Tient, apparemment le guerrier était un ami des orcs puisqu’ils ne l’égorgèrent pas de façon vile, barbare et sanguinaire, mais passons. Le lycan haussa les épaules, mais il était curieux, pourquoi diable cet homme était ami de ces créatures ? Il les vit s’éloigner et, poussé par la curiosité, les suivit en restant sur les hauteurs des falaises.
Il s’arrêta quand il aperçut plus loin un village et entreprit de descendre vers le bas du défilé rocheux. Le chevalier fit disparaitre sa lance et ses habits bleutés, ne gardant que son haut sombre et son pantalon brun avec un peu de bleu. Son manteau réapparut sur ses épaules et il en tira la capuche sur son visage pour dissimuler sa chevelure bleutée. Ensuite il avança silencieusement vers la ville des orcs, toujours par pure et simple curiosité, essayant cependant de ne pas se faire repérer.

-Hé toi là !

« Et mince ! »

Il se retourna vers la voix et regarda l’orc qui venait de l’interpeller. Le voyant approcher pour l’attraper le loup tenta de prendre la fuite. D’autres créatures approchèrent pour lui bloquer la route et il fut contraint d’essayer de feinter pour leur échapper, il prit appui sur un rocher pour passer au-dessus de ceux qui le bloquaient, mais l’un d’eux, apparemment plus intelligent que les autres, lui attrapa la cheville. Le lycan finit donc par s’étaler de tout son long avant d’être empoigné et de se retrouver avec les mains liées dans le dos.

« Bon ben… si j’essaye de fuir je finis dans un joyeux état, certes pas mort, mais tout de même… autant se laisser faire. »

L'un des gardes partit prévenir le chef de la ville qu’ils avaient attrapé une personne rodant dans les environs. Les orcs poussèrent le chevalier sans ménagement vers le centre de leur ville, l’ancien chevalier se retrouva donc face avec le chaman et l’autre homme, oui vraiment il avait eu raison de le comparer à un ours. Les gardes, voyant qu'Ilidwën restait fièrement debout, sans mépris, mais fier tout de même, lui envoya un coup dans les côtes et tentèrent de le faire ployer pour qu’il s’incline devant leur chef.
Le loup encaissa le coup dans les côtes, sans se courber, puis lutta contre la force des créatures qui l’empoignèrent pour lui faire courber l’échine, mais il résista de toutes ses forces, il ne s’inclinerait que devant son seigneur. Face à tant de résistance l’un des orcs perdit patience et empoigna un marteau de guerre.

-Inclines-toi sinon…
-Je ne m’inclinerai devant personne ! Une seule personne m’a fait ployer de par sa valeur et sa pureté de cœur ! Alors jamais je ne m’inclinerais devant quelqu’un d’autre ! s'exclama-t-il.

Le colosse vert leva son marteau, prêt à l’abattre sur le lycan qui réfléchit à toute vitesse, bien sûr il aurait pu s’échapper de plusieurs façons, mais ne voulait pas dévoiler de quoi il était capable. Il devait trouver une solution pour se sortir de là avant qu’il ne soit trop tard. Les autres orcs l’empêchaient de bouger correctement, sinon riposter aurait été un jeu d’enfant, même les poings liés.

Le chaman s'approcha calmement des deux invités. Il portait une grande cape blanche en tissu, ornementé de plusieurs reliques en lien avec sa magie ancestrale. La capuche était rabattue jusqu'à ses yeux d'un rouge flamboyant, ne laissant que ressortir sa bouche aux crocs cassés pour la plupart, ainsi qu'une gigantesque barbe blanche. Le chaman était visiblement très vieux, mais cela ne l'empêchait pour rien au monde d'exercer sa magie et d'être encore très habile. Il était respecté de tout son village : C'est probablement lui qui a motivé ses orcs à se réfugier dans ces montagnes pour survivre.

Le barbare et le chevalier suivirent le vieil orc qui marchait sans aucune hâte vers sa tente. Elle était gigantesque, et l'intérieur offrait les plus grands luxes, trésors et reliques de tout le camp. Tout était rangé et protégé dans cette tente, comme si les esprits élémentaires auxquels croyaient le chaman étaient assez puissant pour empêcher quiconque de voler tous ces objets. Il fallut s'asseoir en cercle, sur un tapis rond en peau de sanglier. Rägmor et Ilidwën firent donc face au vieux chaman. Ce dernier retira sa capuche, dévoilant alors son visage usé par les âges, et sa longue chevelure aussi blanche et frisée que l'était sa barbe. Ses pupilles flamboyantes étaient magnétiques, et fixaient avec intérêt l'homme en pagne. Lui et le chaman savaient tous deux pourquoi il était ici, mais ce fut l'orc qui s'exprima en premier.


