"Une famille ça te dirait ?"
Les mots voltigeaient autour d'elle, la frôlant parfois mais sans jamais la toucher véritablement. Alors qu'elle se mettait en route en direction du lieu dont lui avait parlé son commanditaire, la jeune femme était hantée par ces quelques mots. Ils avaient un sens qu'elle pensait comprendre mais qui en fait ne faisait que la noyer. Une famille ? Qu'est-ce qu'une famille après tout ? Cela permettrait-il à la jeune femme d'avoir le soutient dont elle avait toujours eu besoin ? Il lui fallait reprendre un nouveau départ pour mieux s'envoler. C'est sur cette certitude sereine que la jeune femme poussa la porte d'une taverne miteuse. A première vue, l'endroit était commun et tranquille. Presque trop... Elle avait prit soin de recouvrir sa chevelure de la capuche de sa cape pour éviter d'attirer trop l'attention. Melina se faufila donc jusqu'au comptoir, s'assit sur une chaise et s'appuya sur ses coudes. Le tavernier s'approcha d'elle :
"Alors ma petite dame, ce sera quoi ?
- Une bière... Elle jeta un coup d'œil aux alentours, dans un verre... propre si possible."
L'homme leva un sourcil mais s'exécuta de mauvaise grâce. Quelques secondes passèrent pendant lesquelles la jeune femme sortit quelques pièces de sa bourse et les jeta sur le bois imbibé d'alcool.
Une fois sa bière en main, la Suniage se leva et alla s'installer à une table au milieu de la salle. L'ambiance était bonne. Les hommes riaient et poussaient de gros éclats de voix où l'amusement se mêlait à l'excitation. Tout allait bien. Perdue dans ses pensées, elle sirotait sa bière.
*Hum... pas très bonne cette bière... J'espère que quelque chose d'intéressant se produira...*
Comme rien ne venait, la jeune femme commanda encore une bière, puis une autre. Lorsqu'elle arriva à la moitié de sa troisième choppe, une silhouette encapuchonnée s'installa devant elle. La jeune femme posa la boisson sur la table, puis ses deux coudes et installa sa tête entre ses mains :
"Que me vaut cet honneur monsieur ... ?"
L'homme, enfin elle pensait que c'était un homme, se contenta d'un mince sourire et lui décrocha un coup grossier au niveau de la mâchoire. Melina jeta sa tête en arrière et leva sa main gauche pour contrer le coup tout en allant chercher son épée de la main droite. Elle saisit le poignet de l'homme et le plaqua sous la table, sortit son arme de son fourreau et pointa la lame en direction du ventre de l'inconnu :
"Un geste de plus et je fais s'écouler tes entrailles sur le sol !"
L'homme rit et répondit :
"Paix. Ceci était un test. Tu n'es pas qu'une jolie demoiselle, tu as du cran.
- Oui et ?"
L'agacement se fit ressentir dans sa voix et elle resta sur ses gardes. Elle ne faisait pas confiance aux inconnus. Non pas qu'ils lui faisaient peur mais le problème résidait dans l'inconnu justement.
*Qui se serait intéressé à moi ? Et pourquoi ?*
L'homme affichait toujours le même sourire moqueur et lui lança :
"Tu attendais quelqu'un ?
- Cela ne te regarde pas !
- Tout doux je ne vais pas te manger, tu ne crains rien."
A ces mots, la jeune femme partit dans un rire ironique :
"Arrête... Tu vas me faire mourir de rire. Toi ? Me manger, je voudrais bien voir cela !"
Melina toisait l'homme de haut en bas, ses yeux, eux, ne riaient pas, ils affichaient une froideur de glace et une volonté inébranlable. Elle reprit d'une voix tranchante :
"Qu'est-ce que tu me veux ?
- Tu te souviens, il n'y a pas si longtemps tu as assassiné un homme d'une bien jolie manière dans une taverne non loin d'ici ?
- Moi ? Tu en es sûr ? Qu'est-ce qui te fais dire cela ?
- Je le sais et cesse de m'interrompre ! Les yeux de la jeune femme brulèrent d'une colère froide. Bon je disais, tu as assassiné un homme à la demande d'un autre homme. Et tu t'en es très bien chargé. Cet assassinat était un test en quelque sorte. Nous recherchons des partisans. Nous pouvons t'apporter gloire et richesse."
Melina avait apporté de l'intérêt quand son interlocuteur parla de richesse. Si elle gagnait de l'argent, il serait plus facile de retrouver son frère... Mais elle qui aimait être libre... Elle se mordit la lèvre inférieure... Cruel dilemme... Elle lâcha le poignet de l'homme mais ne bougea pas son épée de sous la table. Elle n'était pas encore convaincue des véritables intérêts d'un inconnu lui proposant richesse et gloire. Méfiante, elle demanda :
"Dis-m'en plus."
Le sourire de l'homme s'élargit, légèrement cruel :
"Nous sommes une force armée. Nous travaillons à l'accomplissement de notre destinée. Nous...
- Qui ça nous ?
- La milice de l'Ombre."
Loin de répondre à ses questions, l'homme faisait naître en elle d'autres interrogations.
