Cette sensation était toujours si agréable, cette bouffée de chaleur enivrante à chaque fois qu’elle rentrait dans l’auberge, elle avait même parfois l’impression que ses mains brûlaient.  Tout ça grâce à la différence de température entre le feu crépitant doucement dans l’âtre de la grande pièce de vie de l’auberge et la brise glacée sifflant dehors. Sulnida aimait le froid, et fort heureusement pour elle. Il était vivifiant, faisait apprécier réellement les sources de chaleur et contrairement à certains on-dit, il rapprochait bien les gens. Il suffisait de voir déjà un groupe attablé à une même table et qui venait à peine de se rencontrer, et pourtant, ils étaient presque comme les cinq doigts d’une main, riant à plein poumons, un certain nombre de pintes au compteur déjà. L’ambiance était plutôt d’un enjouement enfantin ce soir, loin de toute discussion préoccupante et de toute évidence, il y avait un concours de bras de fer dans l’air. Sulnida se décala d’un pas sur le côté tout en retenant la porte dans son dos pour alors laisser Njörd entrer à son tour.

- J’espère que vous en avez encore dans le ventre, ce soir, on va vous ouvrir un tonneau de qualité, pas vrai le vieux ?

C’était sa façon de saluer le peuple présent, ainsi que son père avec son affection bien à elle. Elle emboîta le pas de Njörd qui était parti se coucher dans la pièce de derrière, pour sa tranquillité, libérer de la place mais aussi parce qu’en général les nouveaux clients, surtout les étrangers, avaient parfois tendance à faire un bond quand ils l’apercevaient pour la première fois. Le grand chien blanc ne se montrait qu’à la demande de la brune ou que s’il en ressentait la nécessité. Sulnida alla récupérer un bon gros tonneau rangé à l’arrière, l’emprisonnant entre ses bras pour alors rejoindre son père, laissant le baril retomber assez lourdement sur le comptoir. Elle ne manquait pourtant pas de travail physique mais il faut dire que certains étaient d’un poids assez conséquent. Et si elle tenait à pousser les efforts de son père, il était évident que ce n’était pas avec une jambe en moins qu’il pouvait faire ce genre de choses. Elle donna une petite tape sur l’épaule de son cher paternel avec un sourire plein d’énergie, lui soufflant qu’elle allait s’occuper de la salle ce soir et elle enleva sa veste de fourrure, ses joues rougies, ayant quand même trop chaud. Elle la laissa choir sur un baril vide juste en-dessous du comptoir dont elle fit le tour pour passer devant celui-ci et elle posa son bras gauche sur le haut du tonneau posé dessus, tapant du poing contre histoire d’attirer un peu l’attention, ce qu’elle était sûre d’avoir. Il y avait les habitués qui savaient déjà qu’ils allaient avoir droit à un bon produit du terroir, quelques têtes nouvelles faisant preuve de curiosité, des revenants après avoir eu pourtant affaire au caractère marqué de l’aubergiste, et dire que c’était juste l’heure où le monde allait commencer à arriver. Ce soir, il y allait avoir salle comble. Elle l’espérait bien, même si en fait, elle était plutôt à pister en particulier les grandes silhouettes qui passaient juste la porte, ayant pensé surtout à une personne friande de bonnes bières dans sa générosité.

- La meilleure bière du coin, rien que pour vous ! La troisième pinte gratuite !

Oh, elle avait ses préférés, pourtant peu nombreux et parmi eux, il y avait Bjørn, un vrai homme des Glaces, dont elle appréciait son côté brut de pomme, et elle espérait qu’il serait là ce soir pour pouvoir profiter de quelques pintes gratuites de qualité . Avec lui, elle ne se prenait pas la tête, agissant avec son naturel et sa spontanéité habituelles mais sans avoir droit à des regards surpris ou choqués face à ses manières, choses qui l’exaspéraient bien des fois… Comme cet arriviste déjà bien plein qui vint tel un mendiant devant elle alors qu’elle venait de faire sauter le bouchon du tonneau.

- La première gratuite pour moi, s’il te plaît, douce demoiselle à la bière dorée.

Sulnida haussa un sourcil en une expression quelque peu dubitative tout d’abord alors que son père se chargeait d’aligner les pintes à remplir sur le comptoir, et elle finit par en récupérer une pour alors en asséner un coup bien violent sur la tête de l’importun qu’elle regarda s’écrouler par terre lamentablement, affichant une expression quelque peu vexée. Non, elle n’était pas une douce demoiselle et ce genre de discours la laissait indifférente ou avait même l’effet inverse de ce que l’on attendait dans ce genre de situation.

- Gâchis que ce serait, tu veux dire ! Aller, à qui l’honneur de la première ?

Sulnida passa de suite à toute autre chose, relevant les yeux sur l’assistance tout en penchant alors le tonneau pour faire couler le liquide ambrée dans la pinte, solide d’ailleurs pour être sortie indemne du coup asséné avec il y a peu.

