C'était une belle journée pour voyager. Enfin, il n'y avait jamais de mauvaise journée pour voyager selon le satyre.Ce dernier était déjà parti plusieurs jours plus tôt de ses terres, plus au sud, accompagné de son sanglier Zhur Taa et de quelques camarades. Mais là, alors qu'il profitait de la forêt, il était seul. La Harde avait toujours besoin de nouveaux membres, et tous les coins du monde pouvaient receler de créatures telles que lui. Des bêtes plus intelligentes qu'elles n'y paraissaient qui hantaient les profondeurs des bois. Des bêtes capables de rejoindre la Harde des hommes-bêtes si tant est que quelqu'un arrivait à les convaincre, quelqu'un comme Cernunnos.

Toutefois, alors qu'il s'avançait tranquillement, le satyre était loin d'avoir l'allure de guerrier qu'il pouvait bien arborer. Point de sang sur son visage ou son torse. Un manteau ample venait cacher la majorité de son corps, et une capuche venait tout aussi bien camoufler ses cornes et son regard de bête sauvage. A la main, juste un bâton, sur lui, une cornemuse et une outre de vin. Cernunnos connaissait ses semblables, si des hommes-bêtes vivaient dans cette partie de la forêt, ils n'apprécieraient pas de voir un autre prédateur arriver en position de dominant. Et ainsi les elfes le prendraient pour un satyre inoffensif.

La forêt était superbe, magnifique... Il aurait aimé que son peuple puisse revendiquer telle merveille. Peut-être qu'un jour ses bêtes déferleraient sur Drayame, faisant payer aux elfes leur déchéance dans les bras de la civilisation. Il inspira profondément, savourant les effluves sylvestres. Une autre odeur se dessina toutefois le long de ses sens. Il y avait quelqu'un d'autre à proximité, et pas seulement une bête, c'était quelque chose d'autre. Intrigué, le satyre se dirigea vers la source de la senteur, le gargouillis de l'eau venant rapidement retentir à ses oreilles. C'était une femelle, il pouvait le sentir. Un sourire mauvais se dessina sur ses lèvres. Déjà il pouvait sentir les pulsions remonter en lui. Il imaginait déjà surprendre une elfe près de l'eau, l'imagination lubrique prenant le dessus. Toutefois, l'odeur avait une pointe sauvage, quelque chose de plus animal.

Accroupis dans les fourrés, il observa la rivière qui coulait à proximité. La végétation le long du cours d'eau était assez dense pour le cacher, et il avait bien fait attention à ce que le vent n'apporte pas ses propres effluves jusqu'à la créature qui se baignait. Le regard enfiévré du satyre parcourait déjà les courbes de la belle, et il pouvait sentir le sang bouillonner en lui. Bientôt, l'air serait empli de l'odeur musquée et sauvage d'un mâle en rut. La créature avait un charme agréable, quoique presque toute femme dans son plus simple appareil pouvait se révéler détentrice d'une fascination bucolique. Le sourire de Cernunnos ne faisait que s'accentuer alors qu'il se délectait de cette vision, mais la chose ne pourrait pas durer, il en était certain.

Si la belle était aussi farouche que pouvait le suggérer son odeur, ce ne serait qu'une question de minutes avant qu'elle ne découvre la présence de la bête lubrique dans les fourrés. Le satyre entreprit de lui couper l'herbe sous le pied, et d'aller à l'assaut avant d'être découvert. Il n'allait pas perdre bêtement l'initiative. Il abandonna son bâton ainsi que tous ses vêtements dans les buissons. Il n'avait plus que sa cornemuse et son outre de vin. Son éternel sourire malicieux aux lèvres, il rassembla ses jambes sous lui, et bondit en dehors de sa cachette pour atterrir au milieu de l'eau.

Cette dernière n'était pas si profonde, et il se réceptionna sans mal. Offrant à la belle un sourire ravageur, il ne se tenait plus qu'à quelques mètres, lui aussi dans son plus simple appareil.

