La psychologie d'un démon de sang est forcément altérée de par sa propre nature. Zephiranth est né de l'accumulation de la haine, de la cruauté et de la violence d'un champ de bataille. Il est donc sujet à de nombreuses pulsions malsaines et sadiques ainsi qu'à des réminiscences de ce conflit sous forme de visions, qui ont souvent été le déclencheur de ces fameuses pulsions. Il est vrai que pendant de nombreuses années Zephiranth a erré sans autre but que de faire le mal, aussi bien lorsqu'il était à Zelphos qu'à Terra. Ses traits les plus prononcés ont longtemps été le sadisme et l'agressivité, de nombreux meurtres ont été commis pour assouvir sa soif de sang. Très sanguin, il lui suffisait pour exploser qu'on le hèle sur un ton déplaisant ou bien qu'on refuse de lui céder un objet qu'il désirait; d'autant que franc et direct comme il est, il est souvent arrivé qu'il provoque ses futures victimes qui n'auraient jamais, au grand jamais dû répliquer. Très loin des préoccupations de ces semblables, Zephiranth est complètement indifférent à l'argent, au pouvoir et à tout ce qui est en général objet de convoitise. Lorsqu'il désire quelque chose de matériel, il s'agit généralement de pur caprice. C'est un être violent, agressif et excessif, mais il est surtout profondément triste. La solitude l'a rongé pendant trop longtemps et a accentué son manque d'intérêt pour la morale, l'éthique ou même pour la vie en générale. Sa vision du monde est très différente de ce que l'on voit habituellement; la vie et la mort n'ont aucune espèce d'importances pour lui, il n'a peur de rien ni personne, n'admire rien ni personne puisque l'admiration ou la peur sont des sentiments qu'il ne connais pas.. Sa nature et la solitude l'ont transformé en une sorte de monstre sans âme. Mais, un changement en lui est en train de s'opérer; depuis peu, il n'est plus seul. Il ne sait pas pourquoi ni comment, mais il a trouvé un compagnon de route envers qui il arrive à retenir ses pulsions, et surtout qui n'a pas immédiatement pris la fuite malgré le meurtrier sanguinaire qu'il est. Cela ne changera jamais ce qu'il est au fond de lui, mais peut-être qu'un jour il pourra se sentir vivant sans avoir à tuer.