Il n’était pas déjà jeudi soir que Bjørn prévoyait de faire un détour du côté de la muraille Ouest, là où les steppes blanchissaient et où, assurément, la bière coulait à flot. Les Hyssälä ne s’étaient pas installés depuis quelques mois que le barbare les avait déjà adoptés ; il fallait dire aussi que, coutumier des peuples nomades du continent des Glaces, il avait toujours apprécié le peuple de ces derniers. Oh, ce n’était pas un homme à animal, il était vrai. Néanmoins, il y avait un petit quelque chose, dans la majestuosité de ces chiens, et a fortiori dans la relation privilégiée qu’ils nouaient avec leur maître, qui n’était pas sans le laisser indifférent. Il y avait un côté, peut-être, un peu plus moral à lier une relation avec ces bêtes ; un animal lambda était moins à même de faire signifier qu’il comprenait ce qu’on lui disait. Et s’il n’était pas le plus brillant des intellectuels, le brun appréciait cela ; il passait déjà trop souvent pour plus stupide qu’il ne l’était lorsque qu’Harald lui demandait distraitement son avis devant des personnes qu’il ne connaissait pas assez pour être tout à fait à l’aise, ce n’était sûrement pas pour réitérer la chose en tentant d’instaurer vainement un dialogue avec des bêtes ineptes.

Réprimant un bâillement en sortant de la salle du trône, Bjørn jeta un coup d’œil à l’horloge solaire qu’il apercevait par la fenêtre : il était déjà tard, pour une fin de journée. L’engouement de son Roi pour le mouvement rebelle l’exténuait, et il ne rentrait pas déjà d’une quelconque mission au nom de sa Majesté que, déjà, il devait repartir sous couverture d’une fausse identité pour mieux glaner des informations sur cette mystérieuse prophétie. S’il n’était pas patient, Bjørn possédait à défaut une loyauté sans faille qui lui permettait de garder, en toutes circonstances, des nerfs d’acier pour un sédentaire comme lui.

Le froid le balaya tout entier alors qu’il mettait les pieds en dehors du château royal, et il ferma une seconde les yeux pour modérer l’agression mordante du vent sans que sa peau ne frémisse ; tout au plus eut-il une brève chair de poule, le temps de s’adapter au changement de température. Grandir à Saline lui interdisait une quelconque frilosité qui n’était pas courante chez les barbares, a fortiori lorsqu’ils descendaient d’une famille ancrée dans le milieu depuis des temps si immémoriaux qu’ils devaient alors déjà exister avant l’Hiver Éternel – les salinéens les plus avinés se plaisaient même à brailler qu’ils avaient continués à survivre malgré la vague de froid qui tomba alors sur Terra Mystica, mais ça, c’était une autre histoire. Cela dit, il y avait une limite à la tolérance de ces braves gaillards : les placer sur une plage exotique suffirait rapidement à leur faire fermer leur clapet, ou au contraire à les encourager à l’ouvrir davantage sous le poids des complaintes, au choix. La chaleur ne coulait pas dans leurs sangs, c’était indéniable. Un mystérieux sourire amusé au coin des lèvres, Bjørn hocha la tête à cette pensée incongrue alors que ses jambes, elles, le menaient déjà à la destination de ses désirs.

La porte encore entrouverte du dernier arrivant, la taverne regorgeait déjà de vie et le bruit qui s’en échappait inspirait le barbare d’une satisfaction joyeuse. Quelque part, dans le brouhaha ambiant, il perçut la voix de Sulnida, la fille du propriétaire, et l’idée de partager quelques minutes de sa soirée avec elle le mit dans une humeur particulièrement satisfaite. Oh, certes, elle n’était la femme parfaite aux yeux de la gent masculine qu’il avait l’habitude de côtoyer, mais, à lui, elle lui plaisait bien. Peut-être parce que, justement, elle allait à l’encontre des stéréotypes de la femme au foyer un peu trop appliquée. Et il ne mettait pas un pied dans l’auberge que la jeune femme, déjà, s’appliquait à aller dans le sens de ses pensées en assommant un pauvre type qui ne devait pas être un habitué. Laissant s’échapper un rire amusé, Bjørn traversa la salle en rendant leurs saluts aux gens qu’il connaissait déjà – une grosse majorité, à vrai dire, mais ça c’est une autre histoire.

« - Voyons, ils ne sont pas encore saouls que tu commences déjà à les mettre à terre ? plaisanta-t-il en croisant le regard de la jeune femme, lui adressant un clin d’œil complice en guise de salut avant de se pencher pour remettre le pauvre homme encore un peu titubant debout. Remplis-moi cette pinte pendant que je raccompagne monsieur à sa tablée, veux-tu ? enchaîna-t-il alors en s’exécutant peu après. »

Le type le remercia de manière un peu maladroite, et Bjørn effaça l’ardoise d’un rire affable et d’une tape dans le dos ; les tavernes avaient cette ambiance chaleureuse qui le mettait d’une humeur incroyablement positive, et déjà il retournait vers Sulnida en souriant.

