(HJ: Faisons comme si depuis le début elle s'appelait Seïra)

La sulfureuse démone ne prit pas la peine de démonter sa tente. Elle le ferait si l'envie lui prenait de dormir seule mais pour le moment, ce n'était pas dans ses projets. Que son compagnon soit d'accord ou non, elle partagerait sa couche, que ce soit pour dormir ou pour tout autre chose. Elle ne comptait pas abuser de lui non plus, ils avaient pas mal de route à faire encore ensemble et si leurs rapports pouvaient être un semblant amicaux, c'était mieux. En d'autres circonstances, peut-être y aurait-elle moins réfléchit.
Quand il revint avec un latin, ou du moins un corps de lapin, dans les mains, elle se sentait déjà plus calme. Il n'avait pas reparlé de l'ours et s'il avait un temps soit peu d'instinct de conservation, il n'en reparlerait plus jamais. Elle l'accueillit donc avec une mine passablement morne et un hochement de tête. C'était déjà plus rassurant que l'air féroce et renfrogné qu'elle arborait une demi-heure avant. Le feu était allumé et elle eu tôt fait d'embrocher la bestiole sur une pique taillée à la va vite pour la faire rôtir. Amoureuse passionnée des animaux, une fois mort et la tête tranchée elle ne les adorait plus autant et pardonnait même leur mort. Elle ne se vengea donc pas sur le jeune homme. Pendant que la viande cuisait, elle se décida enfin à ouvrir la bouche.

- Nous ne sommes plus si loin du but. Demain en fin de journée nous devrions arriver à destination, si nous avançons bien. -

La destination était un grand arbre dans le fin fond de la forêt. Dans un creux de son tronc devait, selon certaines légendes, se trouver une dague aux propriétés magiques. Seïra ne voyait pas bien quel intérêt cela pouvait avoir de posséder une arme magique, les armes normales faisant assez de dégâts comme ça, mais après tout c’était un vampire qui la convoitait. Partant de là, les motivations pouvaient être futiles comme l’amour de la beauté de l’objet…

- Ce vampire qui te cause tant de problèmes, tu sais son âge ? J’ai besoin de plus d’informations. Je vais devoir me battre contre elle alors autant que j’en sache le plus possible. -

La viande prenait une jolie teinte dorée et embaumait. Ce fumet mit l’eau à la bouche de la jeune femme qui se dit que finalement la journée ne se terminait pas si mal que ça. Mais elle se focalisait plus sur les jours à venir et ça l’empêchait de savourer pleinement le moment présent. Bientôt ils seraient sur place face à leur ennemie ou en train de l’attendre. Après tout elle était seule et n’avait surement pas prit le même chemin qu’eux qui était le plus court. Il fallait être prêt, attentif et surtout réactif. Pas question de se laisser avoir par une créature sensée être morte.

Seïra ne mit pas longtemps à embrocher la bête que le chasseur venait de ramener, afin de la faire rôtir. Elle semblait déjà moins démoniaque à la lumière de ce feu qu’elle venait d’allumer, paradoxalement, ça lui donnait même un air… sympathique, ou plutôt sexy. Son visage blanc reflétait la couleur orange des flammes comme si une buée venait caresser délicatement les lignes de son corps taillé autant pour le combat que pour tenter ses victimes. BlackHost finit de régler deux trois détails pour leur campement, comme une dizaine de collets qu’il déposa de façon géométrique autour de leur position, ou encore la pose de pierres autour du feu, délimitant ce dernier pour pas qu’il n’aille enflammer la tente du jeune homme, ou celle de la démone, si du moins elle se décidait à la monter. Une fois ceci fait, il vint s’asseoir près du feu aussi, et fixa le lapin tournoyant au-dessus du feu. Etrangement, il ne lui inspirait aucun appétit, peut être que le jeune homme n’était pas dans son assiette, lui qui ne crachait jamais sur un bout d’viande. Ou peut-être voulait-il laisser sa part à la démone, qui elle, semblait loucher sur son repas… Qui sait ?

En effet, depuis la nuit dernière, BlackHost ressentait un léger malaise par rapport à sa partenaire de voyage. Ils n’avaient pas « définie la relation » comme diraient aujourd’hui certains personnages de séries américaines. Et contrairement aux clichés véhiculés par ces même séries, ça gênait souvent autant les hommes que les femmes se genre de situation. Le chasseur n’était pas un grand sentimental, mais il craignait un peu que Seïra en soi une. Après tout, il n’était écrit nulle part qu’un démon était incapable de s’amouracher d’un simple humain. Et connaissant la mentalité du démon de base, Delonias redoutait un tout petit peu, dans un coin sombre et oppressant de son esprit, que la tigresse en vienne à le torturer pour le forcer à l’aimer ou un truc du genre. Admettons que c’est quand même peu réjouissant comme avenir, si c’était du moins bien cela que la belle projetait de faire. Tout le reste conviendrait au jeune homme comparé à ça.