La batailles de Nurga

Nous sommes à Zelphos, monde peuplé de démons de toutes sortes et de créatures toutes plus répugnante les unes que les autres. La période correspondant à votre an 72 est l'année qui m'a vu naître.
Avant de vous raconter ça, vous devez d'abord bien saisir la nature de Zelphos, ainsi vous comprendrez pourquoi je me complais dans la violence et le carnage; je ne connais que ça.
L'univers des démons a beau être lié au vôtre, il n'en est pas moins très différent. Il n'y a pas de prairies verdoyantes peuplées de papillons et parcourues par de doux courant d'airs en Zelphos, nous avons à la place, de grandes étendues de terre arides et étouffantes; il n'y a pas non plus de jolies rivières ou de grands lacs aux reflets bleutés, mais plutôt des cours d'eau boueux, dans lesquels s'écoulent continuellement le sang des cadavres jetés à l'eau pour qu'ils n'encombrent pas les chemins. Notre ciel est constamment cachés par des nuages noirs menaçants qui oppressent la terre comme s'ils souhaitaient petit à petit l'étouffer, et faire disparaître toute trace de vie. La nature est un danger constant; qu'il s'agisse de la faune, de la rare flore, ou encore de la météo qui fait s'abattre régulièrement de violents orages, dont les terribles éclairs rouges viennent lécher les façades des maisons tel de monstrueux serpents et se repaître de leurs habitants. Quant aux peuple de cet enfer, il est à peu près aussi dangereux que son environnement.
Pour survivre dans un tel déferlement de violence, il faut être capable d'encaisser les assauts incessants de la nature et de la faire plier par la force. Il existe quelques endroits encore délaissés par l'horreur comme celui d'où je viens, mais la plupart seront tôt ou tard dévasté par la dégénérescence qui se propage.
Il existe, au milieu de la grande chaîne de montagne d'Irungar une vaste étendue de terre épargnée par les cataclysmes. Au milieu de ce lieu miraculé se situe l'une des grandes capitales de Zelphos, Nurga.
Nurga est entourée par une forêt d'arbres morts dans laquelle vivent des animaux peu agressifs et dont la chair est la nourriture principale des habitants de la cité. Ce lieu abritait avant ma naissance l'un des derniers endroits vraiment paisibles de Zelphos, le vallée aux zephiranth. Les zephiranth sont des fleurs existant seulement chez nous. Leurs propriétés sont étonnantes, elles sont capables d'accélérer la régénération des cellule et leurs applications sont assez nombreuses, mais principalement médicales. Autant dire donc que le contrôle de la cité de Nurga et de ses environs était un avantage stratégique indéniable de par la protection des montagnes, et surtout la garantie d'une vie plus stable et sereine pour ses habitants. En cette période, le souverain de la région était un dénommé Kryos; un démon comme il en existait peu. D'une sagesse exemplaire, Kryos était apprécié par la plupart de ses sujets puisqu'il prônait un discours assez inhabituel mettant en avant l'égalité et non le rapport de force entre démons. Ainsi la loi de la jungle qui s'appliquait à l'extérieur de Nurga ne s'appliquait pas à ses citoyens. Seul le roi était considéré comme un être supérieur, et lui seul possédait le pouvoir de décision. La cité était prospère et la vie s'y déroulait sans accrocs. Attention cependant à ne pas mal interpréter. Ce qu'ici je qualifie de prospère est loin de vos grandes capitales gavées de richesses et d'une répugnante opulences; Nurga était simplement moins sujette aux jeux de pouvoirs, à la haine et à la violence habituels de Zelphos.
Mais, la cité avait malheureusement sous-estimé son propre univers. La corruption de Zelphos progressait et avait fini par l'atteindre. En effet, la convoitise des autres démons s'était peu à peu portée sur les montagnes d'Irungar et sur leur trésor caché. Kryos reçu la visite de nombreux chefs de guerres souhaitant l'intimider. La plupart repartaient la queue entre les jambes devant la détermination et le charisme du souverain. Ceux-ci avaient trop peur de s'écraser contre les murailles de Nurga et ne s'y essayèrent jamais. Le sage et indomptable monarque pris rapidement son confort pour acquis et la défense de sa cité passa au second plan. La nourriture fut consommée en trop grande quantité, sans aucune prudence et les richesses dépensées abondamment en artifices et en bagatelles de toutes sortes. La prudence et la modération disparurent rapidement; les murailles n'étaient plus protégées car les démons chargés de la garder n'étaient plus à leur poste. On ne se préoccupait plus de la sécurité puisque jamais personne n'avait eu le courage d'attaquer.
C'était sans compter sur le terrible Baalzephon, démon reconnaissable à sa forme démoniaque ressemblant presque à un lycan. A l'inverse de ses semblables Baalzephon ne dévêtait jamais cette forme. Personne ne l'avais jamais vu sous son apparence humaine. La légende dit que ses nombreux massacres ont détruit à jamais cette dernière; foutaise, la preuve en est que je possède toujours la mienne. La plus grande force de ce démon était sa capacité à canaliser la rage de ses milliers de soldats et à la libérer quand il le souhaitait. Ainsi il gardait le contrôle de ses guerriers en dehors du combat, et les déchaînait sur le champ de bataille. Baalzephon avait simplement attendu que Nurga soit dans cet état pour frapper. Et par une nuit glaciale, il libéra toute sa puissance sur Kryos et ses sujets. Le premier assaut surpris les habitants. Les démons de Baalzephon saccageaient tous sur leur passage. Les habitations à l'extérieur de la muraille furent brûlée et les démons sans défense décapités. Les portes de la ville étaient closes. Afin de déclencher un