-Gruuuu… !

-Ta gueule !

La flèche elfique ne siffla qu’une seule seconde avant de se planter dans l’œil du zombie avec un horrible bruit de succion. La créature venait de surgir d’un buisson, croyant sans doute surprendre ses proies. Quel dommage qu’elle ne soit qu’un résidu d’homme décérébré ! Elle ne montra aucun déconvenue lorsqu’elle tomba sur la troupe d’archer monté de trente cavaliers. La plupart était des elfes mais on comptait également quelques humains dans leur rang. Cette petite unité était suivie d’un train de mulets qui transportait de grande quantité de flèches de mauvaise facture. Réalisées par des soldats oisifs, elles étaient mal équilibrées et avaient un tranchant très approximatif, mais cela faisait largement l’affaire contre des corps en décomposition, et puis, il y en avait pléthore.

Elwing rangea son arc composite dans son carquois et se pencha avec agilité sur le flanc de sa monture blanche pour attraper la précieuse flèche maculée de sang infecté. Tout en l’essuyant à la va-vite puis en la remettant avec les autres, Elwing se redressa, apercevant les deux éclaireurs qu’elle avait envoyé plus loin sur la route revenir au petit galop. L’elfe attrapa la crinière de la fabuleuse monture dépourvue de sellerie et la fit sortir du rang pour accueillir le rapport des patrouilleurs. Elle fit également un signe à Trataïr de la rejoindre. Cet humain avec qui elle avait déjà combattu était un précieux atout dont on reconnaissait volontiers la valeur. Un bon archer ne serait pas de trop ici, surtout pour la stratégie qu’Elwing allait mettre en place.

-Le village sera en vue juste après cette colline, indiqua le chef des éclaireurs. On sent d’ici l’odeur des masses grouillantes de mort-vivants.

Elwing acquiesça d’un air absent. L’odeur de musc crasseux des soldats avait tendance à se fondre avec les humeurs fétides des zombies, donc elle ne pouvait que le croire sur parole. D’un geste, elle fit disposer les éclaireurs qui vinrent grossir les rangs de la troupe. Il était maintenant temps de mettre le jeune Trataïr au courant de son plan.

-Êtes-vous familier des techniques de combat elfique, capitaine Erubon ? Posa-t-elle en guise de rhétorique. Nous avons peu d’hommes et je ne veux aucune perte dans nos rangs. Nous allons tirer partie de notre stock quasi illimité de flèches et de la stupidité de nos ennemis. Cela consiste à harceler les morts afin de les attirer vers nous et nous nous replierons dés qu’ils s’approcheront pour recommencer jusqu’à ce que leurs rangs soient suffisamment clairsemés pour lancer une charge et massacrer sans risque ceux que nous aurons attirés. Nous réitèrerons l’opération autant de fois que nécessaire.

Dans l’idéal, cette stratégie était opérée avec une cavalerie lourde pour la fameuse charge qui avait pour but de porter l’estocade finale, mais contre des ennemis décérébrés incapables de se mettre en formation ou de se regrouper, ce ne serait même pas nécessaire. L’unique challenge était de protéger le stock de munition contre des attaques à revers de la part d’hypothétiques hordes en vadrouille. Ce ne devrait pas être bien difficile.

En effet, dés que la petite colline fut franchie, le village se découpa dans le paysage. Tout autour, les vastes étendues de champs labourés offraient un contexte parfait pour la stratégie d’Elwing ; un terrain plat, sans obstacle. Sur ordre de la reine, l’unité d’archers montés se déploya sur une seule rangée et vint se positionner devant le village où, déjà, quelques zombies, flairant la chair fraiche se mit en tête de venir à leur rencontre. Pourtant, ils ne semblaient pas assez nombreux pour l’elfe.

-Souffle dans ton biniou toi, ordonna-t-elle au cavalier à sa droite.

L’homme mit quelques secondes à comprendre ce dont elle lui parlait, puis sortit son cor pour lancer dans les airs une longue note grave et puissante. Le son attira alors les morts qui flânaient dans le village, formant une horde des plus satisfaisantes.

-Et c’est partie, lança Elwing en constatant l’armée des morts qui progressait vers eux.

Les flèches se mirent à pleuvoir assurant un tir soutenu sur la horde. Peu de flèches atteignaient les têtes mais ça n’avait pas d’importance car les archers avaient tous leur temps. Au pire, cela ralentissait la horde. Lorsque les premiers zombies furent sur le point d’engager un corps-à-corps, les cavaliers firent volteface et se lancèrent au galop pour remettre de la distance avec leur adversaire. Ils s’arrêtèrent ensuite une fois l’écart creusé, faisant pivoter leur buste à cent quatre-vingt degrés pour reprendre la pluie d’acier mortelle. Déjà, ceux qui avaient la détente facile partaient au triple galop pour se réapprovisionner en flèches et revenaient aussitôt pour assurer la continuité du tir.

-Facile, pas vrai ? Décocha Elwing à Trataïr alors qu’elle lançait son destrier vers les mules pour se réapprovisionner à son tour.

Cela faisait quelques jours que la capitaine elfe et ses hommes, Trataïr y comprit donc, étaient revenus de la dangereuse escapade en plein cœur du territoire maudit. Ils étaient de retour au camp, triomphants, la tête haute, avec en main des échantillons suffisamment intéressants pour que le grand alchimiste impérial en soit satisfait. Le général Anima voulu les conduire lui-même jusqu'à la capitale et au laboratoire du scientifique. Entre temps, Trataïr fut nommé capitaine pour sa bravoure et son efficacité au combat. Il était fier de cette distinction et il remercia longuement son ancienne supérieure à la crinière dorée qui, selon lui, était celle qui était responsable d'un tel succès. Elle avait crue en lui, en ses capacités, et cela n'avait pas de prix pour le jeune homme. Même si il était heureux, il restait humble. Ce nouveau poste impliquait des responsabilités grandissantes et il appréhendait ses nouvelles fonctions avec une certaine nervosité. Les seuls hommes qu'il n'avait jamais commandé était les chasseurs de son village natal. Comment allait-il bien pouvoir diriger des troupes bien plus nombreuses et plus téméraires ?...

Malheureusement pour l'archer, le repos fut de courte durée. A peine avait-il eu le temps de recommencer à dormir plus de quatre heures par nuit que, déjà, on l'appelait pour un nouvel emploi. Un long soupir s'échappa de ses lèvres alors qu'il suivit le messager hors de sa tente pour s'entretenir avec le nouveau commandant au sujet de ce nouveau périple rempli de périls. Cependant, la résignation laissa place à la joie quant il apprit que le nouveau chef en question était le célèbre Victo Féral, la légende de Sen'Tsura ! Il se rappela instantanément cette journée enneigée où il lui promit qu'il deviendrait plus fort la prochaine fois que leurs regards se croiseraient. Même si l'objectif n'était toujours pas rempli à son goût, il se réjouissait quand même de revoir un homme qu'il considérait comme son ami. Même si c'était une vision bien naïve de la chose.

Il attacha rapidement ses longs cheveux corbeau dans un élégant catogan avant d'emboîter le pas du messager et de pénétrer dans la tente des officiers. C'était toujours la même table, avec les même conseillers, mais l'homme qui se tenait à la place du général Anima était plus juvénile, avait la mine réjouie en prévision des combats et son allure exprimait bien la hardiesse qui l'habitait.

Je vous épargne le bref entretien qui suivit. Les personnes ici présentes étaient avant tout là en qualité de militaires, donc pas question ici de retrouvailles. Ils le feraient plus tard si le temps le permettait. Mais pour le moment, Trataïr avait eu ses ordres. Il allait devoir accompagner le capitaine Elwing encore une fois. Il était satisfait. L'objectif de la mission en lui même était... moins délassant... Ils devaient aller purifier intégralement un village au nord-ouest du fort. Ça n'allait pas être simple et il perdrait peut-être la vie. Cependant, son cœur n'y pensait pas, il ne voulait pas. Il fallait qu'il accomplisse son devoir quitte à se sacrifier pour. Il agissait en connaissance de cause.

Tout en saluant respectueusement ses supérieurs, il sortit en hâte de la tente et retourna dans la sienne pour y préparer ses affaires. Il enfila, à l'aide d'un jeune écuyer, une sombre armure en cuir bouilli, laissa tomber une cape d'ébène décoré du blason de l'Empire sur son dos et banda son arc par dessus. Il était prêt à partir. Il suivit donc, sur le dos d'un étalon au pelage brun comme les feuilles d'automnes, le groupe de trente cavaliers qui partaient en direction de leur objectif. Soulevant la poussière des chemins et remuant le blé des champs par leurs vigoureuses ruées.

Quelques heures de chevauchée soutenue passèrent. Le paysage était de plus en plus lugubre et maussade à mesure qu'ils s'approchaient de leur objectif. Quelques morts-vivants décrépis tombèrent parfois sous leurs flèches. Il faut dire qu'ils en avaient pléthore ! Une caravane entière de munitions les suivait. Ils pourraient ainsi arroser sans discontinuité leurs assaillants de trais mortels. Cela rassurait un peu plus l'esprit du jeune homme qui restait néanmoins des plus concentrés face à cet environnement à l'hostilité sans pareille. Balayant d'un regard sans émotion les immenses plaines malades et abattant de son arc toute forme de morts encore mouvants qu'il voyait.

Des éclaireurs partirent prendre les devants quand le groupe sentait qu'il se rapprochait du village. Même si il n'avait pas autant d'acuité que ses compagnons elfes, Trataïr percevait quand même, en se concentrant, la présence d'un grand nombre d'êtres qui secouaient le sol sous leurs pas. Aucun doute possible, ce ne pouvait être qu'un village qui abritait autant de monde. Après quelques minutes, les cavaliers revinrent faire leur rapport.

- Le village sera en vue juste après cette colline On sent d’ici l’odeur des masses grouillantes de mort-vivants.

L'archer écoutait attentivement, se préparant déjà psychologiquement à voir une horde sans vie leur foncer dessus. Il reprit ses esprits lorsque le capitaine Elwing vint à sa rencontre sur son magnifique destrier. A côté le siens avait purement l'air d'un baudet. Il écouta attentivement l'elfe dispenser ses ordres et lui expliquer la complexe tactique de combat. Avec application, Trataïr enregistrait tout cela dans un coin de son cerveau. Il apprenait en même temps qu'il écoutait. Si d'aventure il devait diriger des hommes, il devait apprendre à élaborer les meilleurs tactiques pour vaincre l'ennemi en perdant le moins de vies. Il acquiesça avec un sourire assuré avant de suivre les archers montés et de franchir la colline à son tour.

Le village était enfin en vue. Étrangement vide et silencieux. Décidément, Trataïr détestait le silence qui était le meilleur ami de l'assassin et de l'arnaqueur. Synonyme de piège, de danger, d'embuscade... en bref, que de jolis mots pour décrire ces moments des plus inquiétants. Et bien ici, c'était pareil. Bienheureusement, le capitaine elfe eu la bonne idée d'ordonner que le cor résonne à travers toute la plaine. Et quand cette macabre musique se tut, les infectés sortirent enfin de leurs tanières. Attirés par l'odeur de chair fraîche. Quels ignobles monstres...

- Et c’est partie !

Au moins le message était clair. Advienne que pourra désormais. Il fallait se battre, et ne plus douter. Le temps de la réflexion et de l'appréhension était passé. Il fallait désormais tuer.

L'assaut commença. Les flèches s'abattirent sur l'ennemi en une pluie mortelle. Elles atteignirent parfois le crâne des trépassés affamés pour les faire définitivement tomber. Cependant le but n'était pas de viser juste, mais bien de pourchasser sans arrêt le groupe de zombies. Néanmoins, pour Trataïr, il n'y avait guère de différences. Il continuait de faire mouche le plus possible. Ne braquant ses yeux que sur les crânes décharnés de ses ennemis pour les transpercer de ses traits. Il devait désormais prendre en compte la distance et orienter ses flèches de façon à ce qu'elles atteignent quand même la horde. Parfois, il coupait court à sa transe meurtrière pour aller se réapprovisionner en munitions et, en même temps, re-motiver les cavaliers avec des tapes sur l'épaule accompagnées de sourires amicaux. Il lui arrivait parfois de hurler violemment pour enhardir les archers qui redoublaient d'intensité dans leurs harcèlement. La tactique de Elwing fonctionnait très bien. Et il ne remarquerait pas de lui dire lorsqu'elle passerait à portée de mots. D'ailleurs la voilà qui arrive.

- Facile, pas vrai ?

- C'est grâce à vôtre plan capitaine Elwing ! Lui répondit-il avec un sourire amusé.

Puis il continua d'assaillir les ennemis de ses flèches. Les faisant tomber un a un sur l'herbe jaunie de la plaine. Ce n'était pas une activité des plus reposantes, mais comme disait le capitaine, elle n'était pas des plus compliqués. Il se demandait même quand les choses sérieuses allaient commencer...

- Général ?
- ...
- Euh ... Général, puis-je rentré ?
- Humpf ... quoi encore ?

Nu comme un vers sur son lit de fortune, un pied dans le vide et la bouche pâteuse, le gladiateur essayait tant bien que mal de se réveiller, si bien qu'il dut faire une effort surhumain pour ouvrir un œil et voir qui venait le déranger.

- Et bien ... ne deviez-vous pas partir en mission ce matin ?
- Les autres sont ... partis depuis longtemps ... ?
- Trois heures tout au plus ...
- D'acco...ord ... je les rejoindr ... zzzZZzzzz
- Mon Général ?
- Oui !? Quoi qu'est-ce qu'il y a !?

Perplexe face au manque de "professionnalisme" du Champion, le messager prit néanmoins la peine de tout réexpliquer à Victo avant de se faire bousculer par ce dernier, qui déboula hors de sa tente tout en s'habillant. Il siffla tout en courant vers la sortie du camp avant de se faire attraper par le col de son manteau de général par Shinryu.


