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 [Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess]

 
[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Mar 26 Aoû - 18:10
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La fin de soirée dans la taverne annexée fût ... alcoolisée ! Nos amis pirates, après la bière, attaquèrent les bouteilles d'alcools forts qui traînaient derrière le comptoir. Le rhum, notamment, eut leurs faveurs. Hector buvait gaiement avec ses nouveaux amis, et en particulier le commandant de son bateau, Ernest Briguefer, que Feygor lui avait conseillé de suivre à la trace ! Heureusement, l'ex-bûcheron avait l'habitude de boire au troquet de son lointain village de Sombrebois car grâce à cet entrainement assidu, il put tenir le coup jusqu'à ce que les marins décident de rentrer se coucher sur leur navire.

Les hommes marchèrent ainsi, chancelants, dans le port du village ravagé par leurs soins et arrivèrent sans trop de peine jusqu'à l'Eisenstein. Hector contempla un instant l'impressionnant navire dont les canons brillaient à la lueur de la lune et se dit qu'il allait vivre d'incroyables aventures en compagnie de ses nouveaux collègues. Il en rêva même, dans le dortoir des moussaillons, après qu'on lui ait indiqué une petite couchette inoccupée. L'endroit n'était pas très confortable - vous vous en doutez - mais, après avoir passé deux semaines dans les geôles de la prison de Port-Aux-Mouettes, cela lui convint tout à fait. Il avait aussi suffisamment bu pour ne pas se soucier des ronflements de ses compères.

Au matin, lorsque le capitaine réveilla tout son beau monde, Hector était même assez frais ! Il fût parmi les premiers à monter sur le pont et put voir les marins s'activer comme des fourmis. Chacun semblait connaître son rôle à la perfection et la sortie du port ne fût qu'une formalité. Étonnamment, aucun bateau d'Aile Ténébreuse n'était là pour leur mettre des bâtons dans les roues. Hector demanda au capitaine ce qu'il devait faire et il lui dit de prêter main forte aux hommes pour hisser les nombreuses voiles du bateau.

Et ce fut à peu près tout ! Contrairement à ce qu'Hector avait cru, la vie de pirate n'était pas aussi festive et mouvementée qu'il l'imaginait. Les manœuvres étaient rares et, bientôt, les seules tâches qui lui étaient demandées était de nettoyer telle ou telle partie de bateau. Pas d'ennemi en vue. Pas de tempêtes. Seulement ce maudit nettoyage et affaler les voiles le soir et les hisser le matin... La traversée dura ainsi une dizaine de jour. Au fur et à mesure que le navire allait au sud, la température baissait et les averses se faisaient plus fréquentes. Heureusement, notre cher Hector s'était vu offrir un manteau épais qui lui permis de ne point trop souffrir du froid et de l'humidité.

Au matin du dixième jour de mer, on vit enfin la terre ferme à l'horizon. Pas de glace, c'était un point positif mais le froid et le vent étaient tout de même violents. Hector imaginait déjà les auberges chaudes et accueillantes qui l'attendaient là-bas, en Glace. Il comptait bien rester un moment sur ce continent, en attendant de rejoindre Freya, et espérait s'y trouver un métier, un logement et quelques amis.

Mais, l'endroit où accosta le bateau pirate ne ressemblait ni de près ni de loin à ce qu'il s'était imaginé. C'était en fait un sorte de repère, un petit hameau où seuls quelques pirates vivaient, armés, semblant vouloir défendre les biens qu'ils entreposaient dans différents bâtiments ou tentes plus ou moins bien dissimulés derrière la végétation locale.

Aussi, en cette froide matinée, après avoir rapidement déchargé la cargaison du bateau, Hector demanda à Briguefer ce qui allait se passer. Ce dernier lui répondit qu'il rechargerait le navire et retournerait en Terre, du coté de Sent'sura.

Sent'sura ? Mais c'est impossible ?! S'exclama Hector, je peux pas retourner en Terre, et surtout pas à la capitale !
Alors tu devras rester ici... Répondit sèchement le Capitaine.

C'est ainsi qu'Hector débarqua en Glace. Dans ce repère minable, sous une pluie fine et un froid digne des hivers de Lyonnesse. Évidemment, il ne souhaitait pas rester dans ce hameau de pirates où d'ailleurs il n'était pas invité. On lui avait offert la traversée, et c'était tout ! Alors, écoutant les conseils d'un des pirates présents, il se dirigea le long de la cote, vers le sud, là où parait-il, il trouverait un fleuve, près duquel, en remontant son cours, quelques villages pourraient l'accueillir. Il n'avait évidemment pas d'autre choix que de faire confiance à ces dires et donc, il s'engagea, sous les regards amusés de ses ex-compagnons, le long de la plage.

Malheureusement la plage de galets était petite et, bientôt, il dût grimper sur des rochers de plus en plus gros, des rochers qui finirent par former une falaise donnant sur la mer. Hector fit quelques glissades sans conséquence sur ces pierres trempées par le pluie qui s'étaient intensifiée mais son moral était en chute libre. Cela faisait une heure qu'il marchait et il n'avait toujours pas rejoint la rivière ! Son manteau était à présent trempé, et il n'avait rien de plus à se mettre sur les épaules. Il accéléra donc le pas et finit par entendre un grondement de plus en plus fort. Là, au détour d'un gros rocher, il aperçu le fleuve. Celui-ci était étroit mais fougueux comme un torrent ! Formant de gros rouleaux, il semblait prêt à sortir de son lit à tout moment. Hector s'approcha prudemment de celui-ci et vit qu'il chutait à quelques mètres de là, depuis la falaise dans la mer. C'était un beau spectacle que notre pauvre marcheur solitaire prit le temps d'apprécier quelques instants. Ensuite, il s'encouragea intérieurement et partit à grandes enjambées vers l'amont.

Le paysage changea radicalement à quelques centaines de mètres de la côte. Beaucoup moins de rochers et beaucoup plus de sapins ! En fait, le fleuve s'était légèrement élargi et s'écoulait dans une forêt de sapins qui montaient de plus en plus haut jusqu'aux sommets des deux chaines de montagnes qui encadraient son lit. Il était donc dans une sorte de couloir vert, vert foncé. Et il y avait fort à parier que le soir ne tarderait pas à tomber dans cette vallée encaissée. Hector marchait donc toujours le plus rapidement possible. Son souffle était court et, heureusement, la pluie cessa. Malheureusement, le froid et l'humidité empêchaient ses vêtements de sécher et, alors qu'il repassait sur une zone un peu plus caillouteuse de son chemin, ses bottes glissèrent sur quelques cailloux ronds et il tomba sur le coté. Sa jambe le fit souffrir quelques instants car il venait de se couper contre l'arrête d'un rocher. Les quelques kilomètres suivant se firent donc à allure plus modérée. Mais, en réalité, c'était également à cause de la fatigue qui prenait doucement mais sûrement place dans le corps du jeune homme. Il s'arrêta quelques instant pour se reposer et manger les quelques bouts de pain qui trainaient au fond de son sac. La luminosité avait bien baissé et le froid se faisait plus présent contre son corps immobile. Hector repartit donc rapidement dans son difficile périple.

Hector marcha ainsi deux ou trois heures de plus, frigorifié, las, découragé, fatigué. La pluie s'était remise à tomber et le soleil, déjà caché par les épais nuages noirs, finit par passer derrière les montages. Hector n'avait pas vu la moindre trace d'habitation ou de vie humaine depuis qu'il avait quitté les pirates et il n'était à présent plus éclairé que par une faible lueur grise provenant de l'étroit ciel au dessus de sa tête.

Y a quelqu'uuuuuuuuuuuuuuuuuun ?!! Hurla-t-il de toutes ses forces.

Le hululement lointain d'une chouette s'arrêta net, mais personne ne répondit. Bizarrement, ce cri lui avait redonné un peu d'entrain et il se relança dans une marche rapide le long de la rivière. Un peu plus loin il entendit des hurlements lointains. Ceux-ci ressemblaient fort à ceux des loups. Hector prit sa hache et continua sa marche malgré le fait qu'il n'y voyait plus très clair. La sentence fût immédiate : Hector chuta de nouveau. Cette fois ce fût son bras qui fut touché. Un hématome apparut non loin de son coude - il n'était heureusement pas tombé dessus - mais il sentit qu'il était bien affaibli par cette blessure. En effet, il eut à peine la force de reprendre sa hache ! En fait la faim et la fatigue y était également pour beaucoup. Il était vraiment à bout de forces. Mais il le savait bien : il ne pouvait pas s'arrêter. S'arrêter aurait signifié mourir. Seule la marche lui donnait un peu de chaleur et si le froid ne le tuait pas, ce serait les animaux s'en chargeraient.

Sa vitesse de marche diminua. Il ne voyait plus où il mettait les pieds, il avait rangé sa hache à sa ceinture et avait pris un bout de bois pour marcher, comme un aveugle, à tâtons. Exténué comme jamais, il chuta une fois de plus. Ses bras eurent énormément de mal à le hisser de nouveau sur ses pieds mais malgré tout, il se releva. Comme dans un cauchemar, il ne pu faire que quelques mètres de plus avant de tomber de nouveau.

Il cria alors de rage. Un cri faible, un cri bref. Il n'avait même plus la force d'appeler à l'aide. Et à quoi bon ? les pirates s'étaient bien moqués de lui, il n'y avait rien du tout au bout de cette maudite rivière. Rien du tout sinon le froid, la pluie et la mort.

Hector sombra alors dans une sorte d'étourdissement inconscient. Il crut voir la neige blanche remplacer la pluie noire, il crut entendre une cheval au loin, il crut voir sa Freya arriver près de lui... Lorsqu'il entrouvrit les yeux pour lui sourire il était toujours seul, désespérément seul. Il se roula sur le ventre pour tenter de se relever mais il n'avait plus aucune force. Il put à peine ramper un mètre avant que sa tête ne retombe sur les épines de sapins qui tapissaient sa chambre mortuaire.

Hector Schwerbess

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[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Mer 27 Aoû - 12:19
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Un aboiement déchira l’air, suivi de beaucoup d’autres, qui se répercutèrent de loin en loin, rebondissaient dans les versants, s’élevant de toutes parts sous les frondaisons obscures. De toutes parts des clameurs, des cris, l’écho d’une cavalcade furieuse, comme si quelque seigneur obscur menait sa chasse sauvage dans les profondeurs de la forêt. Pourtant Sigrid allait en silence, l’arc bandé, la flèche encochée, suivant les traces de son mâtin qui allait à quelques pas devant elle, furetant la piste du cerf qu’elle chassait. Sentant sa proie proche, elle s’était séparée de ses gens, dont elle se savait encore assez proche pour les rejoindre dès qu’elle aurait achevé sa besogne.

Njörd allait aussi furtivement qu’un animal de sa carrure pouvait le faire, son épais pelage neigeux perlé d’humidité et plein d’épines de sapins qui s’était accrochés là dans sa course. La bise qui s’insinuait sous les branches lourdes d’eau claire soulevait son poil et gonflait son encolure comme la crinière d’un lion fabuleux tout vêtu de blanc et de nuances grisâtres, bien que le poil tout encrouté de boue jusqu’au poitrail. Sigrid le perdit de vue un instant et s’arrêta, guettant le moindre bruit. Elle entendit quelque chose, comme le son sourd de quelque chose qui tombe, et un bruissement bref dans le buisson ; cela n’avait pas non plus échappé à Njörd qui bondit à son tour et s’en fut fureter à l’endroit d’où était venu le bruit. Écartant les broussailles de sa formidable masse, il découvrir l’homme inanimé, couché sur le ventre, et le renifla longuement avec une suspicion précautionneuse. ça ne ressemblait pas du tout au gibier qu’ils cherchaient, ça. Mais toute chose est bonne à prendre, n’est-ce pas ? Levant le nez, il aboya vivement, et Sigrid put sentir dans sa tonalité comme un mélange de la fierté joyeuse induite par le fait d’avoir trouvé quelque chose, et l’alerte vigilante causée par le fait que, mine de rien, il ne savait pas vraiment quoi faire de ce qu’il avait déniché.

—Hé là ! Qu’est-ce que tu nous as débusqué ? lança Sigrid, cherchant des yeux où son compagnon avait filé.

Elle s’approcha, alors que le molosse reprenait son examen attentif et collait littéralement sa truffe glacée par la bise montagnarde sur le cou et les cheveux de l’étranger, lâchant un grognement sourd lorsque celui-ci faisait mine de bouger. Elle lâcha un sifflement aigu entre ses dents pour faire reculer le molosse, et s’approcha à son tour de la silhouette inanimée pour le retourner sur le dos avec le pied. Si son expression et sa voix avaient pu presque paraître chaleureuses, un instant plus tôt, il n’y avait plus rien à présent que le masque de la froideur la plus sévère. Il fallait croire que seul Njörd pouvait s’enorgueillir de recevoir la sympathie de la jarl de Svarholt...

Un sourire comme une grimace étira les traits maigres de Sigrid quand elle vit l’état dans lequel se trouvait le malheureux.

— Mais qu’avons-nous là, lança-t-elle d’un ton grinçant. Un vagabond à demi crevé ?

Elle se détourna avec un petit claquement de langue méprisant et glissa ses doigts gantés dans l’encolure de son chien qui restait en alerte, fixant l’homme d’un regard vigilant, très exactement comme s’il était prêt à lui sauter à la gorge au moindre mouvement suspect de sa part.
De loin en loin, les cors et les aboiements résonnaient toujours. À entendre le vacarme produit vers les hauteurs, on avait sonné la curée sur quelque beau gibier. Pas question de rentrer bredouille après cela ! Sigrid avait pisté le cerf pendant des heures, quitte à se séparer de la troupe ; mais le devoir d’hospitalité était sacré et pour peu que l’homme ait encore assez de conscience pour la lui demander, elle pourrait faire une croix sur sa chasse.

Pour un peu, elle en aurait presque souhaité qu’il fût plus mort que vif, pour avoir tout le loisir de continuer sa traque.

Sigrid Nilfdottir

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[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Mer 27 Aoû - 14:23
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Un bourdonnement sourd emplit le crâne douloureux d'Hector. Il sentit une présence s'éloigner et puis ce fût une sensation d'humidité froide qui l'envahit à regrets. Il n'avait pas rêvé, il était toujours dans cette forêt glaciale et hostile. Ses sens revenaient lentement, les uns après les autres. Et bientôt ce fût au tour de la douleur de se faire sentir. Une douleur à la jambe, une autre au bras. Ses blessures de la veille était toujours là, elles aussi. Il sentit ensuite l'odeur de l'humus, de la terre, des épines de sapins contre son nez. Il était allongé sur le ventre, la joue collée au sol. Il voulut ouvrir les yeux mais n'y parvint pas. Ses forces n'étaient pas encore revenues. Par contre, le bourdonnement cessa et des bruits un peu moins indistincts lui parvinrent aux oreilles... Des pas, des pas rapides, bien trop rapides pour être ceux d'un humain.

