Donovan poussa un juron en trébuchant sur une racine. Foutue forêt. Foutu pays. Il s'adossa à un tronc d'arbre histoire de souffler un peu. Son retour à l'armée avait été... Difficile. Alors qu'il était censé avoir disparu de la surface du monde des vivants, ses supérieurs l'avaient vu revenir reposé et propre, jurant qu'il n'avait pas déserté. Les autres soldats le raillaient également : pourquoi était-il le seul à revenir ?

Oh, il avait eut beau leur raconter toute l'histoire, il avait bien senti qu'on le suspectait de quelque chose. Espérant que cette affaire se tasserait d'elle-même, il avait voulut continuer sa vie à la caserne, seulement voilà : Danel l'avait fait demandé. Et son vieil ami lui avait tout simplement conseillé de partir, sans un mot et discrètement. Apparemment, selon des rumeurs, on projetait de lui passer une lame en travers la gorge pendant son sommeil. Il avait suivit les conseils de son ancien instructeur et était parti la nuit, après avoir écrit une rapide lettre à Luz, et s'était embarqué sur le premier bateau qu'il avait trouvé. En direction de Terre, là où il avait, quelques semaines auparavant, fait naufrage. Son estomac avait été noué durant tout le trajet.

Et après avoir erré un temps, il se retrouvait là. Drayame. L'archer leva la tête vers la cime des arbres. Au moins, ceux-ci lui offraient un peu d'ombre. Luz lui manquait, il avait faim, et son corps réclamait du repos. Repos qu'il n'osait prendre. Il avait vu passer une bande de pillards, et il ne tenait pas à tomber dessus.

Au prix d'un effort, Donovan se remit en marche. Le symbole, peint sur la pierre, qu'il avait entre-aperçut lui faisait croire qu'il pouvait trouver des habitations humaines. Habituellement méfiant et peu enclin à demander de l'aide aux autres, il s'était dit que pour une fois, il mettrait son orgueil de côté.
Ses pas finirent par le mener devant une grotte étrange... comme aménagée. Il ne vit personne aux alentours. Il jeta un regard méfiant à la construction, n'étant pas sûr de l'attitude à adopter. S'avancer armé serait perçu comme une agression. Y aller sans armes... c'était impensable. L'archer prit une grande inspiration. Tant pis, il prenait le risque.
Il avança vers l'entrée de la grotte, les bras bien en évidence, écartés de son corps.

- Ohé ? Il y a quelqu'un ? Je viens sans mauvaise intentions, demander un peu d'eau et de nourriture !

Une silhouette se dessina dans l'entrée de la grotte, suffisamment pour que Donovan, au premier abord, la prenne pour un ours. L'ombre prit forme humaine, un homme d'une stature telle que l'archer n'en avait jamais vu, ne portant pour tout vêtements qu'un pagne sur lequel était dessiné le symbole qu'il avait déjà vu sur la paroi de la grotte. L'ancien soldat ne se considérait pas comme un gringalet, mais il sût que l'homme qui arrivait pourrait le briser en deux comme une brindille. Une chance qu'il ait gardée ses armes rangées.

Ceci étant dit, le colosse ne semblait pas agressif. Il afficha même un sourire en le voyant.

- En quoi puis-je te venir en aide, inconnu? Les forêts sont denses par ici, il est aisé de se perdre. C'est une chance d'avoir découvert cette grotte. Suis-moi, j'ai de quoi te rassasier.

Donovan s'approcha, affichant un visage amicale.

- Je te remercie pour ton hospitalité. Je suis peu doué pour trouver mon chemin à travers ces endroits là, et de plus c'est la première fois que je mets les pieds ici.

Il emboîta le pas sur celui du géant, qui lui tournait le dos et s'enfonçait dans la grotte. Une preuve de sa confiance en lui, releva Donovan.

- Un peu de nourriture, et je t'en serais éternellement reconnaissant. J'ai fais un long voyage, et un peu de repos sera le bienvenu.

Il toisa le géant du regard.

- Je me nomme Donovan, fit-il en tendant sa main.

Il jet un regard aux alentours, remarqua que la grotte, comme le laissait supposer son entrée, était aménagée. Un lieux étrange...