vent de panique, un mage maîtrisant la télékinésie éjecta les têtes coupés au dessus des murs. L'effet ne fut pas celui escompté. Les visages déformés par la peur et la douleur n'effrayèrent pas les habitants de Nurga; au contraire, la colère les galvanisa et leur donna la force de se relever. La défense se réorganisa tant bien que mal. Tous les démons capables de se battre furent équipés à toute vitesse et Kryos sortit de son château prêt à en découdre. Je ne sais pas ce qu'il dit alors à son armée, mais ce dut être quelque chose de sensationnel. L'armée de Nurga était à nouveau en place, et les archers et mages se préparaient du haut des murailles. Au signal de Kryos, ce fut une véritable pluie de feu qui déferla sur Baalzephon et sa milice. Habitué aux combats, les démons ne paniquèrent pas. Ils tombaient par centaines mais les rangs restaient serrés, les boucliers aussi bien magique que d'aciers étaient levés. Lorsque la vague de projectile s'épuisa, l'armée d'envahisseurs avança un bélier. L'engin crachait le feu de l'enfer et frappait à un rythme régulier les portes de la ville. Bientôt elle cédèrent. Un véritable raz-de-marée de soldats déferla dans les rues. Le bruit était assourdissant, les cliquetis des épées entrant en collision, les flèches déchirant l'air et le souffle des explosions formaient un véritable vacarme. La violence du combat était telle que les démons ne savaient même plus où ils frappaient. Les deux armées étaient désorientées mais continuaient leur lutte sauvage. Baalzephon n'étant plus certain de la victoire déchaîna la totalité de la rage emmagasinée. Et ce fut à partir de cet instant qu'un chaos total s'installa. Jamais il n'avait libéré autant d'énergie en même temps. Les soldats de Kryos et les habitants non guerriers de Nurga reçurent également les effets du pouvoir de Baalzephon. Mais cette quantité de rage ne pouvait pas être supportée par des démons normaux. La folie s'empara des deux armées. Seul les gardes rapprochées des deux chefs de guerre avaient échappé à la folie parce que trop éloignés de la mêlée. Le démon loup avait pour la première fois perdu le contrôle d'une bataille; pour la première fois, il ressentait la peur. Il pris aussitôt la fuite suivi par ses plus proches guerriers. Kryos voyant que sa ville s'était abandonnée à l'aliénation générale, fut pris d'une terrible colère et partit à la poursuite de Baalzephon, lui aussi accompagné de ses meilleurs soldats. Quelques minutes plus tard le loup fut rattrapé dans la vallée aux zephiranth. Les deux unités composées d'une trentaine de guerriers chacune se faisaient face. Tous prirent leur apparence démoniaque. Soixante colosses d'une puissance incommensurable se préparaient à s'entretuer. Chacun savait que personne ne sortirait vaiqueur. La cité était perdu, la totalité des deux armées détruite et les deux camps épuisés. Pour la première fois depuis des années, un orage violent éclata sur Nurga; cela sonnait comme un cri de victoire de la nature corrompue de Zelphos, qui reprenait enfin ses droits sur la région. C'est ainsi que sous les éclairs rouges malveillants et une pluie battante les derniers combattants se déchirèrent. Les coups de griffes et de cornes déchiraient la chair, broyaient les os. Des litres et des litres de sang noyait les zephiranth et détruisait ce qui fut autrefois un îlot de tranquillité et de vie. Le combat dura quelques minutes; jusqu'à ce qu'il ne reste plus que Kryos et Baalzephon. Le monarque était gravement blessé et le loup n'était pas en bien meilleur état. Les derniers coups échangés étaient pathétiques. Ils savaient leur fin proche et mirent toute les forces restantes dans une ultime attaque.
La tête de Kryos tomba aux pieds de Baalzephon tandis que ce dernier restait debout, un long bras griffu planté dans la cage thoracique.
Ainsi se termina la bataille de Nurga.
La région qui fut autrefois un morceau d'éden caché au milieu de l'enfer, avait finit par céder à la corruption. Les constructions tombèrent rapidement sous les assauts répétés des pluies d'acide et de la foudre, et les rares survivants finirent par mourir plus tard de mes main.
Si je vous ai raconté ce massacre, avec plaisir, n'en doutez pas, c'est parce que quelques semaines après, j'apparaissais sur le lieu même de la dernière confrontation. Je n'ai pu apprendre que peu de choses sur mon espèce; je n'en ai pas rencontré d'autre représentant. Si je me trompe, c'est que je l'ai tué avant de le savoir. Cependant, j'ai pu réunir quelques informations dans des livres; il faut croire que certains ont été assez fous pour approcher ma race et l'étudier... Sans doute morts à l'heure qu'il est. Il semblerait qu'en de rares occasions, lorsque la haine, la violence et la cruauté atteignent leur paroxysme, un démon de sang se forme sur les restes fumants des combats. Le sang s'agglomèrent pour finalement former une sorte d'humanoïde dégoulinant d'hémoglobine. Je n'ai que peu de souvenirs de mes premières années de vie. Je sais simplement que j'ai tué, tué, et encore tué. Jusqu'au jour où j'ai enfin acquis une conscience. Je me suis alors éveillé au monde. Ma première vision à ce moment là fut le champ de zephiranth dévasté.
Pendant ces longues années j'ai erré autour de mon lieu de naissance, je n'en ai apparemment pas bougé. Les squelettes des soixante démons non plus. Les vagues souvenirs que j'en ai me montrent des meurtres violents; des hurlements de douleur et de terreur résonnent dans ma tête régulièrement. Je suppose que je devrai me sentir mal; ce n'est pas le cas. Il est possible qu'on ai souhaité récupérer les cadavres des deux unités. Dommage pour ces présomptueux explorateurs, j'étais là avant eux.