Alors, c'est maintenant... Pensa le jeune homme.

Après avoir échappé à la lame d'un démon pour quelques dixièmes de secondes, la mort le rattrapait enfin sous la forme d'un animal sauvage. Hector eut une pensée pour Freya et pour sa famille en sentant une truffe froide lui caresser le visage. Il n'avait pas la force de bouger, de fuir... Mais cette fois il put ouvrir les yeux pour voir - et cette vision ne l'enchanta guère - la tête d'un grand loup blanc qui le reniflait avec intérêt. Apparemment, le jour s'était levé. Il avait passé la nuit ici et avait aussi échappé à la mort par hypothermie... Hector bougea un bras et la bête se mit à grogner. A priori, les hommes n'étaient pas souvent au menu, par ici.

Et puis, alors qu'il pensait que l'animal allait le dévorer, il vit derrière l'encolure de l'imposant animal, une forme humaine ! Celle-ci s'approcha de lui et avec son pied, elle le retourna sur le dos.

Mais qu’avons-nous là. Un vagabond à demi crevé ?

Hector leva les yeux vers la femme. Il voulut lui dire quelque chose, lui demander de l'aide, la remercier de le sauver, mais il ne parvint pas à sortir le moindre mot de sa bouche. Hector entendit alors d'autres bruits, des cors au loin, d'autres aboiements. Et la femme fit demi-tour.

Mais ?! Qu'est-ce qu'elle...

Attendez... Soupira Hector en levant la main.

Il tenta de s'agenouiller mais il ne parvint qu'à se hisser de quelques centimètres avant de retomber aussitôt au sol.

Aidez-moi, s'il vous plait...

Hector Schwerbess

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[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Mer 27 Aoû - 15:20
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Sigrid se figea sur place quand elle entendit la voix du malheureux, et ses épaules se contractèrent dans une crispation soudaine. Espoir déçu, adieu la chasse, adieu la traque, adieu le beau gibier fumant, veaux, vaches, cochons. Mais encore fallait-il qu’elle soit en mesure de l’aider, car Halesund était bien loin, et retourner à la ville avec un estropié sur les bras serait tout, sauf une partie de plaisir. La pitié des gens de Svarholt prenait parfois des formes surprenantes, parfois celle d’une lame qui venait abréger les souffrances d’un malheureux. Tout le monde n’était pas apte à survivre, ici, et s’il était de leur sang, l’homme devait bien l’avoir compris. Mais les quelques mots qu’elle avait saisis avaient été prononcés d’une façon étrange qui ne ressemblait pas à l’accent fluide et caverneux des gens du cru ; peut-être qu’en plus d’être un poids, c’était tout simplement un étranger.

La jarl pesta un instant entre ses dents, pesant le pour et le contre, et fit volte-face, esquissant un geste de la main pour faire taire Njörd qui s’était ramassé sur lui-même et s’était mis à grogner dès que l’homme avait fait mine de se relever. Elle s’approcha, rangea son arc et la flèche encochée d’un geste impatient et s’accroupit face à lui.

— Pas d’illusions, garçon. Je ne pourrais guère pour toi si tu ne peux pas te lever.

Le bruit de la troupe s’éloignait peu à peu, sans doute parti vers les hauteurs, et bientôt l’on n’entendit plus que leur lointaine clameur et le murmure de l’eau sur les rochers, derrière les arbres. La rivière était proche et sans doute l’avait-il remontée depuis on ne sait où. C’était de toute manière le repère le plus fiable pour progresser dans l’épaisse forêt de Svarholt, même si les nombreux affluents qui dévalaient les flancs de la montagne pouvaient aisément égarer le voyageur qui connaissait mal la région.

Sigrid leva les yeux, prêtant l’oreille au silence qui retombait peu à peu, et réfléchit, la mine mauvaise, alors que Njörd s’approchait avec moult précautions pour venir renifler de nouveau la figure de l’étranger. Il était toujours méfiant, comme il l’était de toute manière avec les inconnus, et tout aussi contrarié que sa maîtresse d’avoir dû délaisser la piste de leur proie. Il s’était remis à pleuvoir, une fine bruine très froide venue des sommets qui glissait en rideaux tranquilles sur le fil de la bise. Le tumulte s’était apaisé, à peine troublé par quelques échos de la curée, plus haut dans les pentes abruptes.

La jeune femme soupira et jeta un regard circonspect au pauvre bonhomme qui avait l’air épuisé par une longue marche. Le visage livide et les mains bleuies, il tremblait, car sans doute avait-il passé la nuit dehors, chose assez peu recommandable à cette saison. Elle put voir quelques bleus, quelques blessures bénignes, ça et là ; rien de grave, mais son état de fatigue ne laissait rien présager de bon. Si elle ne l’avait pas fortuitement découvert, sans doute serait-il mort la nuit suivante, à moins que les loups ne l’aient trouvé avant.

— Allez, lança-t-elle en se redressant. Je veux bien te venir en aide, mais ne puis faire de miracles et encore moins te porter tout du long.

Il y avait de ces jours où son devoir pesait bien lourd... Surtout lorsqu’il venait contrarier ses aspirations. Elle détacha l’agrafe de son lourd manteau doublé de fourrures épaisses et le replia sur son bras pour le tendre à l’étranger.

— Si tu veux vraiment vivre, il va falloir faire un effort, reprit-elle.

Elle était sèche et froide, comme toujours ; mais malgré son agacement, il n’y avait pas la moindre hostilité chez elle. Elle ne faisait qu’énoncer un simple état de fait, après tout : s’il ne pouvait la suivre, il ne vivrait point, c’était ainsi que cela devait être. Ceux qui ne peuvent vivre ne vivent point. Sans doute faisait-on autrement en des terres plus clémentes, mais nul à Svarholt ne pouvait s’encombrer d’un tel fardeau.

Sigrid Nilfdottir

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[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Jeu 28 Aoû - 10:56
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- Pas d’illusions, garçon. Je ne pourrais guère pour toi si tu ne peux pas te lever.
- Hector...

Le jeune homme n'avait pas vraiment apprécier la façon dont la jeune femme l'avait appelé. Alors, même si répondre lui en coûtait, il préféra lu indiquer son nom. Ensuite, tandis que les bruits des chasseurs se faisaient plus lointains, elle reprit la parole.

- Allez, je veux bien te venir en aide, mais ne puis faire de miracles et encore moins te porter tout du long.

Hector leva la tête pour la regarder. Elle avait un air si sévère... Il se demandait bien pourquoi. Et puis, la chasseuse fit un geste qui adoucit son image dans l'esprit du jeune homme : elle dégrafa son manteau et le lui tendit.

- Si tu veux vraiment vivre, il va falloir faire un effort, reprit-elle.

Il voulut lui répondre que c'était gentil à elle de se soucier de sa température corporelle mais qu'elle devrait d'abord l'aider à se remettre sur ses pieds. Mais ceci aurait été un bien trop long discours pour Hector, dans cet état.

Une chose à la fois.

Hector tenta de se mettre à genoux. Doucement, il plia une jambe sous lui, puis l'autre, dont la douleur était toujours bien présente. Ensuite, il mit ses bras sous son torse et poussa dessus...

Ggggnnnnn, gémit-il en parvenant avec difficulté à se mettre sur ses pauvres genoux tremblant. Et puis là, dans cette position, la sensation de froid grandit d'un coup. Le vent glacial frappait sa poitrine. Le manteau qu'il portait était autant trempé dans le dos qu'au niveau du torse. Hector regarda le manteau que lui tendait la jeune femme. C'était une offre bien généreuse mais il faudrait d'abord qu'il se débarrasse du sien, qui l'entravait et qui empêcherait tout réchauffement quoi qu'il ajouterait par dessus ! Il profita donc d'être à genoux pour récupérer un peu d'énergie et pour se défaire de son manteau. La manche qui glissa sur son bras gauche réveilla la blessure qu'il s'était faite sous le coude. Il serra les dents pour ne pas crier et laissa tomber son manteau à ses pieds. La chemise qu'il portait en dessous connu le même sort après lui avoir permis d'essuyer son torse glabre, blanc et son ventre maigre. Il tendit alors sa main droite pour s'emparer du lourd manteau de la jeune femme et l'enfila le plus rapidement possible.

Mmmmh...

Comme il était chaud, comme il était agréable ! Hector sourit. Il lui sembla presque que la jeune femme avait laissé un peu de sa force dans la toile et la fourrure de la sombre étoffe. Se sentant presque prêt à se hisser sur ses jambes, il tendit la main vers la jeune femme pour qu'elle l'aide dans cette entreprise.

Hector Schwerbess

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[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Jeu 28 Aoû - 13:42
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Sigrid laissa échapper un très léger soupir d’impatience quand elle vit l’homme — Hector, semblait-il — peiner à se relever. Oh, elle ne pouvait vraiment lui en vouloir de prendre son temps pour se remettre sur ses deux jambes compte tenu de l’état dans lequel il se trouvait, mais la patience allait rarement de pair avec les moments de mauvaise humeur de la jarl. Njörd se mit à tourner en rond autour d’eux, sans cesser de fixer l’étranger de ses grands yeux d’ambre noir ; à bien y regarder, la maîtresse et le chien avaient exactement ce même regard très profond, très sombre, tout plein d’une vigilance constante de prédateur à l’affut. Il y avait presque plus de douceur dans le regard du molosse que dans celui de la jeune femme qui ne pouvait retenir une moue contrariée qui lui faisait très légèrement pincer ses lèvres étroites. Quand enfin le vagabond sembla avoir trouvé un appui, sans que Sigrid n’esquisse le moindre geste pour l’aider, elle lui jeta presque son lourd manteau pour qu’il puisse au moins s’en couvrir et cesser de grelotter de la sorte.

Elle haussa un sourcil un peu perplexe quand elle le vit faire mine d’ôter ses hardes trempées ; en voilà un qui avait un sens des priorités bien curieux pour un mourant. Elle ne détourna aucunement le regard comme auraient peut-être fait d’autres demoiselles mieux élevées et plus pudiques ; ni l’un ni l’autre ne semblaient avoir cours à Svarholt et, après avoir jeté un regard glacial sur la main qui se tendait, se détourna de lui pour s’en aller vers les hauteurs.

— Suis-moi, dit-elle simplement d’un ton sec. Tâchons d’abord de retrouver mes gens.

Cette simple phrase, ainsi que quelques détails de son apparence, trahissait qu’il s’agissait d’une dame noble. Les vêtements noirs qu’elle portait, le col de fourrure ainsi que le cuir épais de ses gents, quoique marqués par l’usure et humectés de pluie et de boue par la chasse, étaient manifestement de fort bonne qualité et de grand prix. Elle portait au cou une solide chaîne où pendait une grosse chevalière d’argent et d’onyx, et partout sur ses effets on voyait son blason noir et blanc de la corneille aux ailes déployées. Maintenant que tout cela n’était plus dissimulé par les grands replis de son manteau, on voyait, pendus à son ceinturon, une hache courte à la lame effilée et un cor de chasse cerclé de métal délicatement travaillé. Plus encore que le reste de sa tenue, c’étaient ses armes qui étaient les plus belles et de plus grand prix encore que tout le reste, entretenues avec un soin manifeste et cédant, parfois, à la tentation de l’ornement.

Dès qu’elle s’éloigna, Njörd bondit sur ses pas sans un regard de plus pour l’étranger. Toutefois, Sigrid se garda bien de se hâter comme elle l’aurait fait si elle était seule ; en progressant dans la pente abrupte, semée de broussailles et d’arbres massifs aux formes contournées, elle prenait garde à ce que le sentier emprunté, à peine plus large qu’un sillon dans la végétation, ne soit pas trop ardue pour Hector. De temps à autre, elle prenait quelques instants pour l’attendre, et lui tendait au besoin une main secourable. Il n’y avait pas la moindre trace de méchanceté ou d’hostilité chez elle, mais pas la moindre trace de douceur non plus. Elle lui venait en aide à sa manière, parce que tel était son devoir, mais il était clair à qu’à cet instant, celui-ci ne lui plaisait guère.

Au bout d’un certain temps, sans que Sigrid n’ait prononcé le moindre mot, elle s’arrêta sur la crête d’une colline semée de bouleaux où s’écoulait une source dévalant la pente sur l’autre versant. Elle porta le cor à sa bouche et souffla trois sons brefs et puissants qui se répercutèrent longuement dans le silence. Au bout de quelques instants, trois autres sons graves lui répondirent, lointains, à peine audible dans le murmure du vent.

— Ils sont encore loin, reprit-elle en se tournant vers Hector. Tu as un peu de temps devant toi pour reprendre ton souffle.

Un mince sourire sarcastique étira la bouche de Sigrid, comme tracé par la pointe d’un couteau.

— Tu ne marches pas si mal, pour un mourant. Il te restait quelques forces, tout compte fait.

Comme d’ordinaire, elle ne pouvait s’empêcher de se moquer, un peu. Après tout il avait gâché une belle chasse, elle pouvait bien se venger comme elle le pouvait. Il était toujours étonnant de voir à quel point certains pouvaient se découvrir une énergie insoupçonnée quand il s’agissait de survivre, et en cela, il se montrait au moins digne de son aide. Tandis qu’elle se tenait à quelques pas de lui, écoutant le silence pour y déceler la trace de l’approche d sa suite, elle glissa un regard en biais vers lui. À peine plus qu’un vagabond, c’était certain, et définitivement pas un compatriote. Ses vêtements, du moins le peu qu’elle avait pu entrevoir lorsqu’il en avait abandonné une partie, étaient bien trop légers pour supporter les frimas des Glaces, même à cette saison encore clémente et rien de ce qu’il avait sur lui ne semblait provenir de Saline, pour ce qu’elle en savait. L’intuition qu’elle avait eue au début se précisait grandement, mais fort heureusement pour lui, il ne semblait guère plus dangereux que le malheureux épuisé et affamé qu’il était.

D’autres sons de cor se firent entendre, soudain plus proches. Sigrid s’empressa d’y répondre, et bientôt l’on put entendre les aboiements des chiens au loin, auxquels Njörd répondit à pleine voix. La troupe semblait se rapprocher, ou bien s’était scindée en deux, car l’on entendit encore plus loin d’autres réponses s’élever en échos à peine audibles.