Vraiment, il fallait ignorer tout de Sulnida pour associer la douceur à elle, et aussi employer un ton suppliant, quelle erreur fatale ! Résultat, l’homme déjà bien touché par ses quelques bières se récolta un bon coup sur la tête comme première réponse. Le mérite comptait beaucoup pour elle, et elle n’en avait estimé aucun à offrir ainsi la première pinte de qualité de la soirée à cet avorton. Et elle était déjà à se retourner pour remplir la pinte quand un rire s’éleva au-dessus du tumulte ambiant et ce rire, elle le connaissait fort bien. Redressant un peu le tonneau, elle tourna la tête si vivement, elle aurait pu finir avec un torticolis, que certains reculèrent, comme s’attendant à un certain débordement à nouveau de sa part mais en réalité, la brune n’était absolument pas vexée, affichant un franc sourire plein d’entrain, croisant le regard du grand gaillard de Bjørn. Un sourire qui se fit encore plus ravi à son clin d’œil et elle répondit du tac au tac, sans la moindre préoccupation pour celui qui avait été sa première et peut-être pas dernière victime de la soirée, elle n’était pas du tout à culpabiliser de son geste, au contraire, elle voyait la remarque du barbare comme un salut chaleureux bien dans son genre.

- Ça donne un peu plus de valeur à mon geste, c’est pour ça… tant qu’ils ne sont pas encore plus faibles qu’ils ne le sont… Va pour la première pinte pour toi, et personne ne trouvera rien à redire. Tu m’en donneras des nouvelles.

Sulnida reprit ainsi son activité précédente, à savoir remplir à ras bord la pinte, la mousse formant un petit dôme à la limite de s’écouler sur les côtés. Elle avait cependant la poigne ferme et était bien habituée pour ainsi se tourner vers Bjørn, après son moment si serviable, qui venait vers elle. A chaque fois, elle devait un peu lever la tête pour croiser son regard, mais elle était habituée, ne serait-ce qu’avec les grands Mondag comme Njörd, mais les hommes de sa tribu étaient rarement aussi grands, il y avait toujours quelques cas mais moins que ceux qu’elle avait pu apercevoir au fil du temps ici. Mais, selon ses bons souvenirs, Bjørn avait été le premier du genre qu’elle avait aperçu quand il était venu la première fois à leur auberge. Et dire que de l’eau avait déjà un peu coulé sous les ponts depuis et le barbare avait peu à peu gagné son importance dans son petit monde. Elle savait remarquer ses absences dans tous les va-et-vient de l’auberge, et elle était loin d’être indifférente, ayant bien des fois oublier quelques tablées, restant à discuter et rigoler de très bon cœur avec le bras droit du Roi. Mais la demoiselle n’était pas une sentimentaliste pour faire effusion de ce qu’elle pouvait ressentir, ni à se laisser aller aux paroles. Non, tout était en action avec elle surtout, à sa façon bien sûr, elle ne minaudait pas comme d’autres femmes, ni tenues affriolantes, voix de velours etc… Non, elle donnait bien plus de son attention et se révélait être d’une grande générosité sur tous les plans. Et sa tolérance était bien entendu quelque peu plus souple, et c’était certainement ça qui passait aussi le moins inaperçu aux yeux des habitués. De même, son père en avait été quelque peu influencé, s’étant mis depuis peu à abandonner son « gamin » utilisé à fort propos avec les habitués, pour un « Bjørn » dont il avait la fâcheuse manie de ne pas prononcer le « r ». Sulnida tendit sa pinte à Bjørn toujours bien souriante, une main calée sur une de ses hanches.

- M’est avis que ça te fera le plus grand bien ! Je ne t’ai pas beaucoup vu ces derniers temps.

Oui, elle avait bien vu que ce cher barbare venait moins dernièrement, sûrement beaucoup plus de travail à faire, les choses avaient l’air de beaucoup plus bouger. Elle n’avait pas manqué de voir les préparatifs des bateaux lors d’une balade le long du port avec Njörd, et ça ne pouvait bien sûr que toucher le quotidien de Bjørn. Une fois que ce dernier eut pris sa pinte, elle doutait fort qu’il la laisse tomber, Sulnida lui donna une tape affectueuse sur l’épaule, pour y laisser sa main, tranquillement appuyée contre son bras. Bien musclé tout ça d’ailleurs, et si pour certaines femmes le barbare ne faisait pas parti des hommes beaux, elle les traiterait volontiers d’imbéciles. Mieux vaut un homme fort et en bonne santé qu’un homme aux traits trop lisses et trop parfaits qui aurait vite fait de se casser quelque chose. Ici, c’était plus la force qui apportait intérêt et beauté, comme dans sa tribu.