Rägmor releva sa tête, pris un air sérieux et s'exprima avec toute son ardeur naturelle.

Le vieil orc ne rétorqua pas. Il lui adressa un simple sourire : Tout semblait être déjà clair pour lui. Il était sage et très intelligent. De ce fait, il savait quand il fallait parler, et quand il était inutile de placer des mots. Il récupéra quelques récipients alentours, des morceaux de matériaux divers et variés, et les plaça devant lui. Il fit brûler une sorte de boule en paille, qui dégageait une odeur agréable et dont la fumée vint remplir la pièce entière en très peu de temps.

Sa magie pouvait commencer. Il prononça quelques paroles ancestrales, déversa et mélangea divers ingrédients contenus dans ses récipients, et continuait d'une autre main à balancer sa boule fumante. Le résultat des mélanges fut une poudre orangée. Il en prit une poignée, secoua sa main, et élança le contenu dans les yeux des deux guerriers. Instantanément, ils furent tous deux projetés dans le futur lointain qu'allait arpenter Rägmor.

Les visions étaient brèves, mais bien claires.
Il y avait plusieurs futurs probables selon les choix que seul Rägmor prendrait. Une des visions montrait un vieil homme, d'une puissance inflexible malgré l'âge, qui siégeait sur un trône. Les architectures du trône et de la salle où ce dernier était posé semblaient être les mêmes que celles qu'il avait vu dans les territoires des Montagnes. Rägmor semblait être le dirigeant du peuple montagnard.
Une autre vision, d'un guerrier armuré de la tête aux pieds, de plaques noires et ornementées de dessins et bijoux morbides tels que des têtes de morts. Une puissante épée à l'aura verdâtre servait d'accoudoir pour le chevalier noir qui siégeait également sur un trône, mais celui-ci semblait être disposé cette fois-ci au sein des salles de l'Aile Ténébreuse.
Enfin, une dernière vision, celle d'un géant de quelques mètres de haut, encore plus que l'était Rägmor actuellement. Il avait une barbe et des cheveux blancs, mais ne présentait aucun signe de vieillesse. Et pourtant, le visage de ce colosse était bien caractéristique de celui du barbare. Il semblait diriger une armée d'hommes aussi grands et impressionnants que lui, et marchait dans des territoires froids en direction de villes à assiéger.

Quand les visions furent terminées, le barbare fixa le sol, semblant impassible et inerte : Il n'en revenait pas de ce qu'il avait vu. Chaque avenir qui l'attendait serait déterminant dans ce monde, et pourtant, chacun d'entre eux était si différent selon les choix qu'il allait prendre ! Il ne se doutait pas que ses décisions pouvaient amener à des futurs si opposés. Il ne s'imaginait pas une seconde qu'il pourrait finir en tant que chevalier noir au sein de l'Aile Ténébreuse, et pourtant.. Les esprits ne se trompent jamais : Tout dépendait des choix du barbare.

A vrai dire Rägmor ne prêta pas vraiment attention à ce qui se passa par la suite. Assez bouleversé par toutes ces découvertes, il sortit aussi rapidement que discrètement de la tente, afin d'aller trouver du réconfort au bord falaise, et noyer ses pensées dans le vide alentour. Il n'était pas mécontent, non, loin de là. Il était même satisfait d'avoir un avenir en tant qu'envahisseur, ou bien même en tant que dirigeant. Il savait qu'il était né pour accomplir de grandes choses. Il savait qu'il avait le caractère d'un meneur, d'un chef de groupe, d'un parfait dirigeant. Il était persuadé que son avenir serait brillant, mais ce ne fut pas ceci qui le tourmentait.

Parmi trois visions, il y en avait une qu'il n'aurait jamais pensé voir un jour. Lui qui méprisait L'Aile Ténébreuse et ses partisans, lui qui haïssait ses envahisseurs et qui espérait mettre un terme à leurs massacres, il n'aurait jamais espéré faire partie de leurs armées un jour. Il était terrifié de ce qu'il pouvait lui arriver pour que son moral, son honneur, sa détermination, et sa vaillance inflexibles puissent flancher pour laisser place à des immoralités qui le conduiraient à rejoindre Aile Ténébreuse. Ne serait-il plus le même homme pour se ranger aux côtés de l'ennemi?

Le chaman s'avança doucement depuis le camp orc. Il savait où se trouvait le barbare, et il savait déjà sur quoi ce dernier réfléchissait. Les esprits lui indiquaient ce que les mortels ne pouvaient pas savoir. Mais les esprits ne doivent pas heurter autrui. C'est pourquoi l'orc, messager des éléments, s'est déplacé dans l'intérêt de rassurer le barbare.
Il s'assit calmement à ses côtés, soupira, et lui tint ces quelques paroles.