— Réjouis-toi, utlending. Ils se rapprochent, tu n’auras bientôt plus à te servir de tes pieds. Du moins, je l’espère pour toi. La route est encore longue jusqu’à Halesund, et je doute que tu y parviennes, au vu de ton état.

Un nouveau sourire pointu se dessina sur son visage, à ces mots, comme si la perspective de voir Hector crever d’épuisement au bord de la route ne lui inspirait rien de plus qu’un amusement sinistre.
D’un geste, elle l’invita de nouveau à le suivre, signifiant que la courte pause qu’elle lui avait accordée était terminée. Alors qu’elle entamait la descente vers le vallon en contrebas, suivant le cours du ruisseau, elle lui jeta un regard dont l’innocente tranquillité n’augurait rien de bon.

— Hé, fit-elle ; dis-moi donc. Comment un étranger de ta sorte a pu échouer si loin de la mer ?

Elle avait parlé sur un ton presque aimable, soudain ; mais toujours dans ses yeux obscurs s’embusquait la lame d’un sourire assassin. La question était loin d’être anodine, sous ses dehors inoffensifs, car beaucoup de choses dépendraient de sa réponse.

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[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Jeu 28 Aoû - 15:21
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La garce ne prit pas la peine d'aider Hector à se relever. La main du faible jeune homme resta ainsi une seconde en l'air, sous le regard toujours méfiant du molosse avant qu'Hector comprenne qu'il devrait se relever seul. Il posa donc cette même main au sol pour y prendre appuie le temps de s'accroupir. Et puis, dans un ultime effort, il poussa sur ses jambes - qu'elles lui semblèrent dures et courbaturées ! - et atteint enfin la position des bipèdes. Sans plus de cérémonie et malgré le regard assombri de l'ex-bûcheron, la jeune femme partit alors en direction des hauteurs.

Suis-moi, dit-elle simplement d’un ton sec. Tâchons d’abord de retrouver mes gens.

Des gens ?

Hector examina un peu plus avant la chasseuse... Elle semblait être certainement un peu plus qu'un simple chasseuse. Des vêtements de très bonne facture, quelques bijoux ici ou là, une arme coupante, un cor brillant. Et puis elle avait cette façon de s'exprimer qui, malgré son accent à couper au couteau, montrait qu'elle était de bonne famille. Et des gens donc. Qui d'autre qu'une noble pouvait avoir des gens ?

Mais le temps du repos était terminé. La jeune femme avait déjà mis une dizaine de mètres entre eux et il valait mieux ne pas la perdre de vue. Rien n'était moins sûr que de la voir s'arrêter pour attendre notre cher Hector ! Alors ce dernier se mit en marche, doucement, difficilement. Ses grelottements avaient pris fin, quelques couleurs revinrent même à son visage mais il avait toujours faim et boitait bas. Il avait beau marcher aussi vite que possible il était loin de son allure normale... et encore plus loin de celle de la fringante fille de Glace. Celle-ci ainsi que son gros chien semblaient tellement à l'aise sur ce terrain montant, accidenté, à la végétation touffue... Hector perdait encore du terrain. Tête baissée, il examinait chaque pierre, chaque racine afin de ne pas se prendre les pieds dedans. Se relever une fois lui suffisait amplement. Et puis, au bout d'un moment, il vit la jeune femme à quelques mètres de lui. Elle s'était arrêtée pour l'attendre. Toujours pas de sourire sur son visage, elle attendait juste qu'il soit revenu à moins de dix mètres de lui pour repartir, cette fois plus doucement. Le sentier était étroit et passa un moment sur quelques rochers imposants. Hector fût heureux de voir qu'à ce moment là, son guide consentit à lui tendre sa main gantée pour l'aider à passer ces obstacles plus périlleux. Il la remerciât mais celle-ci ne semblait pas vraiment encline à partager ce genre d'amabilité. Elle ne lui avait même pas donné son nom ! Elle semblait, en fait, ne s'intéresser qu'à une chose : retrouver le reste de son groupe. C'est ainsi qu'en arrivant en haut d'une colline elle souffla dans son cor pour communiquer avec ses amis qui répondirent par ce même moyen.

Ils sont encore loin, dit-elle en se tournant vers Hector avec un drôle de sourire. Tu as un peu de temps devant toi pour reprendre ton souffle.

Son sourire n'était pas le moins sarcastique qu'Hector ait connu mais, c'était un sourire tout de même ! Et puis, pouvoir se reposer un instant au bord du petit ruisseau qui descendait sur l'autre versant lui ferait grand bien. Sa jambe et son bras le faisait toujours souffrir.

Tu ne marches pas si mal, pour un mourant. Il te restait quelques forces, tout compte fait.

Les mots de la jeune femme firent légèrement sourire Hector.

- Tu m'avais déjà enterré ? Plaisanta-t-il.

C'est vrai qu'il ne devait pas avoir fier allure ce matin, allongé sur le sol, trempé des pieds à la tête, avec son manteau et son pantalon déchirés, son teint blafard et son regard de mourant. Néanmoins, et même si la fatigue l'avait un peu quitté, il avait plus faim que jamais et souffrait toujours de ses blessures.

- Dis, t'aurais pas pas quelque chose à manger, par hasard ? Osa-t-il demander.

Quelques instants plus tard, les cors des autres autochtones se firent plus proches.

Réjouis-toi, utlending. Ils se rapprochent, tu n’auras bientôt plus à te servir de tes pieds. Du moins, je l’espère pour toi.

La route est encore longue jusqu’à Halesund, et je doute que tu y parviennes, au vu de ton état.

- Halesund ? Répéta Hector. C'est ton village ?

Hector était du genre sociable, vous le savez. Inconsciemment il posait des questions comme celles-ci, il s'intéressait aux gens. Il était sincère. Il croyait en la bonté de l'homme et savait que quelque chose de bon finissait toujours par se produire si l'on s'ouvrait aux autres.

- Le miens s'appelle Sombrebois... mais j'sais pas si j'pourrais y r'tourner un jour...

Quelle âge pouvait-elle avoir ? Hector se posa la question. Elle n'avait pas un visage très marqué derrière ses tatouages et pourtant elle semblait avoir vécu. Était-elle de ses races qui ne vieillissent pas ? Il était encore un peu tôt pour lui poser la question, estima-t-il. C'est à ce moment là qu'elle dut estimer que la pause avait assez duré car elle reprit alors le sentier le long du ruisseau.

Hé, fit-elle ; dis-moi donc. Comment un étranger de ta sorte a pu échouer si loin de la mer ?

Hector fût bien surpris par cette question... ou plutôt par le simple fait qu'elle lui pose une question personnelle ! Finissait-elle par s'intéresser un peu à lui ?

- Et bien... j'ai débarqué sur la cote hier matin et on m'a dit que... qu'y avait un village en r'montant la rivière... Alors c'est ce que j'ai fait. J'pensais pouvoir y arriver avant le nuit mais... j'étais un peu trop optimiste, on dirait.

Évidemment Hector n'avait pas mentionné les pirates. On ne sait jamais trop qui aime et qui n'aime pas les pirates. La seule chose dont il était sûr c'est qu'ici, on n'aimait pas Aile Ténébreuse, alors, tout en réfléchissant à comment l'on pouvait arriver en glace autrement qu'avec l'aide des pirates, il se dit qu'il pourrait toujours parler de son engagement contre l'archi-démon pour noyer le poisson. Mais, en pensant à ça, il oublia de faire attention au sentier et effectua une drôle de glissade. Il se rattrapa de justesse à un arbre.

Bon dieu d'bois, on n'est jamais tranquille sur ces ch'mins !

De ce coté de la colline, un petit rayon de soleil vint éclairer un instant, entre deux nuages, les visages des deux protagonistes. Hector ne put s’empêcher de s'arrêter un instant pour lever le nez au ciel. Quelle agréable sensation après presque une semaine de pluie et de nuages !

Aaaah, enfin ! S'exclama-t-il.

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[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Sam 30 Aoû - 15:51
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Sigrid avait très bien compris que de sa main tendue, l’homme avait attendu son aide, mais l’ignora délibérément et ne fit pas le moindre geste dans sa direction. Il apprendrait vite, s’il survivait. Il n’avait guère le choix, de toute façon. La jeune femme ne s’attendait toutefois pas à ce qu’il assimile le sens profond de ce genre de choses et savait très bien que jusque là, son comportement et ses silences la faisaient passer pour quelqu’un qui n’avait vraiment aucune manière. Pour commencer, n’ayant pas de comptes à rendre à un manant, elle s’en fichait, et en plus, « avoir des manières » était une notion bien vague à Saline, au point qu’on pouvait qualifier comme telle toute personne qui ne se pique pas d’arracher la tête de son voisin en plein repas.

Ses yeux vigilants comme ceux des oiseaux de proie se posaient de temps à autre sur lui, guettaient la chute, la faiblesse, l’instant d’inattention. On y devinait un très, très léger soupçon de curiosité, d’amusement, parfois, mais toujours taciturne, sans guère plus d’animation et encore moins de chaleur sur ses traits sévères. Quand il répliqua à l’une de ses piques, elle laissa un rire rauque comme un croassement s’échapper.

— Peut-être bien, garçon.

Elle avait appuyé ce terme avec plus de force que les autres fois, comme pour le remettre à sa place. Et quand il demanda si elle avait quelque nourriture sur elle, ce même sourire un peu sinistre revint sur le fil de ses lèvres fines tandis qu’elle secouait la tête. Ce n’était qu’un semi-mensonge : elle avait sur elle quelques maigres provisions, à peine suffisantes si d’aventure elle venait à être éloignée de sa suite et devait passer une nuit ou deux dans la forêt. On ne savait jamais ce qui pouvait advenir à la chasse, mais pour l’heure elle se garda bien d’en dire plus, d’autant que les choses allaient vite devenir moins épuisantes pour Hector puisque la prochaine étape pour lui serait probablement dans les cuisines de la forteresse. Et puis, s’il tenait jusque là, il serait d’autant plus méritant.

Sigrid ne put s’empêcher de hausser un sourcil quand il parla de Halesund et de son propre pays. Définitivement un étranger, c’était certain, et pas de la plus haute extraction à en juger par son langage. Une mince esquisse de sourire, à peine plus qu’un frémissement, comme un réflexe, se dessina à la commissure de sa bouche.

— Un village ? Une ville, dirai-je. La capitale de ce duché.

Sur ces mots, elle s’était détournée sans plus de paroles. Les discussions oiseuses n’étaient pas son fort et pour tout dire, elle voulait avant tout s’assurer qu’il n’était ni un danger ni un espion quelconque. La réponse vint bien vite, et, se tourna à demi vers lui alors qu’elle progressait sans peine dans la pente, elle ne put manquer de remarquer qu’il semblait ravi qu’elle s’intéressât enfin à lui. Il y avait fort peu de monde qui allait depuis le continent jusque sur la côte de Cardrak, et encore moins animés de bonnes intentions. Des pirates croisaient dans les eaux agitées de cette mer qui, autrefois, voyait aller et venir les navires chargés de marchandises, mais qui à présent s’était chargée de navires de guerre et d’épaves.

— Traverser la mer n’est pas chose aisée, reprit-elle d’un ton presque anodin, prenant un peu d’avance sur lui.

D’un sifflement, elle rappela à elle Njörd qui était parti s’ébrouer en bondissant plus bas, dans les broussailles. Il accourut aussitôt se ranger près de sa maîtresse, mais la brusque glissade d’Hector sembla le surprendre, et surtout l’alerter, car il se raidit soudain et lâcha un long grognement sourd qui ne fut aucunement réfréné par Sigrid.
Elle ne dit mot durant un moment, et, alors que le soleil perçait entre les nuages, considéra longuement Hector en silence.

— Les pirates y sont légion, il n’y a guère plus qu’eux pour naviguer sur ces eaux. De l’autre côté, nous n’avons que des ennemis.

Sigrid avait parlé d’une voix tout à fait calme, sans la moindre nuance de menace. Elle se contentait d’énoncer un simple état de fait, et beaucoup de choses dépendraient de la réponse d’Hector à cela. Un pirate, vraiment ? Peut-être, peut-être pas ; en tout cas rien qui soit vraiment bienvenu ici, tout mourant et blessé qu’il fut. Tout en parlant, sa main s’était distraitement posée sur la hache qu’elle portait à sa ceinture, sans empressement ni tension aucune, avec une espèce de tranquillité trompeuse qui rendait plus implacable encore la perspective qui attendait Hector s’il répondait d’une manière qui déplairait à la jarl. La troupe était proche encore, et d’un coup de trompe, elle pouvait aisément les appeler à eux.
Mais la loi était la loi, et elle exigeait toujours qu’on laissât à l’accusé le bénéfice du doute, fut-il fortement soupçonné d’être un pirate.

Alors, dans un silence soudain, à peine rompu par un grondement sourd de Njörd qui semblait avoir soudain saisi ce qui se passait, Sigrid se contenta de fixer l’homme sans ciller, pareille à quelque grand oiseau de proie qui n’attendait qu’un signal, une faiblesse, pour bondir à l’attaque.

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[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Lun 1 Sep - 16:41
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Elle appela de nouveau Hector de ce mot - "garçon" - qu'il n'aimait guère. Mais cette fois elle semblait avoir insisté sur ce terme comme pour lui indiquer qu'elle avait bien entendu son nom mais qu'elle ne souhaitait pas en faire usage. Ceci eu le don de froisser notre cher aventurier. En plus de cela, elle se contenta de secouer la tête lorsque Hector lui demanda à manger. Décidément elle était de ces nobles qui aiment à montrer tout l'écart qu'il existe entre eux et le simple peuple... Tout ceci assombrit l'humeur de notre aventurier qui resta un moment silencieux. Il avait déjà assez de difficultés avec la marche à pied pour ne pas s'encombrer à faire la conversation à une hautaine petite noble.

Mais, un peu plus tard, après avoir repris le chemin, la discussion sur la venue d'Hector reprit son cours.

Traverser la mer n’est pas chose aisée [...] Les pirates y sont légion, il n’y a guère plus qu’eux pour naviguer sur ces eaux. De l’autre côté, nous n’avons que des ennemis.

Elle n'avait pas posé de question mais elle le fixait de son regard sombre comme si elle attendait une justification de la part d'Hector. Ce dernier, tout occupé à regarder les pièges du terrain pour éviter une nouvelle glissade ne vit ni ce regard, ni cette main qu'elle venait de poser sur sa hache. Il ne pensait aucunement que le danger puisse venir de la jeune femme. Certes, Il la trouvait pour le moins peu amicale mais il ne se doutait pas qu'elle était prête à l'occire quelques minutes après l'avoir sauvé s'il était un pirate ou un ennemi de son peuple ! Seulement, il arrivait à sa hauteur et elle s'était arrêtée. Le chien grognait et Hector vit la main d'Sigrid sur sa hache. Levant la tête vers elle avec un air surpris, il comprit qu'elle attendait une explication.