- Qu’est-ce qui te ferait plaisir en plus ? Tu as faim ?

Et pendant ce temps, son père avait finalement prit le relai derrière le comptoir, tournant le tonneau vers lui pour servir les pintes au rythme de la monnaie jetée sur le bois, installée sur un tabouret pour son équilibre.

Bjørn n’était pas un sentimental non plus, à vrai dire : au contraire, même. Outre sa tendance maladroite à considérer les femmes comme bien plus viriles qu’elles ne l’étaient réellement (la faute aux représentantes de la gent féminine dans l’armée salinéenne et à sa mère qui n’était franchement pas un modèle de délicatesse pour la seule femme du cocon familial), il n’arrivait pas suffisamment à se parer de subtilité pour flirter avec distinction. C’est en cela, d’ailleurs, qu’il ne savait réagir autrement qu’en compagnon de festoiement en compagnie de Sulnida ; bien sûr il était un client mais il y avait longtemps qu’il avait abandonné les grandes manières avec les taverniers qu’il voyait un peu trop souvent ; Et si elle savait lui faire tourner la tête mieux que l’alcool et apaiser ses nerfs davantage encore qu’un champ de bataille, il agissait comme un grand frère sûrement un peu incestueux mais terriblement plus dévoué que les légitimes envers la jeune femme.

« - Oh, tu sais.. À défaut de trouver un poste de client professionnel auprès de ton père il faut bien que je gagne de quoi vous payer. plaisanta-t-il sur le ton de la légèreté à la remarque de sa cadette, s’installant sur le tabouret qu’elle lui présentant presque légitimement en se tenant à côté. »

Il y avait presque une symbolique romantique à cela, que Bjørn n’avait pas la présence d’esprit de relever, et se laissant porter par l’instant, leur relation naturelle qui s’était installée avec le temps, il autorisa la main hâlée à toucher sa peau qui, immédiatement, se détendit sous le toucher délicat de la jeune femme. Inconscient du regard presque satisfait que leur accordait alors le père de cette dernière – le barbare n’avait pas manqué de le saluer d’un signe de main complice un peu plus tôt – il se saisit de sa choppe et prit le temps de boire une longue gorgée de bière avant de river son regard sur sa vis-à-vis, un éternel sourire aux lèvres.

« - Tout dépend ce que tu as à m’offrir. commença-t-il avant d’enchaîner rapidement en dégageant son bras pour le passer autour du cou de Sulnida, accentuant de ce fait leur proximité physique. Mais.. rajouta-t-il en se penchant assez pour plonger son regard dans le sien, un peu mutin. Je n’ai pas envie de dîner seul. Accompagne-moi. »

Se redressant sans laisser le temps à la jeune femme de se complaindre, il fit signe à son géniteur de leur apporter deux plats du jour sans enlever son bras des épaules de la brunette. Bjørn avait cette tendance amicale à ‘imposer’ ses propositions, mais il pensait commencer à connaitre cette fille assez pour savoir qu’elle lui ferait comprendre si elle avait quelque chose y redire avec pertes et fracas.

« - Je t’invite, bien évidemment. ajouta-t-il ensuite en saisissant sa bière de sa main libre, glissant négligemment dans l’oreille de sa comparse : Et je te filerais un coup de main au service après. avant de porter la boisson à ses lèvres. »

Et voilà, la taverne passa en arrière-plan en un instant alors que Sulnida se dévoua tout naturellement à Bjørn pour lui offrir bien évidemment la première bière de la soirée et rester à ses côtés. Oh mais il ne fallait pas croire qu’elle était totalement ailleurs non plus, qu’une bagarre éclate ou une dispute menaçant de trop les biens des taverniers pour qu’elle sorte griffes et crocs et lancent sur les importuns un Njörd grognant pour les sortir de là. Mais pour l’instant, rien n’était à troubler la bonne humeur de ce soir, et de par sa proximité, elle pouvait discuter avec le grand barbare sans devoir hausser le ton avec le brouhaha vrombissant de quelques voix graves masculines entonnant un chant paillard du coin. Et son père avait donc décidé de passer à l’action, la brune abandonnant ainsi son service. Elle eut un fin sourire amusé à la réponse que lui offrit Bjørn sur le fait de son absence de ces derniers temps et elle pencha un peu la tête, un peu malicieuse, tout en l’observant s’installer sur le tabouret.

- Mais je ne doute pas que tu as mérité ce que tu as gagné…. O grand client professionnel.

