait devoir faire très attention à sa réponse, il devait oublier les menaces…

Bien des espèces étaient antagonistes, en ce monde. Les Anges et les Démons. Les Elfes et les Orcs. Les Gnomes et les Gobelins. Mais aucune ne se haïssait davantage que les Nains et les Dragons. A dire vrai, la haine était majoritairement unilatéral. Les Dragons ne considéraient le petit-peuple que comme une masse grouillante de plus, et guère plus dangereuse qu’une horde d’Orcs ou qu’une armée d’Humains. Tout au plus fallait-il faire attention à ceux qui brillaient, car leurs armes pouvaient percer leur écaille… Encore fallait-il qu’ils les touchent.

Mais ce dédain draconique n’avait aucune commune mesure avec toute la rancune que pouvait éprouver les Nains pour ces lézards géants. Dès sa plus tendre enfance, un Nain sait que les Dragons sont les ennemis héréditaires de sa race, et ses parents lui racontent des histoires effrayantes de monstres ailés le soir s’il n’est pas sage. « Attention, ou le vilain Dragon viendra te manger tout cru ! ».

Les colonies naines s’étendaient autrefois sur des territoires bien plus vastes, mais la plupart des grandes cités des temps anciens ont été détruites par des dragons. Aucune étude statistique n’a jamais été conduite, mais on pense que lors des deux derniers millénaires, sur cinq Nains décédés de morts violentes (hors maladies), trois l’ont été à cause d’un draconien.

Après tout, quoi de plus normal ? Que peuvent faire des Nains contre de si grands adversaires ? Même leurs armures runiques ne peuvent les protéger bien longtemps du souffle des dragons. Et rien ne saurait empêcher quelques coups de pattes bien sentis de les écraser comme de la purée. Les catapultes runiques manquaient de précision, et la magie offensive n’était clairement pas le point fort des Runemanciens. Si les Dragons n’avaient pas quitté les Montagnes Dorées, alors de grandes villes comme Tilamus seraient peut-être détruites à l’heure actuelle.

Alaric l’avait bien compris. Il avait commencé à vénérer Cyri, et axé une grande partie de son développement sur la recherche technologique en conséquence. Si les Dragons avait reçu la force brute, l’ingéniosité des Nains leur permettrait de prendre l’ascendant à terme, si assez de temps leur était laissé. Jusqu’à maintenant, il pensait qu’il disposerait de ce temps. Les Dragons étaient partis, et les premiers Fauche-Dragons (invention des Gnomes, il faut l’avouer) étaient opérationnels. Mais ces machines de guerre s’étaient révélées insuffisantes pour ne tuer qu’un seul draconien. Il lui fallait davantage de temps.

Ce Dragon-là semblait certes considérer la puissance des Nains, mais guère la craindre. A raison. Après tout, il avait vaincu seul les défenses de Fort Granite. Inutile donc, malgré la colère de tous les Nains présents, d’envenimer une bataille qui était de toute façon perdue. Surtout qu’Alaric, rancunier mais pas téméraire, ne se risquerait pas à charger la créature de front.

- Parfaitement, Dragon, ce sont nos terres. Cela fait un long moment qu’il n’y a plus eût des vôtres dans les Monts de l’Ungrid. Nous ne sommes cependant pas dupes, et savons les draconiens encore assez puissants pour détruire nos installations à la surface, Tilamus comprise. Mais de votre côté, ne pensez plus pouvoir nous envoyer nous cacher sous terre comme autrefois. Les armes que vous avez affronté ici ne sont qu’un des moyens de défense que nous avons développé en votre absence.

Du bluff ? Pourquoi pas. Alaric était très doué à ce petit jeu. Bon, il n’avait jamais menti à un Dragon en le regardant droit dans les yeux, mais après tout, il y avait un semblant de vérité là-dedans. Des innovations militaires sortaient des laboratoires gnomes et des fonderies naines tous les ans. Et il était certain que le Conseil des Représentants gardait quelque atout secret dans sa manche.