Et le gladiateur passer une bonne demi heure à raconter son rêve absurde à sa monture, qui ne l'écoutait même plus. Puis il prêta attention au paysage, qui au fil de leur avancée changeait petit à petit. Le Maléfice ne semblait pas seulement s'attaquer aux être humains, mais bien à la nature elle-même, ce qui inquiéta encore un peu plus le démon. Purifier les humains par le feu, c'était une entreprise longue mais possible, mais la nature elle-même ... il ne savait pas trop comment s'y prendre. Puis il aperçu une demi-douzaine de mort-vivant errant au hasard dans la plaine et se dirigea vers eux, faisant voler sa monture en Raz-motte.

- Désolé j'te pique ta femme ! dit-il en se penchant et en attrapant par le col une ancienne humaine.

Il la fit s'asseoir à cheval devant lui et lui fit une clé de bras de sorte à ce quelle ne puisse pas faire de mouvement pour le mordre. La jeune femme était plutôt bien conservée bien quelle empestait le cadavre en décomposition. Sa peau blanche et froide, ses yeux vitreux et ses quelques dents en moins étaient alors les seuls signes évidents quelle n'était plus de ce monde.

- Pardonnez ce subtil enlèvement gente dame, mais j'aimerai m'entretenir avec vous. Vous êtes ?
- Grrraaoouuuua
- Décidément, entre votre gueule, votre nom et votre haleine, vous n'avez pas été gâté ! Je suis Victo, Général Céle...
- Grrraaaouuu !
- Comment oses-tu me couper la parole !?

Il l'attrapa alors par les cheveux et lui détacha la tête du reste du corps d'un coup rapide du tranchant de la main. Il laissa alors le corps tomber dans le vide et s'apprêta à ranger la tête dans l'une de ses sacoches quand soudain ...

- Grr...aa....ou
- Non mais t'es sérieuse ? Même comme ça tu continues de la ramener !? Raah les femmes ...

Il la planta sur le pommeau de sa selle et lui tapa la causette jusqu'à ce que le peloton du Capitaine Celebrian soit en vu. Il resta un petit moment en haute altitude pour observer la stratégie adoptée, et bien quelle soit on ne peut plus efficace, le jeune Féral la trouva affreusement ennuyante.


La wyvern s'exécuta et vola a à peine quelques mètres du sol, le plus lentement possible. Le gladiateur s'écria alors à la reine des elfes.

- Efficace Capitaine ! Félicitation ! En revanche qu'est-ce qu'on s'emmerde ! On va voir si vous êtes si bon que ça !

Il talonna sa monture et la fit voler entre les archers et les troupes mort-vivantes, toujours très près du sol, en faisant de léger virages pour gêner la vue des archers.

- SI J'ME PRENDS UNE FLÈCHE DANS LE CUL ÇA VA CHIER CAPITAINE !

Puis il prit la tête d'Henriette -c'est ainsi qu'il avait nommé la zombie - sous son épaule et s'allongea sur sa selle, le sourire aux lèvres tout en chantant haut et fort.

Certes. On s’emmerde royalement. Mais à quoi pouvait-on s’attendre de mieux en combattant des êtres déjà morts ? Pas d’honneur, ni de gloire ! Elwing n’avait même pas l’impression de faire la guerre. Ce n’était qu’une purge qu’il fallait mener à bien avec précaution et efficacité.

Le général et sa bestiole passèrent au-dessus de la troupe de cavalier, surprenant quelques chevaux qui donnèrent du fil à retordre à leur maitre pour les calmer. La créature virevolta même dans la ligne de mire des archers, les forçant à interrompre le tir quelques secondes pendant lesquels les archers observaient avec anxiété les flèches déjà lancées frôler leur général.

-Mais qu’est-ce qu’il fout ce con ? S’interrogea Elwing suffisamment haut pour que Trataïr l’entende.

La reine jeta un bref regard gêné au capitaine Erubon, montrant qu’elle s’était oublié l’espace d’un instant. Son visage se ferma et elle passa vite à autre chose, une main en visière pour se prémunir du soleil, elle avisa le champ de bataille. Les zombies formaient maintenant une armée dispersée qui progressait toujours plus loin à découvert. Une erreur stratégique que n’aurait jamais fait des êtres vivants. Il était donc temps de récolter les fruits de leur manque de matière grise.

-Armes au clair, formez la ligne, cria Elwing en poussant son cheval au devant de ses hommes.

L’elfe répéta son ordre en passant derrière la ligne d’archers. Elle sortit alors le long sabre elfique qui battait ses flancs et le leva bien haut, si bien qu’il reflétait parfaitement les rayons de midi agissant comme un phare au milieu des troupes ; une torche solaire pour chasser l’ombre de la mort. Aussitôt, une ligne d’acier gorgée de lumière s’éleva sur la plaine. Les cavaliers avaient rangés leurs arcs et se mettaient en ligne, l’arme au point.

Elwing fit caracoler sa monture devant les soldats et attendit que tout le monde ait maitrisé sa monture, pour désigner la pitoyable armée de mort claudicante qui progressait difficilement sur les labours inégaux.

-Fauchez-les comme le blé. Et que personne ne meurt. Nayris couchera seule ce soir ! Auciro in nyl... Metyo hain !

« Amputez les têtes… Achevez-les! ». Si les humains n’avaient pas compris les derniers mots d’Elwing, la clameur des elfes se chargèrent de leur transmettre leur signification. La cavalerie commença alors la charge par un trot soutenu permettant de mettre la ligne de soldat au diapason, puis elle commença à accélérer lentement. Les premières têtes volaient, arrachées de leur épaule par les sabres recourbés. La troupe atteignait maintenant le galop, faisant trembler le sol sous le poids des hommes et des bêtes. Rien ne pouvait les arrêter. Sabots et acier s’enfonçaient dans les crânes des zombies désorganisés, ne leur laissant aucune chance de riposte. Ils étaient trop dispersés pour ne serait-ce qu’espérer ralentir la charge qui gagnait toujours en vitesse et traversait le champ de part en part. Soudain, l’un des chevaux trébucha sur un sillon plus profond que la bête de ne l’avait anticipée et s’effondra au sol, assommant l’homme sur le coup.

Elwing fit ralentir son destrier en tirant légèrement sur son épaisse crinière et en basculant son poids vers l’arrière. Celui-ci poussa un hennissement, frustré d’avoir été interrompu dans la charge. Il en poussa un autre alors que l’elfe le forçait à faire volteface pour galoper vers le soldat à terre. Un zombie piétiné avait encore la force de trainer son corps désarticulé à la force des bras vers le soldat inanimé, claquant avec gourmandise ses mâchoires dépourvues de lèvres. Un claquement fit écho au crissement de la lame d’acier qui traversa le crâne de haut en bas, mettant fin à sa non-vie.

-Personne ne meurt, répéta Elwing comme pour elle-même.

Sa force elfique lui permit de hisser l’homme sur l’encolure de son cheval sans même avoir besoin de déchausser et elle rejoignit la caravane de munition qui attendait, à l’abri des combats. Pendant ce temps-là, elle était sûre que le capitaine Erubon la remplacerait à merveille.

Le général ! Enfin il le voyait en action ! C'était un moment exaltant pour le jeune homme qui ne pouvait que sourire en voyant la wyvern de Victo planer dans le ciel d'été. Une joie qui laissa place à l'hilarité quand le général se mit à pousser la chansonnette tout en gênant la troupe d'archer, volontairement ou pas.

-Mais qu’est-ce qu’il fout ce con ?

Ce superbe écart de comportement avait été causé par la charmante capitaine Elwing. En entendant ces mots, Trataïr tourna la tête brusquement et un sourire franc éclaira son visage quand il vit la mine désolée de l'elfe. C'était une sympathique matinée en fait. Même si en face la horde continuait d'avancer toujours plus près d'eux. C'est en suivant les ordres de la sympathique capitaine que Trataïr se posta aux côtés de ses compagnons, dégainant l'épée courte qui lui avait été donnée pour cette mission et préparant la charge. Les ennemis étaient dispersés à travers le plaine et il était temps d'en finir avec eux. Certes ils étaient encore nombreux mais cela n'allait aucunement arrêter la troupe de cavalier qui partit, l'arme au poing, dans leur direction. Rapidement, le sol raisonna sous le fracas des sabots et les plus rapides atteignirent rapidement les premiers mort-vivants et à grand renfort de lames et de sabots, ils vainquirent sans peine les zombies, leurs griffes et leurs dents pourris. Trataïr était de ceux-là, car la présence du général galvanisait sa bravoure et il découpa sans ménagement toutes les têtes qui passèrent à porté d'épée. N'appréciant guère, cependant, de voir le sang séché recouvrir l'herbe grasse du terrain... Mais il fallait bien faire sa besogne, sinon qui le ferait à sa place ?...

Encouragé par les cris de guerres du capitaine Elwing, il continuait de semer la mort avec sa lame. Ne tenant aucunement compte de ce qu'il frappait. Hommes, femmes, enfants, tout y passait. Ils étaient déjà damnés de toutes manières alors pourquoi s'assaillir de remords ?... Espérons qu'il est raison. Il arrêta quelques instants sa danse mortelle pour regarder avec curiosité Elwing partir vers la caravane de munition, un cavalier assommé sur sa selle. Il était vrai qu'il ne fallait pas déplorer la moindre perte. C'était vital. Comme pour se le répéter, à lui et aux autres, Trataïr hurla à s'en briser les cordes-vocales.

- SEULS LES CORPS DE CES ÊTRES MAUDITS DOIVENT RECOUVRIR LA PLAINE A LA FIN !!! J’ESPÈRE QUE JE ME SUIS BIEN FAIT COMPRENDRE !!!

D'une même voix, les soldats les plus proches ainsi que les plus lointains lui répondirent avec la même vigueur.

- OUI CAPITAINE ERUBON !!

Il était de son devoir à lui aussi de motiver les troupes, sinon ils ne gagneraient jamais. Satisfait de son petit cri de guerre, il repartit au triple galop vers quelques soldats qui semblaient en difficulté. Il repoussa le groupe d'infectés qui les gênaient et fut remercié par des saluts respectueux. Il le rendit à chacun des hommes avant de repartir faucher les crânes de ces saletés de zombies. Ne prêtant même plus attention à la présence du général Céleste.

Les traits fusaient de toute part, passant souvent très près du Général et de sa monture. Mais c'était ce qui faisait la réputation du Général Céleste auprès de son armée : la confiance qu'il portait à chacun de ses hommes. En agissant de la sorte, tous prenaient cette marque de confiance comme un devoir à remplir, un respect qu'ils devaient au gladiateur, qui osait faire reposer sa vie entre leur mains. De ce fait, tous se dépassaient, tous donnaient le meilleurs d'eux-même, et c'était pour cette même raison que Victo se permettait de quitter Ciel, serein.

Exalté par la précision dont faisait preuve les archers elfique, le général se lança dans un autre petit jeu, qui à sa grande déception, ne dura guère longtemps. Il chevaucha sa Wyvern à l'envers, se tenant donc face aux troupes impériales et s'exclama :

- LE PREMIER QUI LUI EN MET UNE DANS LA BOUCHE AURA UN AUTOGRAPHE !

Il tint alors la tête d'Henriette par les cheveux et tendit son bras sur le côté.

- Vas-y ouvre la bou ...

Une flèche vint se planter aussitôt dans le crâne de la mort-vivante.

- ... che ... Pfff, même pas drôle. Dit-il en affichant un air désolé tandis qu'il laissa la tête s'écraser dans l'herbe.

Il reprit en altitude et observa l'évolution de la bataille. Visiblement, le petit pique lancé au capitaine Celebrian avait fait mouche, si bien que la petite escarmouche prit l'espace d'un instant des allures de guerre sanglante. Les cavaliers se rassemblèrent, formèrent une ligne qui s'élança au galop sous les ordres de la reine. L'attaque fut si brève et efficace qu'aucune mort n'était à déplorer dans les rangs des impériaux, et lorsque les soldats commencèrent à relâcher leurs efforts, un capitaine répondant au nom d'Erubon commença à galvaniser les cavaliers, qui reprenaient de plus belles leurs admirables boucherie. Désormais, il ne restait des troupes ennemis que quelques zombies éparpillaient ici et là, qui fonçaient sans réfléchir vers des soldats largement en sur-nombre. Le Général Céleste talonna sa wyvern et se posa à une vingtaine de mètres des chevaux pour ne pas "trop" les effrayer. Il mit alors le pied à terre, et se dirigea vers le jeune capitaine en applaudissant.

- Et bien et bien ! Je vois que ma présence est tout aussi exceptionnelle qu'inutile ! Le capitaine Celebrian et vous-même avez fait du bon boulot, et vous tous aussi d'ailleurs ! dit-il en s'adressant aux autres cavaliers.

- Malheureusement, on a fait le plus amusant ! Maintenant nous allons devoir fouiller ces maisons une à une et en finir une bonne fois pour toute avec leurs occupants. ordonna-t-il en désignant le village un peu plus loin. Nous allons former dix groupes de trois personnes et allons progresser dans le village de manière méthodique, maison par maison jusqu'à ce qu'un quartier soit bouclé, puis nous passerons au suivant. Trois groupes resteront à l'extérieur et seront chargé de rassembler tout les cadavres que nous sortiront des maisons sur la place du village, afin de les brûler plus tard. Shinryu se chargera de parcourir les cieux pour anticiper toute attaque.

Au fur et à mesure qu'il distribuait ses ordres, les troupes avaient formé un cercle autour de lui, ainsi, il s'assurait qu'il avait bien l'attention de tout le monde.

- Ces idiots sont totalement désorganisés, ce qui les rend particulièrement facile à abattre lorsqu'ils sont rassemblés, mais en petit groupe isolés, il vous sera primordial de ne pas relâcher votre attention, ne vous laissez pas surprendre ! Allons-y. Vous deux, avec moi ! dit-il en désignant les deux capitaines.

Il se dirigèrent alors vers le village et vidèrent les premières rues et ruelles avant de s'aventurer plus loin. Il désigna les neufs soldats chargés de rester à l'extérieur et leur demanda de boucler le secteur, tout en leur rappelant de signaler immédiatement tout événement anormal. Le trio arriva alors devant la porte d'une des premières bâtisses. Cette dernière ne se distinguait en rien des autres. S'élevant sur deux étages, les murs de pierres ne relevaient pas d'une grande architecture, et seules les fenêtres barricadés témoignaient des tentatives désespérés des villageois de se protéger de leurs anciens camarades. Le sourire aux lèvres et le regard taquin, le jeune Féral s'amusa à toquer à la porte en demandant d'un air le plus niait possible :

- Est-ce qu'il y a quelqu'un !?