Après tout, elle était elle-même sa propre cliente professionnelle, toujours présente à la taverne et à profiter de tous ses services mais bien sûr, elle y travaillait aussi, une vie fort agréable à la contrepartie qui ne la dérangeait pas du tout. Et au fond d’elle, elle devinait bien que ce genre de vie pourrait plaire à Bjørn mais celui-ci était un guerrier dans l’âme, et si elle avait besoin parfois d’escapades pour ressentir les frissons des risques et dangers, il était encore bien trop tôt pour que le barbare, tout dévoué à leur roi, cesse ses services et toutes les aventures qui en découlaient. Même si son petit doigt lui soufflait que le mieux serait tout de même que tout cela reste prés de son chez lui. Malheureusement, les dernières décisions ne risquaient-elles pas de faire partir au loin leurs troupes et leur Roi à la rencontre de l’ennemi ? Les bateaux, c’était pour traverser la mer… Enfin, elle n’avait pas abordé encore ce sujet et là, elle trouvait bien plus appropriée de lui changer les idées, profiter et évidemment, elle en vint à demander ce qui ferait plaisir à Bjørn. Elle fut discrètement un peu déséquilibrée au bras que ce dernier passa autour de son cou, prenant alors de toute façon un peu plus appui contre lui et elle glissa son bras droit autour de sa taille en même temps qu’elle releva aussi un peu la tête pour croiser son regard, se retrouvant bien à l’aise à son tour. Elle n’allait pas dire non à l’invitation et ce même si Bjørn agit sans même attendre son accord. Et elle ne le prenait absolument pas mal, pas avec lui, sachant bien que tout cela venait d’une bonne intention et après tout, elle l’avait incité à exprimer son souhait. Elle adressa un petit hochement de tête en remerciement à son paternel qui prit note de la commande pour s’y atteler de suite d’ailleurs en sifflotant. Elle tapota affectueusement le flanc du barbare sans même se rendre compte que l’espace s’était créé autour d’eux, comme si les autres clients avaient décidé de ne pas les déranger en leur laissant un peu une sorte de bulle, bien présente à ce murmure glissé à son oreille. Pourtant, Sulnida ne réalisait pas que sa façon d’agir et d’être avec Bjørn, et inversement, les faisait déjà être considérés comme un tandem amoureux. Non, tout coulait de source, comme quand elle se saisit du menton de ce dernier, perdant ses doigts dans son bouc pour lui secouer, sans trop de douceur mais sans violence aussi, la tête avant de murmurer en même temps qu’elle se hissa sur la pointe des pieds.

- Allons, manquerait plus que tu payes en plus de m’aider… Je te l’offre et crois-moi, j’y gagne quand même ! le taquina-t-elle alors qu’elle déposa un baiser prononcé sur sa joue à la limite de l’embrasure de ses lèvres avant de relâcher son menton pour alors tirer à tâtons l’autre tabouret à côté d’elle pour le rapprocher juste à côté de celui du barbare.

Et c’est sans se soustraire au poids du bras de Bjørn qu’elle s’appuya d’une main sur le haut du tabouret pour se hisser assise dessus agilement, relevant les yeux quand elle entendit le bruit de deux assiettes posées par son père qui alla servir deux gugusses avant de repartir à sa cuisine, faisant griller plusieurs côtes de yaks à la cheminée pour la peine, ses champignons étant presque prêts eux. Sulnida attrapa les assiettes pour alors les répartir devant eux avec les couverts et elle reporta son attention sur Bjørn.

- Ça te dirait, quand tu auras droit à un peu de temps libre, de faire un tour le long des falaises ?, elle voyait là une occasion de parler tranquillement et de poser ses quelques questions tout en profitant du grand air. Si elle aimait ses escapades en solitaires, avec Njörd bien sûr, elle ne manquait pas d’entraîner parfois avec elle le barbare. Et elle attendit de voir ce dernier prêt à reprendre une gorgée pour se pencher en avant vers la pinte qu’il soulevait pour tout simplement lui piquer avec un sourire une gorgée de bière.

Client professionnel, hé ? Bjørn eut un rire amusé. C’était presque vrai, à la différence près que le flux monétaire était inversé. La taverne des Hyssälä cependant était clairement celle qu’il préférait – et, quelque part, privilégiait – parmi toutes les autres de Cardrak, voire de Saline, même s’il n’avait la prétention de dire qu’il les avait toutes écumées. Pas encore, tout du moins, mais laissons ses fantasmes de beuverie de côté pour le moment. Conciliant, il laissa la jeune femme tripoter son bouc en hochant la tête de droite à gauche au mouvement des poignets de Sulnida, un sourire amusé au coin des lèvres ; parfois il suffisait de peu de choses pour apprivoiser un ours, même si celui-ci faisait deux têtes de plus que vous. Il suffit juste de savoir s’y prendre. Fermant brièvement les yeux lors du baiser de cette dernière, Bjørn haussa les épaules en guise de réponses, ne préférant pas débattre avec une femme de la stature de Sulnida. Peut-être parce qu’il savait que parfois celle-ci pouvait avoir raison, mais hé, il n’allait pas non plus le lui admettre oralement. Il avait une fierté, lui aussi.