Que des ennemis ? Héhé, c'est ... c'est qu'on fait bien notre boulot !

Hector avait un grand sourire. Il marqua une pause pour apprécier le petit instant d'attention qu'elle lui portait avant de reprendre calmement.

Il y a quelques années, je.. J'étais dans les forces régulières de Lyonnesse. J'ai combattu l'envahisseur. Malheureusement, on a perdu cette guerre. Et c'était qu'le début. J'ai quitté l'armée et j'ai rejoint la rebellion. Et là, bim, on nous a encore défait. Du coup j'suis parti à Sombrebois, j'ai changé d'nom, de vie, j'suis dev'nu bûcheron... Bien sûr j'rêvais que d'une chose : repartir au combat, faire chuter l'archidémon... Mais... le temps a passé et j'croyais, comme toi, que plus personne voulait plus s'battre... Et puis, finalement, dans un bar, j'ai rencontré des gens, d'autres rebelles, plus discret, apparemment ! Enfin ... pas pour tout l'monde... Un soir j'ai été attaqué par un démon d'Aile Ténébreuse qui m'avait repéré. Ouais, j'avais intégré ce groupe... Bon mais j'ai eu d'la chance de m'en sortir vivant en tout cas. Et après ça, j'ai décidé de fuir Terre et de rejoindre Glace.


Hector s'appuya sur le tronc d'un arbre pour se reposer.

Par contre, là où t'as raison, c'est qu'j'ai pu trouver qu'des pirates pour rejoindre ton continent, donc c'est c'que j'ai fait... Mais bon, ça aussi c'est une longue histoire et j'ai la gorge un peu sèche. J'te raconterai ça un peu plus tard, si tu veux...



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[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Lun 1 Sep - 23:15
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Sigrid ne put retenir un sourire qui laissa enfin transparaître une trace d’amusement sincère lorsque Hector parla d’un « nous » plus qu’hypothétique compte tenu du fait que le seul « nous » que la jeune femme connaissait ne désignait vraiment que ses compatriotes. Notre boulot... Ben tiens. Sans mot dire, elle le laissa parler, et elle était certaine qu’il avait très bien compris que plus qu’une phrase anodine, ses dernières paroles étaient un véritable interrogatoire dissimulé. Durant le long moment où s’il s’expliqua, Njörd continua à laisser filer une note de basse, hérissée et grondante, jusqu’à ce que Sigrid semble satisfaite — du moins en apparence — du discours tenu par le prétendu bûcheron. Elle ne voyait rien pour l’heure qui puisse contredire son histoire, et se contenta d’un hochement de tête, comme pour acquiescer à ses mots. D’une main, elle fit taire le molosse à ses pieds, alors que ses doigts gantés desserraient leur prise sur son arme.

Elle n’était pas tout à fait convaincue, mais il semblait honnête, et pour tout dire, trop simple pour être un espion ou un danger pour elle et les siens. Mais un souffle persiflait dans sa tête que l’on ne se méfie jamais assez de ceux qui semblent humbles et francs... Remettant ses soupçons à plus tard, elle s’éloigna quelque peu pour atteindre un petit promontoire à flanc de colline et avoir une meilleure vue sur les environs.

— Ce que j’ai entendu me va, pour le moment, répliqua-t-elle simplement. L’adage dit que les ennemis de mes ennemis sont mes amis, n’est-ce pas ?

Ce disant, elle avait jeté l’un de ses sempiternels regards pleins d’une ironie mordante par-dessus son épaule, comme si elle prenait un malin plaisir à l’aiguillonner.

— Pour tout dire, tu ne me sembles pas assez dangereux pour que j’aie des raisons de me méfier, ajouta-t-elle avec un sourire plus large, et encore plus acerbe.

Dans ses yeux sombres dansait une lueur moqueuse, mais toujours sans méchanceté aucune. Cela donnait à ses traits sévères un aspect nouveau, toujours sans douceur, mais teinté d’un amusement renouvelé qui passa bien vite, aussi vite que l’éclaircie tant appréciée par Hector. Le vent forcit, et une nouvelle averse dévala les pentes des montagnes pour couvrir la forêt d’un manteau de bruine froide. Les sons semblaient étouffés par la fine pluie qui ruisselait et s’accrochait aux aiguilles des sapins, pas assez toutefois pour occulter le bruit de la troupe qui s’en venait vers eux.

Un cavalier apparut soudain en contrebas, entouré de deux molosses semblables à Njörd qui batifolaient joyeusement dans les broussailles en s’attrapant l’un l’autre par la gorge. Même s’ils étaient assez loin d’Hector et de Sigrid, on pouvait constater aisément que tout, de l’homme au cheval en passant par les chiens de chasse semblait bâti sur une échelle supérieure à la moyenne. L’homme était immense, chevauchait une monture qui aurait aisément servi de cheval de trait, et ses bêtes tenaient autant du loup que du chien. Il était vêtu à la manière de Sigrid, de peaux et de fourrures épaisses qui forcissaient encore sa carrure formidable, et portait un grand cor accroché à un baudrier, ainsi qu’un arc. De très longs cheveux roux délavé et une barbe tressée complétaient le tableau, de même que le javelot encore sanglant qu’il tenait à la main ; à croire que la chasse se menait un peu comme la guerre, par ici. Éperonnant sa monture, il gravit rapidement la pente pour arriver à leur hauteur, fixant Hector d’un regard perplexe, comme s’il découvrait une bête inconnue.

— Eh bien, nous ferons maigre chère ce soir, avec pareil gibier.

Mettant pied à terre sans plus de cérémonie, il détailla le bûcheron des pieds à la tête, avant d’oser un très léger sourire en direction de la jarl.

— Dois-je en déduire que ta proie t’a échappé, jarl Sigrid ?

— Fais silence, Ingvar, répliqua-t-elle sèchement. Il a réclamé mon aide, et se dit être notre allié. Il rentre à Halesund avec nous. En avez-vous terminé ?

Le dénommé Ingvar hocha la tête et souleva son javelot ensanglanté alors que ses chiens revenaient vers lui pour s’asseoir sagement à ses pieds.

— Alors allons, lança Sigrid en faisant signe à Hector de le suivre. Il y aura bien assez à boire et à manger à ma table pour te remettre sur pied rapidement.

Alors qu’Ingvar remontait à cheval pour partir en avant, la jarl reprit sa marche, rapide et infatigable, sans se soucier cette fois de vérifier si Hector la suivait ou non, et dans quelle mesure il peinait à progresser sur ce terrain accidenté. Elle semblait se hâter, pressée, presque impatiente ; toujours contrariée, à vrai dire, car elle avait laissé filer un gibier de choix, juste pour ce malheureux, qui, à l’en croire, était en plus un allié. Raison de plus pour lui faire l’honneur de sa demeure, mais elle n’aimait guère cela, comme elle n’aimait guère les étrangers de toutes sortes.
Enfin parvenus au sommet de la colline, ils rejoignirent le reste de la troupe, une dizaine de cavaliers tous revêtus de riches fourrures, vêtus de noir et portant des armes encore sanglantes. Certains avaient derrière eux, en croupe, la carcasse d’un cerf, d’autres des grappes de petit gibier, lapins, perdrix. Des faucons au pelage marbré d’ocre et de noir se faisaient le bec sur les lourds gantelets de leurs maîtres, et les chiens allaient et venaient entre les chevaux massifs. Ils étaient tous semblables à Sigrid, dans leur manière de se vêtir, de se tenir, dans leurs faces sévères aux yeux cernés de noir, tandis que, dans un silence soudain qui fit taire le vacarme des conversations et des rires, tous fixaient Hector d’un regard qui, s’il n’était aucunement hostile, n’en était pas pour autant chaleureux.

— Paix, vous autres, lança Sigrid. Cet homme se nomme Hector, et lui ai accordé l’hospitalité de ma maison.

Les regards se firent circonspects, mais nul n’éleva la voix pour contester ces paroles et très vite, on se désintéressa du nouvel arrivant pour se mettre en route.
Quelqu’un tendit à Sigrid les rênes d’un grand cheval gris perle, tandis qu’un très jeune homme venait fièrement parader près d’elle en brandissant une hachette trempée de sang.

— Vois, ma tante ! J’ai fait merveille aujourd’hui. Ma hache a touché le cerf en pleine course !

On vit enfin un véritable sourire, quoique fugace, venir éclairer les traits de la jeune femme, et son regard s’adoucit soudainement tandis qu’elle ébouriffait tendrement les cheveux noirs du garçon.

— Voilà qui est fort bien, Eivar, répondit-elle. Tu auras droit à la part du chasseur, ce soir.

L’éclaircie fut comme toujours de courte durée, et, reprenant sa mine sévère, la jarl ne tarda pas à se mettre en selle.

— Hector, tu chevaucheras avec Eivar. La route sera moins pénible, à présent.

Comprenant que ce serait à lui de prendre en croupe l’étranger, le garçon fit grise mine, mais ne dit rien et se contenta de ménager une place suffisante sur sa monture. Il était hors de question que qui que ce fût allât avec Sigrid, et tous les autres avaient déjà à porter l’abondant fruit de leur chasse ; la pouliche alezane que montait le neveu de la jarl serait bien assez solide pour les porter tous les deux, faute de quoi leur invité devrait aller à pied. Cela n’enchantait aucunement le petit jeune homme dont l’expression renfermée et contrariée n’était pas sans rappeler celle de sa tante.

Enfin, la troupe s’ébranla à grands bruits, Sigrid en tête, flanquée d’Eivar et du géant roux. Les chiens couraient devant, et tous faisaient grand bruit dans la forêt silencieuse, dans les fracas des sabots et le tintement des harnais.

Sigrid Nilfdottir

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[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Mar 2 Sep - 14:43
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La noble semblait légèrement plus amicale suite au discours d'Hector. Il vit un petit sourire sur son visage et elle fit même taire son molosse qui ne cessait de grogner après Hector.

Ce que j’ai entendu me va, pour le moment, dit-elle, même. L’adage dit que les ennemis de mes ennemis sont mes amis, n’est-ce pas ?
- Mouais, mais enfin... J'veux dire, en plus, je suis venu ici en ami...

Il hésita à dire qu'il était venu en Glace pour s'y installer un temps, trouver du travail, un logement, etc. Il considéra qu'il était encore un peu tôt pour parler de ça, surtout à cette jeune femme de haute lignée qui ne semblait guère ravie d'avoir croisé son chemin ! D'ailleurs, celle-ci ne tarda pas à user de nouveau de l'ironie pour remettre un peu de distance entre elle et lui.

Pour tout dire, tu ne me sembles pas assez dangereux pour que j’aie des raisons de me méfier.

Hector sourit avant de répondre en tapotant la hache qu'il portait à la ceinture :

- C'est vrai qu'aujourd'hui tu as toutes tes chances !

Et puis, la pluie revint, toujours aussi froide et pernicieuse. Elle formait une sorte de brouillard qui réduisait nettement la visibilité. Heureusement, le cavalier qui approchait ne fut point trop discret et Hector ne sursauta pas en le voyant arriver près d'eux. Il s'appelait Ingvar. Il était impressionnant. Il semblait très grand et très fort et montait un cheval tout aussi grand et fort ! Lorsqu'il descendit de sa monture, il toisa Hector comme s'il s'agissait d'un gibier et ne lui adressa même pas la parole ! Sigrid ne fit pas non plus de présentation et c'est donc en entendant les deux autochtones parler qu'Hector découvrit leurs noms. La jeune femme s'appelait quelque chose comme "Jarlsigrid" et l'homme fort "Ingvar". De drôles de noms mais ce n'était pas étonnant dans un pays si éloigné.

Et puis, après la petite joute verbale à laquelle ils se livrèrent, la jeune femme s'adressa de nouveau à Hector :
Alors allons, il y aura bien assez à boire et à manger à ma table pour te remettre sur pied rapidement.
- Merci, Jarlsigrid... Répondit Hector d'un air reconnaissant, en imaginant la bonne table qui l'attendait dans la ville de la noble jeune femme.

Elle est pas si méchante, finalement
, pensa Schwerbess.

Puis, sans ajouter un mot, elle repartit à vive allure dans le chemin. Hector boitait toujours aussi bas et avait grand mal à suivre son guide. C'est ainsi qu'avec quelques longues secondes de retard, Hector arriva, exténué, au sommet de la colline, dévisagé par une dizaines de cavaliers chasseurs portant sur la croupe de leurs montures les différents et nombreux gibiers qu'ils venaient de chasser. Ces hommes étaient semblables aux deux premiers qu'Hector avait rencontré : sombres, froids et austères comme leur pays. Hector se fendit néanmoins d'un "Bonjour..." légèrement gêné mais qu'il ne pouvait décemment pas éviter, de son point de vue.

Paix, vous autres, lança la jeune femme. Cet homme se nomme Hector - elle avait donc bien entendu son nom - et je lui ai accordé l’hospitalité de ma maison.

L'attitude et les mots de Sigrid montrèrent à Hector qu'elle était bien la "cheftaine" de ces gens. Ceux-ci, d'ailleurs, arrêtèrent de fixer Hector dès que cette sommaire présentation fût faite. Sigrid monta ensuite sur un cheval et, après avoir félicité son jeune neveu - Eivar - pour sa bonne chasse, dit :

Hector, tu chevaucheras avec Eivar. La route sera moins pénible, à présent.

Le garçon ne semblait pas ravi - euphémisme - de devoir partager sa monture avec l'étranger mais il ne discuta pas les ordres de sa tante. Alors, Hector monta - avec quelques difficultés et, donc, quelques moqueries des chasseurs - sur le cheval du garçon et lui dit :

- Bravo pour le coup de hache ! Tu sais, j'suis moi-même un adepte de cette arme, et réussir à toucher un cerf en pleine course ... Et ben c'est un bel exploit !

Hector se disait qu'il lui serait peut-être plus simple de discuter un peu avec un enfant plutôt qu'avec tous ces rustres cavaliers ! Alors, confiant, il ne tarda pas à ajouter :

- Dis-moi, Eivar, le chemin est encore long jusqu'à Halesund ?

Il n'était pas vraiment pressé, l'ex-bûcheron, il avait juste envie de papoter un peu !