- Pardonne mon indiscrétion mais... quel est cet endroit ? J'ai vu le symbole dessiné sur un pan de roche, et je le revoit à ton pagne. J'imagine que cela signifie quelque chose ?

Un frisson de méfiance parcourus Donovan. Il savait par expérience que lorsque les gens se soumettaient à un symbole, cela avait souvent pour résultat de créer de grandes bandes de fanatiques incontrôlables. Etait-il tombé sur ce genre d'individus ?

Pourtant le colosse avait l'air d'avoir toute sa tête.

Donovan mangea en silence, écoutant le colosse lui expliquer son idéologie. Le géant en parlait avec une ferveur rare, dénotant un raisonnement cohérent. Il suffit de quelques secondes seulement pour que l’archer comprenne qu’il ne s’agissait pas là des divagations d’un esprit malade, mais bien des rêves d’un homme fort et déterminé. Rêves de liberté que Donovan avait imposé à sa femme, et qui avaient prit fin à la mort de celle-ci.

- Un but admirable, admit l’archer avec un hochement de tête. Ambitieux, mais admirable.

Il resta pensif un moment, perdu dans ses réflexions. L’homme avait l’air sincère dans ses projets, et c’était devenu rare en ce monde. Pourtant, comme à son habitude, Donovan gardait une certaine réserve. Les malheurs de ce bas monde étaient pavés de bonnes intentions. Combien de temps avant qu’un homme soit corrompu par le pouvoir ?

Quoique le colosse en face de lui avait l’air d’être d’une autre trempe.

- Tenir tête à la fois aux rebelles et aux partisans de l’Aile Ténébreuse ? Il faudra du courage pour ça. Et des hommes.

Il jeta un regard sur la grotte. Si son interlocuteur prévoyait d’élever un jour son idéologie, le fait qu’il vive dans une grotte lui laissait penser que son entreprise n’en était qu’à ses débuts.

- Nombreux sont ceux qui ont rêvé de liberté… Et pourtant le monde se déchire encore aujourd’hui, que ce soit sous la domination d’un homme ou d’un démon. Pourtant tu as l’air sûr de toi. J’imagine que pour un tel projet, c’est une bonne chose.

Quelque part, Donovan enviait cet homme, qui refusait de laisser la peur des représailles diriger son destin, qui refusait de plier devant la majorité. Il eut une pensée pour Luz, qui lui avait mit en tête de se battre pour une cause en laquelle il croyait, et eut un sourire mélancolique.

Une pensée lui revint alors, et il releva la tête, fixant le guerrier dans les yeux.

- A propos… J’ai croisé un groupe d’hommes armés plus tôt dans la journée. Je ne sais ni d’où ils venaient, ni quelle était leur direction, mais ils n’avaient clairement pas d’intentions pacifiques. Je pense qu’ils cherchent plutôt un village, mais je souhaitais te prévenir, au cas où ils s’aventureraient par ici.

Il toisa la musculature du colosse.

- Bien que je doute qu’ils puissent faire grand-chose contre toi.

Donovan hocha la tête lorsque Rägmor lui parla du lendemain. Il lui était reconnaissant pour son hospitalité mais... il était seul. Il n'avait nul part ou aller, nul endroit réchauffé par quelconques fumées.

Et bien qu'il n'ait jamais été d'approche facile, la solitude pesait à l'archer. L'idée de se retrouver une fois encore perdu dans la forêt de Drayame faisait naître un profond sentiment de lassitude en lui. D'autant que... le géant éveillait sa curiosité. Son idéologie, son combat... Il avait envie de connaître plus cet homme. De connaître plus ces idées naissantes en ce lieu isolé.

- Je te remercie pour ton hospitalité. Il est rare de croiser des hommes qui aient encore du savoir vivre, et qui respectent encore les voyageurs égarés. Enfin, en admettant que tu ne m'achève pas durant mon sommeil.

Il dit ceci avec un léger sourire, afin que le colosse ne prenne pas mal ses paroles. Donovan faisait présentement face à l'un de ses plus gros problèmes : à savoir qu'il ne pouvait s'empêchait un certain cynisme, une certaine moquerie face à des hommes physiquement plus fort que lui. A l'armée, la plupart des soldats étaient trop stupides pour ne pas se vexer, et cela lui avait valut quelques bleus.