En l'absence évidente de réponse, il haussa les épaules en regardant le capitaine et défonça sans préavis la porte d'un puissant coup de pied. Plus que le bois, ce fut les gongs qui furent délogés de la pierre, propulsant ainsi la porte de l'autre côté de la pièce. Il fut alors le premier à rentrer dans la demeure, son immense lame prête à découper de l'infecté, mais dans cette pièce qui semblait servir de salle à manger, aucune traces des larbins de Nayris.

- Allons capitaine Célébrian, détendez-vous ! Après tout ce que vous avez vécu, ce n'est pas une p'tite entrée par effraction qui va vous effrayez n'est-ce pas ?

Bien entendu, tout cela était dit sur le ton de la plaisanterie, et n'avait pour but que de détendre l'atmosphère. Après tout, il n'y avait pas de meilleurs équipiers que ceux qui prenaient la peine de communiquer, voire même de se lier d'amitié.

Elwing revenait au petit trot, pas vraiment pressée d’entendre le discours du général qui venait de se poser non loin. Etre sous les ordres d’un Féral était bien assez difficile comme ça pour qu’elle ne s’inflige pas sa présence plus longtemps qu’il n’était nécessaire. Elle ne se pressa donc pas pour rejoindre ses hommes mais se faufila dans le cercle de cavalier qui se rassemblait autour du charismatique Général Céleste. Il avait de l’allure, il fallait le reconnaitre. Une prestance typiquement masculine qu’Elwing enviait en silence. Elle sentait presque son aura de puissance lui piqueter la peau comme des embruns salés. Cette admiration forcée pour quelqu’un qu’elle était censée mépriser provoquait chez la souveraine un intense sentiment d’agacement.

Elle sauta de son cheval en se faisant désigner pour accompagner le général. La monture elfique dépourvue de longe suivit pourtant sa maitresse avec une discipline impressionnante. Les chevaux furent conduis au centre de la place principale du village, malgré leur nervosité évidente. Et pour cause, ça puait la mort. De quoi effrayer n’importe quel animal. Elle confia le cheptel d’équidé renâclant à un elfe qui se chargea d’essayer de les calmer, pour rejoindre le général qui se dirigeait déjà vers le premier bâtiment, accompagné de Trataïr.

La voix faussement niaise du général s’éleva dans l’air, lui faisant lever les yeux au ciel. Elle attendit sagement qu’il ait fini de jouer et il flanqua un grand coup de pied dans la porte de la pauvre masure dont les gonds s’arrachèrent purement et simplement. Au moins, cet excès de violence aurait l’avantage d’attirer les zombies. Elwing sortit donc son sabre et se mit aux aguets prête à trancher dans le premier bout de viande purulent qui aurait la mauvaise idée de se montrer. Le général avisa qu’elle était nerveuse et le lui fit remarquer d’un ton léger.

-Ce n’est pas l’entrée par effraction qui m’inquiète, Général, mais votre manque de doigté lorsque vous entrez chez les gens. Si vous toquez à ma porte, je me souviendrais qu’il faut vite vous ouvrir au risque de voir cette dernière voler à travers la pièce.

Elwing lui décocha un sourire goguenard puis se reconcentra sur l’exploration de la mansarde. C’était une petite maison de fermier ; des meubles grossiers, des fleurs séchés accrochées aux murs et de petites figurines sculptées près de la cheminée. Il y avait également une cuisine séparée par des tonneaux vides. En les contournant, Elwing se couvrit le nez en apercevant la moitié d’un corps féminin qui grattait faiblement contre un placard. Le zombie ne semblait pas l’avoir remarqué trop intéressé par le contenu du meuble. L’elfe enfonça donc son sabre dans le crâne de la créature et la repoussa d’un coup de pied négligeant. Elle ouvrit alors le placard et découvrit un enfant caché dedans. Son regard terrifié montrait qu’il n’était pas infecté, ou du moins, qu’il n’était pas encore devenu un mort-vivant.

Sans douceur, Elwing attrapa le gamin par le col et le sortit pour le soulever à la hauteur de son regard bleu. L’enfant se débattit comme il pouvait, bien incapable d’échapper à la poigne de l’elfe.

-Un petit humain, déclara Elwing dont le ton exprimait un mépris à peine voilé.

La reine n’avait pas beaucoup de considération pour les mortels, surtout ceux qui n’étaient pas sous son commandement. Le fait qu’il s’agisse d’un enfant n’y changeait rien. Pour Elwing, tous les humains étaient des enfants. Si le pauvre petit aurait bien mérité une accolade maternelle pour chasser les horreurs dont il avait été témoin, il ne trouverait pas pareil réconfort chez l’elfe. Elle le rapporta plutôt dans le salon, le tenant à bout de bras comme s’il s’agissait d’une bestiole répugnante et ignora ses petits gémissements plaintifs. Son regard passa sur le général puis sur le capitaine Erubon, jaugeant lequel des deux hommes serait le plus capable de la débarrasser de ce petit vermisseau gesticulant.

-Je sens la fibre paternelle en vous, capitaine, déclara-t-elle à Trataïr avant de lui lancer le gamin qui atterrît dans ses bras.

Débarrassée de son fardeau, elle décocha un magnifique sourire moqueur au capitaine avant de se détourner, pour retourner à ses fouilles méticuleuses.

Une fois la bataille épique, et hippique, terminée, tout le monde reçut l'ordre de se rassembler autour du charismatique général céleste. L'archer avait beaucoup d'admiration pour cet homme. Mais il le cachait au risque de recevoir des morceaux de chevilles dans la figure. Il écouta attentivement les nouveaux ordres. Lui et sa collègue capitaine devraient se rendre avec lui dans le village pour nettoyer les maisons une par une. Un travail qui allait s'avérer... ennuyeux. Et le jeune homme soupirait déjà en y pensant. Mais ils étaient venus là pour nettoyer cet endroit et ils ne repartiraient pas avant qu'il n'y ai plus un seul zombie dans le village. Donc bon, autant y aller.

Ils descendirent donc tous les trois avec d'autres soldats chargés de les aider dans cette tâche. Trataïr imaginait déjà les longues heures de ménages qui les attendaient. Arrivés au centre de la place du modeste hameau, les trois groupes se séparèrent et un ou deux hommes restèrent avec les chevaux sur la placette. Nos trois compères approchèrent de la porte de la première maison. Une exclamation des plus viriles résonna dans l'air avant qu'un heurt n'envoie la porte à travers la pièce. Ses deux camarades s'échangèrent des petites pics tandis que Trataïr avisait un oiseau qui passait au-dessus d'eux en sifflant. Ils pénétrèrent enfin le bâtiment en quête de crânes putréfiés à transpercer de leurs lames. Laissant les deux autres fouiller dans leur coin, l'archer s'occupait à ouvrir les différents placard en quête de quelque chose à manger. Ayant vite oublié que la consommation de produits locaux était prohibée au profit de son estomac gargouillant. Il entendit derrière lui la voix mélodieuse du capitaine. Il se retourna vers elle juste assez vite pour réceptionner un enfant dans ses bras. Ce n'était visiblement pas un zombie mais ses cris et ses pleurs étaient plus repoussants que n'importe lequel de ces mort-vivants. Trataïr regarda l'elfe qui lui présentait un sourire goguenard. Lui faisait la moue en déposant le garçon à ses pieds.

- T'en va pas toi hein !

Le petit acquiesça mais bien vite, quand Trataïr reprit l'exploration des placards, il se dépêcha d'aller ouvrir une porte sous l'escalier. Un grognement se fit entendre et l'archer se dirigea vers la source. Ne se préoccupant absolument pas du zombie éventré qui se dirigeait lentement vers la salvatrice sortie, il claqua la porte.

- Faut pas faire ça toi ! Tu n'ouvres pas les portes !

Les grognements derrière la plaque de bois se firent plus fort, ce qui agaça vraiment le jeune homme. Il dégaina son épée, ouvrit la porte et se dépêcha de l'enfoncée dans le crâne du mort-vivant en décochant un magnifique "Ta gueule toi !". Puis il referma la porte aussi calmement que quelques instants auparavant. Décidé à continuer de salir sa lame, il alla monter quatre à quatre les marches de l'escalier. L'unique chambre était spacieuse. Quelques sobres matelas posés au sol, une immense penderie à côté de lui et un coffre de l'autre côté constituaient les uniques meubles. Avec prudence, le chasseur ouvrit la commode d'où s'échappait des grognements aigus. Une petite fille aux cheveux bondit immédiatement à l'extérieur mais pas du bon côté, et elle se retrouva à tomber lourdement dans l'escalier.

- Général ! Un colis pour vous !

Sans même attendre la réponse de celui-ci, il se dirigea vers la penderie où devait prestement se cacher les derniers zombies. Mais bon, ce n'était pas franchement la peine de se fatiguer. Il se concentra quelques instants, sous l'œil admiratif du petit garçon et poussa l'imposant placard dans l'escalier qui tomba à la manière de la petite fille.

- En v'là un autre !

Puis il épousseta ses mains avant d'aviser le mioche, toujours aussi muet.

- Dis donc toi, j'ai une idée. Tu vas aller voir la gentille dame en bas et tu vas lui éternuer sur le visage, tu verras, elle va aimer. Les gens avec de longues oreilles ils aiment bien faire ça.

En acquiesçant vigoureusement, il descendit en quelques pas les marches qui menaient au rez-de-chaussée et Trataïr se frottait les mains en souriant pendant ce temps.

- Vengeance capitaine...

Spoiler:

Pas loin de toute cette agitation se dressait un bâtiment assez imposant par rapport aux hameaux qui l'encerclaient : une petite chapelle , modeste , qui dressait une tour délabrée par le temps vers le ciel gris des Terres Infectées. La bâtisse était dédiée à une divinité mineure inconnue et nos chers aventuriers , à moins qu'ils ne soient d'anciens villageois , ne reconnaîtront pas la déité vénérée. Et aucune réponse ne sera trouvée dans sa salle abandonnée, couverte de longues toiles d'araignées et dont les statues n'étaient plus que des vestiges torturés et brisés par le temps ... et par le despote qui avait autrefois gouverné ces terres. Curieusement , aucun animal n'approchait cet ancien lieu sanctifié, comme si un mal profond gangrenait son cœur. Quelque chose était tapie dans la chapelle ... quelque chose que les bruits provoqués par les fougueux guerriers venaient de réveiller.

Des grattements se firent entendre au sommet de la tourelle , comme si une masse grouillante de vermines y pullulaient. Pendant un moment le bruit se calma, mais le cri de panique de l'enfant retrouvé par le capitaine Célébrian eut tôt fait d'attiser de nouveau la curiosité des sinistres occupants des lieux. Les grattements laissèrent place à des battements et des claquements particulièrement angoissants , et on sentait que quelque chose grondait à l'intérieur de la vieille chapelle. Puis dans un même mouvement , les Noctarels surgirent du sommet de la tour , tel un nuage noir et affamé.

Les Noctarels ... la légende racontait que ces créatures étaient le fruit des expériences ratées des nécromanciens du culte mortuaire de Nayris. Ces abominables créatures étaient les avatars même de la peur et de la faim. Des crânes humains , armés de crocs aussi acérés que des rasoirs et de cornes pointues qui ornaient leur front. Sur la base de leurs immondes têtes poussait comme d'affreuses excroissances une paire d'ailes de chauves-souris, leur permettant ainsi de voler en quête de proie à dévorer. Leurs orbites creuses brillaient d'une lueur rouge, une lueur de meurtre et de férocité.

Dans un même mouvement , les créatures maléfiques convergèrent vers un des éclaireurs qui inspectait les lieux. Les elfes, rapides comme l'éclair, ripostèrent aussitôt à cette soudaine attaque. Mais ils découvrirent bien vite que ces sournoises bestioles étaient particulièrement véloces et évitaient avec une certaine facilitée les traits ennemis. Se voyant pris au piège, l'éclaireur elfique dégaina aussitôt son sabre , bien décidé à vendre chèrement sa peau. Il parvint à frapper la créature de tête qui , amputée d'une de ses ailes, tomba sur le sol en poussant des claquements de colère. Mais cet exploit fut de courte durée, car bientôt les Noctarels l'enveloppèrent de leur masse grouillante. Une cacophonie de claquements et de cris résonna dans la place tandis que les créatures volantes festoyaient à la manière d'un banc de piranhas. Plusieurs secondes plus tard, les crânes se dispersèrent de nouveau. Du malheureux elfe ne subsistait plus qu'une large flaque écarlate et quelques pièces d'armures déchiquetées.

Le nuage carnassier s'élevât au-dessus des chaumières , préparant un nouvel assaut. On dénombrait une vingtaine de ces immondes prédateurs, mais c'était bien difficile de déterminer leur nombre car les bêtes étaient en perpétuel mouvement. Nos braves vétérans allaient vite comprendre que cette nuée vorace faisait preuve d'une intelligence sournoise : elles attaquaient presque toujours en groupe, profitant de leur supériorité numérique pour submerger une seule victime ou un petit groupe et le dévorer vif à grand renforts de morsures.

Heureusement les autres groupes eurent le temps de se rassembler autour de la mansarde où se trouvait les officiers , bien décidés à protéger leurs supérieurs. Les créatures s'immobilisèrent dans un vol statique , fixant leurs proies avec une lueur bestiale , puis dans un même élan , les Noctarels s'abattirent comme un rideau noir sur un théâtre des plus dramatiques ...

- Ce n’est pas l’entrée par effraction qui m’inquiète, Général, mais votre manque de doigté lorsque vous entrez chez les gens. Si vous toquez à ma porte, je me souviendrais qu’il faut vite vous ouvrir au risque de voir cette dernière voler à travers la pièce.