N’en pouvant plus du silence, même si d’habitude, il l’adulait, le chasseur chercha un moyen de pousser la démone aux aveux. Trop tard, Seïra brisait son mutisme en donnant une estimation du temps de voyage restant. Génial, super comme sujet de départ pour réussir à dériver jusqu’à leur dernière nuit ensemble. BlackHost se triturait à nouveau les neurones avec forces pour trouver un super pont, quand elle enchaîna sur un sujet sensible, et qui aurait dû occuper l’esprit du chasseur. Il s’en voulait d’ailleurs un peu après l’avoir écouté de s’être laissé aller à des niaiseries pareilles. Christabella était son objectif principal, sa cible. Il ne devait pas la sortir de son esprit, jamais.

- Christabella a plus de mille ans, c’est la seule certitude que je peux t’offrir.

En se rappelant ce fait Delonias sentit un long frisson parcourir son échine, c’était comme se dire qu’elle était invincible, une déesse vivante, l’incarnation de la puissance vampirique la plus totale. Mais pour se calmer, il n’y avait rien de mieux que d’enlever sa bague pour parler à son arme secrète, Zeeta.
Je compte sur toi, on aura qu’une chance, une seule ! pensa-t-il avec force.
Pour seule réponse, le chasseur entendit la petite rire avec un sadisme pas du tout masqué.

La démone leva les yeux au ciel dans une expression lasse. Elle aurait dut se douter que tout ne serait pas aussi facile que ça en avait l'air. Pour l'instant rien n’avait vraiment entravé leur chemin si ce n’est la végétation et cet ours étrange. Ils avaient avancé à un rythme soutenu et voyait déjà le bout de leur quête…Mais les choses devenaient plus dures à partir de maintenant.

- Mais quelle chance un a ! Tu as décidément bien choisi ton vampire toi… Un moins vieux c’était pas assez de challenge et de sacrifices ? Enfin, on se contentera de ça. –

La jeune femme ne voyait pas vraiment ce qu’elle pouvait préparer avec si peu d’informations. Mais comme toujours, elle s’en sortirait avec quelques coupures et une victoire flamboyante. Elle n’avait pas vraiment le choix d’un autre côté, son maître comptait sur elle pour assurer cette mission et convaincre par la même occasion ce jeune humain de faire vraiment partie des troupes démoniaques. Parce que si un pacte engage le corps et l’esprit, il n’engage pas le cœur. Et le seigneur noir savait que quand un cœur entre en ligne de compte, la donne peut changer.
Seira s’étira avant de faire tourner la broche une nouvelle fois. Ca semblait être bon. Elle retira la carcasse rôtie et la sépara en deux, laissant une part égale à la sienne au jeune homme. La vexation lui donnait souvent faim et la folle course qui s’en était suivit n’avait pas aidé. Mais même si elle se vengeait un peu à coup de mauvaise humeur sur Black Host, elle ne lui en tenait pas rigueur. Elle savait que l’erreur lui incombait mais jamais elle ne le reconnaîtrait, elle avait trop d’orgueil et de mauvaise foi. Elle dévora donc à belle dent son diner. La viande chaude apaisant son humeur et lui faisait oublier vraiment cette journée exécrable. Elle ne se concentra plus que là-dessus jusqu’à la fin de son repas.
Une fois les os bien nettoyés, elle en revint à son sujet de préoccupation : le vampire millénaire. Elle devait penser à la stratégie à employer puisqu’ils approchaient. Le meilleur moyen de mettre fin à la vie d’un vampire était de lui couper la tête et de lui transpercer le cœur. Deux techniques difficiles à mettre en œuvre dans un combat. Il était plus simple de faire saigner un ennemi ou de lui ouvrir les tripes mais les vampires pouvaient survivre à ce genre de choses, avec du mal mais ils le pouvaient. Surtout un vieux vampire comme cette Christabella. Sei se laisser aller en arrière pour s’allonger avec un soupir, le regard perdu dans l’entrelacs de végétation semi luminescente de la forêt enchantée. Cet endroit était extraordinaire. Elle aurait volontiers mit de côté sa mission pour se trouver un coin calme où séjourner quelques temps, loin de la capitale. Pas d’ordres, pas de mission, pas de supérieurs, juste elle et Iskar.

- Je sais vraiment à quoi m’attendre pour demain. Quoi qu’il en soit, il faudra être attentif à tout et surtout être prêt à se battre. Je pense qu’on sera sur place les premiers. Après tout, elle avait besoin de notre aide pour arriver à destination parce qu’on a la carte qui mène à cette fameuse dague magique. Donc maintenant que c’est nous qui l’avons, je pense que ça nous donne un avantage, non ? Il parait qu’elle a un corps de gamine. C’est déjà un bon point : au moins c’est pas une adulte ou une montagne de muscles. Ajoute à la force vampirique les muscles du corps d’origine et là ca crée un vrai problème. Aller, soyons positif. –

Elle se tourna sur le côté pour regarder Delonias et fronça les sourcils. Il avait préoccupé par d’autres choses. Elle savait qu’elle n’était pas très fine psychologue parfois mais tout de même, là c’était évident qu’il ne pensait pas qu’au lendemain.

- Aller, vide ton sac mon grand, qu’est-ce qui tourne pas rond ? Je pense pas qu’avec ton envie d’en finir avec ce vampire ce soit ça qui te fasse peur. Si tu gardes une angoisse d’ici à demain, tu ne seras pas concentré. Et j’ai pas besoin d’un boulet dans les pattes. -