Il regarda le géant se plonger dans son travail, et l'archer le regarda faire, plongé dans ses propres réflexions. Plusieurs questions lui venaient, mais il n'osait déranger son hôte dans son travail. Il haussa les épaules. Tant pis, il tentait sa chance.

- Une question me vient tout de même. Tu parle de liberté et d'hommes libres mais... Comment fera tu pour diriger une troupe d'hommes libres ? Comment les empêcher de se conduire comme de vulgaires pillards.

Il prit une profonde inspiration.

- En bref, seras tu capable de lever le fer contre un frère d'arme, s'il venait à se comporter comme n'importe quel tyran ? Et par où vas tu commencer, pour les recruter ?

« Une question me vient tout de même. Tu parle de liberté et d'hommes libres mais... Comment fera tu pour diriger une troupe d'hommes libres ? Comment les empêcher de se conduire comme de vulgaires pillards. En bref, seras tu capable de lever le fer contre un frère d'arme, s'il venait à se comporter comme n'importe quel tyran ? Et par où vas tu commencer, pour les recruter ? »

Rägmor continuait calmement de repeindre la surface du mur. Il dessinait, s'appliquait et y mettait de tout son cœur afin de peindre avec précision chaque trait représentant le dessin. Il venait de terminer les deux serpents et changeait de peinture pour commencer à dessiner le soleil. Il prit une grande inspiration avant d'entamer la suite de sa fresque et répondit à Donovan comme s'il semblait déjà s'être posé toutes les questions du monde vis-a-vis de l'Aurore.


Il changea de pinceau.


A ces mots, Rägmor peaufina son dessin, rangea son matériel et retourna s'asseoir aux côtés de Donovan.

Il pointa du doigt une meute de loups dessinés sur une partie du mur éclairée.

Donovan resta songeur quelques instants lorsque le géant vint s’asseoir à ses côtés. Comparer des êtres humains à des animaux ? Il avait fait partie de l’armée. On avait essayé de le changer en bête assoiffée de sang, et il avait toujours crût que cette nature animale de l’homme était détestable.

Mais voilà, la vision de Rägmor différait de ses préjugés, montrant une certaine noblesse du monde sauvage. Aux premiers abords, l’archer s’était dit que libérer une bande d’hommes de toutes contraintes conduirait forcément à créer une bande de barbares sanguinaires. En y réfléchissant, il remettait ses opinions en doute. L’armée avait tenté de transformer des hommes en bêtes, tout en maintenant une forte discipline et de nombreuses règles étroites. Le résultat était une bande de bouchers. Alors, que se passait-il quand des hommes se libéraient de leurs chaînes et vivaient librement ?

Au fond, il y avait du vrai dans les paroles du colosse, une philosophie de vie qui touchait de près Donovan. Une alternative, en quelque sorte, à ce monde de tueries contrôlées. Oui, après tout, pourquoi cette idée ne marcherait pas, quand tout était régie par des règles absurdes amenant chaos et désolation ?

D’autant que Donovan n’avait nulle part où aller. Nulle cause à défendre, sinon chérir sa propre liberté. Et Luz – mais la dragonne était loin pour le moment, et il en avait assez d’être isolé. Il lui fallait un but, des compagnons. Même lui s’en rendait compte ; il ne comptait pas finir sa vie en ermite. Et de Rägmor se dégageait une honnêteté apparente, qui inspirait confiance à l’ex-soldat.

- Les loups…, reprit-il doucement, sortant de ses réflexions. Un animal qui peut se montrer à la fois solitaire et sociable, capable de se débrouiller tout seul et solidaire lorsqu’il est avec le reste du groupe. Tu as pensé à tout.

Donovan prit une profonde inspiration.

- Pour tout te dire, je n’ai aucun endroit où aller. J’ai dû quitter l’armée des Glaces un peu précipitamment, et je vagabonde depuis, en tant qu’homme libre. Ce qui explique ma présence ici. Me… me laisserais tu rester quelques jours de plus ? J’aimerais voir la vie de l’Aurore au quotidien. Je ne resterais pas inactif, rassure toi. Je ferais ma part du travail, et je peux aller chasser quelques gibiers.