Content que le capitaine Célébrian joue le jeu de la plaisanterie avec lui, il rit simplement et sincèrement. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas été amené à réaliser de missions en groupe, ainsi voyait-il en cette journée l'occasion de se détendre en compagnie de soldats tout aussi ennuyés de la simplicité évidente de la tâche.

Il avisa alors l'elfe qui se dirigeait vers ce qui semblait être la cuisine et rappela à l'ordre le jeune humain, qui croyait faussement pouvoir trouver un zombie dans les tiroirs du garde-manger. Victo rangea alors Ragnarok et se dirigea vers l'escalier qui descendait dans la cave, en continuité de celui qui montait à l'étage. Par précaution il enflamma sa main gauche, protégée par son gantelet, et la tendit droit devant lui pour éclairer la pièce. Sans surprise, des grognements se firent entendre et les corps décomposés mais toujours debout des putréfiés vinrent à la rencontre de leur nouveau casse-croûte. Deux hommes et une femme se tenaient là, et aucun d'entre eux ne semblaient être d'ancien guerrier au vue de leur haillon.

- Oh c'est quoi ce plan à trois les mecs !?

Sans attendre de réponses qui de toute façon ne viendraient pas, il attrapa le premier homme par les cheveux et lui éclata la tête contre le mur, avant de repousser le second d'un coup de pied dans le plexus pour gagner du temps, puis décocha une boule de feu qui vint pulvériser la tête de l'ancienne humaine. Finalement, le dernier zombie restant se releva en titubant et retenta sa chance, mais le Champion ne l'entendait évidement pas de cette oreille et attrapa une pelle qui traînait par-là et la planta dans le crâne fragile du paysan.

- Propre et rapide, j'aime ça ! dit-il en remontant au rez-de-chaussée.
- Général ! Un colis pour vous !
- Qu'est-ce qu'il di...

Le jeune Féral eut juste le temps de s'écarter pour voir débouler avec grand fracas une jeune fille infectées.

- Il a perdu la boule ou quoi !? Capitaine, un tel acte pourrait passer pour de l'insubordina...
- En v'là un autre !

Le Général redescendit bien vite dans la cave et se jeta sur le côté pour esquiver le projectile, qui termina sa course sur la pauvre petite blonde. Des débris du meuble sorti en rampant un nouveau putréfié, qu'il voulu éclater avec le pied, mais se souvenant qu'il était pied nus, il se ravisa et opta pour la pelle, arme qu'il commençait à apprécier. Il essaya une nouvelle fois de rejoindre l'elfe, s'assurant que la folie du capitaine est cessé, et la remontée ce fut cette fois sans incident. Il croisa alors le gamin trouvé par Elwing et l'attrapa par la tunique, le sauvant sans le savoir du courroux que lui réservait cette dernière.

- Ne crains rien gamin, on va te sortir de là. Le rassura-t-il en le hissant sur son épaule comme un vulgaire sac à patate.

Trataïr finit par redescendre à son tour et dut affronter le regard faussement sévère du Général, qui en réalité ne lui en tenait pas rigueur, lui-même étant le premier à s'amuser à ce genre de jeux.

- Je pense qu'on en a terminé avec cette ...

Des bruits se firent entendre à l'extérieur, et l'agitation des animaux et des soldats éveillèrent l'inquiétude dans le regard du Féral.

- ... maison.

Il se dirigea vers la sortie mais un elfe vint aussitôt à leur rencontre.

- Une nuée de Noctarel Majesté ! s'exclama-t-il à l'intention d'Elwing. Mais le jeune elfe se rendit vite compte de son "erreur" et se corrigea. Enfin ... capitaine !

Intrigué plus par le titre qu'avait donné le soldat à l'intention de l'elfe plus que par le danger qui régnait à l'extérieur, Victo ordonna à l'épéiste de retourner avec les autres avant de faire volte-face.

- J'veux bien que vous soyez gradés capitaine Célébrian, mais au point de vous appeler Majesté ... dit-il en s'approchant d'elle.

Il la détailla avec beaucoup plus de précision que lors de leur premières entrevue et commença à douter, doutes qui se confirmèrent lorsqu'il fit appel aux souvenirs de sa mémosphère, dans lesquels il vit un portrait de la reine.

- Elwing ... j'imagine qu'on t'as déjà dis que tu n'as rien à faire ici ...

Il rangea son artefact sans vraiment s'embarrasser des formules de politesses que devaient un mortel à la reine des Elfes. Il porta alors son index sur ses lèvres et lui adressa un clin d'oeil.

- Mais peu importe, ça restera entre nous ne t'en fais pas. Tenez-vous prêt !

Il sortit de la demeure et repéra haut dans le ciel le nuage morbide qui n'allait pas tarder à fondre sur eux.

- Archers ! En position !


Les crânes volant s'élancèrent à l'assaut du groupe d'individus, mais la nuée fut dispersée par l'arrivée fulgurant de la Wyvern, qui traversa à toute vitesse le nuage.

- Celebrian, Erubon ! Faites tourner vos méninges et mettez-moi en place une stratégie efficace, je vais occuper ces abrutis !

Shinryu vola en raz-mote dans l'avenue centrale et le gladiateur attrapa sa queue pour se hisser jusqu'à sa selle après avoir déposer le gamin au sol.

- Vas-y ma belle, on rentre dans le tas !

Le reptile ne se fit pas prier et alla à la rencontre des Noctarels, qui vinrent à la rencontre de cette cible imposante, mais isolée des autres. Il s'ensuivit alors une effroyable course poursuite, et petit à petit, les monstres de Nayris forçaient le cavalier et sa monture à voler de plus en plus bas, limitant ainsi leur mouvements. Soudain, Shinryu émit un rugissement plaintif. Une de ces bestioles mordait avec hargne la queue de la Wyvern. Victo se mit debout sur sa selle, chercha son équilibre avant d'aller à la rencontre du parasite. Focalisé sur son repas, le Noctarel ne fit pas attention au Général, qui l'explosa d'un violent coup de pelle.

L’ennui vint cueillir la reine plus tôt qu’elle ne l’imaginait. Masquant d’un revers de main un bâillement qui ne trahissait aucune fatigue, Elwing se prit à observer les deux hommes de son groupe avec un petit sourire amusé. Il était aisé d’oublier que ces mort-vivants avaient jadis été des hommes… Un peu trop peut-être…

Perdue dans ses pensées, elle ne vit pas le gamin s’approcher d’elle puis se faire intercepter par le général, soustrayant l’innocent à la rouste de sa vie. Par contre, elle nota les clameurs s’élever dehors, puis le cri perçant d’un elfe. Elwing s’alarma aussitôt et exigea le rapport d’un soldat paniqué qui déboulait dans la maison. La reine écarquilla légèrement les yeux lorsque celui-ci l’appela « majesté » et jeta un coup d’œil affolé au général dans l’espoir qu’il n’ait rien entendu. Espoir vain, car celui-ci était en train d’étudier son visage ; sa géométrie trop exotique pour être humain, les deux puits de saphir qui la caractérisait et lui donnait cet air hautain. Celebrian, « Reine d’Argent », se rembrunit en constatant que le général l’avait reconnu.

- Elwing ... j'imagine qu'on t'a déjà dis que tu n'as rien à faire ici ...

-Oui… Effectivement. On me l’a déjà dit… confirma-t-elle avec froideur.

Elle s’attendait à des commentaires insultants, d’où son ton réservé qui n’était pas dû au fait que, sachant que son titre de reine était dévoilé, le général ne l’avait pas vouvoyé. Elle passait volontiers sur le protocole lorsque des nuées de crânes volants se pressent pour vous dévorer.

Le général avait quelques défauts – être un Féral étant sans doute le principal – mais ce n’était définitivement pas un emmerdeur. Aussi, Elwing le remercia d’un hochement de tête, tout en supposant qu’il n’en resterait pas là. Dorénavant, il y avait fort à parier que ce serait sa dernière mission. Victo ne lui permettrait probablement pas de retourner au front.

Quoiqu’il en soit, elle avait reçu des ordres et comptait bien les honorer pour tenir son rôle de capitaine jusqu’au bout. Elle devrait exterminer ces crânes chauves-souris tandis que le général tentait de les disperser avec son lézard volant.

-Bien, mon général.

Elwing sortit à sa suite, mais ne le suivit que le temps de rassembler tous les hommes. Elle les fit rompre leurs affrontements hésitants et désorganisés qui allaient tous les conduire au massacre. Elle les fit plutôt entrer dans la masure qui offrait une sécurité toute relative.

-Allez ramasser la porte et fermer l’entrée, ordonna-t-elle.

L’elfe désigna les planches de bois fixées entre elles qui fut jadis une porte. Deux soldats l’empoignèrent et la ramenèrent à sa place. Même s’ils devaient la plaquer contre les montants, ça tenait plus ou moins. Les fenêtres, quant à elles, étaient plutôt petites. Les maisons de fermier, avec leurs murs de torchis et leurs poutres de mauvaise qualité, n’avaient guère le budget pour s’offrir de grandes bais vitrées. Seules de petites lucarnes faisaient donc offices de fenêtre. Même si certains noctarels parvenaient à passer, c’était à la porte que se pressait le plus grand nombre. Une porte que les deux soldats peinaient à maintenir.

Sans expliquer quoique ce soit de sa stratégie, Elwing modelait un rang d’épéistes à coup de revers de sabre dans les flancs, formant un arc de cercle qui faisait face à la porte. Elwing se positionna ensuite au centre de ses hommes et leva sa lame. Ses yeux d’amandes s’étrécirent tandis qu’elle aboyait ses ordres avec vigueur.

-Tenez la formation ! Ouvrez la porte !

Les pauvres diables ne se le firent pas répéter et c’est presque submergés qu’ils firent céder la planche de bois, laissant passer un flot d’abominations.

-Fermez la porte !

L’ordre inattendu provoqua une bouffée de panique chez les deux soldats récemment intronisés portiers. Mais Elwing n’y faisait plus attention. Le temps qu’ils parviennent à refermer la porte était prévu dans son timing. Elle s’occupait plutôt de tuer les noctarels qui étaient beaucoup moins agile dans une petite maison basse de plafond. Le rang de soldat tint bon pendant un moment mais dut reculer sous le nombre et la voracité de leurs assaillants. Heureusement, les deux portiers avaient finalement réussi à refermer l’entré, redonnant un deuxième souffle aux défenseurs qui se jetèrent sur les monstres restant, autant pour reprendre le terrain qu’il leur avait cédé que pour protéger leurs camarades à la porte.

-Ouvrez la porte ! Ordonna Elwing alors que le dernier noctarel succombait.

Et c’était reparti. A croire que les stratégies elfiques étaient vraiment redondantes…

Ayant enfin satisfait sa soif de distractions dans cette chaumière si ennuyeuse, le capitaine humain se résolu à descendre et à affronter le courroux de ses deux compagnons. Cependant, il n’eu que le temps de subir le regard draconien du général célèste avant qu’un léger brouhaha à l’extérieur suivit d’un effroyable cri brisent à jamais le silence presque total qui régnait alors dans la mansarde. D’un mouvement presque indentique, Trataïr et son général tournèrent vigoureusement la tête vers la porte avant de voir un soldat elfique affolé entrer en trombe dans la maisonnette. « Majesté » ? Pourquoi ce titre à l’intention du capitaine Celebrian ? Une question qui trôta longtemps dans la tête de Trataïr jusqu’à ce que les premiers ordres tombent. Son esprit prit quelques longs instants pour se concentrer pleinement sur l’objectif avant qu’il puisse enfin tenter d’élaborer un plan. A toute vitesse, sa tête voyait passer des tonnes d’idées dans le plus grand désordre. De la plus lucide à la plus irréaliste. Il n’eut pas longtemps à attendre car il semblait que sa collègue avait déjà la solution. En l’entendant, Trataïr sourit. Elle impliquait des épéistes chevronnés, il n’avait donc rien à faire ici. Et tandis que les elfes préparaient la salle pour l’arrivée des immondices volantes, l’archer monta quatre à quatre les marches grincantes de l’escalier. A l’étage, des noctarels essayaient de forcer la fragile fenêtre. Il devait les arrêter pour éviter aux hommes du rez-de-chausser de se faire prendre à revers…

Il redescendit donc dans la plus grande hâte, en découpant une de ces infections de son épée au passage, et releva assez rapidement la lourde armoire qu’il avait envoyé à l’intention de Victo un peu plus tôt. Celle-ci était suffisamment imposante pour bloquer l’accès à l’étage, parfait. Il pourrait ainsi exterminer les noctarels sans qu’il n’y ait de risques pour les autres soldats. Après avoir complètement obstrué l’entrée de l’escalier, il remonta à l’étage et constata avec inquiétude que la vitre se fissurait petit à petit sous les assaux effrénés des macabres créatures. Il ne pourrait pas toutes les pourfendres, il fallait donc ruser un petit peu. Dans sa reflexion, il se rappela d’une de ses anciennes techniques de chasses préférés. La fumigation. La plupart du temps elle était utilisée pour faire sortir les grosses proies de leur grotte. Elles émergeaient presque aveugles à cause de la fumée et il était alors facile de les abattre. Il y’avait justement tout ce qu’il fallait dans la chambre des paysans. Les draps en tissu, une bougie encore allumée, à la flamme faible cependant, et un lavoir rempli à demi d’eau sale. Le capitaine se dépécha donc de faire un tas de toutes les étoffes du lit des fermiers devant la fenêtre et d’y mettre le feu avec la bougie presque endormie qui se trouvait à côté. Une fumée blanche se répandit dans toute la pièce assez rapidemen et le bois en abondance près du foyer n’allait pas tarder à brûler à son tour, il fallait donc faire vite. Les créatures, elles, se dépéchèrent de charger à l’intérieur une fois la fenêtre brisée, à la recherche de quelque chose à se mettre sous la dent. Ils ne découvrirent qu’une lame véloce qui faisait tout ce qu’elle pouvait pour les exterminer. A cause de la fumée, ils avaient du mal à se guider et à respirer, tout comme Trataïr qui commençait lentement à suffoquer. Mais il fallait en tuer le plus possible. Le nombre de créatures à être rentrées était grand mais pas suffisant pour l’archer ne resorte pas victorieux de l’affrontement, malgré les morsures que ses adversaires avaient réussis à lui infliger. Ses vêtements se colorait petit à petit de son sang vermeille, mais il était encore entier, contrairement aux infâmes noctarels, dont les cadavres jonchaient le sol.