- Nos anciens textes nous indiquaient bien que les Dragons étaient intelligents. Toutefois, vous comprendrez aisément que nous avons eût du mal à le vérifier ces derniers siècles, vu que nos rares contacts étaient constitués de cris de guerre et de bains de sang. Par contre, si cette fois vous venez en paix…

A vrai dire, il n’avait jamais vraiment considéré pouvoir faire la paix avec un Dragon. C’était comme demander à Aile-Ténébreuse d’accueillir Gil-Galaad chez lui, et de lui préparer un bon petit plat tous les soirs avant de lui faire son lit. Pour finir sur une soirée à un thé dansant, et un baiser langoureux. Autrement dit, c’était impensable.

Malgré cela, avec cet immense Dragon en face de lui, prêt à mettre tous les Nains présents en charpie, la perspective d’une trêve semblait douce. Certes, il avait de bonnes chances de pouvoir s’enfuir, le temps que ses Brise-Acier tiennent la Bête occupée. Mais cela revenait à condamner toute vie à la surface des Monts de l’Ungrid. Et cela, il en était hors de question.

- Si vous voulez faire la paix, alors soit. Nos deux races peuvent cohabiter. Je crois la population draconique bien réduite, aujourd’hui. Et nous avons bien assez de cheptels pour vous nourrir, sans que vous ayez à dévorer de créatures pensantes dans la Montagne. Quant à vos affaires en dehors de nos frontières… Elles ne nous regardent pas. Si vous acceptez la paix, bien entendu.

C'était le mieux que pouvait proposer Alaric. Un pacte de non-agression. Tout autre accord serait intolérable pour n'importe quel Nain. Car il était exceptionnel de ne pas avoir un proche, ou un aïeux direct qui n'ait périt sous l'attaque féroce d'un Dragon.

- Et pourquoi vous ne devriez pas me tuer ? Car je suis votre seule et unique chance de faire la paix avec les Nains. Tuez-moi, et vous vous engagez pour une guerre qui durera encore des siècles. Nos ingénieurs produiront des armes de plus en plus perfectionnés, et tueront de plus en plus des vôtres. En revanche, acceptez de vivre en paix, et vous pourrez considérer la Montagne comme une base arrière pour votre espèce. Libre à vous de chasser en Terre ou en Feu, ensuite, comme il vous plaira. N'est-ce pas une solution bénéfique pour nos deux races ?

Le Dragon avait... Accepté ? Il s'agissait là d'une nouvelle aussi surprenante qu'enthousiasmante. Alaric s'était réellement attendu à ce que le combat reprenne sous peu. Après tout, les draconiens n'étaient pas vraiment connus parmi les Nains pour leur raison. Ils venaient piller, brûler et repartir aussitôt.

- C'est avec un grand plaisir que j'entend vos paroles de paix. Sachez que vous serez en sécurité sur ces terres, au contraire de vos congénères. Nul sous mon commandement ne viendra vous importuner.

Ensuite, l'être demandait plusieurs petites "formalités". Comme pouvoir accéder librement à n'importe quel zone du Conglomérat, certainement sous une forme humanoïde et non draconique. Voilà qui risquait de poser moult problèmes, aussi le Directeur reconsidéra la question.

- Vous serez libre d'aller où bon vous semble, tout autant qu'un honnête citoyen Nain. Mais vous comprendrez bien qu'il y aura quelques restrictions. Je peux m'arranger pour que vous puissiez visiter certaines zones sensibles, comme les Forges Volcaniques, mais vous ne pourrez pas par exemple participer à des réunions confidentielles des dirigeants du Conglomérat. Et évidemment, nul ne sera mis au courant de votre véritable identité.

L'autre requête était bien plus perturbante. Les Dragons étaient réputés cupides, et obsédés par l'or et les joyaux, mais jamais il n'avait été dit à leur sujet qu'ils étaient férus d'art. Aussi, lorsque l'immense créature réclama un tableau particulier d'un des grands peintres Nains, Alaric ne sût que répondre, l'espace d'un instant.

