[Terminé] Où est la vraie vie ? [Leyna]

Depuis l'assassinat de sa mère et de leurs gens, Chioné n'avait pas quitté la maison où elle avait passé toute sa vie. Comme si elle attendait son heure. Comme si elle savait que quelqu'un allait venir, soit la voir par curiosité, soit par besoin, soit pour finir le travail. Dans le dernier cas, il y aurait de la surprise...

Malgré cela, elle ne pouvait s'empêcher de penser à sa nouvelle liberté. Elle qui avait vécu quatorze longues années de sa vie sans voir le soleil, ni la vie qui animait la rue devant chez elle, surtout les jours de marché, cela la changerait grandement. Enfin, si elle se risquait à aller au-dehors. Parce que ce long enfermement l'avait rendue très méfiante vis-à-vis des inconnus, et elle craignait que son pouvoir ne se manifeste et ne tue des gens au passage à cause d'une peur peut-être infondée.

Elle tourna en rond pendant encore quelques minutes, puis se décida donc à attendre, dans la maison, allant se recroqueviller sur le canapé du salon, que quelque chose se passe...

Dire que mon petit séjour à Glace s'achevait... Remontant par bateau le fleuve qui se jetait dans la mer au Nord-Ouest de Luütra, je tentais de regagner le domaine des Féral. Un long voyage en perspective. Or, celui-ci risquait d'être encore rallongé. Le capitaine du navire craignait une anomalie et nous avions fait halte au plus proche possible d'un village, tout de même situé à une bonne demi-journée de marche. Il me fallait être patiente. Ce n'était pas trop me demander. Je comptais bien profiter de ce voyage pour me détendre.

C'est avec cette idée en tête que je descendis du bateau. Une fois pied à terre, j'allais demander des nouvelles au capitaine. Celui-ci m'informa d'un retard d'une bonne semaine le temps d'aller chercher et ramener des gens compétents et que les travaux soient fait, si travaux il y avait à faire. En retour, je lui fis part de mon désir de les accompagner jusqu'au village car souhaitant me dégourdir un peu les jambes.

- Vous dites ?

- Oui Mademoiselle. Pour rejoindre Luütra, sortez du village et continuez dans cette direction. Si vous êtes courageuse, vous y serez en deux jours de marche rapide.

Buvant ma tasse encore fumante, je réfléchis. L'idée était tentante. Je pourrais d'ores et déjà raccourcir un peu la durée du voyage en y allant sous ma forme originelle. Il y a des plaines entières de neiges, je pouvais donc me faire plaisir ! Le village était pittoresque et bien que chaleureux, on en faisait rapidement le tour. Qui plus est, Luütra signifiait aussi, bibliothèque. Ca ne se refusait pas.

Je pris quelques vivres et de quoi boire et me remis en route...



Enfin arrivée ! Heureusement que nous étions à Glace. Même si je portais une cape avec une capuche, je n'attirais pas trop l'attention. Ville célèbre dans tout Terra, elle avait l'habitude d'accueillir des voyageurs. A leurs yeux, je ne devais être que l'un d'entre eux, venu pour une raison plus ou moins louable. J'avais beau être obligée de dissimulé sous ma cape le tatouage de la famille Féral trônant au dessus de ma poitrine, je voulais éviter que quelque ne le voit. Ca ferait désordre. Pis encore. Si quelqu'un l'apprenait, j'aurai sans doute quelques problèmes...

Alors, maintenant est-il temps de se demander si ce n'était pas suicidaire pour moi de me balader en plein coeur de Luütra comme une touriste ? Une ville. Une place pleine de gens. C'est sans doute une série de soucis en perspective...

Toujours recroquevillée dans son canapé, Chioné avait fini par fermer les yeux, revoyant ainsi le dernier cauchemar éveillé.

Sa mère morte dans le salon, baignant dans une mare de sang. Leurs serviteurs allongés sur le sol, eux aussi morts. Elle agenouillée à côté d'Aglaé, pleurant toutes les larmes de son corps. Sa main qui se plaquait de rage sur le sol. Elle qui se transformait sur l'effet du désespoir et de la colère. Un de ses pics de glace finissant dans la gorge de l'un des meurtriers, resté en arrière pour finir le boulot.

Elle ouvrit les yeux et fixa le mur qui lui faisait face, où se trouvait un portrait de sa mère, souriante, tenant dans ses bras une petite fille aux cheveux blancs. Chioné quand elle n'était qu'un nourrisson. Elle s'approcha du tableau et y passa la main doucement en murmurant :

"Cache tes pouvoirs, n'en parle pas, fais attention le secret survivra..." C'était il y a si longtemps...