Et, peu après, notre cher voyageur en profita pour regarder un peu autour de lui, en hauteur, et, malgré l'humide brume qui enveloppait la forêt, il appréciât les formes et les couleurs de ces arbres qui semblaient tout aussi anciens et majestueux que ceux de la forêt de Drayame. Certains lui étaient inconnus et il songea à demander, à l'occasion, les noms de ceux-ci à ses hôtes...

Hector appréciât également cette chevauchée en groupe. Bien sur il n'était pas à proprement parler intégré au groupe mais cela ne l'empêchait pas de s'y sentir bien, de s'imaginer un peu chevalier ou quelque chose comme ça. Une force se dégageait de ce clan, c'était impressionnant. Le bruit des sabots qui percutaient le sol étaient une grande symphonie aux oreilles d'Hector. Il rêvassait un peu, emporté par les pas du cheval d'Eivar, par le spectacle de la chevauchée et par la fatigue qui embrumait doucement mais sûrement son esprit.

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[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Mer 3 Sep - 15:38
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Sans plus se soucier d’Hector, Sigrid avait éperonné sa monture et s’en allait à présent un peu en avant de son neveu, menant la troupe dans les pentes et les sentes escarpées qui menaient à la capitale. Les bois denses et touffus laissaient difficilement le passage aux cavaliers qui avaient souventes fois à se baisser pour ne pas se voir désarçonnés par les branches basses, et devaient aller à un train assez modéré tandis que le long de certains chemins les buissons s’élevaient presque jusqu’au poitrail de leurs chevaux. Mais cela ne semblait vraiment déranger personne et tous allaient sans hâte ni difficulté, et même le très jeune Eivar semblait être assez bon cavalier pour mener sa monture avec aisance à la suite de sa tante et de ses compagnons, sans que les cahots de la route et les difficultés du terrain ne se fassent sentir. Tout autour d’eux ruisselait encore de bruine, qui allait et venait en rideaux légers, festonnait les aiguilles des pins et les feuillages de myriades de gouttelettes frémissantes dans la brise. L’eau, en minuscules perles brillantes, s’accrochait partout, aux crinières des cheveux, dans les lourdes fourrures qui protégeaient les hommes de la bise glacée, jusque dans les chevelures et le long des armes et des baudriers. Oh, ils avaient fière allure, courant dans le bois comme une troupe massive, le fracas des sabots et la clameur des conversations s’élevant de toutes parts.

Eivar mit un certain temps à répondre aux paroles d’Hector. Non que le garçon semblât timide, mais sans doute que la familiarité avec laquelle l’étranger s’adressait à lui était surprenante pour un jeune homme de son rang.

— Je sais, répliqua-t-il au bout d’un moment. Je suis doué à cela, et si je suis assez brave, ma tante me laissera l’accompagner à la guerre !

Il y avait de la fierté dans sa voix, alors qu’il se redressait vivement, comme pour impressionner Hector. L’effet aurait été peut-être plus crédible s’il ne tournait le dos à celui-ci, mais l’intention y était.

— Tu devrais prendre garde à la manière dont tu t’adresses à moi, reprit-il d’un ton un peu pincé qui rendait la chose plutôt amusante venant d’un garçon de cet âge. Ma tante Sigrid est la jarl de ces terres, et mon oncle Volsung règne sur le domaine au-delà du fleuve. Si les dieux le veulent et si telle est la volonté de mon roi, j’en serais un aussi, lorsque je serais un homme.

Il s’était de nouveau redressé fièrement disant cela, et s’était retourné à demi pour adresser un regard sévère à Hector, sans se soucier du fait que la différence de taille entre eux était considérable. Eivar était plutôt fin, pas très grand, et ressemblait beaucoup à Sigrid, de traits, de cheveux, d’attitude, bien que la sévérité de l’une fut tempérée par la jeunesse de l’autre.
Ceci étant dit, il éperonna sa monture pour revenir à la hauteur de Sigrid qui l’avait observé depuis un moment déjà, sans se faire remarquer, et dissimula très vite un sourire.

Suivant les sentiers étroits, ils finirent par atteindre une route plus large et plus dégagée dont les ornières étaient marquées par le passage régulier des charrettes et des animaux. Elle filait sur les crêtes des collines, et se frayait un chemin à flanc de pente pour offrir de temps à autre une vue bien dégagée sur les environs. Les rondeurs et les pics des montagnes les entouraient, et l’on voyait, parfois, la fumée de rares villages percer le couvert forestier. Les brumes rampaient çà et là, planaient sur les cimes et s’accumulaient au creux des vallées, tandis que le large ruban brun et vert du fleuve courait de son long chemin indolent à travers les arbres. Dans les passages plus dégagés, le vent était plus fort, charriant un froid humide dont nul ne semblait se soucier et frappant de plein fouet les cavaliers en les enveloppant de cette pluie très fine qui semblait parfois se muer en brouillard lourd et dont les gouttelettes dansaient et virevoletaient dans les rafales. Le ciel était clair, toutefois, d’un gris pâle, presque blanc, qui laissait parfois entrevoir, ça et là, quelques lueurs fugitives.

— Halesund est là-bas, indiqua Eivar en tendant le doigt vers une hauteur lointaine qui émergeait des collines et des bois.

On ne distinguait guère plus que la forme vague de quelques édifices, blottis sur une hauteur rocheuse, tandis qu’au loin tombait la lumière vive et pâle d’une éclaircie trop brève. Les nuages s’étaient déchirés un moment, et comme une averse d’or livide, le soleil s’était déversé soudain sur les bois, fit scintiller un cours d’eau dissimulé dans la vallée et reflua de nouveau pour s’embusquer derrière les nuages.

— Hauts les cœurs, utlending, dans deux heures tout au plus tu auras tout le loisir de te reposer, lança Sigrid en tournant vers Hector un sourire narquois.

Leur allure se fit bien plus rapide, sur la route qui ondoyait sur les sommets en direction de la ville. Le froid était moins vif sous les arbres, qui protégeaient un peu de la bruine, et l’on entendait de toutes parts les bruissements des feuillages, le sifflement du vent dans les branches des sapins, les chants de quelques oiseaux qui perçaient le silence de la forêt.

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[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Jeu 4 Sep - 16:05
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"Ma tante me laissera l’accompagner à la guerre !" Avait dit le petit prince. Il semblait tellement enthousiaste à cette idée qu'Hector n'eut pas le cœur à lui compter la réalité de la guerre. Il en avait vécu une - et quelques batailles éparses également - et il avait vu périr quelques uns de ses amis. En outre, il avait dû maintes fois quitter ceux qui étaient restés en vie...

Rien n'est terminé ! Rien ! Tout continue à cause de vous ! C'était pas ma guerre ! C'est vous qui m'avez appelé pas moi ! J'ai fait ce qui fallait pour gagner ! Mais on a pas voulu nous laisser gagner ...

Ah la la, c'est qu'il l'avait rendu nostalgique, le gamin ! A présent, notre cher Hector se taisait, il regardait le paysage qui se dégageait un peu. Il rêvassait. Ce fût la jarl qui le sortit de ses pensées.

Hauts les cœurs, utlending, dans deux heures tout au plus tu auras tout le loisir de te reposer, lança-t-elle à Hector.
- D'accord, jarl Sigrid, il me tarde, lui répondit-il d'un air un peu las.

Le chemin était à présent large et rapide. La température s'était légèrement radoucie et Hector replongea rapidement dans ses pensées. En fait, sa fatigue avait repris le dessus à la faveur de son inactivité. Aussi le long moment qu'il resta sur le cheval d'Eivar lui sembla fort court. Il se fit même quelques frayeur tant il s'assoupissait ainsi bercé par l'allure régulière du quadrupède. Lorsqu'ils arrivèrent enfin aux portes de la ville, il se réveilla un peu et fût heureux de revoir la civilisation. Elle lui avait manqué. Il s'était demandé à quoi pouvait bien ressembler la ville des gens de Glace... Et bien elle semblait abriter le même genre de commerces et de lieux de vie qu'en Terre. C'était rassurant. Lorsque la troupe de chasseur passa devant une taverne, Hector eut un petit pincement au cœur. Il aurait tué père et mère pour une bonne pinte bien fraîche... Malheureusement, ses hôtes ne semblaient pas enclin à s'y arrêter et Hector dû faire preuve d'encore un peu plus de patience.

Lorsque le cheval d'Eivar s'approcha de celui de Sigrid, Hector regarda la jeune femme. Il était difficile de lire sur les traits de son visage une quelconque satisfaction ou contentement. Alors il s'adressa à son jeune compagnon.

Et ben ! J'suis pas fâché d'être arrivé, mon cher Eivar ! Quelle journée d'fous ! Pfiou, j'en peux plus... En tout cas t'es un très bon cavalier : J'ai failli m'endormir !

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[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Ven 5 Sep - 14:06
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Le reste de la chevauchée se déroula sans encombre, alors que la route sinuait par monts et par vaux, traversant quelques groupes d’habitations éparses jusqu’à arriver aux faubourgs d’Halesund. Il leur fallut ralentir l’allure en arrivant dans la ville basse, car même si l’on s’écartait avec une certaine déférence sur le passage de la jarl et de sa suite, charrettes, animaux et encombrements de ce genre étaient légion. La rue n’était pas très large, et si elle avait été droite autrefois, elle se frayait à présent un chemin entre les étals des marchands et tous les débordements architecturaux des demeures agrandies de génération en génération. Les maisons basses en terre et en bois se blottissaient frileusement les unes contre les autres, envahies de brouillards de fumée sous la bruine qui avait forci depuis quelques minutes. Des ruelles étroites et obscures se perdaient dans un dédale complexe de part et d’autre de la voie principale. Les hommes et les femmes allaient presque tous vêtus de noir et de gris, et les couleurs étaient rares dans ce monde délavé qui stagnait dans son camaïeu de couleurs sourdes et terreuses. Pourtant ça et là quelques teintes vives surnageaient dans cet océan obscur, des enseignes métalliques bariolées, quelques étoffes suspendues aux fenêtres, quelques bouquets de fleurs séchées et de branches aux feuillages roux et dorés qui hérissaient parfois le chaume des toits et les auvents des maisons. Il régnait là une agitation perpétuelle, mélange de cris de bêtes et de voix humaines, tandis que l’on s’affairait bruyamment dans les ruelles adjacentes. Il y avait du monde devant la taverne, comme toujours, qui fut dépassée sans ralentir par Sigrid et sa troupe, jusqu’aux portes de la citadelle, plus haut. Là flottaient de grandes bannières noires et blanches marquées du blason de Sigrid, la corneille aux ailes déployées. La pierre régnait, plus haut ; les maisons étaient beaucoup plus anciennes que dans les faubourgs, mais elles étaient aussi un peu plus riche, et le sol moins boueux. Le terrain qui n’avait cessé de monter depuis les premières extrémités de la ville grimpait à présent un escarpement élevé, barré par un épais mur d’enceinte soigneusement entretenu et gardé. De nombreux soldats en arme allaient et venaient sur les chemins de ronde, et l’on entendait de temps à autre leurs voix sonores qui s’apostrophaient au-dessus d’eux.

La jeune femme et sa troupe mit pied à terre dans la grande cour cernée de murs et de bâtiments aux fenêtres étroites. On était à l’abri du vent, ici, bien qu’on l’entendit siffler sur les toits et faire battre vivement les drapeaux et les fanions. On se hâta de décharger les chevaux de leur chargement, et une partie de la troupe se dispersa tandis que les valets transportaient les proies à l’abri. Les fauconniers partirent remettre leurs oiseaux dans leurs nichoirs pendant que des palefreniers emmenaient les chevaux dans les écuries qui fermaient une partie de la grande cour.

Eivar fit une petite grimace quand Hector se prit de nouveau à le tutoyer, et fit un petit salut pincé.

— L’aurai-je su plus tôt, j’aurais tâché de te tenir éveillé, répondit-il avec une pointe de moquerie.

Ceci était dit, il se détourna et les quelques apparences de jeune noble très digne fondirent comme neige au soleil lorsqu’une sorte de matrone très élégamment vêtue s’avança vers eux, une petite fille blottie dans ses jupes. Le garçon s’en fut vers elle et tout ce qu’ils purent entendre furent les montées sonores dans les aigus causés par l’enthousiasme juvénile. À n’en pas douter, cette femme était sa mère, car il n’y avait guère que cela pour forcer un petit aristocrate à abandonner ses manières en public.

— Bienvenue à Halesund, lança Sigrid en faisant signe à Hector de la suivre. Viens donc te restaurer, tu l’as bien mérité, je pense.

Son sourire laissait entendre qu’elle n’en était pas du tout certaine, au contraire, mais force était de reconnaître que pour un mourant, cette petite promenade équestre lui avait fait reprendre du poil de la bête. La jeune femme l’amena dans la grande salle du bâtiment principal qui donnait sur la cour. C’était une vaste pièce surmontée d’un haut plafond étayé par des poutres qui semblaient être des arbres entiers à peine équarris, aux murs de pierre dissimulés sous d’épaisses tentures poussiéreuses. De longues tables posées sur des tréteaux prenaient presque toute la place, et sur une petite estrade, face à la cheminée, quelques meubles plus riches et plus confortables trônaient face à l’entrée. D’autres foyers répartis çà et là apportaient un peu de chaleur et de lumière à cet immense espace sans fenêtres qui semblait servir à la fois de salle de repas, de réunion, de vie, et de repos. Plusieurs personnes y étaient installées et discutaient à voix basse, des enfants jouaient bruyamment dans un coin, quelques chiens vautrés sur les tapis et sur quelques fourrures usées levèrent les oreilles à leur approche, tandis que les molosses qui les avaient accompagnés à la chasse s’égayaient dans la cour et que certains leur emboitaient sagement le pas. Njörd demeurait sur les talons de sa maîtresse, et fila aussitôt s’allonger près du feu. Il faisait sombre ici, mais l’humidité s’y faisait beaucoup moins sentir et même dans les prémisses de l’automne, il régnait là une chaleur bien suffisante que ne dissipait pas le courant d’air froid qui s’engouffrait par les portes ouvertes sur la cour. La pénombre et les flammes dansantes faisaient des reflets et des recoins obscurs de toutes parts, des lueurs fugaces filaient ça et là, glissaient le long des armes, des boucliers et des nombreux trophées accrochés aux poutres et en haut des murs. Des bannières mitées, des boucliers, des lances rompues, les traces d’un passé — et d’un présent — guerrier et manifestement souvent victorieux se laissaient entrevoir de toutes parts. Certains de ces objets semblaient très anciens, d’autres plus récents, et l’on voyait quelques types d’armes qui étaient tout à fait typiques de ceux que l’on portait de l’autre côté de la mer.
Lorsque Sigrid et ses compagnons entrèrent, les personnes présentes la saluèrent avec une certaine déférence avant de reprendre leurs occupations, et quelques chuchotements curieux filèrent dans l’ombre lorsque plusieurs paires d’yeux dévisagèrent Hector avec insistance.