- Veuillez excuser mon arrivée impromptue ! Mais fasciné par la vision que vous offriez, je n'ai pu m'empêcher de m'approcher. Du vin ?

Il lui tendit l'outre. Ne restait plus qu'à savoir quelle allait être sa réaction. Il n'avait pas encore une idée précise de ce qu'elle était, et avec de la chance elle ne s'offusquerait que peu de sa présence. Avec beaucoup de chance en fait. Les gens civilisés avaient un de ces complexes à propos de la nudité.

Peut-être était-ce à cause de l'odeur de terre mouillée et d'herbe qui flottait dans l'air, ou peut-être était-ce à cause de sa trop grande décontraction. Quoi qu'il en soit, la lycan n'entendit rien venir et le choc de la découverte fut aussi brutal d'une décharge électrique. Ses sens, bien qu'amoindrit car très humains, ne l'avaient pas alerté de la présence indésirable d'une créature dans les parages. Ce fut une puissante odeur musquée qui lui fit redresser la tête. Difficile d'ignorer un fumet aussi piquant. Mais son regard n'arrivait pas percer les ombres de la forêt et elle avait beau chercher sur les rives, elle ne voyait personne.
Un mouvement rapide attira tout de même son attention, mais avait qu'elle ai pu faire autre chose que tourner la tête, une gerbe d'eau l'éclaboussa et la plus étrange des créature se tint devant elle. Pas de doute, c'était un homme. Et il était plutôt direct. Mais ce ne fut pas sa généreuse proposition qui fit hésiter la jeune femme. Non, c'était plutôt cette paire de patte de chèvre qui lui fit hausser les sourcils. Qu'est-ce que c'était encore que cette chose ? Son nez ne la trahissait pas, l'odeur venait de lui et en disait long sur l'état de ses hormones. Il n'avait pas une, mais deux paires de cornes ce qui le classait d'office dans une des nombreuses catégories de démons. Il en arrivait tous les jours des nouveaux alors pourquoi pas avec des pattes de chèvre ? Ça semblait pratique pour fait des sauts en tout cas. Le reste de ses capacités n'étant pas évident au premier coup d’œil, l'instinct et l'expérience soufflèrent à Cathane d'éviter de lui sauter à la gorge immédiatement. Outre le fait de se faire espionner, elle supportait mal qu'on vienne la déranger chez elle et qu'on se montre aussi cavalier. Loin d'être une vierge effarouchée, elle ne prêta pas attention à la tenue d’Ève dans laquelle elle se trouvait, ni celle tout aussi légère du gêneur.

« Ta mère ne t'as jamais apprit à ne pas parler aux inconnues ? »

Difficile de croire qu'on pouvait se balader avec autant de désinvolture dans cette forêt. S'il ne s'était pas déjà fait dévorer par une bête ou une plante, c'était certainement parce qu'il avait une certaine agilité. Ou une chance insolente. Quoi qu'il en soit, la louve préféra l'ignorer plutôt que de céder à la violence. Un peu de baston lui aurait fait du bien, mais la journée avait si bien commencé que l'entacher de sang aurait été dommage.
Se hissant souplement sur le rocher juste à côté d'elle qui dépassait de l'eau, Cathane s'y assit avec autant de prestance qu'une reine sur son trône. Après tout, elle était ici chez elle. Du haut de son perchoir, elle toisa l'inconnu avec un air franchement hostile tout en remettant derrière l'oreille une longue mèche de cheveux, dérangée par l'arrivée en fanfare du mâle aux manières douteuses.