Elle poussa un soupir et s'approcha de la porte du salon, avant de descendre l'escalier qui la menait au hall d'entrée et de s'arrêter devant la porte, la main tendue vers la poignée. Quelque chose l'attirait dehors, mais une autre chose la retenait dans le hall, comme un sixième sens qui lui disait que dehors, c'était dangereux. Ou alors, si elle devait se balader, ce devait être avec quelqu'un, pas toute seule au milieu de la foule.

Chioné prit une profonde inspiration et se décida à ouvrir la porte : un flot de lumière la cueillit, l'éblouissant et la faisant tituber. Mais elle respirait un nouvel air qui lui emplissait les poumons, elle voyait la vraie vie, elle quittait enfin sa tour d'ivoire ! Heureuse, Chioné se mit à courir partout, évitant les passants au maximum... Jusqu'à ce qu'elle bute dans une jeune femme et qu'elle se retrouve par terre, un peu sonnée mais sans gravité. Elle s'excusa en se relevant :

Excusez-moi, je ne vous avais pas vue...

Et voilà, je savais que je n'allais pas durer longtemps avant que quelqu'un ne me mette à jour. J'étais pourtant certaine d'avoir fait attention. Avait-on vu mon tatouage ? Pensons à une façon de s'en sortir... Quoi ? Ah non, ce n'était pas pour moi. Ouf ! Je suis vraiment un peu trop sur le qui-vive, il faut que je me détende. Tiens, regardons plutôt ce qu'il s'est passé. Rien de bien grave aux premiers abords, une petite bousculade. C'était sans doute un accident. Avec le monde qu'il y avait, ça n'avait rien de surprenant.

Je regardais les deux jeunes femmes dont l'une venait de se relever et s'excusait visiblement mal à l'aise. Espérons qu'elle ne ressasse pas trop ce qui venait d'arriver. Ce n'est pas comme si elle l'avait fait exprès. Je savais bien que ça ne me regardait en rien, que dans un ou deux jours, je serai déjà repartie en direction du domaine mais cette demoiselle me paraissait fragile. De fines fleurs qui auraient poussé en ville et qui risquaient à chaque instant d'être détruites. Il ne fallait pas se fier aux apparences mais c'était l'effet qu'elles me faisaient. C'était la sensation qu'elles éveillaient en moi, comme un instinct de grande soeur. C'est pourquoi, je m'avançais en souriant de façon rassurante. Je tendis la main à l'autre jeune fille encore au sol l'aidant à se relever.

- Eh bien Mesdemoiselles. Vous avez fait une jolie chute. Aucune de vous n'est blessée au moins ?

La première resta muette, encore un peu hébétée et je me demandais un instant si elle ne s'était pas cognée la tête au passage. Toutefois, elle secoua la tête de gauche à droite avant de répondre timidement.

- Non... j-je n'ai rien, merci.

Je ne pus m'empêcher de sourire plus encore, à croire que de nous trois j'étais la seule à m'amuser. Mon interlocutrice devait être plus jeune que moi, en plus du fait qu'elle était plus petite en taille, ce qui renforçait ce côté fragile. D'autre part, la seconde qui s'était inquiété pour un petit accident... Je les trouvais tellement mignonnes l'une comme l'autre. Il fallait dire que de nos jours, il était difficile de trouver encore des personnes qui n'ait pas connu la guerre et ses horreurs, qui conservait l'innocence de l'ignorance.

- C'est une bonne nouvelle. Et vous ? ajoutais-je en me tournant vers la petite blonde.

La jeune femme que Chioné avait par mégarde bousculée semblait sonnée, pendant que la demoiselle aux cheveux blancs se répandait en plates excuses. Elle aurait mieux fait de ne pas sortir, de rester tranquillement chez elle, et tout ceci ne serait pas arrivé.

Une autre demoiselle, aux cheveux blonds, et aux yeux étrangement dorés, s'approcha de la jeune femme encore au sol et leur dit d'une voix amicale tout en l'aidant à se relever :

Eh bien Mesdemoiselles. Vous avez fait une jolie chute. Aucune de vous n'est blessée au moins ?

Chioné resta muette pendant que la demoiselle à terre mit un peu de temps à répondre :

Non... j-je n'ai rien, merci.