Sigrid et quelques-uns des hommes de sa suite s’installèrent à la grande table. La jeune femme prit tout naturellement place dans le siège le plus haut et le plus confortable, et fit signe à Hector de les rejoindre tandis que des serviteurs apportaient aux chasseurs éreintés de quoi reprendre quelques forces.

— Prends donc place avec nous, Hector, dit Sigrid en prenant enfin le soin d’user de son prénom. Je te ferais porter des vêtements neufs, ainsi pourras tu peut-être me rentre mon manteau. En attendant, reprends des forces, et parle donc. Nous sommes curieux d’en apprendre plus sur ce qui se passe de l’autre côté de la mer.

Ce disant, elle poussa vers lui un plat de poissons et de viande séchée, tandis qu’une servante posait près d’eux plusieurs cruchons de bière dont la crête mousseuse et échevelée débordait presque du récipient de terre. Chacun attaqua gaillardement cette collation, même si la bonhomie feinte de ces grands hommes à la mine rude semblait dissimuler une certaine méfiance à l’égard du nouveau venu. Il était manifeste que l’on n’appréciait guère les étrangers ici, et même si Hector était devenu officiellement l’invité de Sigrid, certaines choses restaient profondément ancrées.

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[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Mar 9 Sep - 10:45
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Hector se rendit finalement compte de la noblesse de ses sauveurs en voyant les habitants de Halesund s'écarter sur leur passage. Eivar semblait réellement un peu embêté par la familiarité d'Hector ! Mais bon, il n'était pas dans les habitudes de l'ex-bûcheron de vouvoyer... et encore moins un enfant ! Mais bientôt on descendit de cheval et le petit noble se jeta dans les bras de sa mère sous le regard attendri d'Hector.

Sacré p'tit gars !

Mais une voix le sorti de ses pensées. La voix de Sigrid... avec un accent légèrement plus amical :

- Bienvenue à Halesund, viens donc te restaurer, tu l’as bien mérité, je pense.
- Merci S... jarl Sigrid, avec plaisir ! Répondit-il tout sourire.

Étonnamment, le chemin vers l'immense salle à manger se fit sans trop de mal pour Hector qui boitait un peu moins. Il regardait tout autour de lui, impressionné par la majesté du lieu. Le haut plafond, les poutres qui tenaient plus de troncs d'arbres que de poutres classiques, les belles armes et boucliers accrochés ça et là, les nobles tentures sur les murs et, surtout, des cheminées grandes et efficaces ! Hector sentit une douce vague de chaleur lui caresser la peau. Il avait encore le manteau de Sigrid, mais un petit surplus de chaleur n'était pas un mal ! Il déboutonna un peu celui-ci et s'installa à la grande table quand Sigrid le lui indiqua.

- Je te ferais porter des vêtements neufs, ainsi pourras tu peut-être me rendre mon manteau. En attendant, reprends des forces, et parle donc. Nous sommes curieux d’en apprendre plus sur ce qui se passe de l’autre côté de la mer.

Elle poussa alors vers lui un plat de poissons et de viande séchée, tandis qu’une servante posait près d’eux plusieurs cruches de bière. Hector fût très tenté par cette bière mais il commença par répondre à la jarl.

- De l'autre coté de la mer... Et bien, J'ai passé mes dernières semaines en prison alors mes nouvelles sont pas très fraîches mais... de c'que j'ai entendu, Aile Ténébreuse n'est pas au mieux. Ses soldats, ses officiers sont un peu moins actifs qu'avant... Enfin j'dis ça mais c'est quand même à cause d'eux que j'ai dû quitter mon p'tit village y a quelques temps. Non mais en tout cas, j'ai l'impression qu'ils se reposent un peu sur leurs lauriers. Tiens, si, on raconte même que certains officiers, vers les montagnes, sont achetés par les nains... Et pourraient changer de camp en cas de guerre.

Finalement Hector se servit un bon verre de bière en but une bonne lampée.

- Aaaaaah, ça fait du bien... Bon et sinon y a les pirates ! Apparemment, un des plus puissants pirates, comment il s'appelle déjà... Ah oui ! Abran Kaï ! Et ben il est passé du coté de l'empire... Mais le capitaine qui m'a permis de venir en Glace, là, m'a dit qu'il était trop seul et que les autres pirates auraient sa peau, tôt ou tard. Donc c'est pas une grosse menace... Et puis nous, chez les rebelles, on grossit doucement. Le problème c'est qu'on doit rester discret... Du coup, on par pas trop... Et puis comme j'suis pas en haut d'l'échelle, je reçois juste des ordres de missions et tout mais j'connais pas tout l'monde, tous les plans, tout ça...

Hector se servit un peu de viande et de poisson avant de retourner la question à son hôtesse.

- Non vraiment, l'impression qu'on a, c'est qu'Aile Ténébreuse se contente de c'qu'il a pour l'instant. C'est... ce serait p't'être le moment d'en profiter ! S'exclama Hector avant de reprendre sur un ton un peu plus calme. Enfin j'suis pas chef de guerre... Et p't'être qu'ils préparent des trucs en secret aussi, les démons...

Hector enfonça alors sa fourchette dans un morceau de viande et se l'enfourna dans la gosier.

- Mmmh, c'est délicieux.

Relevant la tête de son assiette, Hector tenta de jauger les réactions de ses hôtes à son discours. Mais leurs visages froids ne semblaient, pour l'instant, montrer beaucoup d'émotions...

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[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Sam 13 Sep - 12:50
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Sans attendre que Hector se décide à entamer la pitance, Sigrid sortit un coutelas de sa ceinture et le planta dans un morceau de viande pour l’amener à elle tandis que chacun faisait de même autour d’elle. Un sourire amusé se laissa entrevoir sur son visage, et elle échangea quelques regards entendus et franchement rieurs avec certains de ses compagnons quand elle entendit le bûcheron juger de l’activité des hommes de l’Aile Ténébreuse. Ça ne manquait pas d’intérêt, d’entendre un homme de peu, si rebelle fût-il, parler de la politique des grands, mais parfois Sigrid savait fort bien qu’un avis, si infime et humble soit-il, pouvait apporter un éclairage tout à fait nouveau sur certaines situations.

Elle haussa un sourcil quand il fut question des nains. L’inertie de l’empire était-elle si grande que même les hauts gradés s’étaient lassés de cette immobilité ?

— En cas de guerre, hein ? releva Sigrid avec un drôle de sourire glacial. Nous n’aurons de paix que lorsque l’Aile Ténébreuse ne sera plus qu’un vieux souvenir, un cauchemar qui viendra hanter les marmots dans leur sommeil. D’ici là, il n’aura de cesse que de tourner ses yeux vers les Glaces, et plus encore à présent qu’il s’est rendu maître du continent et que la rébellion a été réduite à néant.

Il y eut encore quelques sourires autour de la table ; cette bonhomie presque innocente qui transparaissait dans les paroles du vagabond semblait amuser de plus en plus cette assemblée de rudes guerriers nourris de fer et de sang. Aucun ne semblait prêter grand crédit à ses paroles, surtout pas Sigrid qui riait sombrement de cette certitude gentillette que le démon était du genre à commettre l’erreur de s’endormir sur ses lauriers et de négliger les dangers qui pouvaient mettre en péril sa domination. Il n’était pas si idiot, non, certainement pas, et il y avait là sans doute un plan plus vaste dont elle ne pouvait encore saisir les tenants et les aboutissants.
D’ordinaire, Sigrid ne se préoccupait guère de ce qui pouvait se passer hors de Saline, le reste étant à la charge de son roi. Mais souvent, elle prenait des nouvelles de l’extérieur, comme on guette la fumée annonciatrice de l’incendie, et elle attendait la guerre comme on attend l’orage, comme une tempête contre laquelle on ne pouvait rien.

Hector sembla finalement revenir à la raison, et laissa enfin entendre qu’il y avait sans doute anguille sous roche. Finalement, il n’était peut-être pas si idéaliste qu’il semblait l’être.

— Bien sûr, qu’ils préparent quelque chose, c’est même évident,
répliqua Sigrid en dépeçant un morceau de viande entre ses doigts. Ça ne leur ressemble pas de rester inactifs. Quant aux pirates...

Elle laissa échapper un ricanement sinistre qui se répercuta de gorge en gorge autour de la table alors que quelques mots prononcés à voix basse se faufilaient ça et là.

— Si les autres forbans de sa sorte n’en viennent pas à bout rapidement, nous saurons nous en charger, sois sans crainte, ajouta-t-elle avec un large sourire, de ceux qui promettaient sang et massacres.

La jarl jeta un morceau de viande à Njörd et se laissa confortablement aller en arrière sur son fauteuil, sa coupe à la main.

— Le fait est que l’Aile Ténébreuse nous a bien montré par le passé qu’il ne se satisfait jamais de ce qu’il a déjà, et qu’il ne sera pas même pleinement satisfait le jour où il aura mis sous son joug le monde entier, dut-il aller jusque dans les Limbes. Chacun se prépare dans l’ombre, mais l’affrontement est inévitable, il arrivera à un moment ou à un autre. Cela fait bien trop longtemps que les royaumes des Glaces échappent à ses griffes, cela ne durera pas.

Les hommes autour de la table hochèrent la tête, et les rires et les paroles moururent dans un silence grave. Pourtant nul ici ne semblait avoir peur, et, comme un rappel infime que la vie continuait, loin des menaces et du doute, une cascade de rires d’enfants et d’aboiements sonores brisa net l’instant un tant soit peu solennel. Les enfants qui avaient, jusque là, joué sagement dans leur coin chahutaient à présent bruyamment avec les chiens, sous le regard vigilant des quelques personnes présentes.

Sigrid leva les yeux au ciel et un très bref sourire étira ses lèvres fines.

— Mais la guerre est encore loin, n’est-ce pas ? Nous nous y préparons chaque jour de notre existence depuis que nous sommes nés, ainsi que nos ancêtres l’on fait avant nous. Tu sembles avoir perdu beaucoup, par la faute des démons. C’est le lot de chacun en ce monde, je le crains.

Sigrid Nilfdottir

Sigrid Nilfdottir


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[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Lun 15 Sep - 9:15
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- "Réduite à néant" ! S'exclama Hector en postillonnant bien involontairement sur le noble chasseur - Ingvar - qui lui faisait face. Mais non, on est là, on existe ! On mène déjà des actions contre lui. C'est juste qu'on... est discret... On n'a pas la mer qui nous sépare de lui, nous. On peut pas s'permettre de ... de l'attaquer comme ça, frontalement, de lui déclarer notre haine. Mais pour sur qu'si tous les opposants s'y mettent, on montrera bien qu'on existe, vous inquiétez pas !

Hector leva une discrète main pour s'excuser auprès d'Ingvar et retourna à sa bière.

"Réduite à néant", elle me cherche celle là ! Pensa le brave jeune homme.

Mais bientôt, la douceur de la viande et de l'alcool vinrent calmer les ardeurs d'Hector. Il écoutait tranquillement la conversation. Ils étaient fiers les gens de Glace. Fiers et arrogants. Ils riaient de ses propos, pour sûr, mais, quelque part, Hector s'en fichait bien. Il n'était pas du genre à vouloir convaincre le monde qu'il avait raison. Tout ce qu'il voulait c'était s'en sortir. Évidemment il voulait la mort d'Aile Ténébreuse, la liberté, retrouver sa famille, ses amis... Mais, en fait, il savait que les décisions se prenaient bien plus haut qu'il ne l'était. Alors, si on lui demandait son avis il le donnait... Mais si on ne voulait pas l'écouter, il continuerait son chemin. Et la rébellion, quoi qu'en dit la jarl, existait bel et bien, et si le salut de Schwerbess devait passer uniquement par elle, qu'il en soit ainsi !

La discussion porta un temps sur les pirates. Ceux-ci ne semblaient pas faire peur aux gens de glaces. Sigrid riait même à l'évocation du châtiment qu'ils pourraient faire subir à Abran Kaï. Hector la trouva bien présomptueuse mais ne pipa mot. Après tout, elle devait bien savoir ce qu'elle disait, elle, la fille de haute lignée. Et puis, tant qu'elle l'invitait à sa table, autant en profiter et ne pas la contrarier ! Néanmoins Sigrid interpella de nouveau Hector, à la fin de son discours.

- Tu sembles avoir perdu beaucoup, par la faute des démons. C’est le lot de chacun en ce monde, je le crains.
- J'ai perdu beaucoup, ouais - il marqua un pause pour faire un petit bilan intérieur - En fait j'ai tout perdu même. Enfin "tout". J'ai gardé ma vie, c'est déjà pas mal ! Et ce que j'ai perdu, j'espère bien l'récupérer...

Il aurait pu parler de sa famille et de sa maison qui n'étaient pas mortes. Simplement surveillées. Mais il était finalement un peu vexé par les propos et l'attitude des gens de Glace. Aussi, il ne développa pas ses pensées et se contenta de finir assiette et verre et de se reposer, repu, contre le dossier de sa chaise. Là, un soupçon de culpabilité s'insinua en lui. Elle l'avait tout de même sauvé !

- Merci pour ce repas, jarl Sigrid, commença-t-il avec une émotion non feinte dans la voix, j'sais pas comment vous remercier... pour tout ça - il montra la table - et pour m'avoir ramené ici... en vie. Si j'peux vous être utile à quelque chose, dites moi. Demain j'serai sur pied, j'peux travailler. J'suis bûcheron... Si vous devez couper du bois ou autre, j'peux faire ça pour vous.




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[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Mer 17 Sep - 12:48
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Sigrid se fendit d’un fin sourire, alors qu’Ingvar essuyait posément son visage d’un revers de main. L’homme était impassible, mais une crispation de la mâchoire trahissait un brin d’agacement tandis qu’il fixait Hector avec un regard qui laissait entendre qu’il avait pour le moment la légère envie de lui sauter à la gorge. Il y eut quelques froncements de sourcils autour de la table tandis que l’amusement qu’avaient fait naître les paroles du bûcheron chez les fiers guerriers de Saline s’effaçait comme neige au soleil.

— Auraient-il eu un océan entre eux et l’Aile Ténébreuse que les rebelles d’outre-mer n’auraient pas mieux fait, lança l’un d’eux.

