- Citation :
- "Une troupe de cavaliers d’un seigneur voisin de leur campement déferla sur les familles alors que le déjeuner battait son plein."
▬ Raconte en détail ce passage en insistant sur les sentiments d'Erwin.
Sous les nuages évanescents de ce jour de chasse, Erwin et ses compagnons de traque avait offert un fabuleux présent à leur clan: un cerf de deux-cent cinquante kilogrammes. Ils avaient dû confectionner un traineau fait de branchages et se relayer pour le tirer. Après une bonne heure de marche épuisante, les arbres commencèrent à s'espacer, et les chasseurs se détendirent. L'orée de la forêt était tout prêt. Alors qu'ils passaient les fourrés, l'odeur des marmites posées sur le feu parvint à leurs narines. Un sourire se dessina sur chaque visage, reflet désincarné de la fatigue qu'avait occasionné la chasse.
Ils furent accueillis avec des cris de joie, et les enfants coururent vers eux pour s'approcher du cerf. Impressionnés, ils posaient une flopée de question, demandant qui l'avait aperçu le premier, à qui appartenait la flèche qui l'avait abattu... Erwin avait beau être encore très jeune, il voyait parfaitement la barrière qui les séparait de tous ces bambins: il avait tué. Certes, ce n'était que des animaux, mais c'était un acte suffisamment symbolique pour que cela lui donne une autorité que personne ne contestait.
Après avoir traîné la carcasse du cervidé au milieu du campement pour que les autres membres de la tribu s’occupent du dépeçage, Erwin s'effondra dans l'herbe. Il sentait la terre sous ses mains, dure et racleuse. S'ils avaient été des agriculteurs en attente de la moisson, ils auraient maudis les dieux du présent qui leur était fait. Cette terre n'était bonne à rien sinon à supporter le poids de leurs corps épuisés.
Erwin se releva sur ses coudes, goûtant à la brise fraîche qui rafraîchissait sa peau noire. Ses cheveux gris flottaient dans le vent. Il sentit un mouvement derrière lui et se pencha pour apercevoir sa mère qui l'enlaça. Son père arriva et se campa fièrement devant lui.
- Est-ce ta flèche qui a jeté cette nourriture à terre?- Une de mes flèches oui. J'ai touché son tendon d'Achille, l'immobilisant. Puis Kelaan s'est jeté sur lui pour lui trancher la gorge.- La prochaine fois, tu feras les deux. C'est bien mon fils, mais tu peux encore devenir plus fort. Sous peu, tu deviendras le chef du groupe de traque, sois en sûr.- Merci Père.Bazim était un homme peu expressif, un père exigeant, et Erwin chérissait chaque compliment que lui faisait son géniteur. Sa mère l'embrassa sur la joue. Il savait qu'elle était fière de lui. Cela se ressentait presqu'autant que son amour. Erwin lui prit les mains et les serra fort. Sa peau calleuse tranchait vivement avec la soie épidermique des mains de Julia. La pratique de l'arc et du sabre lui avait laissé des mains clairement faites pour l'action, alors que celles de la femme qui l'avait enfanté et élevé étaient évidemment destinées aux caresses et aux gentillesses. Une magnifique raison d'être.
Erwin se releva et alla aider Irkue à dépecer le cerf, voyant que son couteau était coincé entre deux os. Cela leur prit une demi-heure de plus. Ils tranchèrent de gros morceaux de viande qu'ils apportèrent aux trois cuisiniers qui s'occupaient de nourrir la tribu. Les odeurs devinrent plus subtiles au fur et à mesure que les marmitons se mettaient à l’œuvre, rajoutant herbes et aromates au déjeuner en préparation. Il ne fallut pas longtemps pour que l'art culinaire des deux hommes et de la femme chargé des repas soit prêt. Dès lors, un ravissement papillaire et gustatif s'empara de la joyeuse troupe. Les chasseurs furent servis en premier en guise de remerciement. Erwin tendit sa part à son père, qui la présenta avec respect à sa femme. Julia l'embrassa sur le front et attaqua à belles dents le morceau de viande rouge. Erwin offrit la seconde part qui lui revenait à son père qui approuva son attitude d'un signe de tête. Puis il récupéra enfin son dû. Le repas se poursuivit dans la normalité. La plaine était calme, presque vide de vie si l'on exceptait la présence d'une quarantaine de nomades autour de quatre grandes marmites posés sur un grand brasier long de dix mètres et large de deux. Insouciants, les membres du clan mangeaient avec plaisir la viande du cerf. Repus après un tel festin, nombre d'hommes et de femmes partirent faire la sieste. Erwin s'allongea contre une tente, le regard tourné vers la forêt. Il les ferma et s'endormit.