La Reine des Neiges poussa un très discret soupir de soulagement, avant de se rendre compte qu'elle avait oublié ses gants, et que par conséquent, le choc léger provoqué par la bousculade avait quelque peu marqué le sol d'une belle empreinte de main gelée. Oups... Elle fit un pas de côté pour tenter de la cacher, quand la jeune femme aux yeux d'or déclara :

C'est une bonne nouvelle. Et vous ?

Elle avait posé la question à Chioné, qui serrait les poings dans son dos pour essayer de retenir le flux de magie qui venait titiller ses doigts ; elle inspira profondément pour tenter de se calmer et de juguler le flux, puis elle répondit d'une petite voix :

Je vais bien aussi... Enfin, je crois...

Elle vit la demoiselle qu'elle avait bousculée s'incliner devant elle, comme pour lui dire que ce n'était pas grave, avant de repartir de son côté. Chioné poussa un soupir avant de se mordre la lèvre et de se tourner vers la demoiselle aux yeux d'or :

Je suis sincèrement désolée... Je ne voulais pas...

Elle s'enfonça davantage les ongles dans la paume de ses mains pour empêcher sa magie de venir : qu'est-ce que ça la mettait mal à l'aise, quand même... Elle aimerait bien pouvoir maîtriser ce don, qui la mettait dans des situations pas possibles... Elle essaya de changer de sujet :

Au fait, je m'appelle Chioné, bienvenue à Luütra. Et vous êtes ?

Après tout, la demoiselle aux yeux d'or ne semblait pas méchante, Chioné n'avait pas grand-chose à craindre d'elle, donc autant faire connaissance...

Je hochais doucement la tête, contente de voir qu'elle aussi était indemne quoique chamboulée. Cette petite faute d'inattention sûrement l'avait-elle perturbée à ce point ? Ce serait bien la première fois que je verrai ça...

La plus jeune s'inclina poliment avant de repartir, nous laissant à deux. Et... je devais dire que ça m'arrangeait. En effet, pendant le temps durant lequel elle m'avait répondu, je constatais une fraîcheur se dégageant du sol, non loin de mes pieds. Jetant un bref coup d'oeil, je vis ce qu'il semblait être de la Glace. Glace... ça me disait quelque chose. De la magie de Glace... Je ne sais pas comment, mais je savais que j'avais l'habitude d'en reconnaître pour ce que c'en était. Or, cette trace ne semblait pas naturelle. Cependant je n'eus pas l'occasion de l'examiner longuement que le pied de la jeune femme s'était posé dessus.

Maintenant que nous étions seules, je comptais bien avoir des réponses mais me baisser pour l'examiner alors qu'elle avait son pied qui dissimulait plus de la moitié aurait trop attiré l'attention. Je me contentais de l'attraper par les épaules après qu'elle eut fini de parler. Mon contact était doux mais je l'obligeais à se décaler assez pour que je puisse inspecter la trace.

- Inutile de vous excuser. Vous ne m'avez rien fait et vous n'êtes certainement pas la personne la plus mauvaise de ce monde. Au contraire, je tiens à vous remercier de votre accueil.

Je relevais la tête en souriant, qu'elle ne s'inquiète pas de mon attitude. Si elle l'avait caché volontairement, elle ne voudrait sans doute pas que je regarde et mon ton n'ayant rien de menaçant, j'aurais aimé qu'elle comprenne que je ne lui ferai pas de mal. Peu importe ce que cette empreinte de glace signifiait. Si elle-même ne savait pas, au pire elle me prendrait juste pour une folle.

- Je m'appelle Leyna F... Appelez-moi juste Leyna. Je suis de passage ici pour voir un peu cette splendide bibliothèque que vous avez.

Chioné ne sursauta pas lorsque la demoiselle qui était intervenue la prit par les épaules, doucement, la décalant légèrement avant de lui dire :

Inutile de vous excuser. Vous ne m'avez rien fait et vous n'êtes certainement pas la personne la plus mauvaise de ce monde. Au contraire, je tiens à vous remercier de votre accueil.

Chioné esquissa un sourire timide , malgré une petite méfiance qui s'était installée lorsqu'elle s'était rendue compte que son interlocutrice avait vu son empreinte, et aurait voulu l'observer de plus près. Celle-ci se présenta :

Je m'appelle Leyna F... Appelez-moi juste Leyna. Je suis de passage ici pour voir un peu cette splendide bibliothèque que vous avez.

Tilt ! Le mot "bibliothèque" fit tiquer Chioné : il y avait donc une bibliothèque ici, à Luütra ? Et elle l'ignorait depuis tout ce temps ? Toute excitée à l'idée qu'elle pourrait trouver le pourquoi du comment de son pouvoir, elle demanda à Leyna :

Puis-je venir avec vous ? Je rêve de visiter une bibliothèque depuis que je sais lire, et ayant passé ma vie à ne pas sortir, j'ai besoin de me renseigner sur le monde extérieur.

