La scène se déroule peu de temps après que le général Céleste Victo et l'ange rebelle Yuki se soient déclaré leur amour.



Il avait dit à l'artiste... "Efface tout, qu'il n'y ai plus de trace de mon odieux crime sur cet acier. Tu dois le polir, le chérir, lui rendre sa forme originel pour en chasser ma souillure et, si et seulement si elle le souhaite, tu sublimeras son armure et ses armes. Ton prix sera le miens". Enfin, il ne l'avait pas formulé ainsi, cet idiot de général mentalement limité au vocabulaire pauvre, mais c'est ce qu'il avait voulu dire. Il avait aussi maladroitement ajouté... "La personne que tu dois satisfaire ne peut pas errer librement en ville, aussi vas-tu la rencontrer à l'écart pour te mettre d'accord avec elle sur ce qu'elle veut exactement et tu combleras toutes ses attentes. Par contre, Incube, ne t'avises pas de la toucher". Vaelh avait pouffé à cette instant et était simplement partis. Oh bien sûr, il se permit d'être... large sur ses tarifs.

Plus tard, il avait réfléchi aux dires du Sang-mêlé. Que sa femme ne puisse par errer en ville voulait soit dire qu'elle n'en avait pas la capacité physique, soit qu'il était plus prudent pour elle de ne pas le faire. Comme Vaelh ne voyait pas le Général s'enticher d'une infirme, il se pencha plutôt sur sa seconde hypothèse. Pourquoi aurait-ce été dangereux pour elle de venir dans des lieux fréquenté ? Avait-elle beaucoup d'ennemis ? Il faudrait qu'il sache...

Que ce soit une personne aussi haut placé que le Général qui fasse appel à lui avait flatté son incommensurable égaux. Il avait parfaitement compris que Victo avait Besoin de lui, d'où l'insolence qui s'était permis d'afficher en partant. Il avait également noté beaucoup de remord dans la voix  du guerrier ; Vaelh ne savait pas que lui et sa compagne s'étaient battus à mort mais se doutait au moins que la lutte avait dû être sanglante. En parlant d'elle... le Général n'avait fourni aucune description à Vaelh. Il avait précisé que c'est elle qui l'aborderait, pas l'inverse. Qu'il était curieux, du coup !

Les instruction du général quant au lieu de rendez-vous l'avaient guidé jusqu'à Sylfiria, aux abords de la  boutique d'un apothicaire. L'endroit était calme, très peu fréquenté. Conscient qu'il aurait quand même à traiter avec la femme d'un type haut placé, l'Incube s'était fait beau -encore plus qu'il ne l'est déjà-. Sa crinière bicolore avait été sculpté en une coupe splendide, si élaborée qu'un simple d'esprit n'aurait même pas su en appréhender la forme. Sur toute la partie gauche de son visage, autour de son œil d'encre et d'or, avaient été appliquées des dizaines et des dizaines de runes dorées s'enchevêtrant pour former un symbole aussi ésotérique qu'exquis. Au centre de ce grand symbole trônait une unique rune noire, celle de sa Cabale d'origine.
Il avait opté pour d'audacieux et spectaculaires atours, comme ce demi-haut moulant noir et argent qui ne couvrait que son côté droit, laissant le gauche presque nu, uniquement parcouru par trois sangle en cuir pour maintenir le tout. Son bras droit était intégralement couvert de noir pour se terminer par un gant discret laissant découvert son pouce et son index. Ayant un gout prononcé pour l'asymétrie, il avait opté pour un titanesque gant gauche fait de cuir noir rehaussé d'or et d'argent. Le brassard auquel il était relié se terminait par un long prolongement qui partait bien au delà du coude.
Pour contraster avec ce haut près du corps, il avait opté pour une chausse taillée si bassin au niveau du ventre qu'elle en frôlait l'indécence. Bouffant comme il l'était, ce pantalon avait la place d’accueillir nombre de décoration et de runes dorées.

Très sûr de lui, Vaelh s'était alors posté à quelques mètres de la boutique de l’apothicaire et sondait les environs d'un regard franchement impatient. A quoi pourrait ressembler cette femme ? Qui était-elle ? Qu'était-elle ? Puisse la réponse à ces questions arriver le plus vite possible !