Errance

C'est là que commença une longue période d'errance. Ne pouvant me résoudre, pour je ne sais quelle raison, à m'éloigner de la vallée aux zephiranth, je restai là, comme une âme en peine. Pendant des jours, des semaines, peut-être des mois je ne vis personne. La région avait été dévasté et les rumeurs d'un dangereux monstre recouvert de sang avait découragé les derniers inconscients qui voulait voir les ruines de Nurga. Du moins c'est ce que je pensais. Tout ce que je savais, c'était qu'un terrible mal-être m'oppressait jour après jour; je me sentais vide, mes forces me quittaient, je n'avais même plus envie de bouger. Les visions de la bataille de Nurga me revenait sans cesse dans mon sommeil, me hantant comme les milliers d'esprits des démons massacrés ce jour là. L'impression que ces fantômes réclamaient quelque chose ne me quittait pas. Que me voulaient-ils, et pourquoi ? N'étais-je pas en train de simplement délirer ? La folie me guettait; jusqu'au jour où un groupe de trois démons mercenaires se présenta devant moi. J'avais triste mine.

"Alors c'est ça la terreur de la vallée ? C'est toi le tueur aux zephiranth ? Laissez-moi rire ! Regardez moi ça les gars, c'est-y pas ridicule ?" Lança l'un des hommes en ricanant.

Le tueur aux zephiranth ? C'est donc comme ça qu'on m'appelait... Pourquoi pas ?
Le groupe riait en coeur, comme soulagé de voir que je n'allait pas être une proie si difficile. Bien mal leur en a pris. L'un d'eux me lança une pierre au visage. La roche heurta mon front et un filet rouge dégoulina jusqu'à mon menton. Je touchai la plaie de mes doigts meurtris. C'est alors qu'à la vue de mon propre sang, je m'éveillai. Mes instincts les plus profonds remontaient à la surface et me submergeaient. Je ressentais une haine sauvage pour les trois démons en face de moi; ils étaient là pour me tuer, je le savais et je n'allais pas les laisser faire. Je peinais à garder le contrôle de mon corps, mes pulsions m'ordonnait de les déchiqueter, de les éviscérer et de leur faire subir tout un tas de tortures dont vous ne supporteriez même pas l'évocation. Avant même qu'ils aient eu le temps de réagir, j'étais sur le premier d'entre eux. Je plantai mes ongles dans la gorge de ce dernier qui s'effondra se vidant lentement mais sûrement de toute vie. Le second amorça un coup de masse à destination de ma cage thoracique. Je le pris de plein fouet. La douleur était terrible, mais galvanisé par mes envies de meurtres, je l'ignorais, plutôt que de me ralentir, elle augmentait ma force. Avant qu'il ne retire son arme, je l'interceptai des deux mains. Pris de panique il la lâcha et recula le plus vite qu'il pu. Les deux guerriers étaient maintenant en sueur; pas à cause de l'effort, à cause de la peur. Leurs membres tremblaient autant qu'ils pouvaient, si bien que l'on aurait pu croire qu'ils allaient se détacher; c'est ce qu'ils ont fait, mais pas tout seuls. Au maximum de ma colère et de mon plaisir à la fois, je compris toute la nature de mon pouvoir. Mon propre sang resté sur mes doigts se transforma d'un geste de ma main en un pic que j'envoyai alors dans le genou du manieur de masse. Le projectile perfora la jambe et en ressortit pour aller se loger dans l'herbe un peu plus loin. Mon adversaire poussa un terrible hurlement qui me fit frissonner de satisfaction. Je commençais à comprendre ce qui m'avait rendu si faible les mois précédents; Mon corps réclamait la violence, il attendait que je libère ma rage. Après tout, dans l'horreur j'ai été crée, dans l'horreur je dois vivre. Au fond de moi, je désirais tout ça. Le dernier homme encore en état tenta de prendre la fuite alors même que son collègue le suppliait de l'aider.

"Rekor aide-moi ! Qu... Qu'est-ce que tu fous ?! On est amis merde ! Reviens là sale traître !"