Elle était prête à lui faire les yeux doux pour qu'elle accepte, avant de se rendre compte que...

En fait.... J'ignore totalement où elle se trouve...

Là, pour le coup, elle se sentait ridicule, et rougit assez violemment. Bah bravo...

Tiens donc ? Une grande amoureuse des livres ? Alors là, elle marquait un point de plus à mes yeux. Et effectivement, il aurait au moins fallu qu'elle ne sorte pas d'une vie entière pour ignorer que c'était à Luütra même que se trouve la plus belle et la plus complète des bibliothèque de Terra tout entier.
Je fus prise d'un fou rire en l'entendant, mais pas d'un rire moqueur. L'excitation qu'on lisait dans son regard à la simple opportunité de pouvoir lire jusqu'à n'en plus pouvoir. Une véritable passion. L'amour de savoir. Il me semblait bien avoir déjà vu ça quelque part...

- Ravie de voir quelqu'un qui semble aimer les livres autant que moi. Je trouve ça vraiment dommage que tu n'ais jamais vu cette splendeur qui s'élève dans la ville. Je sais déjà où elle se trouve. Permet-moi de t'y conduire dans ce cas. Je me ferai même un plaisir de te renseigner sur ce que tu voudrais savoir du monde extérieur.

Elle n'avait encore rien vu. Bien que physiquement, c'était une jeune adulte, le regard qu'elle devait porter sur le monde était encore celui d'un nourrisson. En effet, il fallait qu'elle s'informe pour son propre bien. Cette fragilité que j'avais vu se confirmait. Si elle ne savait vraiment rien du monde extérieur, elle pouvait être la proie de n'importe qui. Elle était une cible bien trop facile.

Je me tournais dans la direction où se trouvait le temple du savoir et fis un ou deux pas avant de m'arrêter, l'invitant à me suivre.

- Je serais sans doute indiscrète de te demander comment ça se fait que tu ne sois jamais sortie de chez toi mais dire que je ne m'interroge pas serait mentir. Tu n'as pas passer littéralement toute ta vie derrière des murs, si ?

Si oui, pourquoi ne pouvait-elle pas sortir ? Néanmoins, je gardais cette question dans mon esprit. Ce serait trop lui demander. Déjà, son empressement de m'accompagner à la bibliothèque m'avait temporairement tirer de ma réflexion sur la glace au sol. Glace... Enfermée... Secret... Cette fille devait avoir un secret.

Chioné rougit davantage lorsque Leyna éclata de rire : et voilà, elle devait se moquer d'elle... Elle fut surprise qu'en fait, il n'en n'était rien :

Ravie de voir quelqu'un qui semble aimer les livres autant que moi. Je trouve ça vraiment dommage que tu n'ais jamais vu cette splendeur qui s'élève dans la ville. Je sais déjà où elle se trouve. Permet-moi de t'y conduire dans ce cas. Je me ferai même un plaisir de te renseigner sur ce que tu voudrais savoir du monde extérieur.

La demoiselle aux cheveux blancs n'en crut pas ses oreilles : Leyna acceptait de l'y conduire ! Elle n'y crut pas au point qu'elle laissa Leyna avancer, avant de se retourner et de l'inviter à la suivre. Chioné reprit doucement ses esprits et la rejoignit, ne cachant pas sa joie. Une fois qu'elle l'eut rejointe, Leyna lui posa une question délicate :

Je serais sans doute indiscrète de te demander comment ça se fait que tu ne sois jamais sortie de chez toi mais dire que je ne m'interroge pas serait mentir. Tu n'as pas passer littéralement toute ta vie derrière des murs, si ?

Chioné baissa les yeux, avant de décider de répondre avec honnêteté :

Si, c'est vrai, j'ai passé vingt ans de ma vie enfermée. Mes six premières années à cause d'une santé en apparence fragile, les quatorze suivantes à cause de mon pouvoir, hérité de ma mère et lié à mes émotions...

Elle fixa ses mains non gantées avec tristesse, fermant les yeux pour retenir les larmes qui montaient tout doucement...

Hmm... Ce qui expliquerait pour la marque. Si elle n'avais jamais appris à contrôler ses pouvoirs et qu'ils étaient devenus trop puissants pour elle, ça ne m'étonne pas qu'ils agissent à leur guise.