L’archer eut un léger sourire.

- Mais autant te prévenir tout de suite, je suis très mauvais chasseur.

Oui, rester quelques jours lui semblait être une bonne idée. Afin de mieux connaître le mode de vie du fondateur de l'Aurore. De mieux connaître cette façon de vivre qui le tentait de plus en plus. Et puis, faire quelque chose, autre que passer des journées à marcher, lui ferait du bien.

« Mais autant te prévenir tout de suite, je suis très mauvais chasseur. »

Rägmor lui adressa un sourire des plus sincères. Il se leva de nouveau et déposa le matériel nécessaire pour peaufiner la construction de la grotte sur la table. Rägmor avait beau avoir une grande taille et une musculature imposante, il y avait des choses qu'il ne pouvait pas faire tout seul.


Il désigna une caisse où y était rangé des monceaux de pailles, coussins rembourrés en plumes et en soie, et d'autres choses qui sont faites pour passer une bonne nuit. Rägmor s'emmitoufla dans son lit fabriqué avec les instruments du bord et se plongea dans un sommeil profond.

La journée fut longue mais amusante. Les deux guerriers discutèrent tout en travaillant. Rägmor remarquait bien que Donovan avait été éduqué dans l'armée. Il présentait des signes caractéristiques d'un soldat. Mais ce qui était important, c'est qu'il avait des bras pour porter et des mains pour façonner. Il avait aussi une meilleure précision que le barbare, ce qui n'était pas pour lui déplaire. Il lui serait un compagnon utile, même s'il ne comptait pas rester longtemps.

En échange de son aide pour la construction de la grotte, Rägmor lui apprit à chasser le gibier correctement. Son expérience dans la forêt lui avait permis de devenir maître dans l'art. Rägmor avait peine à voir un archer qui ne savait pas chasser.. Il se décida donc à lui rendre ce service en échange de son aide pour la construction de la grotte. Le soir, ils discutaient, riaient, et mangeaient le repas qu'ils avaient chassé plus tôt. Voilà ce qu'était l'Aurore en première impression : Une vie simple sans complications. Profiter de la vie comme nous le voulons, suivre ses choix sans obligations. C'est ainsi que Rägmor avait toujours vécu et continuait à vivre.

Ce fut une étrange journée pour Donovan. Pour la première fois depuis longtemps, son seul soucis fut de faire des travaux physiques - sans craindre pour sa vie. Rägmor se révéla être un compagnon agréable, d'une discussion intéressante. Cela lui fit du bien, de souffler un peu, et de participer à la construction de quelque chose. L'acte créateur l'avait toujours fasciné, bien qu'il n'ait jamais été très doué pour ce genre de choses.

Cette journée lui fit penser à celles qu'il avait passé lors de son exil avec sa défunte femme, lorsqu'il avait tenté de bâtir une maisonnette convenable. Ysle s'était souvent gentiment moquée de lui, mais il ne s'était pas laissé abattre par ses échecs répétés. Au final, il avait dû se résigner à aller quémander de l'aide au village voisin - Ysle était tombée malade à cause du vent qui filtrait à travers le bois et le toit qui fuyait. Pour sa santé, il avait mit son stupide orgueil de côté.

Afin de le remercier, Rägmor finit par essayer d'apprendre la chasse à l'archer. Probablement que le géant ne comprenait pas qu'un archer puisse être mauvaise chasseur. Et pourtant... Donovan se servait de son arc pour tuer, et non se nourri. Il avait l'habitude des batailles rangées, de milliers de flèches s'élevant dans les airs pour faire un carnage dans les rangs ennemis. Mais quand il s'agissait de suivre les traces de quelconque gibier, s'approcher de lui calmement... D'autant qu'il avait fait ses débuts à l'armée en tant que fantassin. Pas l'idéal pour apprendre la discrétion.

Mais il fut reconnaissant au colosse, et il s'efforça d'être un élève attentif, malgré son manque de concentration. Donovan essaya de retenir quelques astuces, mais il ressorti de sa leçon la confirmation qu'il ne serait jamais un bon chasseur. Trop impatient; il n'avait jamais sût tenir en place.