Sigrid le fit taire d’un geste péremptoire, assorti d’un regard noir qui le tint coit, même si l’homme ne perdit rien de son expression cruellement rieuse. Les étrangers, fussent-il alliés, n’avaient jamais vraiment bonne presse par ici et rien pour eux ne semblait comparable au bon acier tranchant des batailles qu’ils avaient menées par le passé.

— N’insulte donc pas notre hôte, Orffa, répliqua la jarl d’un ton dangereusement calme.

Elle releva les yeux sur Hector et se fendit de nouveau de ce sourire acerbe dont elle avait le secret.

— Peut-être devrais-tu surveiller tes paroles, reprit-elle de ce même ton étrangement aimable qui semblait présager un danger plus insidieux. Vous ne pouvez — ou ne voulez — pas l’attaquer de front parce que vous avez été vaincus, il faut le reconnaître. Personne ici ne remet en cause la valeur et le courage de ceux qui sont morts sous les murs de Sent'sura — ce disant, elle balaya la tablée d’un regard noir, comme défiant quiconque de la contredire —, mais des erreurs ont été commises et c’est à vous d’en payer le prix aujourd’hui.

L’heure n’était aucunement aux disputes sur ce qui avait pu être fait, serait fait, ou ne serait pas. Qu’il fut simple bûcheron, si elle se fiait à ses dires, Hector restait, quoique de manière fort lointaine, un allié, et en tant qu’invité de sa maison, on ne pouvait guère tenir des discours remettant en cause les actes de la Rébellion sans que cela ne soit vu comme une insulte. Toutefois, même si Sigrid n’avait fait preuve d’aucune délicatesse dans ses paroles, il n’y avait pas eu de moquerie ou d’hostilité, elle ne faisait qu’énoncer un simple fait qui était pour elle pure vérité : il n’y avait guère plus que quelques malheureux, au-delà de la mer, pour lutter contre le démon. Il avait gagné et en décapitant — littéralement — la Rébellion, il avait éliminé de l’échiquier politique ses principaux adversaires dans les royaumes conquis.

Chacun eut la courtoisie de changer de sujet, gardant ses opinions pour soi, et Sigrid voyait bien qu’elle avait pu froisser son hôte, et qu’il n’en pensait pas moins malgré ce qu’elle avait pu dire.

— Puissent alors les dieux, et ta bravoure, te rendre ce que tu as perdu, répondit-elle avec un hochement de tête.

Quelques rires discrets fusèrent quand Hector proposa, fort courtoisement, son aide afin de remercier la jarl de son hospitalité.

— Eh bien, nous qui avons la forêt pour domaine avons de nombreux bûcherons qui pourraient peut-être accepter ton aide, mais ne te fais pas trop d’illusions : peu de gens ici ne te considéreront pas comme un étranger, peut-être même un espion. C’est bien brave de ta part de proposer cela, mais qui n’est pas de notre sang ne peut espérer beaucoup, ici.

C’était un fait, quelqu’un qui n’était pas natif de Saline, et a fortiori en ces temps troublés, trouverait sans doute porte close partout où il irait. Sans aller jusqu’à la franche hostilité — quoique certains s’en enorgueillissent — la méfiance était de mise, car qui savait seulement s’il disait la vérité, et s’il n’était un autre déguisement d’un servant du démon ? On avait la mémoire longue, ici ; et le souvenir cuisant de la trahison de Silena était encore dans toutes les mémoires, comme une preuve supplémentaire que nul n’était à l’abri d’une fourberie quelconque.

— Je ne puis rien t’offrir d’autre que te laisser demeurer ici autant qu’il te le faudra pour recouvrer tes forces avant de repartir, reprit Sigrid avec un signe de tête.

Non pas qu’elle le chassât, mais c’était la meilleure recommandation qu’elle eût à lui faire, quoi qu’il soit venu chercher ici.
Autour d’eux, les hommes ayant achevé leur collation se levèrent, saluant la jarl, et s’en furent en parlant fort et haut dans leur langue. Quelques chiens leur emboîtèrent le pas, laissant Hector et Sigrid seuls, face à face.
Njörd se leva pour aller fureter autour de la table à la recherche de restes à dénicher tandis qu’une servante venait déposer sur un tabouret, près du bûcheron, un tas de vêtements un peu usés, à la propreté quelque peu douteuse, mais assez chauds pour remplacer ses hardes trempées.

— Prends-les, et va donc chercher le repos dont tu as besoin. Garde-toi bien de trop fouiner là où tu ne devrais pas être, la curiosité peut être fatale à un étranger de ta sorte.

Tout en parlant, ses yeux l’avaient fixé d’un regard froid, comme une seconde mise en garde contre ce qui pourrait attendre Hector. Toutefois, il n’y eut là, comme depuis le premier instant, pas la moindre trace de réelle hostilité ou d’agressivité, car ce n’était que la simple et pure vérité, dénuée de tout autre sentiment. Elle voulait bien l’accueillir, car c’était là son devoir, mais ce ne serait rien de plus qu’un toit et que quelques nourritures, et il ne devrait guère espérer plus de ces gens.

— Fais-moi porter mon manteau quand tu n’en n’auras plus l’usage, reprit-elle en se levant. J’ai à faire à présent, et fais-moi savoir s’il te faut quelque chose de plus.

Sur un dernier salut un peu sec, elle s’en fut rejoindre ses hommes dans la cour. Dès qu’elle eut tourné les talons, alors que la servante était occupée à défaire la table qu’ils avaient laissée, deux des petites filles qui étaient jusque là occupées à chahuter bruyamment avec les chiens s’approchèrent de lui en catimini. C’était des jumelles, rigoureusement identiques jusqu’au moindre trait de leurs visages, et elles avaient la même chevelure de jais et les yeux perçants que Sigrid. Alors que l’une d’elles chapardait discrètement quelques restes de viande séchée dans un plat en profitant que la servante avait le dos tourné, la seconde leva un regard curieux sur Hector.

— Pourquoi portes-tu son manteau ? s’enquit-elle avec cette expression caractéristique des enfants toujours sur le point de faire une bêtise.

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[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Jeu 18 Sep - 11:13
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La petite pique d'Hector avait fait mouche... Un des guerriers, Orffa, répliquait déjà avec fougue au vagabond... mais la jarl, rapidement et pleine d'autorité, vint calmer les esprits. Il ne s'agissait pas de transformer ce dîner en pugilat ! La discussion dévia donc vers le deuxième sujet qu'Hector avait lancé : son aide éventuelle à Sigrid. Celle-ci lui expliqua qu'elle avait de nombreux bûcherons à son service ... mais que ceux-ci risqueraient de ne pas l'accueillir aussi bien qu'il le souhaiterait !

- Mmmh, se contenta de répondre Hector en faisant la moue, tant pis.

S'ils sont aussi sympathiques qu'eux, ça risque de pas être bien agréable, en effet, se dit-il à lui même.

Après cela, tous se levèrent et allèrent rejoindre leurs appartements. Sigrid resta un moment avec Hector pour lui (faire) donner des vêtements propres et secs.

- Merci, c'est parfait, dit Hector ravi.

Il cherchait un peu de sympathie dans le regard de la jarl mais n'en trouva point. Son attitude était inconcevable pour lui. Pourquoi sauver quelqu'un, l'inviter à sa table, lui offrir des vêtements de rechange si derrière, on ne lui montrait qu'une froideur de pierre ?! Le sourire d'Hector se teinta de déception et bientôt la jarl le salua. Hector s'apprêta à rejoindre la chambre qui lui avait été attribuée mais deux petites jumelles vinrent tourner autour de lui.

Pourquoi portes-tu son manteau ? Demanda l'une d'elle d'un air espiègle.
- Parce que le mien était ... euh ... trop trempé pour ... me tenir chaud, répondit Hector, légèrement troublé par l'exacte ressemblance des deux fillettes.
- Il a une manteau d'dameu ! Il a un manteau d'dameu ! Chantonnèrent en coeur les deux fillettes en voyant Hector partir vers sa chambre.

Finalement, et malgré cette gentille moquerie, c'était bien les deux seules personnes aimables a qui il avait eu affaire sur ce continent !

Dans sa chambre, il enleva ses vêtements, nettoya sommairement ses plaies avec ses vieilles frusques et l'eau qu'on avait déposé à son attention, et se coucha sur le lit sans plus de cérémonie. Toute la fatigue cumulée eut raison de lui et il s'endormit instantanément d'un sommeil de plomb.

Le lendemain matin - en fin de matinée pour être plus précis - il se leva l'esprit frais et plein d'allant ! Néanmoins, si son esprit semblait avoir retrouvé sa vigueur, ses muscles et ses blessures lui rappelèrent bien vite que la veille et l'avant-veille avaient été de rudes journées ! Hector lâcha un petit râle en s'étirant puis plia ses affaires et sortit donner le manteau de la jarl à l'une de ses servantes. Tous les guerriers semblaient avoir quitté les lieux depuis peu et quelques victuailles trainaient encore sur la grande table. Les servantes en profitaient pour se nourrir à leur tour et Hector leur demanda s'il pouvait manger avec elle. De nouveau, les regards se firent durs et hostiles. Hector chipa donc une miche de pain et descendit dans la cour. S'installant sur un banc de bois qui trainait par là, il regarda un moment l'activité des gens de Sigrid. Ceux-ci marchaient en tout sens, portant du bois ici, du linge là, apportant de la nourriture aux bêtes, etc. Et toujours, ils jetaient quelques regards réprobateurs quand il voyait Hector assis là, entrain de manger son pain. Et puis, ô surprise, un vieil homme passa un moment, guidant un cheval derrière lui, et, à la vue de l'étranger, il sourit et s'approcha de lui.

- Bonjour ! Dit Hector enthousiaste.
- Bonjour jeune homme, répondit l'homme d'un air amical.
- J'peux vous aider ?
- Héhé, pas vraiment, mais tu peux m'accompagner si tu veux... tu as l'air de t'ennuyer un peu, héhéhé !

Et c'est ainsi qu'Hector suivit le vieux pour ce qu'il pensait être une petite marche mais qui, en réalité, fût une loooooongue conversation ! L'homme était un ancien marin. Il apprit rapidement à Hector qu'il avait beaucoup voyagé dans sa jeunesse, qu'il avait notamment commercé avec Terre et qu'il savait, lui, que les gens de l'autre coté de la mer n'était pas tous des ennemis. Il travaillait à présent aux écuries de la jarl et avait entendu parler de cet étranger qui était arrivé hier soir. Alors il avait voulu en savoir plus... Hector lui raconta son long périple pour venir jusqu'ici, depuis l'attaque du démon jusqu'à sa marche désespérée le long de la rivière. L'homme était amusant. Il avait la sagesse de ceux qui ont beaucoup vécu. Il connaissait bien le monde d'avant Aile Ténébreuse et ne se focalisait pas autant que ses maîtres sur toutes ces histoires de guerres, de camps, de rivalités. Et puis, après une bonne heure d'intenses bavardages, l'homme accepta d'accompagner Hector en ville pour lui rendre un service. A leur retour, Hector lui demanda s'il était possible d'accéder aux murailles de la citadelle et l'homme l'accompagna. Il discuta avec deux gardes qui bloquaient l'accès au haut des remparts et ceux-ci finirent par accepter que l'étranger - s'il était accompagné - aille là haut. Ils y restèrent un moment, pour discuter encore, pour contempler le paysage, pour plaisanter. Le temps était tout aussi gris que la veille mais la pluie ne faisait que de rares apparitions durant lesquels les deux hommes s'abritaient parfois dans les tourelles. Et puis, alors que le soir commençait à tomber. Les deux amis se séparèrent. Hector demanda à Thomasson (c'était son nom) comment faire pour repartir en Terre. Celui-ci lui suggéra d'aller à Cardrak, d'aller voir le vieux cordonnier près du sanctuaire d'Örmaghaden (un ancien collègue marin à lui) et peut-être que celui-ci aurait quelques contacts à lui indiquer pour reprendre la mer...

De retour dans la cour, Hector offrit une accolade au vieux et lui souhaita une longue vie. L'instant d'après, des cavaliers arrivèrent dans la cour. C'était la jarl et son équipée de fiers guerriers. Hector la salua d'un hochement de tête et lui dit :

- Bonjour jarl Sigrid, soyez heureuse, je pars demain matin ! Mon ami - il désigna le vieux - m'a affirmé qu'il ferait beau ! Ses rhumatismes ne le trompent jamais, il parait !

Et puis, la jarl l'invita une dernière fois à sa table. L'ambiance autour de celle-ci était légèrement plus chaude qu'hier. En fait, c'était certainement parce que Hector ne prit pas la parole ! Seuls Sigrid et ses hommes discutèrent ; entre-eux, dans leur langue, oubliant presque la présence de l'importun auprès d'eux. Ils semblaient se raconter leurs aventures passées, ou peut-être celle du jour même, en accompagnant leurs mots de gestes évocateurs... Hector regardait sans mot dire. En fait, il attendait son heure car il avait quelque chose à demander à la jarl, quelque chose d'assez particulier. Profitant du moment où tous se levèrent pour rejoindre leurs chambres, Hector se faufila entre les guerriers et la famille de Sigrid pour aller lui parler aussi discrètement que possible :

- jarl Sigrid, est-ce que je pourrais vous voir un instant en privé ?

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[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Mar 23 Sep - 16:08
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Dès qu'elle l'eut laissé dans la grand salle, Hector lui était totalement sorti de l'esprit. Sigrid avait bien d'autres choses à se soucier que du bien être d'un vagabond égaré, fut-il l'invité de sa maison, à commencer par les sempiternelles menaces et rodomontades diplomatiques de son voisin, parent et allié. Le reste du jour fila sans qu'elle n'eut à se préoccuper du bûcheron, qui pouvait bien retourner dans les bois si cela lui chantait, ainsi que le jour suivant, jusqu'au soir. C'est sans animosité ni chaleur que Sigrid retrouva son invité et se contenta de le saluer avec la sécheresse coutumière qu'elle réservait aux étrangers. Elle ne répondit même pas à ses paroles, et son regard signifiait clairement que c'était sans doute une nouvelle merveilleuse pour lui mais qu'elle n'en n'avait pas grande chose à faire. Elle se contenta d'un hochement de tête qui fut à cet instant le summum de toute la courtoisie qu'elle pouvait déployer pour un hôte.
Puis ce fut l'heure du dernier repas du jour, et comme de coutume la jarl et ses proches ainsi que tous ceux qui vivaient au château s'étaient réunis dans la grande salle. Près des grands feux rougeoyants, les tables dressées étaient chargées de plats frustres, même à la table de Sigrid, quoique solides et nourrissants. La bière plus que le vin coulait à flots et très vite les langues se déliaient, et tous parlaient entre eux dans de grands éclats de rire et de voix. Des poignées d'enfants qui avaient déserté leurs places jouaient à même le sol tandis que les molosses domestiques des habitants se frayaient difficilement un chemin sous les tables et les bancs pour récupérer ce qui pouvait l'être. Il régnait là une animation joyeuse, désordonnée et parfois très bruyante, au point que l'on se serait cru plus dans la maison d'un paysan que d'une duchesse. A ceci près que la plupart des gens étaient richement et chaudement vêtus et mangeaient dans une belle vaisselle d'étain.