Cependant, le feu avait eu le temps de gagner tous le pourtoure de la fenêtre et une partie du sol autour. Trataïr l’arrosa un peu avec l’eau du lavoir à côté du matelas et jeta les pièces de tissu encore brûlantes par la fenêtre. Les quelques flammèches qui restaient alors ne poseraient pas beaucoup plus de problèmes. Il entreprit de les éteindre avec sa chemise humide de son sang. La chaleur et la douleur étaient difficilement supportable mais il fallait accomplir cette mission. Et c’est ce qu’il ferait. Après toutes ces péripéties, il pu enfin ressortir de la chambre en renversant à grande peine l’armoire qu’il avait installé. Il s’écroula au sol et resta ainsi allongé pour récupérer. Ne songeant même pas à se soigner, juste à se reposer, à moitié nue qu’il était.

Elwing retira son casque et secoua vivement du chef pour libérer son opulente chevelure encore coincée dans son gorgerin. Le gout ferreux du sang emplissait sa bouche, résultat d’un coup de pavois de la part d’un de ses camarades paniqué. L’elfe expectora les humeurs écarlates pour s’en débarrasser et balayait la scène de ses yeux pervenche. Les soldats épuisés pansaient leurs plaies et certains reprenaient leur souffle, appuyés contre les murs de la bicoque. L’un d’eux était Trataïr. Maculé de divers blessures et à demi-nue, sa respiration tentait misérablement de reprendre un semblant de rythme. Elwing lâcha alors un sifflement appréciateur pour saluer son nouveau look dénudé.

-Rhabillez vous capitaine, vous ne croyez pas que j’ai assez chaud comme ça ? Lâcha-t-elle avec un sourire bravache.

Son sourire s’effaça légèrement en constatant l’absence de réponse et c’est le front légèrement plissé par l’inquiétude que la dame elfe se porta à ses côtés. Elle passa alors ses doigts sur le torse vallonné de l’archer, tentant de discerner l’étendu des dégâts à travers le rideau cramoisi qui lui maculait la chair. D’une voix douce et apaisante, elle l’incita au calme tandis qu’elle prodiguait ses soins. Avec un hochement de tête quasi professionnel, elle termina son examen et héla une elfe qui se reposait avec les autres.

-Chwandi, demanda-t-elle dans sa langue, à elfe qui commençait déjà à farfouiller dans ses poches.

Elle sortit finalement un petit sachet de soie qu’elle lança à sa reine. Cette dernière en déballa le contenu qui consistait en une petite boule brune, caoutchouteuse et déshydratée. La reine commença alors à mâchouiller les filaments végétaux avant de colmater ensuite les plaies ouvertes du capitaine avec la pâte ainsi formée. C’est sur cet entrefaite que le Général entra dans la demeure sécurisée ; sa ballade à dos de lombric volant terminée.

Elwing hocha sobrement de la tête en réponse aux félicitations du général sans cesser de mâcher ses herbes médicinales et d’en appliquer la bouillie gluante sur le torse de Trataïr. Elle fit pourtant une moue déçue en comprenant qu’on devrait sans doute l’achever s’il présentait des signes de contamination. Ca valait bien la peine de perdre son temps à le guérir si c’était pour lui enfoncer une dague dans la nuque ensuite.

L’ordre du général fut suivi d’une volée de soupirs exténués mais la plupart se redressa, prêt à l’action, dont Elwing qui bourra un morceau d’herbe dans une morsure avec un peu plus de précipitation que d’accoutumé. Elle contempla alors son œuvre bâclé et se dit que ce n’était pas trop mal. Trataïr serait bien vite sur pied. Probablement… L’elfe n’était pas une foutue guérisseuse après tout. C’était apparemment le cas du général qui commençait à soigneusement envelopper l’archer dans des bandages fait de rideau à fleur.

Erubon était gâté décidemment, au grand damne du reste de la piétaille, mais les officiers passaient toujours en premier. Et une fois que celui-ci fut dument emballé dans ses lambeaux aux couleurs criardes, le général se dirigea finalement vers la sortie.

-J’arrive, déclara-t-elle en trottinant derrière le général.

Elle arriva alors à son niveau, toute guillerette de ne pas avoir été mise à l’écart du fait de son titre régalien découvert tout récemment. Peu dérangée par l’idée de souiller l’édifice religieux avec le sang de ses ennemis, Elwing dégainait déjà le sabre de cavalerie elfique dans l’idée de découper des têtes. Cependant, comme elle laissa volontiers le Féral entrer en premier par les portes barrées, l’elfe n’était pas aussi confiante qu’elle voulait le laisser paraitre. Qu’il aille à la boucherie, ce gros barbare équipé de son substitut pénien en guise de lame ! Elwing comptait faire preuve d’une plus grande prudence. Les portes et les Victo cohabitant plutôt mal, c’est sans autre forme de procès que ce dernier lui ôta galamment l’obstacle libérant la voie sur la nef de l’église. Les villageois s’étaient réfugiés ici pour échapper au chaos qui avait dû régner dehors mais les infectés les avaient décimés de l’intérieur, ne laissant aucuns survivants. La lumière pénétra par l’entrée principale, peinant à chasser la pénombre qui envahissait ce lieu lugubre. C’est alors que, réveillées par les vivants qui venaient troubler leur repos, des ombres grouillantes se mirent en branle, claudiquant vers eux en grondant leur faim. La description du nettoyage de ces abominations serait aussi chaotique qu’inutile. Elwing, toujours aussi prudente avec elle-même qu’avec les hommes sous son commandement, éliminait ses adversaires avec une efficacité martial, n’avançant guère dans la mêlé et n’hésitant pas à reculer lorsque cela s’avérait nécessaire.

Le carnage terminé, l’elfe secoua son sabre pour en retirer l’hémoglobine et avança vers le chœur de l’église qui aurait pu être beau et majestueux s’il n’avait pas été constellé de sang et d’abats humains. Prenant appui sur l’autel, sans vraiment se soucier de son sacrilège, elle jeta un bref coup d’œil appréciateur au carnage avant de se concentrer sur le général Victo.

-Voila une mission presque terminée, constata-t-elle. Les elfes resteront sous vos ordres jusqu’à l’éradication totale du maléfice, comme ils l’étaient pour le général Anima. La reine doit beaucoup vous aimer pour vous confier ses meilleurs éléments alors qu’elle n’en est absolument pas contrainte. Ce n’est pas comme si Drayame et les Férals étaient alliés. Pas encore, du moins…

Un sourire vint éclairer brièvement le visage de la souveraine. Elle était curieuse de voir comment le général allait interpréter ses paroles. Envoyer une bonne partie de son armée, sans qu’aucun traité, ni pacte ne l’y contraigne était bien entendu une manœuvre politique visant à s’octroyer les faveurs de la plus puissante famille de démons sur Terra. Pourquoi ? La raison resterait cacher derrière le joli sourire d’Elwing pendant encore quelques temps.

Les portes de l'édifice religieux s'ouvrirent sur une multitudes d'infectés, qui ne réagirent pas tout de suite à l'arrivée des deux intrus. Par "précaution", le Général s'adressa à tout les humanoïdes en demandant si l'un d'entre eux avait survécu, mais seuls les raclements de gorges des non-morts lui répondirent. Tous s'étaient désormais levé et se dirigeaient vers la sortie, mais le gladiateur prit les devants et envoya une boule de feu exploser au plafond, faisant de ce fait tomber l'imposant lustre qui écrasa une bonne partie du groupe. Quant aux autres ? La précision exemplaire du capitaine et la barbarie naturelle du Général ne leur laissèrent guère plus de chance.

Le jeune Féral s'approcha d'une vasque remplie d'eau et s'y lava rapidement les mains, le torse et le visage, sans douter une seule seconde du péché qu'il venait de commettre.

- Tu es quelqu'un de tout à fait remarquable Célébrian ! Il est tellement rare de voir des dirigeants se salir les mains, n'en déplaise à Azraël ou ce vieux rabougri de Harald !

Il reluqua sans gêne le majestueux fessier tandis que la reine se dirigeait vers l'autel et finit par se dire qu'il n'y avait pas que sa maîtrise des armes qui était remarquable !

- Voila une mission presque terminée. Les elfes resteront sous vos ordres jusqu’à l’éradication totale du maléfice, comme ils l’étaient pour le général Anima. La reine doit beaucoup vous aimer pour vous confier ses meilleurs éléments alors qu’elle n’en est absolument pas contrainte. Ce n’est pas comme si Drayame et les Férals étaient alliés. Pas encore, du moins…

Un sourire taquin naquit sur les lèvres du démon, qui parcourait l'allée centrale dans le but de rejoindre sa subordonnée. Le torse luisant et ses muscles saillants ne manquaient pas de mettre en évidence le contraste entre l'elfe et le sang-mêlé.

- "Presque terminée" comme tu dis, mais je ne doute pas une seule seconde que nos hommes feront du très bon boulot de leur côtés. Et j'osais espérer que vous ne feriez pas rentrer vos hommes avant la fin de cette expédition ! Quelle lâche vous auriez fait en prenant une décision pareille ! Une "Albarie", comme j'aime les appeler ! Quant à l'amour que me porte la reine ...

Il arriva finalement juste en face d'elle et attrapa du bout des doigts le menton angélique de la reine des elfes, rapprochant ses lèvres des siennes sans pour autant les toucher.

- ... j'ose croire qu'il n'y a pas que ma position hiérarchique qui l'intéresse ... d'ailleurs ... ses doigts glissèrent le long de son visage jusqu'à sa nuque avant de détacher les lanières de son armure, tandis qu'il vint lui murmurer à l'oreille, je pense qu'elle ignore encore tout de ce qu'un Féral peut lui apporter, mais il n'est pas trop tard ...

La température autour du corps du gladiateur montait tout autant que son désir de sceller "à sa façon" une alliance entre les Féral et Drayame. Sa main tenait fermement mais sans violence le bassin de la monarque tandis que son souffle brûlant venait soulever la chevelure dorée de celle qui allait surement lui retourner un puissant crochet du droit dans la mâchoire ou pire ... un royal coup de pied royal dans ses précieuses.

Se retirer avant la fin et ainsi passer pour une lâche tout en ruinant toutes ses chances de se rapprocher des Féral ? Quelle idée saugrenue ! Si Elwing avait été d'humeur susceptible, sans doute qu'elle aurait froncé très fort des sourcils pour montrer qu'elle vivait ce commentaire comme une insulte. Cependant, et pour une fois, elle lui fit grâce de son mauvais caractère et sourit plutôt de la référence à propos du maréchal des Glaces. Cracher dans le dos de ses ennemis était toujours appréciable. Peu importe la pertinence de la moquerie, tout comme sa véracité.

Ensuite, le général, enhardi par les sous-entendus de la reine, conquérait sans peine les quelques pas qui le séparait d’elle. L'homme était alors si proche qu'il la bloquait presque entre sa carrure intimidante et l'autel. Et même si elle devait lever le menton pour soutenir le regard sulfureux qu'il lui lançait, ses traits se peignaient toujours dans une autosatisfaction percluse d'arrogance. C'est un peu comme si elle se doutait de ce qu'il allait faire. Le général, après une ultime bravade, approcha ses lèvres des siennes, remontant le souffle torride de l'elfe jusqu'à la source. Ses paupières accusèrent un battement pesant avant de se clore avec une paresse langoureuse, comme mise à la merci de cette main virile qui la maintenait en respect. Encouragée par cette dernière, les deux lippes pulpeuses de la souveraine s'ouvrirent à demi pour accueillir leur conquérant, leur reflet sucré promettant mille délices à celui qui s'en emparerait. Toutefois, au lieu de recevoir ce baiser tant attendu, Victo ne fit que murmurer des promesses d'actions sans la moindre tendresse... Pardieu, cet homme était encore plus bourrin qu'elle ne se l'était figuré. Quel genre de mufle tente de déshabiller une femme sans même l'avoir honoré d'un baiser ?!

Loin de refroidir Elwing, elle renonça d'emblé à son baiser que Victo lui réservait peut-être pour plus tard ; sans doute après que l'elfe eut montré une once de réceptivité à ses avances, afin d'être sûr qu'elle ne lui arrache pas la langue. Elwing le laissa se débrouiller avec les sangles de son plastron et s'employa plutôt à lover son visage dans le cou du général. Il y fureta gentiment, s'imprégnant de son musc, puis déposant quelques baisers ci et là, à la grâce de ses explorations hasardeuses. Elwing patientait sagement que Victo la débarrasse d'un pan de son armure, récompensant l'énergie qu'il mettait à défaire les sangles de cuir par de petites caresses du bout des lèvres. Enfin, la dernière sangle fut la bonne et le plastron s'éventra de lui-même, ses attaches inutiles se dodelinèrent misérablement lorsque la pièce d'armure tomba au sol. Derrière, un kimono de soie serré à l'extrême assurait le maintient des attributs féminins. Elwing n'eut qu'un morceau de ceinture à tirer pour libérer les deux pans couleur crème qui s'ouvraient par à-coups, au rythme de ses inspirations saccadées par le désir.

La dame ne se souciait pas de sa pudeur en péril et remonta le long de la nuque masculine, mordillant au passage, jusqu’à la naissance de sa mâchoire dessinée où elle tenta d’attiser les sens du général en faisant crisser ses dents blanches sur la barbe drue. Au cas où le général aurait eu un instant de timidité - ce qui semblait peu probable – l’elfe attrapa l’une de ses pognes et la fourra dans son kimono à demi-ouvert, l’y abandonnant comme un gamin lâché dans une confiserie.

-Mon général… soupira-t-elle en gémissant. Quelle femme ne rêverait pas d’être à ma place… ? Ce ne serait pas… vous rendre justice que de vanter seulement votre charme et votre prestance. J’ai également le sentiment que vous… que vous êtes un homme juste et honorable. Un homme capable d’aimer ce monde au lieu de le condamner à la nuit… Un homme devant qui je serais fière de ployer le genou.

