Citation :

Raconte une des tes toutes premières chasses avec ta sœur.

La chasse en milieu aquatique exige de ses pratiquants une condition physique irréprochable. Car il ne s'agit pas seulement d'aller à gauche ou à droite, mais également en bas ou en haut ! Croyez-moi, il n'y a rien de plus rageant que de filer le train à un appétissant thon rouge, et de le voir soudain vous glisser entre les doigts parce qu'il a eu la présence d'esprit de virer brutalement vers le fond pour aller se cacher dans ces maudites crevasses rocheuses.
Enfin... La rapidité, ça ne fait pas tout non plus. L'intelligence et la coordination aident beaucoup également. Or... Quand on est jeune et inexpérimenté, on a tout sauf ça. Coordination : zéro absolu. Plaît-il ? Oh, vous voulez voir ce que ça donne ! Eh bien, voyez plutôt.

« Aïeuh ! Mais bon sang, tu m'as foncé dedans, Nyria ! »

*Oh je t'en prie, c'est toi qui m'est rentrée dedans ! Je l'avais presque, ce satané dauphin...*

« Grogne pas, tu deviens laide. » ronchonna Eilinel en se frottant le front, la moue boudeuse.

*Et si on s'approchait des côtes pour attraper un pêcheur ?*

« Ah non, c'est trop facile ! ... Et puis on a mangé de l'Humain au dîner hier, un peu ça va, mais trop... Beurk. Allons-y, je crois qu'il y a des phoques près de cette île, là-bas. »

La Sirkën passa une main dans sa longue chevelure ébène avant de commencer à nager dans la direction qu'elle avait indiquée à sa soeur. Cette dernière força un peu l'allure le temps de se mettre au côté d'Eilinel, puis ralentit le rythme pour ne pas la doubler. D'ordinaire elles auraient sûrement voulu se défier à la course, mais l'heure n'était plus aux jeux. Malgré leur jeune âge, elles devaient raisonner en chasseresses et non plus en gamines qui s'amusaient d'un poisson cherchant désespérément à s'échapper alors qu'il lui manquait la moitié de son corps. ... Comment ça ce n'est pas amusant du tout ce truc-là ? Mais si, mais si ! C'est juste que vous ne savez pas vous amuser, rabat-joies.
Bref, où en étais-je... ? Ah oui, c'est vrai.

En approchant de leur objectif, les deux soeurs plongèrent plus profondément, là où la pénombre de l'eau pourrait les dissimuler un tant soit peu. C'est qu'il ne fallait pas affoler leurs futures proies. Celles-ci s'ébattaient joyeusement à la surface, sans se douter que juste sous elles deux prédateurs aux dents longues n'attendaient qu'un signe pour passer à l'attaque.
Néanmoins, pas question de foncer tête baissée comme ça, à l'aveuglette. Oh ça non. Il fallait d'abord déterminer quel animal attaquer. Un individu suffisamment faible ou vieux pour ne pas faire une prise trop difficile à attraper, mais pas non plus un spécimen dans la fleur de l'âge, qui pourrait les semer avec dextérité pour peu qu'il arrive à les embrouiller. En gros : un beau casse-tête. Dans des cas comme celui-là, un excellent sens de l'observation est nécessaire.

... Un excellent sens de l'observation. Chez des jeunes. Bah tiens... Et demain on va voir Aile Ténébreuse danser le charleston en tutu rose sur la place de Sen'tsura, tant qu'on y est ! Eh les enfants, j'vous rappelle que le thé à la menthe ça se boit, ça se fume pas !
Donc, comme vous devez vous y attendre, bonjour l'échec. Nos deux frangines prirent en chasse un jeune mâle un peu flemmard, mais qui se révéla plutôt réactif au final devant la menace de ces griffes aiguisées et de cette immense mâchoire qui claquait furieusement dans le vide. En même temps, personne ne se laisserait tranquillement dévorer, vous me direz...
Le phoque atteignit le rivage sain et sauf, au bord de la syncope certes, mais entier ! Ce qui n'était pas toujours donné à tout le monde, mais passons sur les détails voulez-vous. De leur côté, emportées par leur élan, Eilinel et Nyria se mangèrent les rochers en plein dans la face. Eh oui, rien que ça. Ah, elles avaient l'air beau tiens, les chasseresses !

Le nez plus ou moins en morceaux, elles retournèrent auprès de leur mère en marmonnant des noms d'oiseaux pas franchement très jolis, et n'osèrent pas retenter l'expérience avant deux bonnes semaines. Minimum. Eh, se briser le museau sur les rochers, ça va deux secondes, hein. Faudrait pas que ça devienne une habitude...