Et la vie qu'il mena avec Rägmor lui plût. Une vie en toute simplicité, sans encombres. Donovan commençait à aimer cette vie là. Lorsqu'il avait fuit l'armée, c'était le genre de vie qu'il avait en tête pour lui et pour sa femme. Et c'était également le genre de vie qu'il aurait aimé pouvoir vivre avec Luz : une vie pleine de liberté. Et puis, à discuter avec Rägmor, qu'il appréciait de plus en plus, il commençait à se dire que l'Aurore pouvait être réellement une bonne chose. Que cet idéal valait bien qu'on se batte pour lui.

Aussi prit-il sa décision. Il avait aidé Rägmor à construire sa grotte. Et il voulait l'aider dans la réalisation de ses objectifs. Mais avant cela, une chose devait être faite. Ses anciens instincts de soldats n'étaient pas encore tout à fait effacés. Il ne suivrait pas quelqu'un dont il n'était pas certain de la force. Aussi, un soir, il se planta devant Rägmor, un air grave sur le visage.

- Rägmor... J'ai rencontré peu d'hommes de ta trempe. Et bien que nous ne nous connaissons que depuis peu, j'ai une réelle estime pour toi.

Il prit une profonde inspiration.

- Combats moi. Offre moi un vrai combat - je n'utiliserais que mon épée, et nous n'irons pas jusqu'à la mort.

« Combats moi. Offre moi un vrai combat - je n'utiliserais que mon épée, et nous n'irons pas jusqu'à la mort. »

Rägmor, à ce moment là, était calmement en train de travailler ses nombreuses rédactions au sujet de l'Aurore. Il les posa sur la table et marqua un long silence où il regarda Donovan dans le blanc des yeux. Pas de doute, il s'agissait ici d'une loi de soldat doublée d'une loi de guerrier. Mais dans la faune, les animaux suivent aussi celui qui est le plus fort. Rägmor ne répondit rien et récupéra son épée qui était posée un peu plus loin. Il ne serait pas d'accord pour combattre et souhaiterait, avant de se lancer tête baissée dans un duel pour l'honneur, expliquer à Donovan son point de vue et comprendre le sien par la même occasion.

Ils sortirent de la grotte sans le moindre bruit, ouvrirent la porte fraîchement construite et se placèrent l'un en face de l'autre. D'un ton assez imposant, Rägmor "marqua son territoire" et, ne dégainant pas l'épée dans son fourreau, s'exprima.


Rägmor fut coupé par des voix qui s'élancèrent depuis les bois à leur droite.


Un groupe de bandits probablement perdus se présentait à Donovan et Rägmor. Equipés d'armes mal affûtées et d'armures de faible qualité, ils ne représenteraient pas un grand danger s'ils n'étaient pas une demi dizaine.
Rägmor se retourna et leur fit face. Sa carrure imposante les intimida. Cependant, cette dernière ne faisait pas autant d'effet sur eux que sur d'autres hommes : Ce groupe de malfrat était visiblement frustré pour des raisons inconnues. Ils ne reculèrent donc pas et ne partiraient pas sans avoir eu ce qu'ils voulaient.


Rägmor n'eut pas même le temps d'entamer une phrase sans qu'une hache de lancer fuse droit sur sa tête. Heureusement, il l'esquiva à temps. Cette attaque fit croître en lui ses instincts de fauve qu'il préservait quand il était calme et serein -il s'énervait très rarement-.

Le barbare dégaina sa lame et sans aucun mot, s’avança. Ses ennemis firent de même. Aucune émotion ne semblait s'emparer du visage de Rägmor. Il souhaitait en finir rapidement afin que sa colère s’apaise. Il regrettait en venir au combat, car toute solution diplomatique aurait évité de lui faire perdre un temps fou à s'occuper d'eux.

