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- Raconte nous comment s'est déroulée la signature du traité de Drayame pour que le territoire devienne un protectorat. La dernière bataille est encore fraîche et les négociations n'ont normalement pas duré longtemps, que peut ressentir Aerin ? Discute-elle du traité avec sa mère ou donne-t-elle simplement son opinion ? Que ressent-elle face à cette soumission de son peuple devant l'ennemi qui vient de faire des ravages dans les rangs elfiques et dans la forêt ? Voilà quelques pistes à explorer.
Le silence régnait dans la salle de réception où se déroulait la signature du traité de Protectorat. Aerinaël se tenait à sa place, assise à côté de sa mère, autour de la table ronde. Elle était au fond d’elle-même soulagée mais malgré tout, elle percevait nettement la tension ambiante. Et ce dans chaque camp. Certains arboraient quelques blessures, la bataille étant encore bien récente. Elle-même avait encore un bandage autour d’un bras, suite à des brûlures, dissimulé sous la robe bleue nuit qu’elle portait. D’un calme exemplaire, la princesse fixa vaguement des yeux la délégation du démon qui s’installa de l’autre côté de la table, se révélant être sage comme une image.
Aerinaël était fière de son appartenance aux Elfes, une civilisation ancienne, à la sagesse reconnue et aux grands secrets. Cependant, elle n’était pas à aider son prochain et pensait avant tout à elle. Heureusement, elle était la fille de la Reine, suffisamment proche pour lui venir en aide et elle avait le goût des responsabilités tant que cela n’allait pas à l’encontre de sa soif de savoir qui rendait sa survie nécessaire. « A quoi bon se battre quand on ne sait pas comment venir à bout de l’Ennemi qui ramènera encore et encore de nouvelles forces armées contre nous ? Continuer ne serait que notre fin assurée. » Voilà ce qu’Aerin avait répondu à sa mère qui avait quémandé son avis sur la décision qu’elle avait prise, peut-être avec l’influence de son conseille, mais elle savait que cette dernière était raisonnable. Dès le début, elle avait donné son appui, et ce dernier s’était révélé nécessaire… Le traité de protectorat n’était pas au goût de tout le monde, c’est ce qu’elle avait pu voir quand elle avait servit de messagère en rejoignant le contingent des archers, faisant part au commandant du retour des troupes à la Cité des Arbres. Certains étaient en colère, touchés par la perte de personnes chères, d’autres pensaient stupidement pouvoir détruire ce nouveau mal, et encore d’autres voulaient juste en découdre plutôt que de se soumettre. Elle n’avait pas été la seule à constater cela mais elle avait su faire obéir à force d’argumentation logique et d’autorité. Maintenant, ils avaient fait en sorte de s’assurer qu’aucun groupe indépendant ne viendrait perturber la signature du traité.
Aerinaël perçut le regard de l’émissaire en chef d’Aile Ténébreuse, un regard qui essayait sans aucun doute de l’analyser et elle y répondit avec un grand sourire candide. On ne savait pas de quoi était fait demain et elle préférait passer pour une blonde sans cervelle et toute gentille à leurs yeux pour l’instant. Le soupir de dédain de l’émissaire lui fit crisper très légèrement ses mains sur la table, l’envie de se montrer telle qu’elle était pointant son bout de nez. Seulement, son expression resta toujours aussi enfantine, pleine de perplexité. Enfin, ce fut sa mère qui prit la parole la première, prête à mener la danse de toute évidence. Aerin tourna son regard vers elle, l’écoutant parler comme le ferait une fille modèle. Elle était pourtant des plus concentrées. Le traité était à l’avantage des deux parties mais il était important de ne pas se faire marcher sur les pieds, un protectorat gardait des libertés importantes et c’était ce que la princesse voyait comme le plus à défendre. Ne serait-ce que pour elle, pour pouvoir mener la vie qu’elle voulait. Et si Aile Ténébreuse tenait à ne pas gaspiller ses troupes avec un conflit avec les elfes, il valait mieux pour lui de ne pas trop les restreindre afin de ne pas les pousser à se tourner vers la rébellion, chose qu’on disait qu’ils seraient enclin à faire naturellement. Il était vrai que son espèce était réputée pour être du côté du « Bien », mais elle se sentait au-dessus de cela, peu lui importait de laisser le champ-libre au « Mal » pour son propre bien-être. Et la guerre n’était qu’un obstacle à ce dernier dans le fond.
- Nous désirons être tenus au courant du moindre déplacement en dehors de vos terres ou même de n’importe quelle visite….
Si Aerin avait pu donner l’impression d’être à la limite de dormir les yeux ouverts, il n’en était rien. Tout en étant plongée dans ses pensées, elle écoutait ce qui se disait. Elle se pencha alors sur le côté pour murmurer à l’oreille de sa mère avec une vivacité pouvant surprendre après son inactivité précédente.
- Je pense que c’est une manière détournée de vouloir contrôler nos échanges et même ceux internes… Il ne faut pas les laisser faire sinon ils auront vite fait de grignoter du terrain sur notre politique.