- Il te faudrait un professeur. Malheureusement, je ne peux pas rester assez longtemps pour assumer ce rôle mais je ne peux que te conseiller de trouver quelqu'un pour t'apprendre à maîtriser tes pouvoirs.

Marchant en direction de la bibliothèque, je n'avais pas besoin de regarder où j'allais, mes pieds savant seuls quel chemin emprunter. Il me fallait juste faire attention à ne pas heurter les gens lorsque nous passion à une parcelle de rue un peu plus animée. Aussi, je regardais ma compagne de route de temps à autre pour m'assurer qu'elle ne serait pas à nouveau bousculer. Un événement de la sorte lui suffira pour aujourd'hui surtout si elle n'est jamais sortie.

Cependant, quelque chose dans son histoire ne cessait de me faire cogiter. Enfermée toute sa vie à cause d'une santé fragile puis, à cause de pouvoirs. Sa mère n'a-t-elle rien pu faire pour aider sa fille ? Que ce soit en lui apprenant elle-même ou en lui trouvant un professeur de magie ? Ou son père alors ? Il y a bien un des deux qui aurait pu trouver une solution. A moins qu'elle n'ait pas connu son père. S'il était mort avant sa naissance par exemple... Bon Leyna, pas de scénario tragique. Il pourrait juste être parti, même si ce n'est pas plus optimiste. Parti ? Parti. Glace. Enfermée. Grands pouvoir.

- Non... ce ne serait pas...

Je fronçais les sourcils. Voulant vérifier quelque chose, j'humais l'air m'arrêtant sur son odeur à laquelle je n'avais pas vraiment portée attention parmi toutes les autres. Elle avait de l'odeur des démons mais... mêlée à autre chose. J'avais bien une supposition dans ma tête mais ce serait fou. Bien trop fou, et ce n'était pas un sujet que je pouvais aborder en pleine rue marchande. Il me faudrait arriver aux abords de la bibliothèque. Mais je pouvais toujours l'interroger plus sur son père.

Si elle était bien ce que je pensais... je venais de retrouver la fille d'Anima. C'était donc une Féral... Mais le savait-elle seulement ? Si elle était bien qui je pensais, elle reconnaîtrait peut-être mon tatouage en le voyant. Ou alors elle n'avait pas été mise au courant. Une chose est sûre, ce n'est pas Anima qui a pu lui apprendre. Il est parti avant la naissance de son enfant. Mais ça correspondrait. Non seulement au niveau temporel mais l'histoire coïncide, ce qui serait aussi la raison de son odeur due à son sang de démone. Pour l'autre ce serait donc de l'élemental. Si oui, le mélange démon/élémental était étrange, d'où le fait que je n'aurais pas reconnu ce second.

Mais ne nous avançons pas. J'avais une piste, mais il me fallait plus d'informations et au pire, mettre un peu les pieds dans le marais.

- Hmm je vois... répondis-je après plusieurs minutes de réflexion. Que sais-tu de tes parents ? De ta mère, de ton père. Ne t'ont-ils pas raconté des choses sur l'extérieur ou appris à contrôler tes émotions et ta magie ?

Il te faudrait un professeur. Malheureusement, je ne peux pas rester assez longtemps pour assumer ce rôle mais je ne peux que te conseiller de trouver quelqu'un pour t'apprendre à maîtriser tes pouvoirs.

Chioné le savait, qu'elle avait besoin de quelqu'un qui pouvait l'aider à maîtriser ses pouvoirs. Mais le destin avait voulu que sa mère ne prenne aucun risque et préfère chercher un moyen physique de juguler cette magie...

Elles avancèrent toutes deux en silence, Chioné gardant les yeux fixés sur ses pieds, ne les levant que pour vérifier qu'il n'y avait personne à bousculer devant elle. Elle pila net quand Leyna rompit le silence :

Hmm je vois... Que sais-tu de tes parents ? De ta mère, de ton père. Ne t'ont-ils pas raconté des choses sur l'extérieur ou appris à contrôler tes émotions et ta magie ?

La demoiselle aux cheveux blancs garda le silence quelques instants avant de lever son regard bleu vers celui, doré, de Leyna :

Hé bien... J'ai grandi avec ma mère pendant vingt ans, je n'ai jamais vu mon père, que ce soit en vrai ou en image. Ma mère m'a fourni de nombreux livres pour combattre l'ennui, mais c'était surtout des romans... Certes, quelques fois elle parlait de choses de l'extérieur, mais c'était trop peu souvent pour que ça me marque vraiment...

