- Citation :
- Raconte comment tu as rejoint la Rébellion, ou du moins l'événement qui t'a décidé à prendre parti pour les Rebelles.
Le ciel était sans nuage cette nuit là. Le monde était recouvert de sa cape la plus scintillante et même le vent s'était tut, semblant lui aussi profiter du spectacle qu'offrait la voûte céleste.
Emmitouflée sous les couvertures, blottie dans son lit, Farah regardait les étoiles à travers sa fenêtre. Elle n'avait pas plus de sept ans et cela faisait bien deux heures qu'elle aurait du dormir. Mais le sommeil ne venait pas la prendre, et elle ne se lassait pas de scruter le ciel.
Soudain, traversant les cieux à vive allure, une petite boule lumineuse laissa derrière elle un sillon d'argent.
Bondissant hors de son lit, elle se précipita vers la fenêtre, laissant échapper un « wouaahou » dans un murmure impressionné. En quelques instants, l'étoile filante s'évanouit dans l'immensité et il ne resta plus d'elle qu'une fine traînée de paillettes.
Silena n'était jamais aussi belle que lorsque le ciel était constellé d'étoiles. Elles brillaient entre les arbres, jouait à cache cache derrière les hautes montagnes et se reflétaient sur la neige immaculée. Ces nuits là semblaient hors du temps, de rares moments où les terres gelées et ses habitants avaient mérité que les étoiles se dévoilent à eux.
Un sourire émerveillé sur les lèvres, elle contempla le monde qui se dressait derrière la fenêtre de sa chambre. Une ombre accrocha son regard. Derrière une maison voisine, il lui semblait qu'une silhouette se cachait. Un sentiment semblable à de la peur s'insinua en elle, une peur similaire à celle des monstres cachés sous le lit. Cependant, elle continua à l'observer, se baissant très légèrement pour ne pas être vue. Au bout de quelques minutes, la silhouette se mit à remuer et elle se faufila jusqu'à un gros rocher. Elle était encapuchonnée et d'un noir intense qui tranchait avec le blanc du décor.
Farah tressaillit de peur et d'excitation. Un instant plus tard, et un mouvement tout aussi furtif que le précédent, la silhouette était hors de sa vue. S'appuyant sur la pointe des pieds, la petite fille eu beau se tortiller dans tous les sens, l'ombre avait bel et bien disparue.
Alors qu'elle s’apprêtait en soupirant à rejoindre son lit, un bruit la fit sursauter. Quelqu'un était en train de tambouriner à la porte d'entrée. Elle entendit la porte de la chambre de ses parents s'ouvrir, les pas lourds de son père faisant couiner le parquet et la voix de sa mère
-Ça doit être lui...Sa voix tremblait légèrement. Farah ouvrit le plus silencieusement possible sa propre porte, jetant un coup d’œil vers l'extérieur. Elle avait une vue parfaite sur l'entrée. Son père avait posé la main sur la poignet et lançait un regard vers sa gauche, dans un angle que Farah ne pouvait voir de là où elle était. Mais elle savait bien qu'il n'y avait là bas que la chambre parentale, et que c'était le regard d'Isora qu'il cherchait.
- Grent, ouvre la porte. Nous savions qu'il allait venir...il a du avoir quelques ennuis sur le chemin.Il hocha la tête en direction de sa femme et ouvrit la porte. Farah ne parvint pas à voir tout de suite de qui il s'agissait, l'imposante stature de son père lui cachant la vue. Dans un mouvement un peu anxieux, elle tira sur les manches de sa chemise de nuit. Elle était beaucoup trop grande pour elle, et elle nageait littéralement dedans. Lorsque Grent se poussa pour inviter le visiteur à entrer, Farah le reconnut aussitôt. C'était lui ! Cette silhouette qui se faufilait pour ne pas être repérer !
Il portait une longue cape noire qui le recouvrait entièrement. Le bas du tissu frôlait presque le sol et était décoré de quelques coutures en fil blanc. La cape était dotée d'un grand capuchon qui cachait entièrement son visage. Accroché en bandoulière, une lanière de cuir brut soutenait une gourde, une petite sacoche, ainsi qu'une épée grossière.
Grent referma la porte d'un geste et Isora apparue.
-J'espère que vous n'avez pas eu trop d'ennuis sur la route lança t-elle doucement à l'inconnu.
Ce dernier porta la main à l'attache qui retenait sa cape et la dénoua. La capuche tomba et l'inconnu était en fait une inconnue. Une pluie de cheveux bruns s'étaient abattus sur ses épaules. Les traits de son visage étaient saillants et ses lèvres si fines qu'on ne les voyaient presque pas. Ses yeux aussi, n'étaient pas très grands, mais il avait cependant une profondeur que même Farah perçut de sa cachette. Aussi noir que l'ébène, ils balayèrent rapidement la pièce. Une cicatrise longue de plusieurs centimètres s'étirait sur sa joue droite.
-Quelques difficultés à passer les postes de surveillances. Je suis navrée d'arriver comme ça en pleine nuit. Vous avez eu la lettre d'Anrem, je présume.Elle avait une voix grave qui lui donnait une allure encore plus impressionnante.
Isora se dirigea vers la cuisine d'un pas pressé, ajoutant simplement
-Vous devez avoir faim.Grent dévisagea l'inconnue un long moment puis se décida à prendre la parole.
