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 Détruire amour et haine

 
Détruire amour et haine Sand-g10Sam 9 Mai - 14:20
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"Raconte le jour où Scedre découvrit l'arrivée des démons sur Terra. A-t-il tenté de communiquer avec l'un d'entre eux ? Ou bien les a-t-il seulement observé conquérir pays après pays sans jamais essayer de leur parler ?"



Ma place est en terre.
Je n'étais pas là lorsque Aile Ténébreuse prit possession du Ciel, ni lorsque sa main fut mise sur le Feu et l'Eau. Plus tard, à travers des mots, des rumeurs, je sus ce que je n'avais vu.
Les gens, en Terre, étaient terrifiés.
Les voix parlaient, contaient, sur ce qu'elles ne savaient. Les batailles perdues, la force des armées de Zelphos. La confusion régnait, et moi, au sein de cela, je n'y prêtait guerre d'attention.
Je me contentais de faire ce que j'avais à faire. Regarder les gens, les comprendre.
L'histoire et les batailles ne me concernaient pas. Seul l'être existait, pour moi. Les faits sur lesquels je devais me baser étaient les vies des hommes qui m'entouraient. Et ils semblaient si reculés, dans les campagnes des terres mystiques, que les rumeurs auraient pu rester mythes, à jamais.

Du moins, c'est ce que j'ai pensé.

Ce mois là, une demi-douzaine d'années avant aujourd'hui, j'observais une famille paysanne, au milieu de rien. Maison perdue dans la brume et les blés.
Un père, nommé Dorgan, qui souriait beaucoup mais parlait peu. S'il avait été penseur, je l'aurais dit for optimiste, dans une philosophie sage de recherche du bonheur simple. Mais là où cet homme était encore plus intéressant qu'un philosophe, c'était que cette façon de penser lui venait naturellement, sans avoir besoin d'une quelconque éducation.
Une mère, Ophina, passant tout son temps à apprendre les bonnes manières à ses enfants, grondant souvent, mais sans mauvaises pensées.
Les enfants en question, il y en avait quatre.
Banel, le plus vieux, avait atteint l'âge adulte. Il aidait son père aux bêtes et au champ.
Pernol, le deuxième, encore un garçon, était dans l'adolescence, et jalousait beaucoup son frère aîné. J'y voyais un comportement assez enfantin, et cela me faisait sourire.
Celle qui m'intéressait le plus, parce que son visage me faisait penser à celui de Messine, était une enfant d'une douzaine d'année, Lili. Elle était heureuse, et parlait beaucoup. Je ne m'étais pas encore présenté à elle, mais je pensais le faire bientôt, pour lui poser des questions.
Enfin, le dernier, Dorgano, son père ayant choisi de lui donner un nom semblable au sien, venait de naître. La famille s'inquiétait pour lui, espérant qu'il allait passer l'hiver sans encombre.

En journée, Lili passait du temps à regarder son frère traire les trois vaches.

"Je pourrais essayer un jour ?"

"Pas maintenant."

Puis, généralement, elle allait s'amuser dans le champ. Se cachant. Alors que personne ne la cherchait, en réalité. Sa cachette préférée, c'était le fond de la grange, derrière les tas de foin.
Elle en aimait l'odeur.

Parfois, elle parlait à un ami imaginaire. Et moi, surement plus que lui, je l'écoutais.

"Être une fille c'est nul, moi j'aurais préféré être un garçon. Les garçons ils peuvent faire ce qu'ils veulent, parce qu'on dit qu'ils sont plus forts. Ils ont de la chance."

Elle était assise sur la paille, et moi j'étais debout, non loin de là, contre un poteau.

"Une fille c'est faible, selon eux. Mais moi je suis pas d'accord. Je suis aussi forte que mes frères, voire plus. Les filles c'est fort aussi. Mais ils veulent pas m'écouter."

A mon sens, de la relation que j'avais avec Messine, les femmes étaient clairement plus fortes que les hommes. Mentalement, du moins. Pour ce qui est de la force physique, je ne saurais réellement dire.

L'après midi, elle passait souvent du temps à s'amuser. Elle s'entraînait avec un arc, en tirant des flèches dans des cibles de bois, assez rudimentaires. Comme si elle avait voulu montrer sa force à sa famille via la justesse de ses tirs.

Le soir, elle priait.

Pour l'entendre, j'approchai mon oreille juste à côté de sa bouche. Les chuchotements me venaient alors.

"Ô Yehadiel, faites que les récoltes soient bonnes, faites que les bêtes enfantent, et que mon petit frère puisse vivre. Je voudrais qu'on me considère comme je le mérite, je voudrais qu'on me laisse faire le travail des hommes, Yehadiel, et qu'on ne me force pas à me marier pour survivre. J'aime ma famille, Yehadiel, protégez la, je vous en conjure."