Pour ce qui est de mes pouvoirs, ma mère a bien cherché à les juguler de toutes les manières possibles et imaginables, avant de me trouver une paire de gants très efficaces. Mais elle ne m'a pas vraiment aidée à maîtriser ces pouvoirs. Elle aurait pu m'aider davantage si elle n'avait pas...

Elle serra les poings et ferma les yeux en tournant la tête pour cacher ses larmes. Le souvenir de sa mère baignant dans son sang était toujours vif, et le serait pendant un long moment...

Mes hypothèses se vérifiaient peu à peu. 20 ans... Et si j'avais raison ? Je pourrais bien lui parler de qui je pense être son père après tout. Mais... comment dire ça ? Et si je me trompais. De plus, il serait prudent qu'elle apprenne à se maîtriser avant de rencontrer Anima. Je ne savais pas comment ce dernier réagirait lorsque je lui apprendrais la nouvelle. Il restait parfois imprévisible... Je prends le risque ou pas ?

Oui, je peux. D'après ce que je viens de comprendre, sa mère n'est plus parmi nous. Mort naturelle ou d'après l'expression de la jeune femme, attaquée ? Qui sait. Si elle voulait m'en parler, libre à elle mais je ne lui demanderai rien à ce sujet. Nous nous connaissions depuis bien trop peu de temps pour que je me permette ce genre de questions, même si elle était probablement de ma famille.
Et il fallait qu'elle sache que cette famille qui était la sienne était là, de l'autre côté de l'Océan. Posant la main sur sa tête, je lui ébouriffais affectueusement les cheveux. Ma main glissa ensuite jusqu'à sa tempe et vint recueillir une larme. J'avais réveillé de vilains souvenirs...

- Je te demande pardon. Je n'aurais pas dû être aussi directe, je t'ai fais pleurer. Est-ce que... tu penses que ça te soulagerait si je te disais que je pense savoir qui est ton père ?

Je jetais un oeil autour de nous. Il y avait encore quelques passants même si nous avions passé l'allée marchande et ainsi donc, le plus gros de la foule. Mais il valait mieux être plus que prudente étant donné que je me trouvais à Glace. Lui en parler à l'intérieur même de la bibliothèque ? Quelque part, je ne trouvais cela moins risqué que précédemment. Le silence de ce lieu risquait de se retourner contre moi. Il fallait donc que je l'entraîne à proximité du dit lieu, mais toujours en restant à l'extérieur. Aussi j'empruntais non plus l'allée principale mais je faisais un détour pour atteindre une place ouverte mais moins fréquenté à ces heures de la journée. Je m'installais près de la fontaine, essayant de chercher là où je serais le plus loin possible de chacune des personnes qui se promenait, m'assurant de garder deux mètres au moins à chaque fois. Je comptais aussi sur le bruit de l'eau pour couvrir assez ma voix aux éventuels curieux qui voudraient tendre l'oreille. Enfin, je ne parlais pas à voix haute, juste assez intelligiblement pour que Chioné me comprenne.

- Si tu n'es jamais sorti, je suppose que tu n'auras jamais entendu parler des Féral. Pourtant, c'est un nom assez connu. Je ne t'exposerai pas ici toutes les raisons de notre réputation mais si je ne me trompe pas, je pense que tu es la fille de notre Chef de famille. L'histoire qu'il m'a raconté correspond à la tienne et je pense que ça expliquerait le mélange d'odeur que tu as. Je ne peux pas te relater tout pour le moment, je prend déjà un énorme risque. Les Féral ne sont pas vraiment la bienvenue ici, à Glace. Aussi, je te déconseille de trop en demander à notre sujet à n'importe quel passant.

Il fallait bien que je sélectionne les informations que je pouvais lui donner sans trop de risques. Si elle en savait trop, elle serait encore plus une cible potentielle que maintenant.

- Le domaine familiale est de l'autre côté de l'Océan. Dans les Plaines Mystiques. Dès lors que tu seras là-bas, tu pourras demander avec moins de crainte où nous habitons mais reste toujours prudente. Et je te conseille également de devenir forte et te maîtriser avant d'arriver chez nous. Disons que notre famille regarde les qualités et qui est digne d'y entrer. Tu entendras peut-être au cours de ta route que nous sommes une bande de brute qui a versé pas mal de sang. Mais je préfère te conseiller de te faire toi-même ta propre opinion. Si nous sommes parfois plus dur entre nous-même, nous n'en restons pas moins une vraie famille et quiconque en faisant partie se retrouve en danger, il peut être sûr que les siens viendront. Mais je ne suis pas là pour t'en faire l'éloge non plus. Comme je dis, tu découvriras bien par toi-même.

