Des rires tonitruants traversaient l'immense pièce pourtant bien dépeuplée. Les sons rebondissaient joyeusement sur les murs ornés avec raffinement sans pour autant le moindre signe ostentatoire. Un lieux de goût en somme. Deux hommes, choppes en main discutaient. Si d’apparences tout deux semblaient jeunes, Argawen se dit qu'il avait une cinquantaine d'années de plus que son amis terriblement humain. Sembor lança une plaisanterie sur la demoiselle qui quittait la résidence de son rouquin d'ami alors que lui y entrait.
'''Est-ce que cette fois c'est la bonne ?
- Arrête avec cette envie de vouloir me caser, Sem' ! Tu sais bien que je ne suis pas fait pour faire ma perruche et ne partager ma vie qu'avec une personne ! Il y a bien trop de choses à découvrir pour cela ! Fit-il avec un clin d’œil taquin et plein de sous-entendus.
- Tu sais, moi je crois que je l'ai trouvée. La bonne personne ''
Argawen s'étouffa à moitié, recrachant à moitié le vin qu'il était en train d'avaler, une partie du contenue coulant sur son menton qu'il avança pour ne pas tâcher ses vêtement avant de s'essuyer tout en toussant bruyamment. Sembor était en train de lui dire qu'il allait s'engager ? Lui ? Le coureur de jupon qui disait qu'il fallait partir avant que la damoiselle ne se réveille au cas où elle puerait de la gueule ?
''Tu as de la fièvre ?
- Je suis très sérieux, Arga, fit-il, une pointe d'irritation dans la voix.
- Soit. Je te fais confiance, si tu y tiens c'est que tu as trouvé une perle. ''
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''Pourquoi tu ne me parles jamais de mes parents ?
- Ce n'est pas un sujet facile, tu sais.
- Mais je le droit de savoir ! Tout les autres parlent de leur parents, de ce qu'ils font comme métiers ou des fêtes qu'ils donnent...
- Et tu ne leur parles jamais de moi ? Demanda l'homme à la chevelure carmin, une pointe de tristesse dans la voix.
- Si, mais ils me disent que tu n'es pas mon vrai père.
- Et c'est vrai.
- Raconte moi... s'il te plaît. J'ai huit ans maintenant.
- J'ai connu ton père quand il avait 18 ans, j'en avais alors plus de 50 mais dans ma tête je n'ai jamais vraiment grandi. Les daevas peuvent vivre infiniment alors je me suis toujours dit avoir le temps. Je commerçais alors comme orfèvre et tout comme aujourd'hui je vivais de mes talents et mes petites terres. J'ai commercé avec ton père mais il était jeune et maladroit. Ayant trop bu il avait avoué faire partie de la résistance. J'ai prêté allégeance à Aile Ténébreuse pour que mes terres ne soient pas balayés mais à vrai dire tout cela m'importait peu. Alors quand Sembor a réalisé tout ses aveux, il m'a posé un couteau sous la gorge. Et je ne sais trop comment on a finit par se plaire.
-Un résistant.. ? C'est bien ou pas ?
- Il se battait pour ses idées et ça c'est noble. L'histoire nous diras s'il avait raison ou non. Tu ne dois cependant en parler à personne. Tu entends bien ? Il pourrait nous arriver de gros ennuis.
- Et ma mère ?
- Je te raconterai une prochaine fois mais tes parents étaient fous amoureux. Ta mère est morte peu après ta naissance mais ton père m'a toujours répété qu'elle ne cessait de dire que tu étais le plus beau bébé du monde. Quelques mois plus tard Sembor est arrivé chez moi, ruisselant sous une pluie de fin du monde. Les partisans d'aile ténébreuse l'avaient démasqué et il aurait pu s'enfuir au plus vite mais à cette époque il t'élevait seul. Alors il a frappé à ma porte, m'a remis le linge trempé et froid dans lequel tu hurlais de peur face à l'orage. Il m'a regardé droit dans les yeux. Il avait de remarquables yeux verts, les même que les tiens. Alors j'ai tout compris sans qu'il n'ait rien à me dire. Et il est parti sans un mot. On s'était compris. Lui devait se rende pour que tu lui survives. Et moi je devais poursuivre ma vie habituelle pour que tu puisses vivre. ''
La gamine eut un sourire triste et serra ses points pour ne pas céder devant les larmes qui lui montaient. Argawen avait toujours précisé qu'il n'était pas son père mais jamais encore elle n'avait eu le droit à ce pan de son histoire. Courageusement elle ne pleura pas mais vint se blottir contre celui qu'elle appelait son oncle. Le Fabulo referma ses bras autour d'elle en se balançant d'avant en arrière pour la consoler. Il ne serait jamais un vrai père. Rah, lui qui avait toujours fuit les responsabilité. Sembor avait fait mieux que le caser ! Se redressant dans un mouvement souple, Circé toujours dans ses bras, il la déposa délicatement dans son lit entouré non pas de peluches comme la majorité des petites filles mais de livres ouverts. Quel bordel. Quittant la petite pièce il retourna dans le séjour, se revoyant encore discuter avec son ami d’antan. Tout cela lui paraissait si loin. Se rendant sur le balcon il plongea ses prunelles dans l'horizon puis sur le bout incandescent de la cigarette qu'il venait d'allumer sans trop y réfléchir. Il ferait mieux d'aller se coucher, demain il allait avoir un rendez-vous un brin particulier avec les sentinelles des prisons. Et une douce mélodie sifflée s'éleva dans l'air.