Il fut réveillé par le bruit atroce des hurlements. Une trentaine de soldats en armure montés sur de lourds destriers. Chargeant le campement sans raison apparente, il brandissait de grandes épées au-dessus de leurs têtes, clamant clairement leurs intentions. Erwin se releva d'un bond et courut à travers le campement pour trouver ses parents et se défendre. Son père enjoignait à sa mère de fuir. Il avait dégainé son long sabre nommé Celestis et vociférait en direction des attaquants quand l'un des soldats s'écrasa au sol, une flèche traversant sa gorge. Son cheval continua de galoper au milieu de l'agitation, renversant une femme qui tentait de s'échapper. Un chevalier qui avait assisté à la scène fit volter sa monture et se trouva nez à nez avec un jeune garçon à qui il aurait donné à peine onze ans. Il se mit à rire, et son casque para son hilarité d'un reflet métallique. Il s'élança, sabre au clair. Il ne fit qu'un mètre. Une flèche plantée dans la fente de son casque, droit dans son œil gauche, eut raison de sa frénésie. Erwin reprit espoir, commençant à croire qu'il pourrait tous les abattre. Puis il vit l'un des ennemis bondir sur sa mère et l'emporter sur son cheval. Bazim courut derrière lui en hurlant pour attirer son attention, mais il fut mis à terre par deux hommes. Son fils se rendit alors compte qu'ils n'avaient aucune chance. Le feu qui avait servi à les nourrir commençait à se répandre, devenant un démon informe qui léchait les tentes et les embrasait aussi facilement que des brindilles sèches. Erwin s'élança pour délivrer son père. Il jeta son arc, et sortit son couteau. Il hurla pour attirer l'attention des ennemis, mais ceux-ci ne le considéraient pas comme une menace.Juste au moment de se jeter sur eux, il reçut un coup violent sur la tempe et s'effondra au sol. Le reste de l'attaque lui apparut par flashs douloureux. Le campement était en cendre. Les survivants, une dizaine, étaient alignés, et un homme richement habillé en désignait certains. Parmi eux, son père. Le marchand d'esclave s'arrêta devant lui et le regarda longtemps. Sans doute décela-t-il une flamme libertaire trop puissante dans les yeux de Bazim. Toujours est-il qu'il fit non de la tête, et trois hommes emmenèrent le père d'Erwin vers la forêt. Le jeune garçon essaya de se relever mais son corps était meurtris. Les hommes revinrent sans son père. Sa mère était dans le chariot et pleurait, se débattant contre les entraves qui liaient ses bras et ses jambes. Le convoi du marchand s'en alla rapidement, et il ne resta plus que les chevaliers restants et des cadavres. Erwin sentait son monde se déliter sous ses yeux. Tous ses amis morts ou esclaves, ses parents disparus... Une colère sourde embrasa son cœur et il se releva dans un hurlement inhumain, se jetant sur le dos d'un chevalier. Il enfonça son poignard dans la nuque de ce dernier qui se raidit et s'écroula. Les autres hommes poussèrent des cris d'alarmes, puis ces vociférations devinrent vite des moqueries alors qu'ils formaient un cercle autour d'Erwin. Le titillant de leurs épées comme on assaillit un loup acculé et furieux, ils s'en donnaient à cœur joie. Erwin savait qu'il allait mourir, mais il vendrait chèrement sa peau. C'est alors qu'un homme arriva avec une dizaine de chevaliers en plus. Richement paré d'une armure en bronze, il était évident qu'il était le chef de la bande. Descendant de son cheval, il ordonna à ses hommes d'arrêter. Il s'avança vers Erwin.
- Petit, tu as appris le monde aujourd'hui. Tu sais qu'il est cruel, et qu'on ne peut jamais s'en sortir seul. Rejoins moi, et tu pourras exercer ta colère sur mes ennemis. Chaque homme que tu vois là était comme toi avant: un pauvre garçon perdu. Et regarde maintenant! De fiers hommes, puissants et craints. Tu pourrais l'être toi aussi tu le sais...Erwin retourna la phrase dans sa tête. Cet homme lui proposait d'entrer à son service alors... Alors qu'il venait de massacrer tout ce qu'il avait jamais aimé..? Un éclat rouge passa devant ses yeux et il lança son poignard vers l'homme en bronze. Ce dernier l'évita de justesse et lui retourna une terrible manchette de son poing ganté. Le monde explosa autour du jeune garçon. Il sentit qu'on l'empoignait et qu'on le ligotait. Il fut jeté en travers de la croupe d'un cheval et ce dernier s'élança, laissant derrière Erwin, toute sa jeunesse consumée par les flammes. L'homme en bronze chevauchait à côté de celui à qui appartenait le cheval qui rudoyait Erwin. Il se pencha vers le jeune garçon.
- Tu vas apprendre à me servir. Crois-moi, cela vaut mieux que la mort.Une profonde bouffée de désespoir s'infiltra insidieusement dans le cœur d'Erwin. Il regarda à nouveau les nuages noirs qui s'élevait au-dessus du campement et il sentit que c'était là la seule chose qui se rapprochait le plus de lui. Une brume noire s'élevant vers le ciel...