Je respectais beaucoup la religion, en cela qu'elle arrivait à faire parler comme une adulte une petite fille. Comme si elle lui donnait la force de la maturité, à travers le manque de raison d'une telle foi. La croyance serait donc une forme de sagesse qui s'opposerait à la raison ?
Ce Yehadiel me plaisait, j'avais envie d'y croire moi aussi, et de prier avec elle.

En revanche, s'il existait, son humour devait être bien cynique, pour protéger cette famille de cette manière.

Un midi, alors qu'ils se rassemblaient, tous, pour le déjeuner, des cris guerriers furent entendus, au loin. Les membres de la famille se levèrent, à la fois déboussolés, ne sachant quoi faire, et terrifiés.

"Vous croyez qu'ils nous veulent du mal ?" demanda la mère.

"Pourquoi s'en prendre à une famille de paysans ? Non. Ça n'aurait pas de sens." rassura le père.

Et la porte fut enfoncée. Un large démon entra dans la pièce, souriant, les yeux injectés de haine. Des épaisses cornes lui sortaient du front, il portait une hache tâchée de sang dans sa main droite.
C'était la première fois que j'avais l'occasion d'en voir un.

Le père, en héros, vint immédiatement face à la créature, pour l’empêcher d'avancer. La lame de la hache s'enfonça depuis son cuir chevelu jusqu'à ses dents, et le philosophe naturel ne s'interposa plus. Tombant au sol dans les cris des autres.

La mère, Ophina, tenta de fuir dans une pièce voisine. Elle fut attrapée par le bras, et son cou fut sectionné, imbibant le parquet de sang.
Pernol l'adolescent avait pris un couteau de cuisine et menaçait le démon, alors que le grand frère restait, comme moi, totalement inactif, pétrifié dans l’enchaînement des événements.

La pointe de sa minuscule arme menaçait le géant adversaire, qui avançait vers lui en souriant, la hache sur l'épaule.
Je vis le couteau trembler, alors que le pantalon de l'adolescent noircissait d'une tâche dans l'entre jambe.

Rapidement, la main du jeune homme fut recouverte par la poigne du démon, qui l'obligea à laisser tomber son arme à terre, avant de le frapper de sa hache. Frapper encore. Frapper, frapper. Six, sept, huit fois, alors que le monstre hurlait :

"Tu croyais me faire peur ? Insecte ! Vois tes tripes arrachées ! Vois ton cadavre démembré ! Vois ta famille pleurer ! Pathétique risible cafard."

Devant l'horreur de la scène, le grand frère revint à lui, ne pouvant laisser l'honneur de sa famille être ainsi bafoué. Sa main attrapa une fourche, avec laquelle il attaqua férocement le démon.
Malheureusement l'arme ne fit que rayer l'armure de la bête, qui se retourna, lentement, avant de casser la fourche en deux, et de décapiter le pauvre Banel.

J'avais perdu Lili de vue.

Et je fus aussi stupéfait que le démon, en voyant une flèche voler vers ce dernier, et lui percer l'épaule. Je me tournai vivement, et je voyais la petite fille, les larmes aux yeux, tenant son arc trop grand pour elle entre ses mains, et essayant d'encocher une deuxième flèche, sans y parvenir, car elle tremblait trop.

Le démon, le visage couvert de haine marcha vers elle. Lili cria, laissa tomber la flèche -mais pas l'arc ni le carquois- et s'enfuit vers la grange.

Je la suivis, ainsi que le monstre.

Dans sa cachette de toujours, derrière le foin, elle se couvrait les oreilles, et reniflait.

"Tu croyais, vraiment, pouvoir te dresser face à nous, humaine ?" demanda le démon, en entrant dans la grange, marchant avec lenteur. Sa voix devint plus forte.

"Tu croyais pouvoir te dresser devant Aile Ténébreuse ?" poursuivait-il.

Je pouvais voir une détermination intense dans le fond de ses pupilles noires, comme si sa croyance dépassait n'importe quel doute.

"Je suis au dessus de vous, bien au dessus. Je suis né en Zelphos, au plateau d'Alrinach, sais-tu seulement ce que cela représente, à côté de ton pays ridicule ? Zelphos vous mangera." criait-il.

Il déglutit, puis pointa son arme vers la petite fille.

"Tu es déjà une esclave, et Aile Ténébreuse est déjà ton Roi. Tu feras ce qu'il voudra de toi, comme ce qu'un insecte doit faire. S'il veut te voir danser, tu danseras, s'il veut ton corps, tu lui donneras, et s'il veut ta mort alors tu périras. Jamais les faibles n'auront leur mot à dire. Tu m'entends ?" hurlait-il, de plus en plus fort.