- Eored ? Le peintre ? L'auteur du "Soleil Souterrain" et de "La déception de Modan" ? Nous avons plusieurs de ses oeuvres, en effet. Le 26e... Je crois bien qu'il est à Fort Granite. Est-ce bien "Les steppes infinies" ? Ah, non, celui-là est son 28e...

Le Nain resta un instant à se caresser la barbe. Son front se plissa ostensiblement. Non pas qu'il voulut particulièrement faire plaisir au Dragon, mais en l'occurrence, ne pas se souvenir de cela le troublait. Il était certain de savoir où se trouvait le fameux tableau. Il les connaissait tous par cœur.

- Ah, oui, ça me revient ! Il a été racheté par un riche collectionneur, près de Tilamus. Le bougre est le Maître-Trésorier de la Corporation de la Terre et du Bois. Il avait déjà voulu me racheter plusieurs pièces hors de prix, sans succès. "La déception de Modan" est le plus grand tableau jamais peint par un Nain, et il n'est que justice qu'il repose à Fort Granite, auprès du Conglomérat Minier de Kael-Modan. Je peux vous arranger une rencontre avec le-dit collectionneur, si vous le souhaitez.

Tout semblait s'arranger. La paix allait pouvoir retomber sur les Monts de l'Ungrid. Et Alaric n'avait qu'une hâte : Ordonner au plus vite la réparation des dégâts infligés au fort. Quant au Fauche-Dragon... Il fallait l'améliorer, au plus vite.

- Mais au fait, Sir-Dragon, nous ne nous sommes toujours pas échangé nos noms. Je suis Alaric, 21e du nom. Et vous ?

Étonnant de voir comment quelques mots et une promesse de paix pouvaient changer la situation du tout au tout. Si le chef des nains à ses pieds semblait enthousiaste, Zaïthan l’était beaucoup moins, le tableau n’était pas entre les mains du petit peuple et malgré l’information à propos du collectionneur, son intuition lui souffla qu’il n’était pas près de revoir son tableau. Mais peu importe, le nain accepta de lui laisser un libre accès aux villes souterraines, il allait enfin pouvoir visiter quelque chose de nouveau.

- Bien entendu, je n’ai aucunement l’intention d’assister ou de m’immiscer dans les affaires des nains, demain vous me donnerez un objet qui me permettra de me rendre où bon me semble sans avoir à demander de permission…

Oui, le Dragon imposait ses directives au chef des nains, il lui était supérieur et il tenait bien à lui faire comprendre. Puis il répondit à la dernière question posé par son interlocuteur.

- Dans les terres gelées du Sud on me nomme Viimer Skygge, chez les elfes c’est Toruk, dans certains ouvrages les plus connus des humains c’est simplement la bête ou le malin…

Fear avait énormément de nom selon les endroits et les époques, le nain avait bien du entendre parler d’au moins l’un d’entre eux non ? En tout cas, il laissa quelques secondes de silence avant de reprendre.

- Les miens m’appellent Zaïthan.

Et sans prévenir, il utilisa son pouvoir de la peur sur Alaric à très haut niveau pour créer une illusion. Les ténèbres tombèrent autour du nain sans explication et il se retrouva seul face au Dragon qui mesurait dorénavant la taille d’une montagne.

- Alaric 21eme du nom, je vais graver notre accord au fond de vous pour que jamais l’envie de revenir dessus vous prenne… mon apparence humaine restera un secret entre nous...

Zaïthan avait le pouvoir d’infliger des peurs qui restaient gravé à vie dans le cœur d’un homme, il pouvait rendre le plus courageux des guerriers aussi chétif qu’un bébé ou au contraire transformer un couard en héros. C’était peut être la première fois qu’il faisait ça, peut être que cela n’allait pas fonctionner, mais tout en lui indiquait qu’il pouvait le faire. Fear usa donc de son pouvoir de la peur pour graver au fond du nain l’accord qu’ils venaient de passer, comme ça quand le petit homme y pensera, une peur insidieuse émergerait de ses entrailles pour le pousser à respecter l’accord. Ce n’était qu’un artifice, rien de bien méchant, mais au moins le Dragon allait marquer l’esprit d’Alaric.