« Je serais toi, je remballerais mon sourire et mon vin au plus vite pour mettre les voiles avant qu'il ne m'arrive une bricole. »

Voilà, comme ça, rester maîtresse de soi et garder son calme. Il ne c'était certainement pas rendu compte qu'il arpentait un territoire occupé. Et peut-être que chez ceux de sa race, on trouvait normal d'aborder les gens de cette façon ? Elle ne devait pas le prendre mal, ce n'était qu'une erreur d'interprétation... Et malgré cet auto-raisonnement, elle avait toujours autant de mal à contenir une vague d'agressivité soudaine. Son instinct de domination grondait et sa part animale s'insurgeait contre cette intrusion sur son domaine. Il était un intrus, un concurrent à la chasse, il devait être mit dehors avec un bon coup de croc dans les jarrets ! Une lutte intérieure était en cours et de la réponse l'inconnu dépendrait l'issue de ce conflit invisible.

Il l'avait surprise, et c'était tout à son bonheur. Le sourire du satyre semblait presque fixer sur ses lèvres alors qu'il l'observait tout son saoul. Oh, elle ne tomberait pas dans ses bras, il en était certain, Ce n'était pas une brave petite et frêle créature qui se laisserait avoir par les promesses d'une étreinte sauvage. C'était pour le mieux. Car malgré les airs caprins qu'il arborait sur son front et sous son nombril, Cernunnos n'en était pas un herbivore, il était prédateur. Comme tout prédateur, il aimait sentir sa proie fuir. Cela faisait battre son sang, excitait en lui le frisson de la chasse.

On pouvait se délaisser de la chair molle et flasque qui venait s'offrir d'elle-même à vos crocs et vos griffes, ou à tout autre appendice. Mais on ne pouvait que se sentir enivrer par cette même chair qui venait se dérober encore et encore, qui se hissait sur le sommet de son rocher, dans des allures souveraines, alors même que la bête portait à ses lèvres le goulot de l'outre. Le liquide rouge glissa dans sa gorge sans qu'il ne quitte du regard un instant la belle. Il avala le vin en quelques longues gorgées. Issue de vignes sauvages, il n'en était que plus farouche et fort.

- J'ai bien peur que ma mère ne m'ait jamais appris grand chose. Quoiqu'il en soit, elle aurait été une bien médiocre génitrice si elle ne m'avait pas encouragé jeune à saisir toute opportunité qui s'offre à moi. Des opportunités qui peuvent prendre la forme de belles inconnues se baignant nues dans l'eau fraîche.

Il huma l'air, s'enivrant à nouveau de l'odeur de son interlocutrice, alors même que le vin s'enfonçait dans les profondeurs de son être. Bientôt il pourrait sentir la fière morsure de l'alcool, émoussant ses sens, inhibant tout contrôle, exacerbant ses pulsions. Boire était un art que Cernunnos maîtrisait à la perfection. Il s'approcha du rocher, toujours sur ses gardes. Son interlocutrice avait peu de chances d'être inoffensive, ou alors elle possédait un sens de l'orgueil hors du commun.

- Le fait est que vous n'êtes pas moi. Ce qui m'arrange bien par ailleurs. Avec mon faciès je ne me serais pas pris la peine de m'approcher moi-même. Quant à m'arriver une bricole... Ma foi, j'apprécie grandement des évènements inopportuns et surprenants. Allez savoir ce que ce corps voluptueux cache ?

Il se plaça imperceptiblement de manière à se préparer au combat. L'eau n'était pas le milieu dans lequel il était le plus à l'aise, mais la faible profondeur lui permettait toujours d'avoir à disposition ses griffes et surtout ses cornes. La tension était palpable, mais il s'en délectait. Il posa une main sur sa cornemuse.

- Peut-être souhaiteriez-vous un léger morceau pour détendre l'atmosphère ?