Celle-ci se hissa sur son tabouret pour répartir les assiettes de leur dîner devant eux, et Bjørn observa une seconde son contenu, presque charmé par l’odeur agréable de la viande juste rôtie, avant de s’immobiliser à la proposition de la brune. Il y eut un flottement de silence, durant lequel le barbare se contenta de redessiner les contours de son assiette des yeux, avant qu’il ne se saisisse de sa choppe en s’éclaircissant la gorge, pas tout à fait gêné mais indubitablement moins à l’aise. Sulnida en profita pour lui piquer la gorgée qu’il s’apprêtait à avaler, et cela eut le mérite de ne pas lui faire totalement perdre le reste de sourire qui flottait encore sur ses lèvres, et il en profita pour récupérer son bras pour se mettre en position devant son assiette, car il doutait pouvoir manger – et laisser sa compagne manger – dans cette position.

« - Je dois repartir bientôt. »

Peut-être était-ce le silence qui avait précédé ou peut-être l’illusion ne l’était-elle pas tellement, mais la voix de Bjørn sembla se briser sur ces quelques mots ; pas grand-chose, juste une once de maladresse, suffisante cependant pour trahir une sorte de tristesse, ou de regret abstrait. La bulle était toujours intacte, cependant, tout au plus avait-elle vibrée à la voix du barbare sans pour autant oser éclater franchement. Suspendue dans l’air comme un malaise sous-jacent, l’évidence avait toujours occupé son esprit – et, il n’en doutait pas, celui de Sulnida ; paradoxalement, le fait d’en parler franchement n’avait pas atténué cette sensation désagréable. Au contraire, même. Bjørn cependant n’était pas tellement du genre introspectif, et il était venu en prenant le risque de croiser la Mondag en toute connaissance de cause. Aussi, étonnamment détaché, prit-il le temps de boire une gorgée de bière sans que la jeune femme ne s’y interpose avant de lui adresser un sourire complice.

« - J’espère donc que tu es libre demain, ou dépêche-toi de prendre ta journée, car je compte t’accaparer aussi longtemps que possible. rajouta-t-il en un clin d’œil, reportant ensuite son attention sur les brochettes de yack reposant dans son assiette. Je t’aurais bien aussi enlevé pour la nuit, mais je t’ai promis de t’aider au service, et je n’ai qu’une parole. »

C'était une plaisanterie innocente, évidemment. Ou peut-être y avait-il un sous-entendu voilé, quelque part au fin fond de son esprit masculin. Allez savoir.

C’était une agréable surprise que de se retrouver finalement en compagnie de Bjørn, devant deux assiettes pleines, de la bière. Il n’était plus question de faire son service, la chose s’étant arrangée d’elle-même. Oui, vraiment, Sulnida n’avait pas eu l’idée que sa soirée se passerait ainsi et il valait mieux en profiter, se révélant si complice avec le barbare, en effet comme apprivoisé, qu’elle taquina gentiment tout en se montrant bien affectueuse par le baiser qu’elle lui donna. Ce n’était pas très souvent qu’elle avait ces élans là mais il fallait croire que ce dernier lui avait vraiment manqué pour qu’elle agisse davantage selon son cœur sans réfléchir au sens que ça avait véritablement. En même temps, elle n’était pas à réfléchir réellement avant d’agir. Et c’est ainsi qu’elle poursuivit sur sa lancée, ne venait-elle donc pas penser qu’il fallait profiter de la présence de Bjørn et elle l’invita tout naturellement à une escapade, et ce dès qu’il aurait du temps. Elle espérait qu’il en aurait prochainement, mais elle savait qu’elle ne devait pas trop s’avancer. La suite lui donna bien raison. Ce silence qui s’installa la laissa tout d’abord un peu surprise, fixant cependant posément le profil du barbare, pour alors en profiter pour lui piquer une gorgée de bière, le tout malicieusement. Cependant, il y avait justement ce petit quelque chose qu’elle pouvait ressentir chez ce dernier et qu’il lui communiquait inconsciemment. Cette pointe de tristesse et de regret qu’elle ne savait pas identifier mais c’était bien là, et davantage quand Bjørn répondit enfin pour dire qu’il allait devoir bientôt repartir. Ah mince. C’était donc pour ça qu’il était devenu silencieux. Allait-il donc décliner son invitation ? Le regret se fit un peu plus ressenti quand la chaleur du bras du barbare la quitta et elle le libéra elle aussi du sien qui entourait sa taille pour se redresser un peu plus sur son tabouret, les sourcils froncés, tandis que le barbare buvait une gorgée de bière.