Rägmor fixait le vide tout en fronçant les sourcils. Il ne lui fallut pas longtemps pour analyser la question et y répondre correctement. Après mûre réflexion, il releva la tête vers l'orc et rétorqua :


L'orc sourit. A ce moment là, le barbare se rendit compte du lien qu'il y avait entre cette question et les visions qu'il avait vu. Le chaman avait bien compris que le barbare venait de saisir, c'est pourquoi il se hâta de lui détailler les choses, afin que Rägmor comprenne là où le vieil orc souhaitait en venir.


Les sages paroles du Chaman permirent à Rägmor de mieux comprendre la situation. Son futur dépendrait de ses choix. S'il prenait un choix plutôt qu'un autre, alors il s'engagerait sur une voie spécifique. Mais alors qu'il se posait des questions, une en particulier vint lui traverser l'esprit, et il se hâta de la poser à l'orc. Ce dernier avait déjà prévu à l'avance ce que le barbare allait lui poser, et il attendait qu'il lui fasse part de son questionnement, le sourire aux lèvres.

Le chaman farfouilla dans une de ses nombreuses sacoches en peau, et y ressortit le reste de la poudre qu'il avait utilisé précédemment pour permettre à Rägmor de voir son futur. Il réitéra la même opération et lui envoya le contenu dans les yeux en prononçant quelques paroles ancestrales.

Le barbare atterrit sur un champ de bataille au centre une plaine immense. Il était équipé d'une armure aussi magnifique qu'imposante, ainsi que d'une lame à la puissance et aux pouvoirs phénoménaux. Derrière lui, les peuples réunis de chaque territoire existant, formant une armée impressionnante. Devant lui, l'armée de l'Aile Ténébreuse qui s'opposait à la sienne. C'était un combat acharné, une lutte contre la liberté des peuples. Tous les soldats acclamaient le nom de Crocs-d'acier. Ils le considéraient comme leur libérateur, comme celui qui les avait guidé et motivé pour s'opposer à leur envahisseur. Le barbare à l'armure magnifique s'opposait à Aile Ténébreuse en personne, dans un combat acharné, au milieu d'un milliers d'autres hommes qui œuvraient pour les mêmes ambitions.

La vision s'estompa net sur cette dernière image. Nul ne savait, ni le chaman, ni Rägmor, ni les esprits, ce qui allait se passer par la suite. Le vieil orc adressa un dernier sourire à Rägmor. Ce dernier restait ébahit, fixant le vide absolu tandis que cette dernière vision persistait dans son esprit. Le Chaman venait de répondre à sa question et ne pouvait plus rien pour lui. Désormais, Rägmor devrait choisir son propre destin, et œuvrer pour sauver ou non ce monde de leur principal ennemi. Quoi qu'il advienne de lui, il était important que les peuples sachent que quelqu'un avait réussi à les soulever contre Aile Ténébreuse, et que dans le cœur de chaque homme la vengeance et le besoin de liberté flamboyait, et ce pour toujours.

Il n'y avait nul destin. Seulement des choix. Rägmor resta quelques instants au bord du vide, le temps de reprendre correctement de ces émotions. Il devrait certainement partir sous peu. Il ne pourrait pas rester dans ce campement en sachant tout le chemin qu'il aurait à faire pour parvenir à ses fins.

L’homme s’approcha de lui et commença à lui dire qu’il avait une destinée, fut un temps Ilidwën aurait ri de Rägmor, mais pas depuis qu’il avait vu à l’œuvre le roi à la sainte lame il croyait au destin. Lui-même n’avait-il pas été maudit alors qu’il s’était moqué d’une telle chose. Le chevalier se tourna, tirant sa lance du sol et la faisant disparaitre, mais gardant son armure, son regard était clair et décidé, il savait à présent qu’il pourrait retrouver ses amis, il y avait une chance.
« L’ours » voulait donc ainsi entendre l’histoire du lycan. Hum par où commencer, ce serait long de tout raconter, l’essentiel suffirait. Il esquissa un sourire empreint d’une légère nostalgie en songeant à tous ses moments de joie avec les autres chevaliers… sa famille.

-Vous conter toute mon histoire serait très long… je vais donc uniquement évoquer l’essentiel.

Il s’interrompit un moment et regarda dans la direction où le chaman était parti. Autant commencer par son vrai nom, son surnom et ce « détail » qui faisait que le chevalier était aujourd’hui un esprit et non plus vraiment vivant.

