Un cours inachevé dans la Citadelle des Pleurs (PV Shura Malvis)

Hier

Après ma visite auprès des nobles nains, de ma perdition dans les marais de la désolation, j'étais rentrée sur mon domaine me reposer un peu. Uriel avait pris quartier dans la chambre à côté de la mienne. Ah ce vieil ami de mon regretté père. Ce sage ange estropié avait tenu sa promesse lors du dernier souffle de mon père. Bien que celui-ci soit toujours déchiré entre le fait de rester à défendre mon domaine en tout temps et le fait de me suivre partout. Il se fait un honneur de défendre la dernière des héritières des Malakhya, et l'Archange des Malakhim, la Voie des Vertus. S'il vient à m'arriver quelque chose, il s'en voudrait, et plongerait dans un abîme sans fonds de n'avoir rien pu faire. Comme dans le passé.

Après une longue discussion, lui montrer qu'il ne mettait rien arrivé de trop fâcheux, lui avoir détaillé mon étrange rencontre dans les marais, je lui avais tendu ce que je lui avais promis et qu'il avait râlé. Cet anneau orné de runes naniques. Uriel, lui, vu son grand âge, connaissait la signification. Il en fut tellement honoré, qu'il se promit de faire un cadeau aussi grand à Alaric.

S'en vint par la suite, une discussion un peu amère. Je n'avais aucun soin de prévu pour le lendemain sur nos terres et lui avais annoncé que je partirai pour les Plaines Mystiques de Terre donner un cours particulier de psychologie pour les élèves de Kazuya Takeda. Il est tellement protecteur que je dus lui avouer que je partais pour la Citadelle des Pleurs. Mais c'est aussi pour moi, l'occasion de me maîtriser. Les élèves, ne sachant pas ma nature d'origine.


Aujourd'hui

Ce cher et respecté Maître de Guilde qu'est Kazuya, m'autorisa à prendre le peu d'élèves présents ce jour pour partir en petite expédition pour la journée. Rien de bien méchant, de particulier, bien que je lui ai promis d'amener mon sceptre avec moi. Chose normale puisque je ne m'en sépare presque jamais. Et même pas besoin d'expliquer à mes élèves, si ce n'est que je leur ai dit m'y appuyer pour les côtes et passage étroit.

Les six élèves humains dont un sang-mêlé shadoy-elfe, et moi-même arrivons enfin devant l'immense château abandonné. Pour le moment, pas un brin de vent. Lorsque nous relevons la tête, nous apercevons les vitraux brisés. Non, nous ne nous sommes pas trompés de destination. La Citadelle des Pleurs.
Les élèves reculent sous l'effet imposant du site, puis se retrouvent poussés à suivre l'hybride. Autant dire que lorsque nous frôlons les murs de couleur gris sombre, nous les trouvons froids. Une des élèves, un peu plus guerrière sur les bords qu'elle n'est une soigneuse, prend son épée à deux mains et s'amuse à nous tailler un passage dans l'épais bosquet de ronces. Tandis qu'un autre repousse les morceaux dépassant avec son sac épais.

Passant chacun notre tour, nous voyons que les eaux sont sombres dans les douves. La petite escouade s'assied en tailleur au milieu de la cour, non loin d'un arbre blanc et mort.

Bien... Le cours d'aujourd'hui sera sur ce que vous pouvez ressentir en un tel lieu. Mais avant le cours, déposez au sol ce qui vous semble être lourd. Vos mains sur les genoux, paumes tournées vers le ciel. Fermez vos yeux.

Mes élèves s’exécutant, je garde les yeux ouverts pour veiller sur eux lors de leur séance de relaxation. Par réflexe, je pose mon sceptre sur mes genoux et rabat ma cape autour de ma robe, puis la capuche sur ma tête.