Sigrid était assise à sa place habituelle, entourée de ses plus proches parents. On pouvait à présent, sans trop de peine, discerner l'arbre généalogique de la jarl. La très vieille dame assise près d'elle, qui ne disait mot et semblait la sévérité incarnée devait être sa mère, et partageait nombre de traits communs avec la douce et gironde matrone installée en bout de table, entourée de ses cinq enfants, dont le jeune Eivar. Un grand homme à la mine plutôt sinistre était à ses côtés et devait être le père des enfants, qui avaient hérité d'un certain nombre de ses traits. Sigrid elle-même se mêlait peu aux conversations, et glissait de temps à autre un mot ou deux à Ingvar qui avait prit place à sa droite.

Chacun sembla oublier la présence d'Hector. Sigrid avait probablement donné ses ordres en ce sens, ou bien était-ce la discrétion du personnage, en plus du fait qu'il ne semblât pas représenter le moindre danger, qui avait endormi quelque peu la méfiance et l'hostilité des habitants. Il y avait d'autres sujets à aborder ce soir-là, et la vive animation qui agitait la tablée laissait entrevoir une certaine complexité dans les rapports entre les nobles du cru et des duchés voisins.
Le repas achevé, chacun s'en fut ça et là, les domestiques s'attelant au nettoyage de la salle, les parents et nourrices entreprenant la dure tâche de mettre leur remuante progéniture au lit, tandis que d'autres s'attardaient encore près des feux moribonds pour savourer un dernier verre d'alcool fort avant le coucher.

Sigrid fixait pensivement les flammes lorsqu'elle entendit Hector s'approcher et tourna vers lui ce regard de pierre parfaitement dépourvu du moindre sentiment qu'il avait déjà rencontré si souvent chez elle. En guise de réponse, elle eut un sourire et regarda autour d'elle. Ingvar était toujours là, ainsi que celui qui devait être son beau-frère, et quelques autres personne.

-Tu n'as rien à me dire qui ne puisse être entendu par eux, répliqua Sigrid. Parle-donc.

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[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Mar 23 Sep - 17:01
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-Tu n'as rien à me dire qui ne puisse être entendu par eux, répliqua Sigrid. Parle-donc.

Hector regardait Sigrid dans les yeux. Elle semblait prendre un malin plaisir à le remettre à sa place. Les hommes de la jarl avaient entendu la réponse de Sigrid et Hector imaginait sans mal, sur leurs visages, un sourire carnassier. Le visage d'Hector, quant à lui, prit une teinte rouge que personne ici n'avait encore eu l'occasion d'apprécier. Quelques microlitres de sueurs, même, sortirent des pores de sa peau et firent luire son front.

-D'accord, attendez un peu, j'ai ...mmh... un ... un petit présent pour vous, je vais vous le chercher... je reviens.

A ces mots, Hector se dirigea à grandes enjambées vers sa chambre. Dans sa "course", il prit juste un petit temps pour attraper un verre d'eau de vie afin de se donner du courage. Dans sa chambre, il récupéra le cadeau qu'il avait caché sous sa couette et s'en retourna vers la grande salle commune. Lorsqu'il pénétra dans celle-ci, les guerriers qui, un peu plus tôt s'amusaient de lui semblaient à présent le regarder d'un air suspicieux... Cependant, voyant qu'il ne portait dans sa main aucun objet dangereux, leurs visages retrouvèrent en un clin d’œil l'expression moqueuse qu'Hector avait pressenti précédemment.

-Mmmmh ... Voilà jarl Sigrid, c'est euh... un ... un dessin de vos montagnes.

Il tendit la feuille et Sigrid pu voir sur celle-ci le dessin au fusain qu'Hector avait fait des montagnes - et notamment de celle par laquelle il était arrivé - au sud de Halesund. Hector s'était appliqué à dessiner avec précision la crête de celles-ci, d'un trait noir appuyé. Au dessus, il avait dessiné le ciel gris et menaçant comme il l'avait été cette après-midi. Sous la crête, il avait dessiné la grande et dangereuse forêt. En fait, il avait simplement colorié différentes zones de celle-ci, avec des teintes plus ou moins foncées, selon l'orientation des flancs des montagnes et la couleur des arbres. Le résultat n'était pas exceptionnel (surtout la forêt) mais l'on pouvait sans mal reconnaitre les montagnes de Saline, surtout pour qui y habitait depuis toujours...

Hector avait voulu exprimer ainsi sa gratitude envers Sigrid, en lui offrant un souvenir du lieu de leur rencontre et de cette région qui devait lui être chère... mais, ici, au milieu de la salle commune et sous le regards dédaigneux des hommes de la jarl, il ne dit rien de plus. Il scruta simplement les yeux de Sigrid, tentant d'y distinguer une trace d'émotion, aussi infime fut elle.

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[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Mar 23 Sep - 18:04
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Sigrid se contenta d'un haussement de sourcils en voyant Hector détaler vers on ne sait où en lui promettant quelque chose en guise de présent. Dès qu'il eut tourné les talons, Ingvar se fendit d'un large sourire goguenard.

-Ou bien veut-il ta mort, ou bien as-tu donné des espoirs fous à ce pauvre homme, Sigrid ; lança-il d'une voix forte.

La jarl ne prit même pas la peine de répondre, et pour tout dire, elle n'était pas d'humeur à ces petits jeux. La journée avait été longue et difficile, et son remuant voisin ne cessait de lui causer des ennuis. Elle s'affala dans son fauteuil et fit signe à son beau-frère de lui servir un verre d'alcool en attendant le retour de leur hôte, ce qui ne tarda guère. Le voyant porter quelque chose dissimulé, tous les trois se redressèrent avec méfiance, portant la main aux coutelas qu'ils avaient à la ceinture, jusqu'à constater que le bûcheron n'apportait rien de plus dangeureux qu'un parchemin... Qui s'avéra être un dessin.

On desserra les mâchoires, chacun s'en retourna à ce qu'il faisait précédemment, même s'il était manifeste que, voyant le présent en question, Ingvar devait se retenir à tout prix de ne pas éclater de rire. Quand il se détourna pour tenter de dissimuler son hilarité, des larmes perlaient presque à ses yeux. Son compagnon semblait plus circonspect, comme s'il imaginait que l'innocente vue montagnarde tracée au charbon put receler un mal quelconque. Sigrid pour sa part en fut très surprise et examina longuement le dessin, reconnaissant chacun des pics, chacune des hauteurs représentées. Il avait bonne mémoire, car d'ordinaire les étrangers peinaient à distinguer les sommets les uns des autres et ne retrouvaient que difficilement leurs repères dans ces régions sauvages. Elle eut un petit haussement de sourcils, plissa légèrement les yeux pour examiner la chose à la lueur des flammes, et eut un petit pincement de bouche assorti d'un hochement de tête. Ce que Hector ne comprit probablement pas, c'était que cette infime expression qui semblait à peine dire que l'oeuvre du bûcheron était à peine appréciable relevait plutôt, chez Sigrid, du tonnerre d'applaudissements.

Quand elle releva les yeux, elle se heurta bien évidemment à un mur d'incompréhension, et ne vit que le regard d'Hector qui semblait chercher éperduement quelque chose. Mais il l'avait déjà eu, son signe : elle ne pouvait guère en faire plus. Dans la colère sans doute elle aurait pu se montrer plus démonstrative en termes de sentiments, mais tous les autres registres de l'âme lui étaient tout à fait étrangers. Son visage demeura imperturbable comme une figure de neige et de marbre, ses yeux vifs, comme des billes de verre noir sertis dans ses paupières peintes, aussi froids que des gouttes d'encre prises dans la glace. Le silence s'attarda, de ces silences où le temps semble se suspendre comme une pièce de théâtre où l'on perd soudain le fil faute de réplique de l'un des acteurs, comme s'il fallait absolument le combler, quoi qu'il arrive.

Mais Sigrid ne pouvait guère montrer plus que cela, et ses yeux ne cillèrent point face à Hector, le laissant seul face à la seule chose qu'elle savait réellement montrer : l'inexpressivité la plus totale.

Au bout de ce moment incertain, Sigrid reporta de nouveau le regard sur le dessin, et eut un dernier hochement de tête.

-Tu es un fin observateur, dit-elle en roulant le parchemin pour le poser sur la table, près d'eux. Peu d'étrangers arrivent à se repérer de la sorte dans nos montagnes, et encore moins parviennent à s'en souvenir aussi précisément.

Sa voix allait à son train coutumier, un peu rauque, un ton plus grave qu'on s'y serait attendu venant d'une femme de son gabarit, et surtout dénuée de toute trace d'émotion. Pas un sourire, pas même une esquisse : comme toujours elle se contentait du strict minimum en matière de courtoisie.

-Tu ne m'es redevable de rien, mais cette attention est honorable
reprit-elle, non sans décocher un regard noir à Ingvar qui, ivre au dernier degré, se retenait toujours d'éclater de rire.

Sigrid ne prenait pas la chose autant à la légère, pour sa part. Jusque là, elle avait considéré Hector comme un sympathique parasite pas très dégourdi. Cette preuve de reconnaissance, qui témoignait d'un sentiment sincère et non d'une vague hypocrisie qui l'aurait poussé à agir de la sorte, le rendit déjà un peu plus honorable à ses yeux, bien plus que s'il avait offert monts et merveilles. C'était très humble, certes, mais Sigrid appréciait l'humilité. Chacun fait à la mesure de ses moyens, et qu'il eut proposé, la veille, de se rendre utile, avait laissé entrevoir déjà qu'il n'était pas mauvais bougre, l'un de ces brave hommes un peu idéalistes que la guerre avait jetés loin de chez eux. Elle eut pu lui souhaiter de rester en-dehors de cette guerre larvée qui éclaterait sans doute bientôt entre ce qui restait de la Rébellion et l'Aile Ténébreuse ; elle ne le voyait certes pas au combat, et il était de ceux qui ne semblaient faits que pour une vie simple et laborieuse.

Sigrid demeura silencieuse toutefois, et finit son verre avant de se lever. Ingvar avait fini par reprendre le contrôle de lui-même et s'était éloigné pour continuer à boire en compagnie du beau-frère de Sigrid et des quelques personnes encore présentes. La jarl finit par quitter son siège à son tour, et prit poliment -quoique toujours froidement- congé d'Hector avant de s'en aller, Njörd sur ses talons. Elle avait reprit, avant de partir, le parchemin roulé, mais ne sachant vraiment qu'en faire -ce type d'oeuvre d'art n'avait guère cours à Halsesund- elle se contenta de le jeter négligemment sur un coffre en parvenant à sa chambre. Njörd le renifla avec curiosité, puis alla se coucher comme à son habitude, au pied du lit de sa maîtresse.

Sigrid Nilfdottir

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[Terminé] De la mer aux glaces [PV Sigrid Nilfdottir + Hector Schwerbess] Sand-g10Mer 24 Sep - 11:02
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La jarl regarda attentivement le dessin d'Hector. Elle l'approcha même de la lueur des flammes, provoquant ainsi un premier contentement chez l'ex-bûcheron. Elle portait attention à son cadeau et c'était bien la première fois qu'elle semblait s'intéresser un peu à quelque chose qui venait de lui ! Néanmoins, elle ne conclut cet examen que par un léger hochement de tête et une étrange moue qui laissa Hector perplexe ! Appréciait-elle le dessin ? Il n'aurait, au final, pas su le dire. C'est ainsi que le silence se fit. Hector attendait, légèrement gêné, un mot de Sigrid pour la laisser tranquille ou pour répondre à une éventuelle remarque de sa part. Après tout, c'était à elle de répondre !

Heureusement, le silence ne se prolongea pas trop.

-Tu es un fin observateur, dit-elle, peu d'étrangers arrivent à se repérer de la sorte dans nos montagnes, et encore moins parviennent à s'en souvenir aussi précisément.
-Hé hé, s'amusa Hector, mais j'l'ai pas fait de mémoire ce dessin, je sais pas dessiner de mémoire. En fait j'suis monté sur les rem... - il ne voulait pas mettre son ami dans l'embarras, mais c'était trop tard - sur les remparts avec Thomasson, et j'ai dessiné là...

Un peu après, elle ajouta :

-Tu ne m'es redevable de rien, mais cette attention est honorable.

Était-ce sa façon de le remercier ? Hector sourit à cette remarque, d'autant qu'elle jeta un regard noir à l'un des guerriers qui semblait se moquer du geste d'Hector.
Puis il la salua, satisfait de voir que son cadeau avait été correctement reçu (au moins par son destinataire), et s'en retourna dans sa chambre, pour profiter une dernière fois avant peut-être longtemps, d'un bon lit, chaud et douillet.

Le lendemain matin, il se leva tôt. Il chipa rapidement quelques quignons de pain et descendit dans la cour de la citadelle. Là, son ami Thomasson l'attendait pour lui donner quelques recommandations. Il lui donna même une sorte de gilet de laine pour lui porter chaud lors de son voyage. Il avait conseillé à Hector de prendre le bateau pour Cardrak mais, bien sûr, le jeune homme n'avait pas un sou en poche et cela rendait la tâche compliquée. Il ne voulait pas demander d'argent à son ami qui l'avait déjà bien aidé. Aussi, il envisagea trois possibilités : soit faire la route à pied, soit chercher un travail pour se payer le voyage. soit monter en fraude sur le bateau. La dernière hypothèse lui parut rapidement trop risquée, et l'idée de marcher des jours dans ce froid pays qu'il ne connaissait pas ne l'enchanta guère non plus. Aussi, il décida d'aller chercher du travail à Halesund. Bien sûr il savait qu'on n'aimait pas les étrangers ici... Mais, en éternel optimiste, il se disait également qu'il avait toujours su s'adapter, toujours su nouer des relations, quelle que soit la région qu'il avait visité. Alors, il finirait bien par trouver !

Il offrit alors une dernière accolade au vieux Thomasson et se dirigea vers les grandes portes de la citadelle...



Hector Schwerbess

Hector Schwerbess


Humain

Partie IRL
Crédit avatar : Rembrandt
Double compte : Non
Vitesse de réponse : Très rapide


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