Ses adversaires n'étaient pas très intelligents et ne connaissaient en rien l'art d'un combat. Les malfrats sont rarement réputés pour être de grands guerriers et s'attaquent souvent aux plus faibles. Ils ne savaient ni ne s'imaginaient à quel colosse ils osaient se mesurer. Le combat fut aussi rapide que Rägmor l'avait prévu : Les coups de ses adversaires étaient lents à ses yeux, et il pouvait aisément parvenir à fouetter son épée là où il le voulait entre chaque coup. Des grandes entailles se formaient à la fois dans la chair et dans le vent que l'épée découpait. Elle se balançait, tournoyait, puis revenait à sa position de départ. Rägmor avait une parfaite maîtrise de ses coups : Sa posture, la position précise de ses bras, ses jambes, destinés à pouvoir attaquer mais aussi parer et éviter à tout instant. S'il ne portait pas d'épée dans sa main, on aurait pu croire à une chorégraphie d'un maître danseur. Le sang jaillissait de chaque côté du barbare, suivi d'un écroulement de ses cibles venant d'être touchées, gémissants et poussant des jurons.
Le barbare ne les tuait pas, il les mettait hors d'état de nuire, ce qui compliquait la tâche car il y avait des points vitaux qu'il ne pouvait pas toucher.

Une fois quatre ennemis mis à terre, il se tourna vers le chef et rengaina son épée -non souillée par le sang, aussi étonnant que cela soit-il- afin de lui répondre officiellement.

Le chef des bandits lâcha son arme et balbutia quelques paroles en retirant de sa poche un papier froissé qu'il montra à Rägmor où y était dessiné le symbole de l'Aurore.


Rägmor pointa du doigt l'entrée de la grotte où y était aussi dessiné le même symbole. Le bandit en resta bouche-bée de même que ses camarades au sol qui suivaient la conversation. Rägmor alla chercher de quoi soigner ses victimes et termina cette rencontre de quelques paroles mûrement réfléchies.

Les bandits quittèrent la forêt en prenant le chemin que leur avait indiqué Rägmor. La plupart boitaient encore. Le barbare se retourna face à Donovan, de nouveau, et lui accorda son attention.

Donovan faisait face au géant, une vague excitation montant en lui. Ses raisons n'étaient pas valables ? Il était d'accord. Rien n'était plus puéril peut-être que ce genre de combats, uniquement faits pour tester la force d'un ami. Mais il était des choses contre lesquelles on ne pouvait aller. Un vieil instinct de soldat, qui soufflait à l'archer que s'il devait s'en remettre à une idéologie, construite par un homme seul, alors il valait mieux que celui-ci soit capable de se battre.

Le géant dégageait se tenait devant lui, l'air imposant, une aura guerrière et assurée se dégageant de lui. Donovan pouvait déceler en cela ses qualités de leader; en revanche, il ne se démontait pas. Il avait l'habitude d'affronter des adversaires plus forts que lui, et s'il était toujours vivant pour s'en souvenir, c'est qu'il avait réussi à s'en tirer. Quoiqu'il fut content d'avoir précisé à Rägmor qu'il ne s'agissait pas d'un combat à mort.

Alors que le colosse lui parlait, des voix l'interrompirent, et une groupe d'hommes s'avançait vers eux. L'archer flaira les ennuis - il reconnaissait ceux qu'il avait croisé alors qu'il se dirigeait vers la grotte. Il étreignit la garde de son épée, son corps tendu, prêt à réagir au moindre geste brusque...

Il n'en eut pourtant pas l'occasion. Une hache siffla en direction de Rägmor, mais ce dernier parvint à l'éviter. Il dégaina sa lame, s'avança vers eux et... Par tous les dieux, Donovan n'aurait pas aimé être à la place de ces hommes là. Sans tenir compte du fait qu'ils n'étaient pas très doués, il fallait dire que Rägmor savait manier sa lame. Et les pillards n'en menaient pas larges.

Mais ce qui étonna le plus Donovan... était que le géant semblait décidé à leur laisser la vie. A sa place, il n'aurait pas hésité, et aurait transformé l'entrée de la grotte en mer de sang. Ses pulsions, qui toujours prenaient le pas sur lui, et qui l'amenaient à la haine la plus noire dès lors qu'il avait une épée en main. L'archer se sentit quelque peu honteux et laissa son épée en place. Son nouvel ami faisait preuve d'un contrôle de soi dont peu d'hommes pouvaient se vanter.

Il resta donc en retrait, laissant Rägmor régler cette affaire. Il entendit parler de l'Aurore, mais il était trop loin pour bien comprendre ce qui s'en disait. Le géant revint vers lui.