-Oui oui, on a eu la lettre. Sybille, c'est ça ? Entrez, ma femme va vous préparer quelque chose. On a préparé une chambre, à l'étage. On ne savait pas combien de temps vous allez resté...Bon ce n'est pas le grand luxe mais....-Ça sera parfait coupa Sybille
Farah, de son côté, continuait d'observer avec curiosité la scène. Une chambre ? Elle allait resté chez eux ? Ayant toujours voulu une sœur, l'idée qu'ils puissent l'adopter lui effleura l'esprit mais elle fut vite sortie de ses pensées par le regard que Sybille avait braqué sur elle.
-On nous espionne je crois dit-elle calmement en pointant la chambre de Farah du doigt
Grent se retourna et aussitôt, Farah se précipita dans son lit. Lorsque Grent poussa la porte, elle était en train de ronfler bien trop fort pour que ça soit vrai.
-Tu t'es faite repérer lança t-il sur un ton amusé.
Aller vient, j'ai à te présenter une invitée.Ouvrant un œil, elle sourit à son père et se leva, s'emmêlant un peu les pieds dans sa chemise de nuit trop grande. Elle avança d'un pas timide vers Sybille, toujours postée devant la porte. Cette dernière se mit à genoux pour être à sa hauteur et tendit sa main en avant.
La fillette la regarda un moment puis lui serra avec un sourire
-Bonjour ! Moi je m'appelle Farah ! Et toi, comment tu t'appelles ?-Sybille. Il va falloir que tu me prêtes ta maison pour quelques jours. Sans attendre de réponse, elle se redressa et entra dans la cuisine. Farah la suivit et s'installa sur une des chaises. Ses pieds ne touchaient pas le sol. Elle fixait Sybille du regard, ses jambes se balançant dans le vide, et il était facile de voir que sa langue brûlait des questions qu'elle avait envie de poser.
Isora posa une assiette d’œufs brouillés et de viande de cerf séchée devant la nouvelle venue et s'installa à son tour sur une chaise, vite imitée par son époux.
-Peut être mieux vaut lui expliquer maintenant pourquoi elle est là dit-il en haussant les épaules
Elle est réveillée, de toute façon.Isora sembla hésiter un bref instant puis hocha la tête. Elle ouvrit la bouche dans l'optique de commencer mais elle fut couper par Sybille qui toussota.
-Hum hum...Si vous permettez...Échangeant un regard, Grent et Isora donnèrent leurs aval.
Toujours assise sur sa chaise, Farah les observer tour à tour sans trop rien comprendre à ce qu'il se passait.
-Comme je te l'ai dit, je m'appelle Sybille. Si je suis là, c'est parce que j'ai besoin d'une cachette.Tes parents ont acceptés de...-Pourquoi une cachette ?-Eh bien...Parce que des...elle sembla chercher ses mots
… des méchants veulent m'attraper. Oui voilà, des méchants. Et tu sais ce que font les méchants ?-Ils font des choses vilaines, et ils se font punir. -Exactement, j'ai punis des méchants. Mais ils avaient beaucoup d'amis, et maintenant, ils me cherchent. Tes parents n'aiment pas les méchants, et c'est pourquoi ils me cachent ici. Mais c'est une cachette secrète, tu ne devras surtout ne rien dire à personne. Même à tes amis, ou à ta maîtresse à l'école. Sinon, les méchants pourraient venir ici, tu comprends ?Farah dodelina de la tête en baragouinant un « c'est promis » un peu déformé par l'angoisse que des méchants pourraient venir.
Sybille ne resta que quelques jours et cette nuit là marqua sa première rencontre avec la Rébellion. Bien sûr, les questions fusaient. Pourquoi ils sont méchants, c'est qui, ils font quoi... Mais ses parents lui répétaient inlassablement qu'elle comprendrait quand elle serait grande. Les années passèrent et trois autres personnes étaient venus se « cacher des méchants » chez eux. Mais on n'entendit plus parler de Sybille jusqu'à ce que Farah eut quinze ans.
Elle avait surprise une conversation de ses parents. Sa mère semblait bouleversée, tenant à la main une lettre. Grent quand à lui avait plutôt l'air soucieux, mais essayer de cacher son angoisse en réconfortant sa femme. Sybille avait été tuée...torturée même. Apparemment les « méchants » avaient réussi à la capturer. Ils furent forcé de raconter la vérité, et les méchants prirent bientôt le visage de sbires au service d'un démon aux yeux rouges comme le sang. La Rébellion fit son entrée dans le récit, succédant aux récits d'horreurs sur les partisans d'Aile Ténébreuse. Cette coalition qui gardait allumer la flamme de l'espoir de libérer un jour le monde de l'emprise démoniaque d'Aile Ténébreuse. Ces hommes et ces femmes qui risquaient leurs vies pour sauver celles des autres, pour apporter la lumière même dans les coins les plus sombres.
Ses parents ne faisaient pas parti des combattants, mais ils aidaient dans le ravitaillement et cachaient des fugitifs ardemment recherchés. Farah eut pour eux une grande admiration, et l'image de Sybille revint devant ses yeux. Elle n'était plus. Ils avaient arraché sa vie à ce monde, dans des souffrances sans doutes horribles. Mais elle savait qu'elle risquait tout ça...et pourtant, elle se battait.
Farah, une fois de plus, éprouva de l'admiration pour ce courage qu'elle même n'aurait sans doute jamais. Cependant, elle trouvait ce combat juste et honorable. Elle ne savait pas se battre, mais peut être pourrait-elle être comme ses parents ? La main tendue et le refuge pour ceux qui font face à l'ennemi. Elle se fit cette promesse.
Aujourd'hui, elle était un service de la Rébellion comme elle se l'était promis. Elle vient soigner les blessés clandestins cachés, et n'hésite pas à en accueillir quand il le faut.