J'avais déblatéré tout ça sans presque reprendre mon souffle. Il fallait écourter au maximum le temps de discussion sur ce sujet. Son père, l'emplacement du domaine des Féral. Un avant goût de comment est la famille. Quoi d'autre encore ? Normalement, elle ne devrait pas avoir de problèmes pour nous trouver dès lors qu'elle sera dans les plaines.

Leyna posa une main apaisante sur les cheveux de Chioné, les ébouriffant gentiment, avant de ramasser la larme qui s'était échappé de son œil :

Je te demande pardon. Je n'aurais pas dû être aussi directe, je t'ai fais pleurer. Est-ce que... tu penses que ça te soulagerait si je te disais que je pense savoir qui est ton père ?

La demoiselle aux cheveux blancs leva la tête, regardant Leyna avec tristesse mêlée d'espoir : oui, si la demoiselle aux yeux d'or savait qui était son père, cela pouvait la soulager... Elle la suivit jusqu'à la fontaine, où Leyna lui dit de façon intelligible pour elle :

Si tu n'es jamais sorti, je suppose que tu n'auras jamais entendu parler des Féral. Pourtant, c'est un nom assez connu. Je ne t'exposerai pas ici toutes les raisons de notre réputation mais si je ne me trompe pas, je pense que tu es la fille de notre Chef de famille. L'histoire qu'il m'a raconté correspond à la tienne et je pense que ça expliquerait le mélange d'odeur que tu as. Je ne peux pas te relater tout pour le moment, je prend déjà un énorme risque. Les Féral ne sont pas vraiment la bienvenue ici, à Glace. Aussi, je te déconseille de trop en demander à notre sujet à n'importe quel passant.

Chioné hocha la tête sans mot dire : si ce nom de Féral était dangereux, elle saurait faire attention. Elle regarda autour d'elle : tout allait bien, personne ne faisait attention à elles. Leyna reprit :

Le domaine familiale est de l'autre côté de l'Océan. Dans les Plaines Mystiques. Dès lors que tu seras là-bas, tu pourras demander avec moins de crainte où nous habitons mais reste toujours prudente. Et je te conseille également de devenir forte et te maîtriser avant d'arriver chez nous. Disons que notre famille regarde les qualités et qui est digne d'y entrer. Tu entendras peut-être au cours de ta route que nous sommes une bande de brute qui a versé pas mal de sang. Mais je préfère te conseiller de te faire toi-même ta propre opinion. Si nous sommes parfois plus dur entre nous-même, nous n'en restons pas moins une vraie famille et quiconque en faisant partie se retrouve en danger, il peut être sûr que les siens viendront. Mais je ne suis pas là pour t'en faire l'éloge non plus. Comme je dis, tu découvriras bien par toi-même.

Chioné resta muette quelques instants, méditant sur ce que venait de lui dire la jeune femme, avant de répondre :

Alors je vais apprendre à maîtriser mes pouvoirs avant de me rendre là-bas. J'y mettrai le temps qu'il faut, mais j'y arriverai.

La tristesse avait laissé la place à la détermination : s'il fallait passer une sorte d'examen à l'entrée pour pouvoir faire vraiment partie de la famille, elle s'y préparerait au préalable de manière optimale. Quitte à y laisser quelques plumes...

J'esquissais un sourire contente de voir le changement d'expression qu'elle avait eut. Si elle se montrait aussi courageuse je ne pense pas qu'on la refuserait et si elle s'entraîne d'ici là, alors elle avait bien ses chances de nous rejoindre. Ca aussi, j'en ferai part à Anima tiens. Ca ne sera pas passé sous silence.

- C'est la bonne attitude à avoir.

Je me souvins d'une dernière chose dont je devais lui faire part. En effet, elle serait surprise si elle ne savait pas.

- Dernière chose avant qu'on ne se rende à la bibliothèque. Notre demeure ne te sera pas accessible comme ça. Pour entrer, tu devras être accompagnée d'un membre de la famille. Je reprend la route dans un ou deux jours d'ailleurs. Je faisais juste escale. Mais sois sans crainte. J'aurai prévenu de ton arrivée et le voyage en bateau étant assez long en plus du fait que tu doives t'entraîner avant, ils sauront déjà. Mais par mesure de précaution, je vais te faire un petit mot avec le nom de la ville, et le fait que ce soit moi qui t'envoie, et signée à mon nom.