D’un bref mouvement reptilien, le corps d’Elwing épousa celui du guerrier, tandis qu’une main fine partait à l’aventure. Elle serpentait doucement le long du torse bombé, jusqu’à louvoyer entre les abdominaux, pour enfin plonger dans les chausses de Victo. Elle se mit à flatter l’occupant timide de cet antre obscur, y réveillant sa turgescence endormie. La main de l’elfe tomba alors un peu plus bas et enchâssa entre ses longs doigts les deux trésors du Féral…

Elwing serra légèrement, affirmant sa prise sur ses otages sans pour autant les violenter. A présent, son contrôle sur Victo était total. Qu’il la repousse, elle s’agrippait. Qu’il se débatte, elle serrait. Qu’il la frappe, elle broyait…

-Toutes ces qualités sont bien loin d’être éclipsées par le seul défaut que je vous ais trouvé, poursuivit-elle dans un chuchotement à son oreille. Vous avez un faible pour les femmes… Méfiez-vous, mon général, qu’elles ne vous mènent pas à la baguette. J’aurais beaucoup de peine si une sale petite garce vous tenait par les … Enfin… vous voyez ce que je veux dire.

Elle agita alors sa main pour appuyer son propos et relâcha enfin ses otages sans les avoir blessés. Elwing en profita pour s’esquiver et fit ensuite une rapide enjambée pour se mettre hors de portée des attouchements du guerrier. Un petit rire fluet s’échappa de sa gorge alors qu’elle remettait la ceinture de son kimono tout en prenant ses distances.

-Maintenant, si vous voulez bien m’excuser, je dois aller me vanter auprès du capitaine Erubon qu’un général a essayé de me sauter. J’ai hâte de lire la jalousie dans ses yeux…

Tout capitaine qu’il était, Trataïr était surtout légèrement épuisé par l’épreuve qu’il avait subit. Il avait perdu beaucoup de sang et ne désirait que le repos à présent. C’est donc dans cette optique que, au lieu de rejoindre le général et ses subordonnés sur la place principale en attendant les nouveaux ordres, il préféra rejoindre l’arrière de la maison qu’il avait occupé avec son groupe quelques instants plus tôt et s’assoupit contre un arbre le temps de récupérer. Il récupéra un chapeau de paille dans l’entrée de la maison et, à demi nu et couvert de bandage, le capitaine s’endormit assit à l’ombre de ce beau chêne. De longs instants de plénitudes passèrent. Il ne rêva pas, c’était étonnant. Lui qui s’attendait à voir son sommeil troublé par d’horribles visions de cadavres déchiquetés et de massacres incessants fut surpris de dormir comme une souche.

Un instant de repos salvateur qui fut vite rompu par un fracas assourdissant qui provenait de l’église locale. Trataïr ouvrit ses yeux lourds de fatigue et bailla longuement. Il regarda négligemment en direction de l’église en lâchant un « quoi encore ?... » rempli de lassitude avant de se lever lentement et de s’étirer. Il soupira longuement avant d’enfin songer à partir en direction du bruit. Il re-traversa la maison et récupéra son arme avant de se diriger, les pieds traînants dans la poussière, vers le lieu de culte. La porte était proprement ouverte, sans trace d’arrachage des gons. « Tiens, Victo devait être fatigué… » pensa le capitaine. Il marcha vers le centre de l’édifice où un imposant lustre trônait sur une masse encore grouillante de cadavres en putréfaction. Ce tableau charmant n’intéressa guère Trataïr qui avait plutôt le regard rivé vers son acolyte et le général qui se tenait à quelques pas de Celebrian, elle-même en train de ré-ajuster son armure en lui lançant une pique bien sentie.

- Maintenant, si vous voulez bien m’excuser, je dois aller me vanter auprès du capitaine Erubon qu’un général a essayé de me sauter. J’ai hâte de lire la jalousie dans ses yeux…

Tout militaire qu’il était, Trataïr ne s’empêcha pas d’éclater de rire en entendant ça. Une exclamation qui devait être étouffée très efficacement par l'épaisse poussière soulevée par le lustre car les deux tourtereaux ne semblait aucunement avoir entendu le capitaine. Il en profita pour se lever, l’épée ballotant négligemment dans sa main gauche, et lorsque il passa à côté de sa camarade, il trancha d’un geste tout rempli d’innocence la ceinture que la demoiselle venait de remettre. Il lança un regard amusé à Celebrian.

- Un juste retour des choses après les traitements que vous m’avez infligé…

Il gloussa avant de se retourner vers le général.

- Il me semble qu’on a une revanche à prendre vous et moi général. Vous souvenez-vous dans cette forêt, l’hiver dernier ? Ce jour là je vous avais promis que je deviendrais plus fort. Bien sûr aujourd’hui n’est pas le meilleur moment pour un combat, mais je compte toujours vous vaincre un jour ou l’autre !

Il lança un autre regard malicieux vers Celebrian.

- Par contre si je peux tenter ma chance sur un autre terrain… ça ne sera pas pour me déplaire…

Puis il éclata de rire avant de repartir vers l’imposante porte de l’église. Le crépuscule était en train de tomber sur ces plaines maudites. Il dit assez fort pour que toute l’assistance entende.

- Bon qu’est-ce qu’on fait ?! On dort ici au milieu de cette viande faisandée par les bons soins de notre général ou bien on prend le risque de rentrer en pleine nuit ?!

Il posa son épée au sol et entreprit de s’allonger sur un banc de l’église en posant son nouveau chapeau sur son visage. Se doutant que cette manœuvre leur donnerait la solution qui lui convenait le plus. Il comptait bien se reposer désormais et il espérait que son groupe n’ai pas l’idée magnifique de repartir tout de suite.

Y avait-il cru ? Avait-il réellement pensé qu'il parviendrait à faire son affaire avec la prestigieuse reine de Drayame ? Son bas-ventre oui ! Mais sa tête, pas le moins du monde. Bien entendu il l'espérait, mais à l'instar de toute ses plus prestigieuses conquêtes, il se nourrissait avant tout du challenge que la demoiselle pouvait représenter. Elwing n'était pas vraiment réputée pour ses tendances "dociles", aussi le gladiateur aurait été déçu de venir à bout d'un tel gibier aussi facilement.

Mais il joua le jeu car après tout, qu'avait-il à perdre ? Si vraiment elle faisait quelque chose de déraisonnable, il n'hésiterait pas à la renvoyer dans son royaume sylvestre, et en soit il ne s'agissait ici que d'une juste "punition".
Il parvint alors à venir à bout des lanières de la cuirasse elfique, qui tomba lamentablement sur le sol, puis prit l'initiative de partir à l'exploration. Mais "sa majesté" prit les devint et l'y invita sans aucune forme d'introduction, détachant son ceinturon et en saisissant sa main pour l'y amener vers ses royales attributs. Un sourire carnassier se dessina alors sur le visage du jeune Féral, dont les yeux brillaient d'un désir aussi grand que son égo. Il savourait cependant chaque caresses, chaque morsures de ce bout de femme qu'il comptait bien faire sienne, et malgré la robustesse de sa peau, il n'y restait pas indifférent. Sa main se délecta des formes généreuses de la reine, ses caresses se faisant tantôt virile, tantôt aussi légère que la brise, éveillant par de timides frissons les extrémités de son buste majestueux.

-Mon général… Quelle femme ne rêverait pas d’être à ma place… ? Ce ne serait pas… vous rendre justice que de vanter seulement votre charme et votre prestance. J’ai également le sentiment que vous… que vous êtes un homme juste et honorable. Un homme capable d’aimer ce monde au lieu de le condamner à la nuit… Un homme devant qui je serais fière de ployer le genou.

Si il se retint d'admettre la première partie de l'aveu, et par-dessus tout de dire à cette femme à quel point elle était dans le vrai concernant sa nature, il douta de la toute dernière phrase.


Puis elle prit "les choses" en main. Et c'est à ce moment précis que le Général sut que le plaisir ne serais pas pour tout de suite. Ce qu'il souhaitait avant tout, c'est connaître les ambitions, les méthodes de cette nouvelle tête de l'Empire. Évidemment, il ne tenta rien d'insensé, tenant à ses précieuses plus que n'importe qui d'autre, cependant il "profita" des quelques secondes qui lui restaient pour savourer une "dernière fois" le corps sulfureux de son altesse.

- Toutes ces qualités sont bien loin d’être éclipsées par le seul défaut que je vous ais trouvé. Vous avez un faible pour les femmes… Méfiez-vous, mon général, qu’elles ne vous mènent pas à la baguette. J’aurais beaucoup de peine si une sale petite garce vous tenait par les … Enfin… vous voyez ce que je veux dire.

Il lui répondit également dans le creux de sa nuque, en y déposant un baiser fougueux et repli de défi :

- Mon unique mais agréable défaut, que j'ai l'arrogance de m'octroyer pour laisser une chance à mes ennemies, ou bien pour remercier mes alliés ... Mais soit, je vous accorde cette manche Majesté, vous avez bien joué.

Puis elle s'esquiva, reculant vers la sortie tout en lui lançant une ultime provocation qui perdit toute sa crédibilité lorsque Victo vit le jeune humain trancher la ceinture que la reine était en train de rattacher ... Pauvre Trataîr, si il savait ! Un rire fier et moqueur s'échappa à l'intention de Célébrian.

- Un juste retour des choses après les traitements que vous m’avez infligé…
- Effectivement, c'est de bonne guerre ! Mais nous aurons tout le loisir de rediscuter de tout cela une fois de retour au camp, j'en suis certain, capitaine Célébrian !

Puis le jeune Erubon s'adressa au Champion :

- Il me semble qu’on a une revanche à prendre vous et moi général. Vous souvenez-vous dans cette forêt, l’hiver dernier ? Ce jour là je vous avais promis que je deviendrais plus fort. Bien sûr aujourd’hui n’est pas le meilleur moment pour un combat, mais je compte toujours vous vaincre un jour ou l’autre ! Il regarda d'un œil pervers l'elfe. Par contre si je peux tenter ma chance sur un autre terrain… ça ne sera pas pour me déplaire…

Surpris par les "révélations" de l'archer, Victo dut faire un effort surhumain pour parvenir à se souvenir de Trataïr, pour finalement acquiescer.

- N'aurais-tu pas put le dire plus tôt !? Tu as mes sincères félicitation Trataïr, effectivement on est bien loin du pauvre clochard qui chassait le lapin ! Mais t'es encore loin de faire le poids au corps à corps ... et je dis bien dans tout types de corps à corps ... ajouta-t-il en lui adressant un clin d'oeil.

- Bon qu’est-ce qu’on fait ?! On dort ici au milieu de cette viande faisandée par les bons soins de notre général ou bien on prend le risque de rentrer en pleine nuit ?!

En bon Féral qu'il était, Victo entreprit de sortir de la bâtisse en explosant au passage les pieds du banc, faisant tomber à la renverse l'impérial.

- C'est hors de question que nous passions la nuit ici. Le maréchal Echtion attends notre retour, je crains qu'il prenne une mauvaise décision si jamais nous ne rentrons pas comme prévu. Nous sommes en plein Nelnurr, le soleil se couche mais nous avons encore suffisamment de temps devant nous pour finir le travail, alors finissez de purifier les dernières maison, puis retournez au camp en prenant soin de passer par le Nord. Capitaine Célébrian, je vous laisse superviser cette opération. Trataïr et vous trois, dit-il en désignant trois elfes blessés, venez avec moi. Nous allons gagner du temps.

Il posa amicalement sa main sur l'épaule de la reine et planta ses iris rougeoyante dans les siennes, en hochant lentement la tête.

- Si vous osez mourir, vous aurez affaire à moi ! On se retrouve au camp.

Il ordonna à ses subordonnés de le suivre, de grimper sur leurs étalons et ensemble ils partirent plein sud.

- Un groupe d'infecté a été signalé au sud du village, à une vingtaine de kilomètre d'ici ! Nous devons attirer leur attention et les amener tout droit vers le camp ! Echtion nous attendra, prêt à défoncer tout ces abrutis. Selon nos informations, ils ne sont qu'une petite centaine ! JE LE RÉPÈTE, nous n'y allons pas pour les affronter ! Nous leur ferons faire un léger détour par le sud pour être sur que le capitaine Célébrian aura la voie de libre pour ramener ses hommes sains et sauf !

Victo volait en raz-motte sur le dos de Shinryu, et devait s'efforcer de hurler pour que ses ordres soient clairement audible pour chacun de ses hommes.

Par réflexe, Elwing enroula son bras sur elle-même afin de retenir les pans de son kimono qui, privés d'attaches, risquait de faire le régal des yeux les plus avides. Elle jeta alors un regard courroucé au responsable qui semblait particulièrement frais et remis. Si elle avait su qu'il profiterait de sa nouvelle vitalité pour la taquiner, elle lui aurait mis du gros sel dans ses plaies plutôt que des herbes. Elle continua cependant sa route avec dignité, laissant les deux hommes comparer la longueur de leur attribut viril, ne s'arrêtant que pour lancer une exclamation dédaigneuse à Trataïr lorsqu'il se permit de faire encore un autre commentaire. Décidemment, se faire passer pour un troufion de soldat était usant pour la patience de l'elfe qui se sentait bien frustrée de ne pas pouvoir inculquer le respect régalien à coup de talon dans les genoux.

"Par contre si je peux tenter ma chance sur un autre terrain... ça ne serait pas pour me déplaire..."

-N'y pensez même pas, capitaine, je ne suis pas à votre portée. Ni à celle du général d'ailleurs.

Et alors que le dit capitaine se vautrait sur un banc de l'église, il eut le fol espoir de passer une nuit confortable dans ce petit village désert plutôt que dans la crasse des baraquements. C'était une éventualité tentante, même si la reine n'aimait pas beaucoup camper ainsi à découvert. Les crânes ailés pouvaient resurgir à tout moment et les attaquer, ou bien d'autres créatures bien pires. La nuit et sous l'effet de la surprise, les pertes risquaient d'être catastrophiques. Quoiqu'il en soit, le général se chargea de trancher et mettre un terme à l'indécision d'Elwing. Il fit dégringoler Trataïr de sa couche et claironna ses ordres, sans oublier de les justifier avec justesse. En effet, s'ils ne rentraient pas à la date prévue, Echtion risquait d'envoyer des éclaireurs à leur rencontre, ou pire, un bataillon de recherche. Ce constat suffit à convaincre Elwing qui frissonna imperceptiblement lorsque la main de Victo se posa sur son épaule. Elle soutint alors son regard rougeoyant et lui décocha un sourire tendre en réponse à sa sollicitude. Un dernier salut et elle s'éclipsa pour de bon.