"Et pourquoi irais-je m'enrôler dans une milice ?
- Pas une milice LA milice de l'Ombre. Que sais-tu d'Aile Ténébreuse ?
- Epargne-moi tes questions et viens-en aux faits ! Qu'obtiendrai-je en échange ?
- Et bien, la richesse...
- Et la gloire oui j'ai compris..."
Elle resta pensive un moment, puis interpella l'inconnu une dernière fois :
"Je marche...
- Très bien... Je te donne ta première mission alors... Celle qui officialisera ton entrée. Tu devras cependant passer devant une certaine personne auparavant mais au moins, nous serons fixés sur ton sort."
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Tuer... Encore une fois... Melina marchait tranquillement dans les allées pas si obscures de la ville de Sen'tsura. La nuit était douce et calme. Le vent s'engouffrait avec paresse dans les ruelles, caressant les passants avec délicatesse. La Suniage entrouvrit la porte d'une taverne et s'engouffra par l'ouverture. Elle se dirigea directement vers le comptoir où elle s'accouda face à la salle. Elle promena son regard sur les hommes aux alentours qui jouaient aux cartes, aux dés, ou à d'autres jeux qui lui étaient totalement inconnus. Elle repéra assez vite la cible. Un spécimen masculin blond et rougeau qui tapait fort sur la tête et riait à gorge déployée. La jeune femme poussa un soupir d'exaspération et commanda un verre au hasard. Il lui faudrait s'occuper un moment, sa cible n'allait quitter les lieux que tard dans la nuit et rentrerait chez elle au plus tard dans trois heures.
La jeune femme avait suivi l'homme toute la journée de la veille, prenant garde à ne pas attirer l'attention pour pouvoir mémoriser chaque déplacement de l'homme. Le commanditaire avait dit qu'il avait toujours les mêmes habitudes. Tant mieux... Cela lui facilitera la tâche... Elle but son verre puis sortit de la taverne. Melina s'enroula dans une cape élimée et s'assit en face de la porte de la taverne dans la pénombre.
Ainsi postée, elle attendit que l'homme finisse sa soirée et qu'il rentre chez lui. Se perdant dans ses pensées, elle songea à son frère qu'elle n'avait pas vu depuis si longtemps. Il lui manquait.
*Normal patate, c'est la seule personne pour qui tu éprouves de l'affection... De l'affection vraiment ? Que cela ? ... Non c'est la seule personne que tu as aimé de ta vie. Evident qu'il te manque !*
Baissant le regard, Melina soupira doucement et jeta un regard noir à la porte de la taverne. Elle le retrouverait, elle en était sûre. Soudain, sa cible sortit encadrée de deux hommes plutôt bien bâtis. La jeune femme observa la scène :
"Lâchez-moi ! Puisque je vous dis que je n'ai rien fait ! Laissez-moi tranquille ! A l'aide !"
*Comme par hasard... Pourquoi faut-il que ça tombe toujours sur moi ?*
Elle se leva doucement et profita de l'obscurité pour suivre les trois hommes. Le pas léger de la jeune femme effleurant les pavés était suffisamment inaudible pour passer inaperçu. De plus, sa cible vociférait comme un dément, couvrant le moindre bruit. Elle longeait les murs pour pouvoir se dissimuler le plus rapidement possible au cas où... Dans sa tête, un plan commençait à se dessiner. D'abord neutraliser les deux gros lourdauds, ensuite écorcher proprement la victime dans une ruelle puis lui faire les poches pour faire passer ça pour un vol... Parfait...
Melina rattrapa le petit groupe, toujours dissimulée dans sa cape, et tapota sur l'épaule d'un des hommes aux viles intentions :
"Excusez-moi ? Je crois que cet homme m'appartient et...
- T'es qui toi ? dit il en se retournant. Encore une traînée qui..."
Il n'eut pas le temps d'achever sa phrase que déjà le genou de la jeune femme rencontra l'entrejambe de l'homme qui s'effondra dans un râle pitoyable. Elle lui asséna un coup de coude sur la nuque et il s'écroula en grognant. L'autre homme, stupéfait, relâcha sa prise sur sa cible pour essayer de se défendre mais la jeune femme lui lança un crochet du droit, enfonça la cage thoracique du pauvre homme d'un coup de pied et l'acheva en lui claquant les tempes des paumes de ses mains. Le deuxième mâle s'effondra à son tour et Melina se jeta sur sa cible première avec un sourire sadique. L'alcoolique ne vit rien venir, trop soûl pour réagir. Elle l'assomma de son mouvement favori et le traîna dans une ruelle adjacente tant bien que mal.
Une fois cela fait, elle lui fouilla les poches. Quelques pièces dans une bourse et de la terre furent les seules choses qu'elle trouva. La Suniage haussa les épaules et murmura avant de trancher la gorge de sa victime :
"Ce n'est pas ta faute va, mauvais endroit au mauvais moment..."
Le sang gicla, éclaboussant la cape élimée. Elle la retira de son propre corps pour recouvrir le cadavre et s'en alla discrètement, se fondant dans la nuit. Seule témoin de cet acte, la Lune se garda bien de raconter ce qu'elle avait vu...
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