- Cet incident a-t'il rassasié ton honneur de guerrier ?

Donovan hocha la tête.

- He bien, malgré le bon exercice que j'ai manqué... Je sais maintenant que tu n'es pas un imposteur. Mais ce dont je suis le plus admiratif n'est pas la maitrise de ton art, mais le fait que tu les ais laissé vivants. Je n'aurais probablement pas été aussi clément.

Oui, sa décision était prise. Le combat de Rägmor l'avait convaincu.

- Je ne vais pas te mentir, mon ami. Je n'ai pas toujours été un homme bon. Une femme... non, deux en fait, en comptant mon épouse décédée, ont fait de moi un homme meilleurs. Reste que je me suis forgé dans la violence et le sang, et qu'il y aura toujours cela en moi. Quelque soit la ligne de conduite que je m'impose, quelque soit la discipline que je m'inflige.

Il prit une profonde inspiration.

- Mais je veux t'aider. Ton idéal est une façon de vivre que j'ai toujours recherché. Alors dis moi, Rägmor, accepteras tu un homme comme moi comme frère d'armes ?

Donovan regarda le géant regagner son lit, restant pensif. Il resta dehors, appréciant la fraîcheur de la nuit qui commençait à tomber. Comment était-il censé dormir après ces mots ? Il s’assit dans l’herbe de la forêt. Rägmor lui offrait une nouvelle vie. Une chance de se battre pour autre chose que sa petite personne.

L’archer ne s’était jamais battu que pour lui-même. Pour assouvir une soif de sang, pour gagner sa petite liberté, pour accomplir une vengeance. Et, paradoxalement, les longues années qu’il avait passé à se battre pour l’armée avaient été des années de solitude, plongée dans un monde de brutalités gratuites. Il n’avait jamais réussi à se lier avec quiconque – exception faite de son instructeur, Danel.

Mais il lui semblait à présent que cette vie était loin derrière lui. Depuis son retour, il avait rencontré Eolia… Puis Luz… Et maintenant Rägmor. Des personnes qui changeaient peu à peu sa vision du monde. S’il avait sût que de telles personnes existaient, peut-être que les choses auraient été différentes pour lui. Il lui fallait s’ouvrir au monde extérieur, plutôt que de le fuir.

Il se releva et dégaina son épée afin d’enchaîner différents exercices. La nuit finir par tomber définitivement, et Donovan se sentait bien dans cette obscurité, coupé de tout, sans rien d’autre que son corps et son esprit sur lesquels se concentrer. S’il était meilleur à l’arc, la pratique de cette arme ne lui permettait pas la dépense physique dont il avait parfois besoin. Les minutes filèrent sans qu’il s’en rende compte, et bientôt il fut couvert de sueur, son souffle devenait court et les muscles de ses bras l’élançaient. Il laissa tomber l’épée norse et soupira. Le poids de l’âge… Dix ans auparavant, il aurait pût continuer pendant une bonne heure encore.

C’était dans ces moments là qu’il prenait conscience qu’il ne pouvait pas continuer à gâcher sa vie. Il s’était engagé à l’armée pour de mauvaises raisons. Il avait traîné Ysle à travers le monde pour de mauvaises raisons. Pourtant, Luz l’avait accepté tel qu’il était. Et Rägmor semblait prêt à faire de même. Qu’importe son passé, l’Aurore l’acceptait.

Quant à respecter les principes de l’Aurore he bien… C’était des principes selon lesquels il avait toujours cherché à vivre. S’il était fier d’une chose, c’était bien que de sa vie, jamais il n’avait entravé la liberté de quiconque. En revanche, il avait peut-être eu tendance à s’emporter un peu quand on essayait de l’enchaîner…

Donovan frissonna. Restait à déterminer la façon dont il se comporterait au sein de l’Aurore. Aux premiers abords, il s’était dit qu’il vivrait en solitaire. Mais il n’avait pas quitté l’armée pour vivre en ermite. Et l’idée d’avoir comme compagnons d’armes des hommes épris de liberté, droits et justes le séduisait. Non, cette fois-ci, il était hors de question d’abandonner tout le monde une fois de plus. Sa décision était prise. Il aiderait l’Aurore non pas en la parasitant, mais en aidant cette idéologie à s’étendre. Oui, il aiderait l’Aurore à rendre leur liberté aux hommes.