Sulnida s’apprêtait à lui demander s’il savait pour combien de temps il en aurait cette fois-ci, si ça se trouvait, ça resterait une courte absence. C’est qu’elle en venait à penser à tort que le brun allait s’en aller dès le lendemain. Seulement, celui-ci reprit la parole le premier et c’était comme si la petite brume matinale qui était apparue dans leur bulle venait de se dissiper. Un franc sourire ravi se dessina sur ses lèvres. Oh pour sûr qu’elle allait se libérer sa journée de demain, elle n’allait pas non plus laisser le choix à son père, et tant pis s’il rouspétait. Ce n’était pas vraiment lui qui commandait aussi. Elle pencha un peu la tête à la plaisanterie de Bjørn et elle eut un rire, posant son coude sur le comptoir et appuyant sa tête contre sa main.

- M’enlever pour la nuit ? C’est que tu es bien ambitieux ce soir, dis-moi.

Sulnida ne manquait pas de répartie et même dans le cadre de la plaisanterie. Là, il était évident qu’elle restait dans cette atmosphère et qu’elle appréciait. Et ce n’était pas comme si elle n’avait pas perçu le petit sous-entendu qui pourrait être caché. N’oublions pas qu’elle était aubergiste et même si elle était farouche avec les autres, il y avait toujours un ou deux nouveaux bonhommes qui parfois osaient l’approcher et qui s’y brûlaient les doigts. Son père fit alors un rapide passage pour venir remplir leurs assiettes de champignons et la brune en profita alors.

- Tu seras tout seul demain, prends cette soirée comme un bon entraînement, depuis le temps !

Sulnida savait qu’elle n’avait pas quitté son poste depuis un petit moment, cette journée allait être méritée et elle eut un petit soupir amusé quand son paternel se contenta d’hocher de la tête, repartant clopin-clopant en marmonnant, en plein travail de mémorisation des diverses demandes. Rien de tel pour faire travailler sa mémoire. Enfin, voilà ce qui était arrangé et une bonne odeur venait chatouiller doucement ses narines juste devant elle. Elle prit alors ses couverts pour les planter dans la viande et en couper un morceau.

- Le repas est enfin servi, régales-toi…., elle se redresa un peu plus alors pour murmurer à son oreille. Et mon service, il ne dure pas toute la nuit… c’est que mes couvertures m’attendent avec ces nuits glaciales.

C’est qu’elle n’était pas en reste sur le ton taquin avec un petit sous-entendu, mais en même temps, elle ne cherchait pas à rendre la pareille ou autre, elle agissait toujours spontanément. Sulnida goûta alors une première bouchée, savourant la viande qui avait la qualité de ne pas être trop caoutchouteuse. Et voilà qu’une certaine impatience l’envahit, qu’elle soit totalement libérée de l’auberge. Puis ce n’était pas tout ça, elle allait avoir soif avec tout ça… Sulnida n’avait pas essayé de poser la question de pour quand était le départ de Bjørn, contente de pouvoir quand même passer du temps avec lui, et ils auraient ainsi le temps d’en discuter plus tard.

Bjørn esquissa un sourire partagé entre l’amusement pudique et la malice tendancieuse, détournant légèrement les yeux alors qu’il se forçait à ravaler les pensées que ces taquineries pas si innocentes que ça réveillaient chez lui. Il avait beau considérer Sulnida comme une amie sincère et chère à son cœur, il n’en restait pas moins un fier représentant de la gent masculine à qui la jeune femme ne déplaisait absolument pas, physiquement comme psychologiquement d’ailleurs ; mais ça, il ne l’admettait pas encore. Ou alors refusait-il d’ouvrir les yeux à ce sujet, car s’il était tout à fait honnête, il ne se forcerait peut-être pas autant à clamer que la jeune femme était comme une sœur pour lui à son cerveau lorsqu’il l’assaillait de pareilles images. Mais ça c’est une autre histoire.

Alors qu’il s’humidifiait les lèvres soudainement sèches – il n’était pas assez sujet aux introspections pour même réaliser ce qu’il venait de se passer dans son esprit en quelques secondes – le père de Sulnida vient leur servir les accompagnements et, pas réellement gêné mais histoire de faire bonne figure, Bjørn adressa un sourire contrit à ce dernier lorsque sa fille lui annonça son congé surprise du lendemain. Peut-être était-ce parce qu’ils avaient tous compris l’inévitable avant les deux concernés, mais le salinéen s’était tout de suite très bien entendu avec les hommes de la famille Hyssälä, malgré le pseudo de fois où il avait pourtant croisé ses frères. Quelque part, il réalisait la chance et l’opportunité que cela lui octroyait, néanmoins la complicité qu’il leur vouait n’était pas n’était pas feinte, loin de là.