Je choisis d'intervenir, sans aucune réflexion. C'était presque un automatisme.

Me matérialisant à côté de lui, soudainement, je levai les bras, essayant de prendre le plus de place que je le pouvais, en hurlant de toutes mes forces. Il fut tellement surpris qu'il détourna son attention de la jeune femme, quelques instants.

Celle-ci, se réveillant, parvint à tirer une première flèche, atteignant le démon à la tête.
Le haut monstre s'écroula, avant que l'enfant ne tire un deuxième trait, qui lui perça l’œil. Il ne bougeait plus.

Puis, son regard paniqué, Lili banda son arc une troisième fois, le dirigeant vers moi.

Je restais passif. Donnant sans doute un air lointain, non concerné. Me contentant de sourire avec le plus de gentillesse que je le pouvais, je suggérai à l'enfant :

"Cours, Lili. Fuis. Loin. Et cache toi bien."

Elle était sidérée, sans doute débordante de questions, comme moi. Mais elle hocha la tête et s'enfuit de la grange.
Je la suivis, à pas lents.

Mon regard sur elle, j'avais l'impression de voir le dos de Messine.
La famille tuée. Un enfant nouveau né qui n'avait environ dix ans de moins qu'elle et qui était le dernier survivant ? Elle allait s'enfuir et essayer d'éduquer le garçon à sa manière, en se méfiant de tout le monde, toujours, à cause de son traumatisme ?
Tout ce scénario, alors que je la voyais, de dos, me semblait parfaitement logique.

A cet instant, cela me semblait coller à ma propre histoire. Cela répondait presque à toutes mes questions.

Et, alors qu'elle dépassait le bâtiment de bois, un bras surgit de derrière un mur, balançant une masse contre la tête de l'enfant.
Le crâne de Lili éclata dans un bruit mat, répandant sang, cervelle et os au sol.

Un rire, celui d'un démon, se fit entendre.

"La vache ! Ma masse elle marche bien ! La gosse elle a crevé en un coup." s'exclamait-il, manifestement très heureux.

Le cadavre de Lili était à ses pieds, il le piétina, et, m’apercevant -puisque j'étais toujours matériel- il dit :

"Ah ! En voilà un autre ! Alors mon mignon, on croyait pouvoir se balader dans le champ tranquille ? C'est ta fille ça ? Si oui, désolé elle va plus être fonctionnelle pour le moment. Peut-être que si tu recolles quelques morceaux..."

"Pourquoi l'avoir tuée ?" demandai-je.

"Bah, pour tester ma nouvelle masse." affirma-t-il, comme s'il s'agissait d'une évidence, en me montrant l'arme.

"Et alors ?"

"Alors quoi ?"

"Elle marche bien ?"

"Bah oui regarde ! La gosse elle a plus qu'un trou à la place de la tête ! Y'a pu rien, ça s'est éparpillé comme un œuf de poule qu'on jette contre un mur !" disait-il, extrêmement fier.

"Ah. Parce que d'habitude ça fait pas ça ?"

"De quoi ?"

"D'habitude les masses ça n'éparpille pas les têtes comme des œufs de poules qu'on jette contre un mur ?" demandais-je.

"Arrête de te foutre de moi, pauvre merde, je vais t'éclater." se mettait-il à crier.

En réalité je ne me moquais pas de lui. Je voulais juste le comprendre.

Il tenta de me frapper, et il passa, dans son élan, avec sa masse, à travers mon corps. Je soupirai, et me dissipai.

C'était là ma première discussion avec un démon.

J'en eus quelques autres, par la suite. Généralement, je n'arrivais pas à les comprendre.
Les démons venus depuis Zelphos sur notre monde avaient généralement des humeurs guerrières. Je ne pouvais en dire autant de tous les démons, ne le sachant vraiment.
Ainsi, ne comprenant pas la raison des combats, je me contentais de les écouter, sans jamais profondément saisir la subtilité de leur raisonnement. Il leur arrivait souvent, comme ce jour là, de détruire amour et haine sans, à mon sens, de vraie raison. Les démons n'étant pas les seuls à se comporter ainsi, je ne les considérais pas forcément comme les pires êtres qui puissent exister. J'avais, simplement, énormément de doute quant à leur aide, en ce qui me concerne.

Mais je ne désespère pas. Après tout, peut-être qu'un jour, ça sera un démon qui pourra me donner la croyance dont j'ai besoin.

Scedre Maun

Scedre Maun



Partie IRL
Crédit avatar : Virginie Carquin
Double compte : Aucun
Vitesse de réponse : Instable


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