L’archer eut un petit sourire ironique. Voilà qu’il se prenait pour un héros, maintenant. Rägmor lui avait dit qu’il pourrait faire les choses à sa manière. Donovan était loin d’être quelqu’un de cruel, et il avait toujours méprisé la violence gratuite et la cruauté. En revanche, il ne faisait pas de cadeaux lorsqu’on s’en prenait à lui, ou aux personnes auxquelles il tenait. A priori, ça ne posait pas de problème au fondateur de l’Aurore.

Donovan ne ferma pas l’œil de la nuit, et resta assis dans l’herbe pendant des heures. Il fit un point sur sa vie, conscient que celle-ci prenait un tournant. Avait prit un tournant, plutôt. Il n’était plus l’homme égoïste qu’il avait été du temps de son amour avec Ysle. Il n’était également plus l’homme brisé emplit de haine qu’il avait été lorsque celle-ci était morte. Il ne tournait pas le dos à son passé, non : il allait de l’avant.

Lorsque l’aube pointa, il attendait Rägmor à l’entrée de la grotte. Le géant lui avait dit qu’il partirait tôt, et Donovan tenait à lui donner sa réponse avant qu’il ne s’en aille.

- Bonjour à toi, mon ami, fit-il lorsque celui-ci arriva. J’ai eu toute la nuit pour réfléchir à ce que tu m’as dit, et je viens t’apporter ma réponse. Je suis prêt à suivre l’Aurore, et n’ais aucune crainte : je respecterais mes engagement envers elle. Je n’ai jamais souhaité que la liberté pour les hommes, et aujourd’hui plus qu’en tout autre temps, elle vaut la peine qu’on se batte pour elle. Je n’entraverais la liberté d’aucun homme. Je ne vivrais pas non plus en solitaire en profitant des préceptes de l’Aurore. Je suis prêt à aider à son extension. Je ne sais si tu t’attends à quelconque rituel, mais sache que j’ai toujours tenu mes paroles, et que je me suis décidé en toute connaissance de cause. Tu pourras compter sur moi pour t’épauler.

Un sourire se dessina sur le visage de l’archer.

- Je te souhaite bonne chance pour ton voyage, où que tu ailles. Et si tu le veux bien, je resterais ici afin de garder l’endroit. Je n’ai de toutes façons nulle part où aller. Et si tu le souhaites, je peux continuer à travailler un peu à l’aménagement de la grotte.

La nuit tombée, Rägmor laissa Donovan sortir sans aucun bruit. En vérité, le barbare n'avait pas non plus fermé l’œil, mais les raisons étaient tout autres. Dans le coin de la salle, son épée scintillait d'une étrange lueur et l'appelait déjà : Il devait déjà entamer son ultime voyage vers sa première destinée. Les terres de Feu l'attendaient. C'est ici que son voyage se terminerait. Tout ce pourquoi il avait persisté à se battre et à survivre était pour ce but ultime où il se rendait enfin. Qu'est-ce qui l'attendrait là-bas? Il l'ignorait, mais tous les scénarios possibles et inimaginables dans sa tête l'encombraient.

Au petit matin, il prépara ses affaires et vérifia que la grotte était en bon état. Donovan n'était pas rentré cette nuit. Rägmor l'avait entendu s'entrainer à l'extérieur ! Peut-être était-ce sa manière lui de se poser les questions et de se mettre face à sa destinée. Donovan l'attendait à l'extérieur.


Rägmor fut heureux de savoir qu'à cet instant précis, un nouveau membre avait rejoint l'Aurore. Donovan avait déjà fait ses preuves et Rägmor lui accordait la plus grande confiance. Ils seraient désormais deux frères d'armes prêts à s'entraider et à mourir ensemble si l'occasion se présentait.


Rägmor prit le pas en direction des bois. Il salua d'un signe de main son nouveau frère d'arme et entama un pas de course assez rapide. Il se dirigeait désormais en direction de Feu. Quand il reviendra, il ne sera pas le même.

[HRP :] Je considère donc ce RP fini si cela te convient ! Merci à toi