Yuki avait longuement hésité avant d'accepter l'offre du gladiateur. Bien qu'elle tenait à son armure, elle n'avait pas la moindre envie de la revêtir dans cet état. Mais devoir rencontrer un démon l'enchantait guère. Sa puissance d’antan s'était comme évaporée et bien qu'elle soit ressortie victorieuse des mains de Nayris, elle n'appréhendait plus son corps comme à l'accoutumé. Trop de temps s'était écoulé entre ses deux passages dans le monde des vivants, laissant la femme perplexe quand aux sensations et aux mouvements de son propre corps.
Très sure d'elle, elle était devenue plus que maladroite, comme si elle avait fini par être à l'étroit dans sa propre enveloppe charnelle. Alors, la rencontre d'une potentielle personne dangereuse ne la mettait guère en joie.

Depuis qu'elle avait atteint la villa, elle n'avait eu de cesse de se recentrer sur un entrainement intensif. Moins guerrier, il se composait surtout de danses et d'exercices d'équilibre, afin de se sentir à nouveau en phase avec elle-même. Elle avait pu constater les progrès, mais c'était loin d'être suffisant. Quant à remettre son armure, elle en était encore loin. Surtout que depuis ses retrouvailles avec le Général, elle ne savait plus vraiment pour quelle cause se battre...
Mais en voyant son ami s’entraîner inlassablement chaque jour, elle avait fini par lui céder. Elle ne voulait pas devenir un poids sur ses épaules, devenir une pauvre jeune fille en détresse. Non seulement elle ne se sentirait pas en paix avec elle-même mais en plus, elle ne pourrait plus considérer Victo comme son égal. Et ça, c'était primordial pour que chacun puisse respecter les opinions de l'autre.

Elle avait quand même fait la grimace lorsque le bel homme lui avait annoncé le lieu de rendez-vous. Elle savait qu'il faisait ça aussi pour elle. Mais revenir dans les Cieux, après tout ça... C'était, comment dire? une épreuve à part entière. Non seulement elle avait encore des connaissances la haut, mais en plus, elle devrait faire face, seule à un territoire occupé par l'ennemi. Elle avait de la renommé la-bas... Et elle n'avait pas envie que son retour à la vie soit découvert.
Ils avaient débattus sur la question assez longuement, mais Victo avait fini par trancher. De toute façon, son contact ne pouvait être que dans les Cieux. En contrepartie, elle pouvait en choisir le lieu. C'était une solution assez honnête, qui leur permettait d'être tous deux satisfait. Elle avait vite écartée la grande plaine. Déjà c'était compliqué d'y retrouver quelqu'un mais surtout, des souvenirs trop douloureux y avaient élus domicile. Hésitante pendant longtemps, elle finit par choisir la Capitale. L'envie de retrouver ses racines était bien trop impérieuse pour ne pas y succomber. Et la surprise sur le visage de son homme quand elle lui annonça était trop mémorable pour s'en priver. Il n'y avait pas de raison qu'elle ne l’embête pas en retour! L’inquiétude du général lui donnait du baume au cœur, et l'encourageait dans son choix. Elle devait affronter ses vieux démons.

Elle avait choisi d'y aller le plus simplement du monde, en empruntant l'aerosphère du Général. Dans ce territoire, elle n'avait même pas besoin de cacher ses ailes afin d'être discrète. Simplement vêtue d'un robe blanche, elle s'obligeait à ressembler aux autres anges. Mais ses yeux noires et ses cheveux blancs n'étaient pas courant. Marchant tranquillement la tête baissée pour cacher la noirceur de ses yeux, elle ne se sentait pas à l'aise. Les robes angéliques n'étaient pas pratiques pour courir, et cela lui avait toujours déplu. Elle qui portait toujours un minimum de vêtement pour être à l'aise sous son armure se devait aujourd'hui de recouvrir son corps de blanc, afin de cacher les quelques cicatrices qu'elle ne voulait pas faire disparaître.

Elle tenait dans ses bras un gros sac de toile où elle avait pris soin de cacher son armure. Nerveuse, elle essayait de ne pas le laisser paraître alors qu'elle suivait la foule. Alors qu'elle s'approchait d'une petite place moins populeuse, elle pu enfin se détendre. Découvrant enfin la boutique de l'apothicaire, elle jeta un coup d’œil dans la devanture avant de parcourir les environs des yeux.