Les lèvres de la demoiselle s'étirèrent en un sourire à la fois joueur et carnassier. Ce n'était pas n'importe quel goujat, c'était un goujat habile. Il en avait assez dans la tête pour répondre correctement et lui offrait une porte de sortie royale : le savant mélange de la bête et de la femme que les lycans ne maîtrisent vraiment que vers la quarantaine tant ce cocktail peut être explosif.
Un grondement de gorge très canin accompagna le sourire de la lycan et elle posa le bout de son pied sur le front de l'inconnu pour le repousser d'une légère impulsion. Le message était clair "garde tes distances". Pourquoi ne pas jouer ? Elle aimait bien ce genre de jeu dangereux où l'on peut passer du sourire provoquant à l'attaque frontale brutal et meurtrière. Il était têtu. Mais il ne l'aurait pas, elle ne se laissait pas toucher par n'importe qui. Il aurait fait une drôle de tête si elle avait changé d'apparence à ce moment là. Quoi que...Peut-être que la fourrure ça en excite certains ?

« Repose ton bignou, l'ami, j'ai l'oreille sensible et la musique m'agresse. »

Et hop ! Elle changea à nouveau de position, se mettant accroupis, une main à côté de chaque pied pour tenir l'équilibre et les jambes bien serrées pour ne laisser aucun loisir à son interlocuteur de se rincer l’œil.

« Des événements inopportuns et surprenants, hein ? Faisons un marché : si je gagne, tu réponds à mes questions puis tu disparais de mes terres. Si tu gagnes, je te laisse repartir sans ajouter de balafre à ta jolie gueule. Oui, ça me semble équitable, marché conclu. Alors à vos marques...»

Et sans terminer sa phrase, elle fit un salto qui couvrit la distance d'un mètre vingt qui la séparait de la berge opposée à celle d'où elle venait. Sa force sous forme humaine était assez importante pour lui permettre des acrobaties de ce genre. A présent, elle était assez loin de son concurrent pour se sentir un peu plus en sécurité. Tant pis pour le bain.

« Et pas de magie ! » lança-t-elle avant de lui faire un petite geste de la main, de se redresser et s'enfuir dans le bosquet.

Elle connaissait la forêt par cœur, ce côté de la rivière était très touffu et difficilement praticable. Mais elle bondissait lestement au-dessus des racines et slalomait entre les buissons couverts d'épine. La course silencieuse la mena jusqu'à un grand arbre qu'elle escalada rapidement, l'oreille tendue. Si elle était suivit, soit c'était de loin, soit c'était avec discrétion. Aucun bruit réellement inquiétant ne l'alerta. Arrivée à bonne hauteur, elle plongea le bras dans un creux du tronc. Des cachettes de ce genre, elle en avait partout sur son territoire. Essentiellement parce que ses transformations avaient la fâcheuse tendance de faire craquer ses habits et qu'elle se retrouvait souvent nue. La pudeur, c'était un concept qu'elle avait toujours ignoré avec arrogance. Mais sa peau humaine était douce et fragile, elle se faisait facilement griffer par des branches ou des buissons. Laisser son sang derrière elle, une bien mauvaise idée quand on joue à cache-cache. En deux temps trois mouvements, elle avait enfilé un pantalon court et une chemise fermée par un lacet qu'elle ne prit pas le temps de faire. Un large décolleté, c'était toujours plus joli après tout. Mais il ne fallait pas traîner, quarante seconde c'était déjà trop. D'un bond, elle quitta son arbre pour se percher sur le suivant, continuant sa route dans les hauteurs. Avec ses sabots, son poursuivant devait être un bien piètre grimpeur d'arbre. Enfin normalement...Elle avait pour elle des dizaines d'années d'entrainement, mais il ne fallait jamais douté d'un adversaire dont on ne connaissait pas les capacités, surtout après le bond qu'elle l'avait vu faire peu avant.

Il devait avoir attisé quelque peu sa curiosité, il en était presque certain. Sinon elle se serait contentée de continuer à se répandre en menaces qui n'auraient fait que renforcer l'ardeur du satyre. Et puis après tout, il avait réussi à dominer toute une troupe d'hommes-bêtes dont certains auraient pu éclater le crâne de cette donzelle contre les rochers sans problèmes, pourquoi devrait-il avoir peur de cette petite créature appétissante ? Peut-être était-ce le vin qui parlait, la vigne sauvage excitait les sens et les pensées avec une vitesse pour le moins cruelle.