Quel mépris j'eus pour ce lâche. Sa voix tremblante et ses gestes suppliants me donnèrent la nausée. Sa faiblesse me dégoûtait. Mais avant d'en finir avec lui, je décidai de m'occuper du fuyard. D'un coup d'ongle je me tranchais les veines du poignet. Je plongeai mon autre main dans la coupure et en sortis un filet de sang comparable à un fouet. Je réussis de justesse à attraper la cheville du lâche grâce à ma nouvelle arme; celle-ci s'enroula autour de la jambe de mon ennemi qui s'écroula lamentablement. Lui aussi se mit à supplier en pleurant comme un bébé. Je ne décrirai pas ce que je fis alors aux deux hommes à terre car vous en seriez sans doute malade. Sachez juste qu'il ne restait plus grand chose d'eux quand j'eus fini mon travail. Un travail d'orfèvre selon moi, ma première grande réussite. J'en profitai d'ailleurs pour voler au cadavre de l'un d'eux son épée. Une magnifique épée dentelée d'une qualité assez incroyable.
C'est à partir de ce jour que mon goût, que dis-je mon besoin de violence s'est révélé. Ainsi j'ai parcouru la région, semant la mort sur mon passage et me faisant appeler Zephiranth en rappel à mon lieu de naissance et au nom qui m'avait été donné quand je n'étais encore qu'un amas de sang sans intelligence aucune. La plupart du temps mes carnages passaient inaperçus; dans cette région les morts étaient devenues monnaie courante. Quelques démons présomptueux ont bien essayé de m'abattre... Sans succès. Pendant ces longues années j'ai perfectionné mon pouvoir, lui donnant de nouvelles formes, épée, projectiles, fouets, améliorant par la même ma maîtrise de certaines armes, particulièrement le fouet et l'épée qui ont ma préférence. j'ai également appris à maîtriser la température de mon sang et sa vitesse de coagulation. Plus je tuais, plus j'avais soif de sang et plus j'étais enragé; une vraie bête sauvage. Cependant au bout de quelques années, une certaine lassitude s'installa. Mon principal passe-temps ne me procurait plus autant de plaisir. Puis vint un jour que l'on peut qualifier de capital aussi bien pour vous que pour nous, habitants de Zelphos, l'ouverture de la faille. Le démon Azraël que vous connaissez mieux sous le nom d'Aile Ténébreuse a mené une petite quantité de démons avec lui pour lancer l'invasion de votre monde. J'ai eu l'opportunité de le suivre, je l'ai saisie. Peut-être qu'un nouveau monde m'aiderait à retrouver l'inspiration.

Terra

Peu après notre arrivée à Terra, le projet d'Azraël pris de l'ampleur, il commença à être vénéré et une véritable religion se forma autour de lui. N'ayant aucunes affinités avec ses plans, je me suis éclipsé dès que j'en ai eu l'occasion. Ce ne fut pas trop compliqué. Personne n'a vraiment eu l'air de s'en préoccuper. Je n'ai jamais été quelqu'un d'important aux yeux de quiconque. J'ai rapidement appris que nous étions dans le ciel de ce nouveau monde dont je ne connaissais rien. Depuis mon arrivée, je ne respirais pas bien. Mes poumons brûlaient et me faisaient souffrir le martyr; mes sens étaient devenus incontrôlables. J'ai peu après découvert l'existence d'un objet permettant le fonctionnement normal du corps dans cet enfer asphyxiant. J'ai évidemment voulu m'en procurer un rapidement, et ai profité de la confusion générale pour le voler à un homme quelconque qui n'a pas eu le temps de regretter de m'avoir croisé...
La sensation de soulagement découlant de l'obtention de ce sésame fut indescriptible. Bien loin du plaisir que je ressens en tuant certes, mais tout de même sacrément relaxant. Arrêtons-là les simagrées; je m'égare. Après quelques jours d'errance, j'ai pu suivre certains démons arrivés en même temps que moi qui se dirigeaient vers le monde inférieur. Les ambitions d'Azraël et de ses sbires grandissaient de jour en jour et ses actions étaient de plus en plus agressives. Agissant comme un véritable conquérant, il faisait régner la confusion et la peur sur Terra. Qui était-il ? Que voulait-il ? Les habitants de votre monde n'ont pas eu beaucoup de temps pour se poser ce genre de questions. Ils furent rapidement fixés. Plus exaspérés par ce genre d'ambitions qu'impressionné je refusai donc de me mêler aux conflits.
J'ai rapidement repris mes activités. Sans surprise, la satisfaction après chaque massacre était bien là; cependant il manquait toujours quelque chose. Je me suis rendu compte plus tard que la solitude m'était devenue insupportable. Et c'est là qu'intervient Fennel. Une sale gamine exaspérante mais avec qui j'arrivais à me contrôler. Pourquoi je ne sais pas. Peut-être parce que dans ses yeux je ne lisais aucune peur.