-Je me nomme Ilidwën Minami, j’étais connu il y a très longtemps comme étant le foudre de guerre, le chevalier loup… Je ne suis plus vraiment de ce monde comme l’a dit le chaman. J’ai vécu pour tout vous dire il y a 2000 ans.

Il observa un temps d’arrêt, pour laisser à son interlocuteur l’occasion de digérer l’information, puis poursuivit, lui racontant qu’il était un lycan, qu’il avait été chef de meute avant que celle-ci ne périsse et que lui ne soit obligé de se mettre au service d’Arthurios à cause d’une malédiction. Cependant il n’évoqua pas les raisons pour lesquelles il avait été maudit, ni son apprentissage des runes, ni quel caractère exécrable il avait pu avoir lorsqu’il n’était pas encore chevalier. Par moments il marquait de brèves poses pour laisser le temps à son interlocuteur d’intégrer les informations.

Il parla ensuite succinctement de l’enseignement qu’il avait reçu pour devenir l’un des chevaliers du roi Arthurios, puis brièvement de ses amis. Il s’interrompit lorsque vint le moment de raconter pourquoi il n’était aujourd’hui plus vraiment vivant et ferma les yeux, il revoyait clairement ses images, lui demandant à sa compagne de partir le plus loin possible, son roi se faisant mortellement blesser et ses amis mourant les uns après les autres. Il rouvrit les yeux et serra le poing, faisant grincer le cuir de son gant.

-Il y a eu l’attaque d’un démon… tous sont mort les uns après les autres, moi compris. Ensuite j’ai passé les 2000 ans à me battre dans les limbes pour ma vie, enfin pour la survie de mon âme. Deux millénaires à affronter des fantômes, je ne souhaite à personne de se retrouver là-bas. Puis une voix m’a appelé dans les ténèbres, une magicienne a rappelé mon âme du monde des esprits et je suis à présent ici, sous cette apparence, plus vraiment vivant au sens propre du terme.

Il s’arrêta à nouveau et se tourna vers Rägmor et lâcha un sourire, malgré le fait que ce qu’il venait de raconter aurait rendu bien des gens tristes. Mais pour l’heure il avait de l’espoir, celui de retrouver sa « famille », si le chaman l’avait orienté sur cette piste, même peu probable, il y avait une chance pour que le sage en sache plus que ce qu’il disait et qu’il veuille faire réfléchir le lycan sur pas mal de choses. Ou peut-être qu’il voulait que le loup réactive sa perspicacité et ses capacités d’analyses qui n’avaient pas fonctionné depuis qu’il s’était retrouvé dans les limbes. En tout cas il n’était pas triste, nostalgique, mais pas triste.

-Je les retrouverais, je suis certain qu’ils sont revenu eux aussi.

La nuit fut calme, bercée par les chants des insectes, ni trop fraîche ni trop chaude, et aucune goutte vint réveiller les deux guerriers dans leur sommeil. Ils se réveillèrent d'eux-même, avec comme première vision le magnifique soleil qui était déjà haut dans le ciel, et qui éclairait la forêt de toute sa splendeur. Quelques restes de viande en guise de petit déjeuner, et ils repartirent prendre la route en toute placidité.

Rägmor avait encore fait le même rêve : Mjörn, toujours dans cette même salle, qui lui racontait à chaque fois une nouvelle histoire. Cette fois-ci, il lui conseillait de ne suivre en rien les conseils du Chaman, et de s'écouter lui et lui seul. Il devait suivre la voie qui lui était déterminée, sollicité par les paroles de son Dieu, Mjörn, qui lui indiquerait tout le chemin qu'il aurait à suivre. Une fois que Rägmor réveillera le pouvoir caché en lui, aux terres du Feu, il espérerait suivre de nouvelles ambitions que son Dieu lui indiqueraient. Peut-être que la destruction des armées de l'Aile Ténébreuse ne serait pas la voie qu'il devrait suivre. Peu importe, il faisait confiance à Mjörn.

Il semblait que le chevalier à ses côtés lui aussi réfléchisse à son avenir. Tous deux encore sous le choc de ces récentes visions aux côtés du Chaman, ils semblaient appréhender et s'imaginer à l'avance ce qui allait les attendre dans un avenir plus ou moins proche. Rägmor songea encore quelques instants que le destin du Chevalier était tout aussi important que le sien, et qu'il ne fallait pas laisser l'égoïsme prendre part. Il avait compris qu'il n'était pas le seul à qui des malheurs pouvaient arriver, et qu'il trouverait toujours des personnes à avoir subi une tragédie encore plus importante que la sienne.

Alors ils réfléchissaient, encore et toujours, cheminants entre la faune et la flore. Ils devraient bientôt se quitter : Ils avaient fait une longue route, déjà.

[Je te laisse finir ce RP ]