Choisis ton camp, camarade !

Citation :

« Lorsqu'il se rendit compte que ce qu'il avait révélé avait permis l'éradication d'un régiment complet d'Aile Ténébreuse, Ronan comprit qu'il commençait à avoir un rôle important. »

Raconte comment et où as-tu obtenu cette information sans te faire repérer, de quoi s'agissait-il, et comment tu t'en es sorti jusqu'à la vente de l'information en question.

Depuis toujours, tous les habitants du quartier populaire de Sent'sura savent qu'il y a des endroits à éviter : des ruelles où les types les plus mal famés de la pègre de Terra Mystica se donnent rendez-vous une fois que la nuit a fait son apparition, des bars ténébreux où le moindre étranger sera dépouillé sans pitié... Et pourtant, le jeune Ronan aimait traîner dans ces lieux où la loi du plus fort régnait. Il y trouvait surtout de quoi vivre. En rendant de menus services aux gros caïds, le garçon s'était forgé une solide réputation d'homme à tout faire.

Généralement, il trouvait des contrats dans le principal nid à grosses brutes du quartier : l'allée des brumes. Cette ruelle sombre semblait déserte au premier abord mais les habitués y connaissaient les bonnes adresses. On pouvait y trouver un vieux pub, un hôtel de passe et un tripot nommé « L'arracheur » où les truands aimaient se retrouver pour jouer leur dernier butin aux cartes... Le plus souvent, les nuits s'y terminaient en bain de sang, car le susceptible perdant accusait presque toujours le vaniteux gagnant d'avoir triché...

Bref, c'était dans cette ambiance bonne enfant que Ronan travaillait. Il donnait un coup de main au gérant du tripot en servant les consommations aux clients et en nettoyant les tables. Pas très reluisant comme petit boulot, mais cela avait l'avantage de pouvoir croiser de potentiels employeurs. Rapidement, le jeune homme avait attiré l'attention d'un gros bonhomme baraqué. C'était une espèce de bon à rien qui aurait été prêt à vendre sa mère pour se payer une bière. D'ailleurs... ne l'avait pas t-il fait ? Il se nommait Arghon, avait le corps recouvert de tatouages tous plus terrifiants les uns que les autres et personne n'osait le regarder dans les yeux. On racontait qu'il avait écrasé la tête d'une fillette, comme une noix, car l'imprudente avait osé lui cracher dessus.

Ronan le détestait, comme tous le monde, mais il devait reconnaître qu'il payait bien. Le jeune homme lui servit ainsi d'informateur. Il était chargé de suivre de riches marchands et de noter leurs habitudes quotidiennes. Puis, le gros Arghon trouvait le meilleur moment pour fracasser le crâne du marchand et lui voler sa bourse. Les affaires marchaient.

Quand ce fut l'avènement d'Aile Ténébreuse, Arghon fut l'un des premiers à adhérer à son discours. Le brigand fut l'un des plus influents émissaires du démon dans la ville de Sent'sura... Mais cela ne changeait rien pour Ronan qui ne pouvait pas se priver de sa principale source de revenu.

Un soir, alors qu'il frottait le sang qui commençait à sécher sur la grande table de « L'Arracheur », Ronan surprit une conversation. Arghon parlait étonnamment bas avec une étrange créature. Celle-ci avait un air mauvais et de larges cornes sur la tête.

« Écoute, Arghon, ça fait trop longtemps que tu repousses ma requête. Je dois absolument faire passer mes gars avant la nuit prochaine...
- C'est pas le moment, j'te dis... La rébellion a investi la périphérie de Sent'sura et il faut...
- Ferme ta gueule maintenant. T'as compris ? Ferme-la. N'oublie pas ce que le seigneur a fait pour toi. N'oublie jamais. Tu t'es engagé auprès de lui.
- …
- Si t'es pas à la hauteur, on réglera rapidement le problème. J'espère que j'ai été clair.
- Ouais, ça va. Pas besoin de faire tes menaces à deux balles. Bon. On se retrouve demain au crépuscule à la sortie du bois de Longsdale. En suivant la rivière, on devrait passer sans encombres.
- Voila ! Quand tu veux... Pas d'entourloupes, hein ? »

Sur le coup, Ronan n'accorda que peu d'importance à ce dialogue. Après tout, cela ne le concernait pas. Quand la bête cornue fut partie, Arghon ne put s'empêcher de lâcher un gros soupir, puis se tourna vers le jeune homme et lui demanda de l'accompagner dans la ruelle. Une fois sur place, le gros bonhomme s'alluma l'un de ses cigares nauséabonds et cracha la fumée dans le visage de Ronan.