La montagne Draconique se transforma en un homme de taille normal recouvert de cicatrice et habillé comme un noble, Zaïthan dans sa forme Draconique se tenait droit devant le nain.

- Demain je viendrais à Fort Granite sous cette forme, vous serez le seul à me reconnaitre.

Puis les ténèbres s’estompèrent et le nain se retrouva de nouveau dans la réalité face à Zaïthan sous forme Draconique. Aucun des autres nains n’avaient pu voir l’illusion créé grâce aux pouvoirs du Dragon. Pourquoi prendre autant de précaution ? Et bien se rendre sous terre où il ne pourrait surement pas se transformer et en plein cœur du territoire des nains avec pour seule assurance la promesse d’Alaric ne lui suffisait pas… il avait besoin de plus.

[PS: je fais un peu mumuse avec mon pouvoir, tu me dis si ça ne te convient pas ]

Le Dragon semblait satisfait de l’accord. Il pouvait l’être. Ce serait bien la première fois qu’Alaric allait signer un quelconque pacte avec un Draconien. La plupart du temps, la coopération nano-draconique se faisait par la force des armes. Un Dragon mettait sous sa coupe un village Nain, et le faisait travailler sous la menace. Ou bien les Nains capturaient un Dragon, et utilisaient son feu et ses écailles pour le travail de la forge. En y repensant, en un sens, ce « Zaïthan » avait obtenu son accord en attaquant Fort Granite. En un sens, cela pourrait être perçu comme une soumission.

Non. Alaric chassa rapidement cette pensée de son esprit. Un Dragon avait beau être un ennemi dangereux et un prédateur redoutable, il ne pouvait à lui seul vaincre le Conglomérat. Si c’était la guerre que voulait Zaïthan, alors il mourrait sous les coups de boutoir des soldats Nains. Mais finalement, c’était le chemin de la paix et de la coprospérité qui avait été choisi. Oui, le Nain avait fait le bon choix.

C’est alors que le sang-froid utilisa son pouvoir pour faire plonger Alaric dans un monde d’illusions et de ténèbres. N’étant équipé que de défenses magiques très minimes, le Duc-Directeur fut décontenancé de longs instants, regardant de droite et de gauche, cherchant ses soldats et ses gardes d’un air perdu. Non seulement l’environnement était terrifiant, mais Alaric sentait une boule se nouer dans sa poitrine, comme si une main invisible comprimait son âme.

Le Dragon récita ce qui ressemblait à une malédiction, ou un pacte solennel. Selon lui, une simple sûreté que le Duc-Directeur ne revienne pas sur sa parole. La peur était la plus grande faiblesse d’Alaric, bien que sa couardise l’avait sauvé plus d’une fois. Le Nain mit un genou à terre, et baissa la tête quelques instants, comme sous l’emprise du Dragon. Cependant, alors que celui-ci se travestissait en humain, Alaric fit un effort pour relever la tête et garder l’ascendant.

- Vous êtes certainement une créature vieille et puissante, Zaïthan, mais vous ne connaissez rien des Nains si vous pensez avoir besoin d’un sortilège quelconque pour forcer l’un des Fils de Modan à tenir une promesse.

Finalement, le monde récupéra ses couleurs, tandis que plusieurs détachements de fusiliers et d’arbalétriers pointèrent le Dragon. La scène qui venait de se dérouler, loin des regards, avait attisée les craintes des soldats, dont certains semblaient prêt dans la terreur ambiante à ouvrir le feu sur la créature. Alaric retint ses hommes en levant un poing fermé tout en se relevant doucement.

- Vous êtes libre de partir désormais, Dragon. Dans ces Montagnes, vous serez désormais connue sous le nom de Rhadakhan.

Si Zaïthan avait la moindre connaissance basique du langage Nain, il comprendrait que ce nom était en rapport avec la peur. Traduit littéralement, Rhadakhan signifiait « La terreur dévorante ». En réalité, il s’agissait d’une construction linguistique complexe, et ce mot pouvait se comprendre par « une peur qui consume les âmes ».