Cernunnos émit un léger grognement de contentement lorsqu'elle le repoussa du bout du pied. Oh, lui aussi pouvait grogne, griffer et mordre. Ses crocs étaient tout aussi aiguisés qu'on pouvait le souhaiter. Il aurait dû lui chiquer les doigts de pieds. Sûrement qu'elle n'aurait plus pris la peine de prendre ses airs de princesse orgueilleuse avec quelques orteils en moins. Des amuses-gueules parfaits pour le satyre. Même si manger son interlocutrice n'était pas vraiment ce qui lui venait à l'esprit pour le moment. Il avait dû prendre quelques mauvaises habitudes des minotaures.

- Il ne manquerait plus que ça... L'oreille si disgracieuse que l'on en est incapable d'apprécier de la musique ? Que votre vie doit être triste et morne, laissez-moi l'illuminer un peu.

Toujours le même sourire. Ses paroles étaient suaves et d'une subtilité inexistante. Il savait très bien qu'il ne l'aurait pas comme ça, mais cela venait parfaire son personnage. C'était un satyre, certes, mais il ne faisait pas que prendre ses proies de force. Il avait plus de vocabulaire que ses semblables de la Harde, et il n'allait pas se priver de pouvoir l'utiliser. Son sanglier géant n'avait que peu de conversation, et moins de charme aussi.

Le marché qu'elle lui proposa était en effet intéressant, et surtout particulièrement étrange après tout. S'il perdait, il devait répondre à ses questions, et s'en aller, avec la menace bien entendu de recevoir quelques balafres ! C'était déjà beaucoup plus excitant que de simplement perdre ! S'en aller indemne, et il n'aurait aucune histoire à raconter. Mais au moins avait-elle laisser glisser quelque chose, elle avait de quoi lui infliger des balafres.

Il n'avait même pas eu le temps de répondre que déjà, elle faisait un bond remarquable pour s'éclipser dans les bois. Quoi de plus stimulant pour un chasseur que de voir une croupe courir loin de lui ? Un frisson parcouru les muscles de Cernunnos, qui émit un grognement sourd, plus propre à une bête sauvage et carnassière qu'à une chèvre. Il bondit sur la pierre où se trouvait la femme quelques secondes auparavant, reniflant abondamment son odeur. Oh, il n'était pas le meilleur avec son flair, mais elle avait une odeur de femme, et cela pouvait aiguiller bien des êtres.

Il ne prit pas la peine de récupérer son bâton ou ses vêtements. Ce n'étaient que des accessoires pour discuter avec des gens civilisés, ce qu'il s'apprêtait à faire n'avait rien de civiliser. Sans plus attendre, il bondit sur la berge, se réceptionnant avec agilité. Ses sabots lui permettaient de se déplacer sans mal sur n'importe quel terrain accidenter, et de gambader dans les bois avec la discrétion et l'agilité d'un daim. Bondissant au travers des fourrés et des buissons, il suivait silencieusement la piste, et avec une facilité surprenante.

En même temps, les humains n'étaient pas faits pour se promener nus dans les bois, c'était une chose certaine. Avec son cuir plus épais, Cernunnos ne craignait pas le moins du monde les épines des ronces et d'autres plantes. Cela n'avait sûrement pas été le cas pour sa proie. Bien qu'elle soit leste et agile, elle laissait de légères traces, comme tout être vivant. Presque imperceptibles pour un être classique, elles étaient largement suffisantes pour une bête, et Cernunnos en ce moment même n'en était pas vraiment différent.

Seulement, la piste s'évanouit sous le pied d'un arbre. Cernunnos n'était pas stupide, et il comprenait assez bien ce qui était en train de se passer. Elle était montée sur les hauteurs des arbres. Il émit un grognement désapprobateur. Bien entendu il pouvait escalader un arbre, et bondir de branches en branches. Mais il n'en était pas moins nettement plus lourd que sa proie, et l'impact d'un bond pouvait très bien les briser. La chute serait pour le moins désagréable...