Remerciant le tavernier d’un signe de tête et sa fille d’un sourire, le barbare ne résista pas longtemps à la bonne odeur de nourriture et, après avoir avalé une nouvelle gorgée, s’y attaqua en commençant bien entendu par la viande qui s’avéra savoureuse. Bjørn s’apprêta d’ailleurs à reprendre la parole lorsque la Sondag le prit de vitesse et vint murmurer à son oreiller .Ses coouverts suspendus dans les airs, il s’immobilisa tout à fait en cillant, partagé entre l’étonnement et une sensation mi-figue mi-raisin, une sorte de chaleur aussi agréable que déplacée dans un cadre pareil. Si les mots n’avaient jamais autant été sa tasse de thé que les gestes, il apprenait à ses dépens que ceux prononcés par la voix de Sulnida faisait exception, tant dans le fond que dans la forme.

« - Des nuits glaciales, hé.. articula-t-il finalement avec une certaine difficulté, la voix curieusement rauque alors que le regard qu’il riva finalement sur la jeune femme brillait d’une toute nouvelle flamme. Tu sais que je suis trop gentleman pour ne pas t’aider à y remédier, si jamais les couvertures ne suffisent pas. rajouta-t-il en un petit sourire mutin, comme pour rester dans le ton de la blague alors même qu’ils venaient de franchir la fine ligne sur laquelle ils se plaisaient à danser depuis trop longtemps déjà. »

Sulnida n’avait pas perdu de temps avec son père pour d’hors et déjà réserver sa journée de demain rien que pour Bjørn, sachant aussi qu’elle n’aurait pas droit à un refus. Son paternel aimait bien le barbare qui était en effet devenu un bon ami de la famille, c’était venu tout naturellement et ce même avec ses frères qui passaient que rarement jusqu’ici. Il était vrai que la Sondag ne savait quel mot elle pourrait mettre sur sa relation avec Bjørn, elle avait des frères et savait que c’était parfaitement différent, son affection pouvant être quelque peu déplacée que celle pour un frère. Un ami, non, là aussi, il y avait quelque chose qui ne correspondait pas mais alors quoi ? Sa simplicité au moins ne l’amenait pas à se prendre la tête pour vivre les choses à son rythme et avec son naturel. Au point que la première fois que ses frères l’avaient vue en compagnie du barbare, ces derniers s’étaient échangés un regard mutuel « Ok, c’est celui-là ». Quand les autres vous connaissaient mieux que vous-même hein…

Et pourtant, la façon si spontanée avec laquelle Sulnida ne manqua pas de faire comprendre qu’elle n’aurait pas toute sa nuit d’occupée, rebondissant sur l’humour employé par son cher compagnon, était un peu révélatrice. Tout comme le sens de ses mots qui n’étaient pas si innocents, il fallait dire qu’elle était sous le charme du barbare, appréciant bien leur complicité, tactile parfois. Il lui était même arrivé une ou deux fois d’avoir le fugace regret que les avances d’un homme, mis à terre violemment par elle, n’aient pas été celles de Bjørn. Et donc, forcément, ce n’était pas à un ami ou à un de ses frères qu’elle aurait ainsi parlé. L’immobilité du barbare attira son attention, surtout à cause de ses couverts maintenus en l’air, et la voix rauque de ce dernier la fit doucement vibrer et davantage quand elle rencontra son regard étincelant. Une barrière invisible venait de s’évaporer entre eux, peut-être à force de la frôler.

Sulnida sentit une légère chaleur lui montait aux joues, sans lien pourtant avec une quelconque hausse de la température de la salle. Ses yeux se fixèrent un petit instant sur ces lèvres étirées en un sourire mutin pour finalement les relever vers ceux du barbare. Elle déposa ses couverts dans son assiette, abandonnant pour l’instant le bout de viande plantée sur sa fourchette, et comme à son habitude, elle fit preuve d’une franchise sans faille, à mettre les pieds dans le plat.

- Aucun doute que ta chaleur me serait fort bien préférable et agréable.

Il était extrêmement rare de voir les traits de la Sondag s’adoucir avec un sourire emprunt de sensualité mais aussi d’un certain sérieux, ce n’était après tout plus une plaisanterie.

- Puisque tu vas rester m’aider pour le service, j’aimerai vraiment que tu restes cette nuit.

Etait-ce les dernières absences de Bjørn qui renforçaient davantage ces sentiments sans nom qui l’habitaient ? Il était quelque peu temps de réaliser ce qu’elle voulait aussi, et c’était un bon début. Il était évident que son invitation à rester la nuit n’était pas à la passer à faire la vaisselle et le ménage de fond en comble dans l’auberge. Elle passa en une caresse son pouce sur les lèvres du barbare.

- Alors mange pour prendre des forces.

Sulnida n’était pas à passer par quatre chemins, ni à se perdre non plus dans de belles phrases ou détours purement féminins. Et d’ailleurs, elle reprit ses couverts, c’est qu’il fallait qu’elle mange aussi.