Victo lui avait dit que son contact serait immanquable. Et il avait raison. Un homme dénotait gravement avec tout ce qui l'entourait. L'extravagance dont il avait fait preuve permit à Yuki de l'identifier à coup sur.
L'approchant, elle lui tendit l'enveloppe que le Général lui avait remis, le sceau bien en évidence, sans le regarder. Quelque chose d'étrange émanait de ce personnage mais elle n'aurait su nommer quoi. Aussi elle se contenta d'attendre que ce dernier parle, sentant la garde de son arme près de sa paume, dans le sac.

Vaelh ne se complaisait guère dans l'ignorance, si bien qu'il lâcha un soupir agacé. Toute une foule de question tourbillonnait, tempêtait dans sa tête ; toutes concernaient sa future cliente qui ne devait plus tarder. Il ne savait même pas de quelle race l'intéressée faisait partie ! Bah, l'Incube aurait peut être dû questionner le général... Ah, mais non justement ! Il ne savait presque rien, aussi serait-ce une surprise que de voir à quelle femme il aurait à faire. En voyant les choses sous cette angle, l'attente fut plus dure à supporter, mais plutôt que d'être ennuyé, Vaelh trépignait. Il fit quelque suppositions sur la nature de sa cliente.

Une drôle de sensation vint alors chatouiller ses perceptions. Une femme s'approchait de lui -il pouvait se sentir observé-, mais elle véhiculait avec elle un "parfum"... interdit, peu connu. L'Incube connaissait tous les arômes que libérait la gente féminine ; il pouvait flairer ses "repas" en déterminant leur race et leur expérience à condition d'avoir déjà consommé un certain nombre de représentantes de la race concernée. Pour l'heure, c'était comme s'il ne pouvait pas déchiffrer la fragrance en approche, comme s'il n'avait pas les outils pour la traduire.
Il en était sûr, celle qui approchait faisait partie d'une race qu'il n'avait pas encore touché.

Alors Yuki apparut et un grand mal aise frappa le démon. Il avait eu un léger recule incontrôlé avant de produire une subtile grimace. Une ange ! Voilà une rencontre qui aurait été plaisante si... Si quoi ? L'Incube ne parvenait pas à identifier ce qui n'allait pas. Un silence gênant s'instaura tandis qu'il scrutait l'inconnue, la laissant patienter tandis qu'elle lui tendait une enveloppe.
Puis tout devint claire. L'illumination frappa le démon. L'ange était Affreuse. Bien sûr, si l'on se basait sur des critères esthétiques standards, humains, l'Ange était une femme franchement splendide. Mais Vaelh voyait là une telle aberration que toute son aura de charme surnaturel s'éloigna d'elle comme un animal effrayé.

Le démon s'en trouvait littéralement blessé que de se trouver face à pareil monstre. C'était comme contempler un beau tableau et tomber sur un détail incrusté sur la toile qui mettait en l'air toute l'harmonie de l'oeuvre en lui ajoutant des couleurs impossibles et des formes géométriques inappréhendables. Mais Vaelh n'arrivait pas à repérer le détail parasite en question.


Quelle horreur... Avait soufflé l'artiste, estomaqué comme il l'avait rarement été. Dans sa voix transparaissant non pas de la moquerie, mais presque de la pitié pour l'ange. Il eut besoin d'une grosse poignée de secondes avant de vaguement s'en remettre pour saisir maladroitement l'enveloppe. Il l'ouvrit frénétiquement pour la lire avec attention, plusieurs fois, trop heureux de s'arracher à sa contemplation de l'abominable femme. Sans lever les yeux, il avait balbutié de sa belle voix :


Alors c'est toi, la femme du Général. Je ne t'imaginais pas... Pas comme ça je suppose, hm... Il avait essayé de redresser les yeux pour la fixer mais n'y était pas parvenu. Dieux, il ne voulait qu'une chose : s'enfuir de la en courant pour s'éloigner de cette chose ! Seul un gros effort de volonté le fit rester sur place.
La... La future oeuvre est dans ce sac ?

Pourvu que l'entretien ne s'éternise pas, sinon il craquerait.