La princesse était des plus sérieuses dans le ton murmuré mais son visage était celui de l’incrédulité et de l’amusement, ce qu’elle accompagna par un petit pouffement qui ne manqua pas d’attirer l’attention de l’émissaire comme elle l’escomptait en réalité.
- Qu’est-ce qui vous amuse tant ?
Aerinaël répondit très rapidement, laissant en fait ainsi le temps à sa mère de pouvoir sortir une réponse bien plus sérieuse et argumentée que ce qu’elle allait déjà proposer tout en restant dans l’image qu’elle voulait donner à leurs invités.
- Oh, excusez-moi ! Simplement, je me demandais comment ce serait possible… Savoir exactement quand le moindre elfe sort de Drayame ou qu’il reçoit des invités étrangers… A moins que vous ne comptiez mettre derrière chaque elfe un soldat de vos troupes, mais cela ne vous affaiblirait-il pas ? Ou alors, vous parliez simplement que des déplacements de la Reine et ses propres invités… ça serait moins surréaliste.
Elle veillait à ne pas paraître effrontée, sa voix n’étant que politesse et doux amusement à l’imagination d’un soldat AT derrière chaque elfe. La situation ne pourrait guère durer longtemps en réalité, vouant à l’échec le traité mais c’était cette image absurde qu’elle exposait d’elle-même qui lui permit d’arriver à la conclusion qu’elle voulait. Avancer l’idée de laisser la surveillance sur la Reine, et elle seule, détourner ainsi l’attention sur la seule personne amenée à prendre les décisions importantes. Ça allait de soi pour que sa mère puisse restreindre ainsi au maximum cette tentative de surveillance d’Aile Ténébreuse, et il restait bien des moyens de ruser pour passer outre, comme déléguer mais encore fallait-il avoir des personnes de confiance adéquates qui sachent ne pas attirer l’attention. Aerinaël adressa un sourire désolé, restant bien dans son rôle, à sa mère qui prit la parole à sa suite avec plus de sérieux. De nouveau, elle se contenta de rester en retrait, ses mains jointes posées sur la table, étant dans le fond satisfaite quand la Reine obtint toutes les conditions prévues. Elle garantit ainsi encore un bon nombre de libertés et notamment le droit de se déplacer librement, en dehors de sa mère bien sûr. Il était évident qu’AT recherchait à éviter à tout prix une alliance entre les elfes et les rebelles, ce qui était tout à son honneur, ce n’était pas un imbécile et son émissaire suivait bien ses directives. Mais en ayant agit à temps, les elfes avaient pu éviter la destruction de leur forêt et cette dernière était un excellent rideau pour cacher certaines aller-venues au besoin. De plus, c’était le joyau de son peuple et elle craignait que sa destruction n’amène comme une lente agonie de son peuple. Enfin, l’entente, derrière un traité établie, ne serait que bancale, AT aurait à veiller à ne pas faire le moindre faux pas pouvant faire basculer les intérêts de sa mère vers la rébellion. Et inversement, sa mère savait que tout rapprochement avec les rebelles équivaudrait au retour de la guerre à leurs portes. Aerin, à sa place, jouerait sur la neutralité au maximum, jusqu’à une possible impasse ou à moins de trouver un moyen sûr de détruire AT pour assurer ainsi son propre avenir. Cependant, elle ne pouvait nier le fait qu’elle avait des doutes sur ce que choisirait à long terme sa mère. Seulement, elle avait encore du temps devant elle, elle allait bientôt pouvoir partir à nouveau de Drayame et si sa mère faisait un choix contre lequel elle serait, elle aurait la possibilité de préférer sa propre survie que de rentrer aider à ses risques et périls…
Le traité était maintenant totalement écrit et Aerinaël poussa alors l’encrier vers sa mère qui apposa sa signature à la suite de l’émissaire d’Aile Ténébreuse. C’était fait. Aussitôt, elle chassa toute pensée sur le sort de son peuple et de sa mère, et elle ne pensa plus qu’à pouvoir partir. La Reine se leva, un double du traité en main, et par courtoisie, invita à dîner l’émissaire qui ne manqua pas d’accepter. Avant d’être appelée à suivre, Aerin prit les devants pour y échapper, saluant toujours poliment l’émissaire et sa garde rapprochée.
- Vous m’excuserez mais j’ai besoin de repos. Profitez bien de ce repas, notre cuisinier fait d’excellents biscuits, n’hésitez pas à lui en demander pour votre voyage de retour. Au plaisir de vous revoir.
Remarque légère, sourire naïf, elle leur tourna alors le dos, murmurant une dernière fois à sa mère.
- Je passerai vous voir dans vos appartements après, mère.
Elle savait s’être fait comprendre, quittant alors la pièce d’un pas léger presque sautillant qui, une fois la porte refermée derrière elle, devint sûr et rapide, son expression étant des plus sérieuses. Elle allait s’occuper de ses bagages, se reposerait un peu, et elle passerait voir sa mère avant de partir en milieu de nuit.