Il repensa aux issues de leur petit jeu. Oui, il avait tout intérêt à perdre, et ce, même sans connaître les conditions de leur petite chasse. Toutefois, ses instincts de prédateur et de mâle le poussaient à continuer cette traque, et à démontrer sa force à la donzelle. Poussant un énième grognement, Cernunnos bondit pour attraper une branche, se hissant peu à peu le long de l'arbre. Suivre la piste d'arbre en arbre serait nettement plus compliquée, et il n'avait clairement pas l'avantage du terrain. Sa proie connaissait mieux ce territoire que lui, mais le satyre n'était pas prêt d'abandonner.

Avec la même agilité et les mêmes prouesses musculaires, il se déplaçait d'arbre en arbre, tentant de rester le plus silencieux possible. Ses sabots lui offraient des prises instables, et il avait peur de les voir glisser contre l'écorce un rien humide. Mais ses bras étaient puissants et lui assuraient une meilleure prise. Finalement, il se déplaçait presque à quatre pattes dans la canopée, humant l'air à la recherche de sa jolie proie callipyge. Il avait vu des chèvres avec uniquement des sabots escalader des arbres, il saurait faire de même.

Restait à savoir s'il serait assez rapide pour la rattraper, ou bien s'il allait perdre sa piste. Quoiqu'il en soi, il n'allait pas abandonner, tous ses sens étaient tournés vers une seule et unique chose : la traque. Il était peut-être un peu rouillé après toutes les années passer à mener la Harde, mais il n'en appréciait qu'autant plus ce petit défouloir. Il n'avait qu'une hâte, poser ses griffes sur le corps de sa proie.

La jeune femme réfléchissait. Elle ne pouvait pas courir indéfiniment et cette petite course poursuite aiguisait ses sens de chasseur. Elle ne tendait aucun piège sur son territoire, c'était bas et inutile, ses mâchoires étaient un piège suffisamment redoutables comme ça. Mais elle ne voulait pas non plus perdre l'occasion de sauter à la gorge de son adversaire. Au moins pour voir ce qu'il valait en combat. Une idée germa dans son esprit.
Descendant petit à petit vers le sol, elle ralentit l'allure. A présent, les arbres étaient énormes et plus espacés, leurs racines sortaient du sol en un labyrinthe couvert de mousse. La lycan choisit de s'arrêter dans ce qui pouvait passer pour être une petite clairière tant les arbres imposants étaient loin les uns des autres. L'endroit était calme et le tapis de mousse au sol était moelleux. Parfait.

Elle se trouva une place sur une racine et attendit avec l'air de s'ennuyer ferme. Le jeu se terminait là. Apparemment, une chèvre ne grimpait pas aussi bien aux arbres qu'un loup malgré les sauts de puce qu'elle pouvait faire. Mais l'odorat de la créature devait être assez développé pour lui avoir permit de suivre sa trace aussi rapidement. Cath n'eut pas à attendre longtemps, la double paire de corne apparut bientôt dans son champ de vision. Elle lui adressa un haussement de sourcil déçu, sauta à terre et s'épousseta le pantalon.

« Je m'attendais à mieux de ta part, Corne de Bouc. Serais-tu moins leste sur les branches qu'au sol ? Je sais au moins que je peux te semer à la longue. »

Sous sa forme totalement transformée, elle pouvait courir pendant des heures et parcourir plusieurs kilomètres sans ressentir de fatigue. Ses longues pattes puissantes étaient faite pour ça. Même si il avait de la force, il semblait que le terrain forestier lui était plus propice à elle, ce qu'elle nota dans un coin de sa tête. C'était toujours grandement utile de savoir quels étaient ses points forts et ses points faibles.