Rencontre Fennel

Pour moi, la journée commença comme toutes les autres. Mes instincts sauvages irradiaient dans mon corps entier, ma soif de violence était à son apogée. Ce jour là, ce fut un petit village assez peu peuplé qui fut victime de ma folie. Les morts se comptaient par dizaines. Je fis preuve d'une violence rare, et les pauvres larves me suppliant pour ma pitié ne faisaient qu'accroître mon envie de les déchiqueter. Quand enfin j'eus terminé mon "travail", je m'éloignai du village satisfait, repus. Quelques kilomètres plus loin, lorsque le lieu du crime fut hors de vue, je m'arrêtai pour tenter de me calmer. C'est alors que derrière moi surgit une petite fouine aux cheveux verts. Elle m'interpella. Encore en transe, je ne comprenais pas un mot de ce qu'elle disait. J'étais encore sous le contrôle de mes pulsions et Fennel en fit rapidement les frais. Je fonçai alors vers elle sans autre forme de procès, mon épée à la main. Sa voix résonna encore dans ma tête; toujours incompréhensible. Quelque chose me stoppa dans mon élan. Je venais de prendre une flèche dans la jambe gauche. Cette saloperie avait tiré vite, je n'avais même pas vu le projectile partir. Un filet de sang coula le long de ma jambe accentuant encore mon état de transe. Me nourrissant avec délectation de la douleur, je retirai la flèche, là encore, Fennel parla apparemment pas rassuré face à mon manque de réaction humainement qualifiable de "normale". L'attaque m'avait mis en rogne. Je repartis aussi vite que la première fois et armai mon coup. Mon adversaire réagit vite une fois de plus, et un petit explosif me percuta le visage. Complètement déstabilisé, je perdis un court instant l'équilibre et reculai manquant de trébucher. Cette gamine maîtrisait-elle la magie ? Je compris un peu plus tard qu'il ne s'agissait pas de pouvoirs magiques, mais d'une chose  plus vicieuse encore : l'alchimie. La fiole que j'avais reçu était en fait un genre de fumigène. Ne voulant pas laisser à mon opposante la possibilité de me surprendre encore, je me coupai les veines de l'avant-bras gauche. Grâce à mon pouvoir, je créai alors plusieurs épines de sang qui se mirent à flotter autour de moi tels des satellites prêts à frapper. Par impatience, j'envoyai une salve à travers l'écran de fumée. Je n'eus pas le temps de voir si mon coup avait touché que la jeune femme m'envoyait déjà un autre de ses sales gadgets. Une sorte de bombe apparemment. L'objet atterrit à mes pieds m'obligeant à sauter sur le côté, la surprise me faisant lâcher mon épée.  Par réflexe je créai un écran protecteur entièrement fait de mon sang. Nous échangeâmes alors un regard. Chacun scrutant l'autre en prévision de sa prochaine attaque. Je pris l'initiative. De la main droite j'agrandis la coupure à mon poignet en tirant sauvagement dessus. La douleur était terrible mais je ne bronchais pas. De ma blessure dégoulinait une cascade d'hémoglobine. Sortant de cette dernière je sortis mon fouet de sang. S'en suivit une série de coups de fouets donnés au hasard et dirigés uniquement par la colère. Mon fouet heurta une nouvelle fiole et se désagrégea sur le coup. Apparemment Fennel en avait lancé une autre en cloche puisque je sentis un violent impact sur le haut de mon crâne qui m'assomma l'espace d'un instant; je m'écroulai. C'est là que les choses se sont gâtées. Ma tête était ouverte et le sang coulait si abondamment de mon cuir chevelu que je ne voyais plus rien. La chaleur du liquide coulant sur mes paupières était extrêmement désagréable; un voile rouge masquait mes yeux. En me relevant, j'entendis encore la voix de Fennel. La rage me submergea encore un peu plus. J'étais persuadé qu'elle se moquait de moi, qu'elle me provoquait. Le sang continua à couler pour bientôt envelopper tout mon corps. Je ne ressemblait alors plus qu'à une immonde forme humanoïde de deux mètres enveloppé par le liquide rouge. Les sensations que je ressens en forme démoniaque sont assez étranges. La douleur se mêlant alors à un intense plaisir. Un cri rauque retentit. Mes deux bras en avant, je lançai deux gerbes de sang bouillant en direction de la sale gamine qui me tenait tête. C'était la première fois qu'on me résistait autant. D'un pas de côté elle esquiva l'assaut. Rapidement je changeai la direction de mon attaque sans que les jets ne soient interrompus. Fennel esquiva encore, en s'accroupissant cette fois. Elle tenta alors de récupérer sa besace qui apparemment était tombée durant le combat. Profitant de ce moment d'inattention, je formai des flèches sanglantes, directement de la flaques qui avait été formée par mon attaque précédente. Les projectiles lui arrivèrent dessus à toute vitesse d'une direction qu'elle n'avait pas pu prévoir. Comment aurait-elle pu savoir que je pouvais manipuler la source de mon pouvoir même à distance ? Elle était sur le point de se faire toucher lorsqu'une toux violente me fis perdre mon emprise. J'avais atteint mes limites. La douleur était plus que jamais présente et prenait maintenant le pas sur toute autre sensation. Les projectiles se liquéfièrent avant de blesser Fennel qui fut simplement arrosée.
Je compris alors que j'avais perdu. Tombant genou à terre, je voulut tenter une dernière action mais une fiole d'alcool coupa court à mon idée. En effet, l'alcool se mit à flamber en réaction avec la chaleur extrême de mon sang; brillante idée, je dois bien le reconnaître.. D'impressionnante flammes me recouvrirent et je m'écroulai lamentablement, reprenant peu à peu forme humaine. Je gisais à présent au sol, baignant dans le liquide rouge vif.
Le lendemain, je me réveillai. Le corps endolori, j'eus beaucoup de mal à émerger. Lorsque je voulus bouger, je m'aperçus que j'étais ligoté à une chaise. La garce m'avait capturé. Les liens étaient solides, impossible dans mon état de les défaire. Je vis avec étonnement que toutes mes plaies étaient bandés. Que me voulait cette fille ? En regardant un peu mieux autour de moi, je la vis. Allongée, apparemment endormie dans un lit. Le lieu ressemblait à une chambre d'auberge quelconque.
Commençant sérieusement à m'impatienter, je me décidai à la réveiller.