En sortant, elle héla le premier sergent elfe qu'elle croisa - les caresses de Victo n'ayant pas amoindri son mépris envers les races inférieures pour se réduire à apostropher un humain - et lui demanda de la suivre tout en exigeant un compte-rendu de la situation.

-On a nettoyé toutes les maisons, les hommes sont en train de rassembler les corps pour les bruler sur la grande place.

-Bien, commenta la reine en se penchant sur le cadavre d'un elfe. Mettez-y le feu dés maintenant et tant pis pour ceux qui restent, je veux avoir quitté les lieux avant que la nuit ne tombe.

L'elfe jeta un coup d'œil interrogateur à sa reine qui s'échinait maintenant à retirer le plastron du mort mais se rembrunit bien vite en réalisant qu'il venait de recevoir un ordre.

-Ce sera fait immédiatement, ma dame, claqua-t-il d'un ton solennel.

Elwing ne le regardait pas partir et essayait maintenant d'enfiler la cuirasse brunie par le sang séché qu'elle venait de voler à son compatriote comme une vulgaire pilleuse de tombe. Une fois mise en place les sangles de cuir, Elwing avait dorénavant un plastron tout neuf qui sentait bon la sueur d'homme et la chair en décomposition. Evidemment, elle aurait pu récupérer son propre plastron, qui gisait encore dans l'église, mais sur le coup, elle n'avait pas voulu ressembler à une catin en faute qui prend la fuite avec ses vêtements sous le bras. C'est une question de dignité...

Ce qui n'était qu'un mince filet de fumée qui s'élevait paresseusement vers le ciel, se changea bientôt en de gros nuages noirs et menaçants. En s'approchant du centre de village, on pouvait voir les flammes rugir et vomir d'épais panaches nauséabonds. Des silhouettes carbonisés et agglutinées étaient presque méconnaissables, enveloppées dans une gaine de flamme rouge et jaune qui les faisaient grésiller. C'était dérangeant de constater que le bruit n'était pas différent d'une appétissante venaison en train de rôtir sur le feu. Les flammes étaient hypnotisantes pour des elfes peu habitués à voir un aussi grand brasier sans subir l'angoisse d'un incendie de forêt, car pour une fois ce n'était pas du bois qui servait de combustible...

-En selle, elfes, tonna Elwing par dessus le crépitement du feu. On retourne au camp en faisant un détour par le nord. Je veux tout le monde prêt à partir dans trois minutes.

Les elfes se dispersèrent aussitôt, appelant leur monture à grand renfort de sifflement. Les juments elfiques, agglutinées autour de leur mâle dominant, se dispersèrent finalement pour rejoindre leur cavalier respectif, si bien que la troupe fut en ordre de marche à une vitesse surprenante. Il n'y avait qu'à attendre l'homme qui dirigeant la caravane de flèches, portés par des mules bien plus récalcitrantes. Elwing jeta un coup d'œil sombre vers le sud, là où la wyvern avait emportée son cavalier, et avança dans le sens inverse. Bien qu'elle ne l'ait pas montré, elle aussi s'inquiétait pour Victo et Trataïr. "Survivez, bande d'idiots", se dit-elle avant de grimper sur sa monture...


Un hennissement déchirant perça le silence nocturne. La nuit était tombée depuis quelques minutes seulement. Et si la troupe de cavalier avait dû composer avec les ombres traitresses projetées par le crépuscule, elle avançait maintenant à tâtons dans l'obscurité sur des sentiers de bœufs inégaux. Elwing jura tout bas et ordonna une halte pour ramasser le soldat elfe dont le destrier avait trébuché sur une énième ornière. Tandis, que les soldats relevaient leur compère étourdi, la troupe perdit un temps précieux à calmer sa bête dont la chute l'avait affolée mais pas blessée. Elwing était obligée de réduire l'allure une nouvelle fois, même si les cris décharnés qu'elle entendait au loin lui suggéraient de fuir le plus rapidement possible. Cependant, elle devait faire confiance au général. Il avait dit qu'il les éloignerait d'elle et il le ferait. Quant à elle, il fallait qu'elle se montre prudente. Comme prévu, elle avait pris la route nord du village, ce qui imposait un détour pour revenir au camp. Elle dut alors prendre quelques sentiers d'agriculteur pour rejoindre la route commerciale et foncer tout droit à l’abri. En chemin elle ne rencontra aucune menace mise à part quelques zombies désorientés qui grognèrent à peine sur leur passage. Une fois sur la grande route et la lueur du camp en vue, l'elfe commença à s'inquiéter pour ses compagnons restés en arrière. Son angoisse ne fit que grandir et atteint alors son apogée en franchissant les portes fortifiées et en constatant que le général et le capitaine n'étaient toujours pas rentrés. Peu habituée à attendre sagement à la maison que les hommes rentrent de la guerre, elle dut tout de même se résigner à faire les cents pas. En effet, partir à son tour avec des hommes pour entreprendre des recherches aurait été exactement ce que voulait éviter Victo en partant de nuit. C'était stupide et impulsif.

-J'parie que le soldat Delieux l'aurait fait, lui, marmonna-t-elle pour elle-même.

La reine était désormais sur le rempart nord du camp, appuyée sur un créneau en bois et ses yeux d'elfes perçant l'obscurité à la recherche d'un signe de vie. Elle allait probablement les veiller toute la nuit s'il le fallait...

Fatigué... si fatigué... le capitaine était alors tellement épuisé par le combat et la perte de sang qu'il réagit à peine lorsque le général explosa le banc sur lequel il était posé aussi facilement que si il s'agissait d'une fourmi sous ses bottes. Il avait déjà pu contempler les pouvoirs de Victo et même si il gardait une certaine fascination pour ceux-ci, il commençait à s'y habituer. Étalé dans les restes fumants de son lit de fortune, il râla quelque peu avant de se relever avec difficulté. Sans attendre que le général aille aboyer ses ordres, il repartit en direction de la maison si familière dans laquelle on pouvait encore voir les traces du combat. Des restes de bestioles volantes ainsi que beaucoup de sang. Ce n'était pas très beau à voir, mais au milieu de ce carnage Trataïr parvint quand même à retrouver sa cuirasse qu'il enfila prestement tout en écoutant des deux oreilles les ordres de son général.

Le plan était de cavaler vers le sud à la rencontre d'un petit groupe de ces monstruosités et des les ramener au camp principal pour qu'ils s’empalent sur les défenses du fortin. C'était une mission fort simple, mais n'importe quoi pouvait devenir compliqué lorsque l'on était aussi blessé que le jeune homme. Mais c'est sans se plaindre qu'il enfourcha son cheval et partit au triple galop rejoindre ses hommes. Il devait aller au devant de la bataille pour les guider mais aussi leur donner un peu de courage. Il avait déjà fait l'expérience de se sentir abandonné en plein combat et ne le souhaitait pas à ses hommes.

Durant une vingtaine de kilomètres, le groupe avança sous un ciel lourd et gris. L'absence de vent et la chaleur estivale rendait l'atmosphère suffocante et Trataïr brûlait d'envie de rentrer une bonne fois pour toute à ce fichu camp. Il se sentait vaciller vers l'inconscient par moment, mais s'accrochait toujours et parvint à rester éveillé. Mais c'est les yeux lourds qu'il accueilli un éclaireur inquiet s'approchant de lui. Son visage perlait de sueur et il haletait bruyamment sous son casque d'acier. Le capitaine fit un effort pour paraître aussi calme et éveillé que possible.

- Que se passe-t-il éclaireur ?

- Mon capitaine... je viens pour signaler l'arrivée de groupes d'infectés dans notre direction !

- Et bien c'est par.... comment ça « de groupes » ? Il n'y en a pas qu'un ?

- Non mon capitaine ! Il y a effectivement la petite centaine qui constitue notre objectif mais... il y en a un deuxième...

- Mais parle ! Combien ils sont ?!

- Plus....plusieurs centaines d'infectés se dirigent également vers notre position par le sud-ouest...

Les yeux de Trataïr s'écarquillèrent. Il regarda précipitamment Shinryu qui envoyait son maître vers l'est, vers le petit groupe de créature. Dieux... faites qu'il ai vu le second ! Quelques instants plus tard, les prières du jeune homme semblèrent avoir été entendues car la wyvern descendit en faisant des cercles vers le sol. Le jeune capitaine s'empressa d'emmener sa monture vers le lézard volant qui semblait intimidée par ses longs crocs saillants et sa queue qui battait furieusement l'air. Un petit geste affectueux sur l'encolure de l'étalon suffit à le calmer. Mais Trataïr, lui, était toujours aussi inquiet. Il dévisageait le général avec une terreur à peine masquée.

- Mon général ! Que faisons-nous ! Ils sont beaucoup plus nombreux que prévus !

Le jeune Féral prenait son rôle de Général très à coeur, trop à cœur en réalité, si bien qu'il s'ennuyait. Plus qu'un dirigeant, Victo était un homme d'action et jusqu'à maintenant, il en avait cruellement manqué. Mais il s'efforçait de suivre le protocole, et ce dernier s'était, jusqu'à cet instant, relevé plutôt efficace. La centaine d'infecté se trouvait bien là où elle devait être, quoiqu'un peu trop à l'Est, et le groupe d'éclaireur durent user de leur matière grise pour rediriger l'attention de leurs ennemis. Du ciel, le Champion put apercevoir une minuscule tache noire se déplacer vers le Nord, et il se doutait qu'il s'agissait des troupes de la reine. Il continua toujours plus vers le Sud, et après une énième colline, les imprévus s'enchaînèrent. Le premier groupe de mort-vivant les suivaient toujours comme du bétail, en revanche un autre groupe, beaucoup plus gros, les attendait. En avance sur l'éclaireur qui galopait en contre-bas, Shinryu commença à décrire des cercles dans les airs, laissant eu démon le temps de réfléchir.

- Ils ne devraient pas être là.
- Roooh ça va hein !
- C'est trop dangereux si ils ne sont pas préparés, déjà la dernière fois ils ont subit quelques pertes, et ça je ne l'accepterai pas tant que je suis à la tête de cette expédition !
- Retourne vers Erubon.

Shinryu entreprit alors la descente vers le groupe d'éclaireur et se posa, laissant les cavaliers venir à sa rencontre. Chacun d'eux étaient exténués car blessés, et le gladiateur savait que l'ordre qu'il allait leur donnait serait le dernier qu'ils seraient capable d'exécuter.

- Mon général ! Que faisons-nous ! Ils sont beaucoup plus nombreux que prévus !
- Vous quatre, retournez au camp et faites en sorte que le groupe vous suive, je vais m'occuper de l'autre.
- Mais mon général, ils sont peut-être un millier ! Sauf votre respect, je ne pense pas que le camp puisse mener une aussi rude bataille sans y être préparé !
- Humpf, j'ai dut mal m'exprimer autant pour moi. Occupez-vous de la centaine, je me charge d'éloigner le millier d'autre.

Un silence glacial s'abattit sur le groupe d'éclaireur, et les elfes, bien qu'ils aient entendu parlé de la force du Général Céleste, ne pouvaient croire qu'un tel plan puisse être adopté. Victo jeta un coup d'oeil en arrière pour s'assurer que les centaines d'hommes et de femmes infectés n'aient pas encore franchi la colline.

- Allez, ne traînons pas ! Erubon, ceci est votre dernière mission, vous aurez tous mérité une semaine de repos après tout ça. Prévenez le maréchal Echtion et le capitaine Célébrian que je vais continuer vers le sud, à l'Ouest du village que mon père a déjà purifié. Je leur interdit de venir me chercher avant demain, c'est trop dangereux ! Je compte sur vous. conclu-t-il avant de reprendre son envol vers le sud.

La nuit promettait d'être longue, mais déjà Victo sentait sa fougue s'enflammer, son cœur s'affoler à l'idée de se retrouver dans une situation périlleuse. Shinryu rasait le sol de ses griffes et à peine eut-elle atteint le sommet de la colline que sa queue explosa une demi-douzaine d'infectés sur son passage. Tout s'arrêtèrent, suivirent la créature du regard puis changèrent de direction, prenant pour cible l'impérial. Dès lors qu'ils eurent dépasser le groupe et se furent éloigné à une centaine de mètres, Victo mit pied à terre.

- On va continuer à pied, ils sont nombreux mais ils sont lent, il ne faudrait pas les semer.

Tout en marchant dans la pénombre de la nuit, la wyvern s'interrogea.

- Une fois là-bas quoi ?
- Pas si on les élimine.
- Partante Shin' ?
- Pas cette fois ! Cette fois, on fait ça en équipe !
- Rien de bien folichon, on attends le levé du jour, et on fait ça à l'elfique : méthodique, propre et efficace.



Les chaudes températures de la saison avaient chargé en humidité les nuages qui se faisait déjà bien présent la veille, et c'est une pluie violente et continue qui s'abattait sur les plaines Mystique, accompagné de temps à autres par un orage qui se faisait pour le moment plutôt timide. Victo et sa monture avaient bien atteins le village purifié quelques semaines plus tôt par Anima et Hadrien, et le travail avait été bien fait si bien qu'il ne restait plus personne.
Posté à l'entrée de la grande rue du village, Victo s'échauffait tranquillement, observant d'un œil distrait l'armée qui s'avançait inlassablement vers lui. Puis lorsqu'ils furent à portée, il remonta sur sa Wyvern, qui traversa sans se presser le village en long, en large et en travers jusqu'à inonder d'infectés les axes principaux. Puis la boucherie débuta. A dos de sa monture, le jeune Féral s'adonnait à cœur joie en passant tel un éclair au-dessus des créatures et en tranchant leurs têtes d'un coup précis et mortel. La première partie de l'opération était sans aucun doute la plus sale et la plus simple, car il suffisait de frapper dans le tas.