« Tu ne m'as pas attrapé, on peut considérer ça comme une défaite je pense. Alors réponds à mes questions : qui es-tu ? Que viens tu faire dans cette partie de la forêt ? Je ne te demande pas si tu comptes t'attarder dans ce coin car c'est totalement exclu. »

Elle leva les yeux sur l'inconnu et toute trace de jeu disparut de son regard. Il ne restait qu'une sourde menace et l'envie à peine contenue d'ouvrir les hostilités. Il avait perdu la partie, elle ne comptait pas le laisser voyager tranquillement. Ce n'était pas juste ? Et alors ? Elle était chez elle et elle fixait les règles. Il avait eut presque vingt minute pour courir plus vite qu'elle.

[HJ: c'est un peu court ;w; pardon, je sèche]

Bondir de branche en branche était finalement beaucoup plus facile que ne l'avait imaginé Cernunnos. Ces dernières étaient nettement plus solides qu'il ne l'avait pensé, tout du moins s'il ne s'appuyait pas sur les ramifications les plus fines et les plus à même de se briser. Son sens de l'équilibre naturel lui permettait de réaliser ses bonds sans trop de problèmes, et un sourire moqueur s'était dessiné sur ses lèvres. Il n'avait jamais passé suffisamment de temps dans une forêt aussi colossale pour s'entraîner à ce genre d'acrobaties, mais il pourrait y prendre goût. Il était convaincu qu'avec un peu plus d'entraînement, il aurait facilement pu rattraper sa proie.

Mais était-ce l'objectif de cette course poursuite ? Pas vraiment ! Le sang du satyre était brûlant, venant battre à ses veines, et c'était à peine s'il ne se laissait pas envahir par la sauvagerie et la débauche. Certes, mettre la main sur la belle lui aurait ouvert sûrement des opportunités, mais il était curieux aussi. Surtout qu'il se doutait qu'elle ne lui aurait pas offert d'étreinte pour autant. Bondissant de branche en branche, il remarqua alors que la piste prenait fin.

S'accroupissant au sommet d'un arbre, balayant du regard les environs, son regard se posa sur sa proie, à même le sol. Ainsi donc, la course poursuite était terminée, et il avait perdu. Quelle déception ! Le sourire narquois sur les lèvres, Cernunnos avait le regard enflammé, il sentait ses muscles être prêts à bondir sur la femme. Elle ne se rendait pas compte apparemment de ce qu'elle avait éveillée par sa petite poursuite. L'instinct était fort, et venait tambouriner aux portes de son esprit, il était sur le point de se laisser submerger et de s'abandonner à ses pulsions.

- Ou peut-être est-ce simplement ce que j'ai voulu te faire croire ! Mais vas-y, cours encore un peu, et nous verrons ce qu'il adviendra, ma belle.

La tension était palpable. Et elle ne venait pas que des pulsions réfrénées de Cernunnos. Le satyre émit une sorte de grognement bestial, avant de sauter du haut de son arbre, pour se réceptionner à même le sol. Les choses avaient de fortes chances de dégénérer. Mais ses griffes et crocs étaient aiguisés. Ses cornes pouvaient repousser bien des adversaires... Et il avait trop les sens à vif pour se montrer prudent désormais. Elle voulait se battre ? Il allait lui offrir un corps à corps mémorable.

- Bien, j'ai perdu, s'il ne faut que cela pour te satisfaire. Qui je suis... C'est une question un peu ardue tu ne penses pas ? Mon nom ne te dirais rien du tout, je doute même que tu saches ce que je suis. Mais tu peux m'appeler Quatre-Cornes, les raisons d'un tel surnom sont assez évidentes.

D'un geste désinvolte il montra les quatre cornes qui saillaient son front.

- Tu veux une réponse bonus ? Je suis un satyre. Un homme-bête, une force de la nature faite chair comme j'aime à le penser. Quand à ce que je fais ici... Et bien, cela ne regarde que moi. Mais j'ai clairement eu l'impression que je te courrais après. Allez, si je ne peux vraiment pas m'attarder, au moins pourrais-tu avoir l'extrême sollicitude d'offrir un câlin de compensation au perdant, non ?