C'était bien la seule chose que je voyais. J'avais dû m'absenter un moment déjà et il me faudra encore quelques temps avant de regagner mon chez-moi. Si elle montre le papier, je devrais au moins être prévenue pour demander confirmation que le mot était bien de moi, que je me trouve au domaine ou à mon duché.
Aussi, j'approchais de la première boutique qui se présentait à moi sur la place et empruntais de quoi écrire. Je m'appliquai, restant à l'écart des yeux du vendeur et le remerciais poliment avant de fourrer le parchemin dans la main de Chioné.

- Ne le perd surtout pas.

Après quoi, je me détendis quelques peu, non mécontente de passer à sujet moins stressant. Ca demandait bien trop d'attention de devoir surveiller discrètement et constamment que personne n'entendait notre conversation, en s'efforçant d'agir comme si nous parlions de tout et de rien. Mais voilà chose faite. Nous pouvions maintenant nous consacrer à la chasse aux livres !

Reprenant la route, je poursuivait la route du détour que j'avais emprunter plutôt que de revenir sur mes pas. Au bout de 5 minutes de marches, nous débouchâmes sur une rue adjacente, à l'Ouest du bâtiment recherché. Il était déjà visiblement tandis que nous longions la dernière rue mais lorsque l'on se trouvait face à lui, sa splendeur était plus époustouflante encore. Elle ne portait pas le titre de meilleur bibliothèque de Terra pour rien. Si on omettait celle du Dieu du Savoir, j'ai nommé Von Luar. Mais personne à ma connaissance n'ayant accès à cet endroit, c'était un cas à part. Pourtant, je ne dirais pas non à voir la merveille de bibliothèque de ce Dieu...

- Et voilà, nous y sommes.

Je m'arrêtais quelques instants afin que la sang-mêlée puisse profiter de la vue qu'offrait ce bâtiment, dévorer son architectures qui était peut-être aussi vieille que la ville elle-même. Je voulais bien comprendre ce qu'elle pouvait ressentir. La première fois devant cette vue. Moi-même qui n'avait pas été enfermée durant 20 ans, j'en avais des frissons rien que de contempler la façade. Or, je savais que l'intérieur n'avait rien à envier à l'extérieur, pour ne pas dire qu'il recelait plus de beauté et de mystère encore. Il y avait une atmosphère dans ce genre de lieu que je ne savais décrire et que je ne saurais peut-être jamais.
Montant les escaliers en me retenant de les sauter quatre à quatre, je rivais mes yeux sur la sublime porte immense et gravée, seul "obstacle" qui nous menait à un monde plus magique encore que ce que pouvait faire découvrir 95% des utilisateurs de magie. Il me tardait de voir la réaction de la jeune femme lorsqu'elle aurait accès pour la première fois à ce monde.

Chioné esquissa un sourire en entendant Leyna approuver sa conduite future. Il était temps pour elle de passer à autre chose... Elle haussa un sourcil quand Leyna ajouta un détail important :

Dernière chose avant qu'on ne se rende à la bibliothèque. Notre demeure ne te sera pas accessible comme ça. Pour entrer, tu devras être accompagnée d'un membre de la famille. Je reprend la route dans un ou deux jours d'ailleurs. Je faisais juste escale. Mais sois sans crainte. J'aurai prévenu de ton arrivée et le voyage en bateau étant assez long en plus du fait que tu doives t'entraîner avant, ils sauront déjà. Mais par mesure de précaution, je vais te faire un petit mot avec le nom de la ville, et le fait que ce soit moi qui t'envoie, et signée à mon nom.

Elle alla emprunter à la boutique la plus proche de quoi écrire, avant de revenir avec un papier à la main et de le tendre à Chioné :

Ne le perd surtout pas.

L'enfant des Neiges hocha la tête gravement et rangea le papier précieusement dans son corset, en attendant de le ranger en sûreté chez elle avant de partir à la recherche de sa famille.

Elles reprirent la marche par le chemin qu'avait emprunté Leyna ; cinq minutes plus tard, elles arrivèrent devant la bibliothèque de Luütra. Chioné ne cacha pas l'émerveillement que lui produisait le magnifique bâtiment, ne serait-ce que par sa magnifique architecture. Elle espérait au fond d'elle-même que l'intérieur vaudrait la magnificence de l'édifice en lui-même.

Elle ne fut pas déçue par l'immensité des rayonnages qu'elle pouvait entrevoir, et était surexcitée à l'idée de pouvoir les approcher de plus près, toucher les couvertures de cuir, les feuillets de papier ou de parchemin pour les livres les plus précieux... Un pur bonheur en perspective.