Cent, deux-cents, trois-cents, quatre-cents infectés décoraient les dalles de leur boyaux, mais vint le moment de passer à la seconde étape de la purification. Les morts-vivants étaient désormais divisés en plusieurs petits groupes, et l'élimination de masse n'était plus aussi efficace. Le Champion se prépara à "mettre les mains dans le cambouis" et descendit de sa monture, qui se posa sur un toit et se reposa une paire d'heure. Pendant ce temps, Aeon, explosait par demi-douzaine les crânes des impies, tout en restant très méthodique dans sa façon de procédé. Shinryu indiquait les ruelles vide de toute menace, et le démon s'y dirigeait en éliminant à reculons les idiots qui le suivaient. La tâche n'avait rien de compliqué car une très grande majorité des infectés n'étaient que des paysans désarmés, sans aucune autre protection que leur haillons, mais la fatigue se faisait ressentir et déjà le milieu de journée pointait le bout de son nez. Vu du ciel, le village était le même, à ceci près que les chemins de terre étaient remplacés par des marres de sang.

Puis, lorsqu'il ne resta "que" deux-cents hommes, Victo prit le relais en duo avec Shinryu. Rassemblés au milieu de la place centrale, là ou siégeait une imposante fontaine, l'homme et la bête effectuaient une danse macabre qui ne laissait aucune chance à leurs adversaires, à ceci près que le gladiateur n'avait pas prévu la suite. Perdant en vigilance, le jeune Féral fut surpris de devoir affronter sans forme d'introduction des infectés armés et équipés de maille. Plus que de l'attaquer par "faim", ses adversaires semblaient doués de conscience et leurs attaques, précises et souvent complémentaires, mettaient à mal les capacités amoindris du Héros de Sen'tsura, qui était tiraillé par la faim, la soif et la fatigue. La dernière vingtaine se révéla être des guerriers extrêmement doués, qui en plus d'être puissant, avaient le net avantage de ne pas ressentir la douleur.

Victo revêti à nouveau sa forme démoniaque, mais un carreau d'arbalète dans l'épaule suivit d'une morsure à l'avant-bras le stoppèrent net dans son processus. Parfaitement conscient de la terrible chose qu'il venait de se produire, son poing fusa dans le heaume du guerrier et l'écrasa contre le mur adjecent.

- BORDEL !

Sa transformation reprit, mais la haine l'envahi et il n'y avait plus de Victo ou d'Aeon, simplement une bête déchaînée qui comptait bien en finir de la manière la plus rapide et la plus violente possible. Shinryu attrapa dans chacune de ses griffes les malheureux soldat et les envoyait à tour de rôle sur le gladiateur, qui les tranchait en plein vol sans aucune forme de procès ! Une quinzaine de minutes plus tard, le carnage fut terminé, et le gladiateur reprit sa forme initial avant de se réfugier sur le toi d'une chapelle. Sa Wyvern l'aida à retirer le projectile qui était planté profondément dans sa chair et il cautérisa la plaie, en sachant que ses gènes de démon l'aiderai à vite cicatriser. Non, ce qu'il l'inquiétait le plus, c'était cette morsure. Elle n'était ni profonde, et le contact avait été très court, donc il espérait que le Maléfice n'aurait pas eu le temps de l'infecter. Néanmoins, il ne prit pas de risque et usa à nouveau de sa magie pour bruler la surface de sa peau, qu'il recouvrit ensuite d'un bandage pour dissimuler sa blessure. Son corps était recouvert de sueur, de sang et de boue, mais la pluie continuait de tomber et eut tôt fait de le nettoyer.

- Tu te ferai plus mal qu'autre chose hahaha !
- Toi aussi ma belle.

Et comme pour en terminer avec toute cette histoire, le jeune Féral enflamma tout un tas de cadavre, si bien que malgré la pluie, le feu se propagea dans tout le village, faisant s'élever haut dans le ciel de gros nuages de fumée. Le duo resta là plusieurs heures afin de se reposer. Puis en milieu d'après-midi, des troupes alliés arrivaient par le Nord. Étais-ce Trataïr ? Étais-ce Célébrian ? Pour le moment, Victo n'en savait rien. Il se contenta de redescendre au milieu des brasiers fumant, à la recherche d'éventuels indices sur le fléau qu'ils étaient en train de combattre.

-TU L’AS LAISSÉ PARTIR SEUL ?! AVEC UNE HORDE A SES TROUSSES !?!

Le pauvre Trataïr, éreinté après une bataille menée avec justesse et sang-froid, ne retrouva la sécurité et le confort du camp de base que pour se faire houspiller pour une petite furie blonde. Ca faisait plusieurs heures qu’Elwing se rongeait les sangs en attendant le reste de sa troupe, lorsqu’enfin elle aperçut les survivants. Cependant, pas un signe de l’hideux lombric volant, qui d’habitude, charriait le général sur son dos. A peine, Trataïr, assaillit de question par sa camarade elfe, révéla le plan du général que les vociférations commencèrent.

Le maréchal Echtion recevant en premier lieu le rapport du capitaine, aurait dû y réagir en conséquence mais se garda bien d’intervenir. Il se contentait de flanquer Elwing avec un air vaguement compatissant, mais sans faire valoir son grade pour faire taire la furie. Quand la reine entrait dans l’une de ses colères, c’était chacun pour soi…

-Il faut avoir des méninges en glaire d’orc pour laisser son général se suicider sur une bande de zombies abrutis ! Et toi tu dis amen quand ton général te dit de te replier sans lui et qu’il faudra suuurtout pas oublier de ramasser son cadavre le lendemain matin. Peu importe qui c’est, quand un supérieur te sort un tel flot de conneries, tout le monde te sera reconnaissant de ne pas en écouter un traitre mot et de lui cogner le four à merde qui lui sert de gueule jusqu’à ce qu’il retrouve ses esprits ! AH ! Il vaut mieux pour lui qu’il en crève parce que si je le retrouve en vie…

Voir de telles grossièretés sortir d’une bouche aussi ravissante était déstabilisant avant d’être énervant. L’elfe ne rougissait pas, ni ne perdait le fil de sa pensée, ni ne se fatiguait, comme si elle en avait l’habitude, comme si elle avait fait ça tout sa vie. C’en était presque impressionnant. De fait, ce n’était que lorsqu’on se rendait compte qu’Elwing n’allait jamais se taire, qu’on pouvait doucement commencer à s’énerver. En effet, les insultes et reproches s’écoulaient en flux régulier toujours ciblés sur le champ lexical du déchet, voir de la stupidité. Elle ne s’arrêta jamais, ne laissant pas le temps à son interlocuteur de répondre, le seul moyen vraisemblable d’avoir la paix étant encore de lui envoyer son poing dans la figure. Or, de part le statut royal de la dame elfe, les gens envisageaient rarement cette solution.

Cependant, l’aube venait. L’horizon s’embrasait lentement, répandant ses flammes rouges comme pour purifier ses terres maudites. L’obscurité ne se retirait qu’à contrecœur, laissant derrière elle ses nuances de mauve et d’indigo. Rien ne bougeait pourtant. Le mouvement figé ne faisait que narguer Elwing qui bouillonnait en attendant qu’il fasse assez clair pour qu’une compagnie de cavalier puisse progresser sans risque sur les routes traitresses.

Dés qu’il fit suffisamment jour, ou plutôt que la patience de l’elfe atteignit son ultime limite, la troupe partit au triple galop. Les lourds sabots ferrés, écrasant le givre laissé par la rosée du matin, grondaient comme un orage furieux pour avaler les kilomètres à une vitesse inquiétante. Il fallait un certain travail d’imagination pour penser que cette bande était une équipe de sauvetage.

Elwing croisa les premiers cadavres de zombies sans broncher. Les champs en étaient remplis et vu l’odeur qui s’en dégageait, ils avaient été tué récemment. Sans aucun doute l’œuvre de Victo. Ils étaient tombés en peu de temps, tous fauchés plus ou moins adroitement au niveau du cou. Plus on se rapprochait du village, plus les morceaux de zombies se multipliaient, formant même des monticules par endroit où ils s’étaient bêtement agglutinés. C’était très impressionnant. Les zombies n’étaient pas très dangereux en soi. C’était leur nombre et leur résistance qui les rendait si dur à exterminer. Il fallait une endurance et une force de frappe quasi divine pour se débarrasser d’une telle horde.

Cependant, Elwing n’était pas d’humeur à exprimer quoique ce soit. Elle se contentait de faire voltiger sa monture entre les obstacles du parcours, sans un mot, ni commentaire, même si intérieurement, elle était subjuguée par l’exploit. Les soldats, eux, exprimaient à haute voix leur admiration, s’invectivant les uns les autres pour essayer de comprendre comment un homme seul pouvait faire cela. La réponse était plutôt simple. Victo n’est pas un homme…

Une fois arrivé au village, le jour était bien avancé malgré que les bêtes aient chevauchés à bride abattu pendant toute une demi-journée. Leurs flans étaient trempés de sueur, comme s’ils avaient traversé un cours d’eau et leurs pattes tremblotaient dés qu’un cavalier ralentissait sa course. Lorsqu’on décida finalement de délester les bêtes de leurs cavaliers afin de les bouchonner, la plupart se couchèrent de fourbure. Elwing venait d’apercevoir le général qui flânait entre les cadavres calcinés. Elle abandonna donc sa bête et vint à sa rencontre. Oubliant de lui faire part de son soulagement de le retrouver en vie, elle s’assura d’abord qu’aucun soldat ne les regardait, puis lui décocha son poing dans la mâchoire.

-Connard… lança-t-elle pour accompagner poliment son geste.

Elle fit ensuite le tour du colosse et constata enfin sa blessure. Une morsure. Elwing s’alarma immédiatement et obligea l’ancien gladiateur à se mettre à son niveau, quitte à lui flanquer quelques coups de talon derrière le genou afin de l’aider à plier.

-Ne vous transformez pas, gronda-t-elle inutilement.

Pour continuer dans l’inutile, Elwing commença sans douceur à fourrer son ignoble mixture elfique à base de champignon dans les lèvres ouvertes de la blessure, lui agrippant le bras pour éviter qu’il n’esquive ses soins. Pendant toute l’opération, Elwing gardait un visage fermé qui n’augurait rien de bon. Quant à sa colère, elle se sentait dans chacun de ses gestes, secs et sans douceur.

Agenouillé près d'un infecté pas tout à fait mort, le jeune Féral regardait, l'air désolé, l'ancien quinquagénaire essayer de se mouvoir pour le mordre. Bien qu'il n'espérait pas grand chose de plus, il se risqua à lui parler, à lui demander si derrière le monstre qu'il était devenu il y avait encore une part de conscience, ne serais-ce qu'une bribe d'humanité qui pouvait lui laisser envisager une solution si un jour lui aussi venait à se transformer. Mais la seule réponse qu'il n'eut fut celle d'un nouveau claquement de dent dans le vide.

- Et bien ... j'suis mal barré ... conclu-t-il en faisant brûler le cadavre.


Le jeune homme se retourna vers la reine qui approchait, seule et déterminée à lui faire comprendre sa vision des choses, contrairement à lui qui avait le sourire jusqu'aux oreilles comme celui d'un enfant qui niait avoir fait une bêtise. Bombant le torse, il ouvrit grand les bras pour accueillir sa capitaine, conscient que quitte à ce quelle soit de mauvaise humeur, autant pousser le bouchon jusqu'au bout.

- Vous avez manquez la fêt....

Le poing du soldat fusa tout droit dans sa mâchoire avec une force qu'il ne lui soupçonnait pas, si bien qu'il tituba. Sonné, il secoua la tête et porta la main jusqu'à son visage comme pour vérifier si il ne manquait rien !

- Connard…
- Humpf ... j'imagine que c'est de bonne guerre.

Puis telle une mère qui veut s'assurer que son enfant n'ait rien, elle commença à en faire le tour et malgré toute ses tentatives pour dissimuler sa blessure, l’œil avisé de la reine eut raison de lui, regard qui se fit clairement menaçant quand elle comprit qu'il s'agissait d'une morsure !

- Oh ça ... une broutille, pas de quoi en faire tout un plat !

Mais lui-même n'y croyait pas, aussi il la laissa le manipuler et le soigner, sans douceur aucune, ce qui arracha un sourire au sang-mêlé, qui trouvait décidément cette reine un peu trop à son gout.

- Ne vous transformez pas.
- De toute manière, je n'aurai pas le temps d'aller bien loin avec une blonde aussi farouche que toi à mes trousses !

Soudain, il grimaça et lâcha un râle de douleur. Étais-ce dut à l'étrange mixture elfique ... ou autre chose ? Il n'en savait rien. Pendant toute la durée du traitement, il fixa le visage de l'elfe en se demandant à quoi pouvait-elle penser.

- T'es une monarque bien différente des autres Elwing ... lorsque nous serons rentrés j'aimerai m'entretenir avec toi ... en privé. Tu auras même le droit de m'en coller une seconde si le cœur t'en dit !

Finalement, le reste des soldats commencèrent à arriver vers eux, chacun d'eux ne pouvant cacher leur ébahissement devant le carnage dont le démon avait été l'auteur. Elwing quant à elle termina ses soins, et pour lui permettre de conserver sa couverture, il se releva et lui serra l'avant-bras en la remerciant sous le pseudonyme de Célébrian.

- Bon, j'sais pas vous mais moi j'ai la dalle ! Rentrons et fêtons comme il se doit cette écrasante victoire !

Bien que les elfes ne furent pas forcément enchantés à l'idée de participer à une immense beuverie, les humains et les démons présent exprimèrent leur joie en scandant le nom de celui qui, en l'espace d'une demi-journée, était venu à bout d'un millier d'hommes. Laissant à Shinryu l'opportunité de se reposer, le gladiateur grimpa sur une imposante jument elfique et se contenta de suivre les commandement de l'équipe de secours. A cet instant, il n'imaginait pas une seule seconde la terrible semaine qu'il s'apprêtait à passer.