Nouveau sourire. Avait-il lancé suffisamment de provocations pour lancer son adversaire ? Il n'était pas prêt de s'en aller en courbant l'échine en tout cas, les hommes-bêtes ne fuyaient pas, surtout lorsqu'ils n'avaient pas eu ce qu'ils désiraient. Cernunnos pouvait voir que son adversaire était prête à en découdre, et il ne faisait aucun doute qu'elle voyait qu'il en était de même pour lui. Restait à voir qui risquait d'ouvrir les hostilités...

C'était parti, Cernunnos avait réussi à provoquer la bête qui lui faisait face. Son sourire s'était élargi alors qu'elle commençait sa transformation en face. Ainsi donc, elle avait reçu une bénédiction du père des bêtes ! Peut-être n'aurait-il pas du la titiller autant, mais voir les vêtements voler dans tous les sens, c'était magnifique. Même s'il aurait tout de même préféré la revoir sous la même forme qu'à la rivière. Bizarrement la louve n'avait pas la même attirance sexuelle que celle qu'il avait surpris quelques moments plus tôt. Mais au moins l'aurait-il vu à poil dans tous les sens du terme.

Cernunnos ne se perdit pas en contemplations inutiles. Plutôt, il subit une transformation à son tour, bien que la sienne soit spirituelle et non physique. La bête intérieure ne se manifestait pas par un changement de forme chez un satyre, mais par un changement d'attitude. Il utilisa ses pouvoirs pour révéler toute la fureur et la sauvagerie qui se terrait en lui, oubliant toute trace d'humanité. Il frappa du sabot contre le sol, se voûtant quelque peu, ramenant son poids sous lui. Ses lèvres se retroussèrent pour révéler ses crocs, et ses griffes étaient prêtes pour l'affrontement. Peut-être qu'il n'était pas aussi lourd que le loup en face, mais il avait déjà battu des minotaures beaucoup plus imposants. La sauvagerie, l'acharnement et son habilité étaient bien suffisantes.

Lorsque la louve bondit contre lui, il fit de même. Les deux bêtes se griffèrent mutuellement, les mâchoires de Cathane cherchant à former un étau sur les cornes du satyre. Cernunnos avait le cuir épais, comme tout homme-bête qui se respectait, mais les griffes de son adversaire étaient pour le moins acérées. Par contre, il était certain d'être le plus agile des deux, ou tout du moins celui qui sautait le plus haut. Les loups n'étaient pas des sprinteurs aussi, mais pouvaient courir sur de longues durées. Quoiqu'il en soit, le satyre ne comptait en aucun cas fuir, la rage montait en lui, bouillonnant dans ses vines, affluant jusque dans ses muscles. Il allait lui montrer ce qu'il en coûtait de l'affronter lui.

Ses mains enserrèrent les pattes avant de son adversaire, ce n'était plus qu'un combat de cornes contre gueules, mais le satyre avait d'autre plans en tête. Il se laissa chuter en arrière, roulant sur le dos pour passer sous le ventre de son adversaire. Cela lui apprendrait à être si grande ! Une fois dessous, il décocha deux coups de sabots puissants dans le ventre de cette dernière, comptant bien l'envoyer quelques mètres plus loin. Si ses jambes étaient assez puissantes pour lui faire faire des bonds de plusieurs mètres, elles pourraient déloger un gros canidé qui se trouvait au-dessus de lui.

Se plaçant à moitié à quatre pattes, il se retourna pour observer son adversaire. Oh, sa petite manoeuvre ne lui avait sûrement pas fait bien mal. Une côte cassé au pire ? La louve allait repasser à l'attaque, et il était prêt à la recevoir. Qu'elle charge de nouveau et il bondirait au-dessus d'elle. Ses griffes seraient pour le moins heureuse de plonger dans la croupe de la louve s'il n'avait pas pu y poser la main. Les chiens avaient toujours eu comme point faible l'arrière train, restait à savoir s'il en était de même pour les loups.