"Réveille-toi sale gamine ! Détache-moi !" beuglai-je.

Elle se réveilla en prenant son temps, comme si ma présence ne lui importait que peu. Cette situation était réellement compliqué à comprendre pour moi. J'étais déstabilisé. Cette fille m'avait vaincu et au lieu de me tuer, moi un monstre, un danger ambulant, elle m'avait soigné et gardé en vie.

"Tu sais, tu as perdu face à cette "gamine". Je pense que tu devrais te taire quelques instants et me laisser décider de ton sort. D'ailleurs ferme les yeux et réfléchis à ce que tu viens de faire." Finit-elle par répondre.

Franchement étonné par le ton qu'elle venait d'employer j'obéissais et fermait les yeux. Pourquoi ? Je ne sais toujours pas et j'ai encore un peu honte d'avoir docilement fait ce qu'elle m'ordonnait.

"Je rêve..." marmonnai-je profondément agacé.

J'entendais des mouvements de tissus et je compris qu'elle s'habillait. D'où le "ferme les yeux".

"Nous allons juste PARLER. Ce que tu as refusé de faire hier, préférant m'agresser. Pourquoi m'attaquer ?"

Vexé d'être traité comme un otage, je décidai de ne pas entrer dans son jeu.

"Détache-moi et on parlera peut-être GAMINE !"

Je vis dans son expression une pointe d'amusement qui m'exaspéra au plus haut point. J'étais habitué à lire la peur dans le regard des gens, pas l'amusement ni même la moquerie.

"Sérieusement, tu penses que je vais te détacher alors que tu sembles juste être un elfe psychotique qui veut attenter à ma vie ? Explique toi avant et peut-être que tu seras détaché avant que j'en vienne à te trancher la gorge."

Là c'était la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Je ne supporte pas les elfes. Ce sont des créatures faibles, insignifiantes et à la féminité exacerbée... Même les mâles.

"Un elfe ?! Tu me provoques en plus ? Tu te crois maligne maintenant que je suis immobilisé. Il me semble qu'hier tu n'étais pas si sûre de toi ! Si cette saleté de forme démoniaque ne me bouffait pas toute mon énergie tu serais morte à l'heure qu'il est !"

Encore cette pointe d'amusement dans le regard teintée d'un peu d'exaspération.

"Si cette forme démoniaque ne t'avais pas protégée, tu aurais eu le crâne fracassé avant de pouvoir poser la main sur moi. Mais restons adultes. Je veux juste savoir pourquoi tu m'as attaqué. Je sais que vous autres, habitants de Zelphos, avez tendance à être belliqueux, mais ce n'est pas un peu extrême ?"

La gamine me provoquait. Je compris alors qu'elle ne me lâcherait pas si je ne parlais pas. Il allait falloir que je me fasse violence.

"Je m'occupe comme je peux. Tu n'es pas arrivée exactement au bon moment; tu as interrompu mon plaisir... En fait non, je t'aurais de toute façon attaquée. Une personne seule c'est tellement facile en temps normal." Lançai-je d'un ton légèrement provocant.

Je tentai sans conviction de desserrer les liens, mais impossible. La petite peste avait sacrément bien serré les noeuds. Ma réponse eut l'air de l'étonner.

"Ton plaisir ? Euh... Etre seul, en sang, dans les plaines, c'est ça ton plaisir ? Tu devrais vraiment changer d'attitude."

Je me répète, mais rendez-vous compte à quel point c'était inhabituel. Elle me parlait comme à un gamin, d'un ton hautain et presque méprisant. Elle était sacrement sûre d'elle. Malgré les apparences, elle commençait à m'intriguer. A vrai dire, elle me plaisait bien. Sa confiance en elle et son absence totale de peur pouvant être associée à de l'inconscience pure m'amusait quelque part.