« P'tit gars, j'vais avoir besoin de toi. Retrouve-moi demain à la porte Est de la ville. Et t'as pas intérêt à me faire faux bond. Okay ? »

Le tatoué quitta l'allée des brumes de son pas lourd et Ronan se retrouva seul, les mains dans les poches. Ou du moins, il croyait être seul... Une silhouette encapuchonnée s'approcha de lui, en silence.

« Mais... d'où vous sortez vous ?
- Tu travailles pour lui ?
- Pardon ?
- Arghon... Est-ce que tu travailles pour lui ?
- Oui... Non... Enfin... Ça dépend, vous me voulez quoi... ?
- Je sais pas combien il te donne, mais je peux te filer le double. De plus... je vois à ton visage que tu ne l'apprécies pas. Je te donne l'occasion de faire d'une pierre deux coups. Je sais qu'il doit faire passer une armée du démon dans la région. Tu en sais plus ?
- Mais vous êtes qui ?
- Peu importe. Pour ta propre sécurité, je te conseille de ne pas chercher à en savoir plus. Retrouve-moi demain matin dans la librairie de la rue blanche. Je t'y attendrais. »

Et l'homme disparut presque instantanément. Ronan était déconcerté. Il venait de mettre les pieds dans quelque chose qui le dépassait. Du coup, sa nuit fut courte. Il ressassa ce qui l'attendait le lendemain. Aurait-il à choisir un camp ? Finalement, il choisit le côté qui offrait le plus, même s'il n'osait pas s'avouer qu'il prenait le parti de ceux qui avaient de nobles intentions.

Il retrouva facilement l'homme à la capuche. Celui-ci, après avoir vérifié que Ronan n'avait pas été suivi, lui demanda tous les détails de l'opération. Puis il lui expliqua son plan avant de lui donner rendez-vous le soir-même.

Lorsque le soleil disparût derrière l'horizon, Ronan se trouvait en compagnie d'Arghon sur la route du bois de Longsdale. Ils aperçurent rapidement de nombreuses silhouettes. Une armée d'une trentaine de mercenaires attendaient derrière le gros démon de la veille. Arghon alla à sa rencontre pour discuter, laissant Ronan de côté. Le jeune homme se rapprocha discrètement d'une énorme carriole qui transportait apparemment des munitions. Personne ne remarqua qu'il y déposa un paquet qui était caché sous son manteau. En revanche, lorsqu'il s'éloigna d'un pas très rapide, il attira les regards. Mais personne n'eut le temps de le rattraper.

Une terrible explosion retentit et éclaira la scène pendant une fraction de seconde. La carriole fut pulvérisée et une petite dizaine de mercenaires se retrouva projetée au sol. Alors que certains d'entre eux se relevaient et qu'Arghon cherchait à se saisir de sa hache, un groupe de cavaliers arriva bruyamment de derrière une colline voisine. En quelques secondes, ils étaient sur place. Les rebelles profitèrent de l'effet de surprise et des dommages causés par l'explosion pour anéantir assez facilement les derniers ennemis. Seul l'espèce de démon parvint à s'enfuir inexplicablement. En revanche, Arghon, lui, fut capturé. Il était désarmé, à genoux et les mains attachées dans le dos. Devant lui, se trouvait une silhouette familière : l'homme à la capuche. Ronan s'approcha, un sourire mi-amusé mi-terrifié aux lèvres.

« Espèce de traître ! Si je te tenais...
- C'est nous qui te tenons, Arghon. Enfin.
- Finalement, je crois que j'attendais ce moment depuis longtemps. Tu fais moins le malin, hein ? »

Ronan cracha au visage de son ancien employeur. Puis il s'éloigna en compagnie de l'autre homme alors que, dans leur dos, un archer rebelle achevait Arghon d'une flèche en plein cœur.

« Il ne valait pas mieux que ça. En tout cas, tu as fait un excellent travail...
- Ronan. Je m'appelle Ronan.
- Tu as fait preuve d'une incroyable bravoure, Ronan. Si tu es d'accord, j'aimerai que tu rejoignes nos rangs. Avoir osé prendre un tel risque... Ce n'est pas que l'argent, je me trompe ?
- Peu importe. J'accepte car je viens de perdre mon patron. J'espère que notre entente sera fructueuse, heu... »

L'homme enleva enfin sa capuche. Il était à peine plus vieux que Ronan et son visage afficha un petit sourire en coin.

« Je m'appelle Lencart Gralhin. Enchanté et... bienvenue dans la rébellion ! »