"Mon "attitude" comme tu dis, ne concerne que moi. Si tu voulais bien me relâcher maintenant, je pourrai continuer à répandre la mort et toi à emmerder le monde dans ton coin... S'il te plait ?"

"Ecoute, 'semer la mort' n'est pas la solution à tout. Je veux dire, laisser les gens mourir pour le plaisir d'une personne n'est pas dans mes prérogatives, mais maintenant que je suis impliquée, autant essayer de faire quelque chose. Donc commençons par le commencement. Enchantée, je m'appelle Fennel, et toi ?"

Sérieusement ?!

"Enchantée" c'est une blague ? C'est quoi ce retournement de situation ? T'es vraiment trop bizarre ! Peut-être plus que moi, et c'est pas un compliment. Tes "prérogatives" je m'en cogne; tu n'es impliquée dans rien du tout. Tu me laisses partir, je recommence mon petit jeu et toi tu vas cueillir des pâquerettes dans les champs comme les petites filles normales."

Le coup des pâquerettes, ça m'est venu tout seul. Allez savoir pourquoi. Pourtant plus je la regardai moins elle avait l'air d'une gamine. Posture droite, habits de bonne qualité, beau visage, elle s'avérait même être une jolie jeune femme. Sans doute d'origine noble me dis-je.

"Tu continues à faire le malin alors que tu es ligoté, et que tu sembles incapable de faire quoique ce soit. Et ce n'est pas une blague, repartons sur de bonnes bases, d'accord ?

Elle semblait sincère. Mais pourquoi diable voulait-elle savoir quoique ce soit sur moi. Je n'étais personne pour elle et inversement. Je décidai de jouer le jeu, mais je restais méfiant.

"Très bien,  puisque apparemment je n'ai pas le choix. Je suis Zephiranth."

"Hm... Ecoute, je sais que ça t'ennuie de faire ça, mais te laisser massacrer des gens m'ennuierait tout autant. Donc je ne sais pas trop quoi faire de la situation. Je pourrai te libérer mais je n'ai aucune garantie que tu arrêtes tes bêtises. Si tu as une suggestion, je suis preneuse."

Je sentais venir de terribles crampes dues à la position inconfortable qu'était la mienne. Je voulais vraiment que la conversation se termine.

"Je vais te le demander poliment, arrêtons de jouer s'il te plait. Je ne vais pas arrêter ce que ma nature me dicte de faire parce qu'une fille rencontrée au hasard me le demande. Si c'est pour ta conscience que tu t'inquiètes, oublie-moi et persuade-toi que l'on ne s'est jamais rencontrés. Sinon, dis moi clairement ce que tu veux et on avisera."

"Je veux juste voir s'il est possible de te réformer. Tu dis que c'est ta nature, mais as-tu au moins essayé de faire autre chose ?"

Même si je ne laissais rien paraître, sa dernière phrase m'avait touché.

"Pourquoi diable ferais-je autre chose ? Je suis pleinement satisfait de ma vie actuelle. Et même si ce n'était pas le cas, tu ne pourrais pas y changer grand chose. Je suis né dans l'horreur, je mourrai dans l'horreur." Dis-je peut-être un peu moins sûr de moi.

"Arrête d'être aussi borné ! C'est sérieusement fatigant... Voilà ce que je te propose : tu m'accompagnes sans faire d'histoires et je te libère. Ca peut pas te faire de mal de t'aérer l'esprit. Et si tu veux vraiment tuer des gens, bats toi contre ceux capable de se défendre. Ou alors je te laisse ici jusqu'à ce que tu puisses te libérer."

Sachant pertinemment que je ne pourrai pas me libérer par moi-même avant de longs jours considérant mon état, j'envisageai sérieusement d'accepter. Pourquoi pas après tout ? Je m'étais plaint de la solitude et le sens de mon existence était de moins en moins clair. Qu'avais-je à perdre ? J'en vins à la conclusions, que rien du tout. Et puis sincèrement, mon intérêt pour cette personne grandissait au fur et à mesure que je l'écoutais parler.

"Bizarrement tu m'intrigues... Tu sembles bien arrogante pour une femme de ton âge et de ta carrure. Cela dit, j'ai apprécié tes tours de passe-passe; ils ont attisé ma curiosité. Très bien, je t'accompagne; saches seulement que mes habitudes ne changeront pas à moins que tu m'en empêches. Et puis qui sait, ça pourrait être amusant."

"Eh bien voila, tu es maintenant mon compagnon de voyage."

Elle m'adressa un sourire et défit mes liens.
Ce fut le début de nombreuses péripéties pour notre duo.