Semaine sabbatique sur Terra, chapitre deux. Le premier ? Ce n'est pas qu'il n'a jamais existé, c'est qu'il n'a jamais été écrit. Et de toute façon, ce qui nous intéresse, c'est le chapitre deux. Hum hum... Quelque part sur les plaines de Terre, en l'an 113. L'herbe verdoyante, basse mais omniprésente, s'étendait comme seul paysage à des kilomètres, avec éventuellement quelques rares buissons qui venaient se mettre ici et là comme des petits morceaux de fruit dans de la confiture. Au milieu de cette étendue immense, seule sur des kilomètres à la ronde, une silhouette marchait paisiblement sur ces plaines. Un bâton de bois bien affûté à la main, un immense sac à dos sur lui, un jeune homme traversait ces lieux sauvages, ses yeux indigos regardant avec intérêt les paysages magnifiques qui s'offraient à lui. Habillé chaudement de sa veste et de son écharpe, Shura Malvis, chef des assassins n'avait de toute façon aucune raison d'avoir froid : il n'y avait pas la moindre brise à cette heure de la journée, et le ciel était dégagé, offrant une ambiance tempérée franchement confortable.

Le démon polymorphe n'avait pas pour habitude de voyager ainsi. Jusqu'à maintenant, il n'avait utilisé ses temps de repos que pour lire, principalement, et lors de ses missions, il n'avait pas vraiment le temps de s'adonner à une quelconque visite culturelle. Mais voilà, Aile Ténébreuse, trouvant qu'il avait bien travaillé ces temps-ci, avait accordé à Shura sa toute première semaine sabbatique depuis son arrivée sur Terra. Evidemment, ni une ni deux, le chef des assassins avait accepté humblement le cadeau, s'étant fait un petit programme de monuments à visiter. Mine de rien, la culture ancienne de ce monde intéressait beaucoup le démon : C'était l'occasion de découvrir des reliques de ces peuples inférieurs, qu'ils soient humains, nains, elfes, ou n'importe quoi d'autre. C'était un peu comme examiner un nid d'abeilles, en étant impressionné par le travail fourni par ces dernières, sans pour autant les considérer pour d'autres choses que des insectes. Et pour le coup, cette longue semaine était parfaite pour visiter les plus belles ruches du continent.

Après des heures de marche vagabonde, sans la moindre pause, Shura arriva finalement face à sa destination : la Citadelle des Pleurs. Un immense château, à l'air abandonné et aux vitraux cassés, grand monument de la région. Le lieu inspirait à la fois une ambiance sinistre et un souffle de désespoir, une sensation incroyable alors que même le vent refusait de souffler sur ces ruines. L'air enthousiasmé, le chef des assassins releva son sac en tirant sur les bretelles de ce dernier, et tel un explorateur, pénétra dans la citadelle. Avec étonnement, le polymorphe remarqua vite que le passage était étrangement dégagé, alors que des ronces agrémentaient les murs de l'enceinte en laissant un chemin évident. De plus, des tas de ronces traînaient au sol, sur le côté, comme repoussés. L'air intrigué, Shura Malvis prit un instant pour s'arrêter dans sa marche, et s'empara avec précaution d'un des morceaux de ronces, caressant doucement l'intérieur de celui-ci par son extrémité. Cette dernière était tranché avec netteté, par une lame, sans aucun doute. De plus, la sève était encore bien présente et coulante... C'était tout récent. L'air impassible, le chef des assassins reposa le morceau de ronce et suivit le chemin tracé par ses prédécesseurs, qui, de toute évidence, sont passés il y a peu.

Finalement, Shura arriva dans la cour de la citadelle, où il put voir un groupe de jeune personnes assises en rond au centre de la place. L'une d'elles, encapuchonnée, donnait des consignes à ce qui semblait être ses disciples, qui obéirent sagement. De toute évidence, d'après ce qu'il avait entendu, il s'agissait d'une forme de méditation pacifique. Progressivement, l'air intrigué du démon se transforma en un visage calme et souriant, comme à son habitude, et avec brutalité, l'homme lâcha son sac à dos, bien chargé, sur le sol, ce qui provoqua un immense bruit métallique qui résonna dans toute la cour dans un grand écho. Les élèves, qui avaient commencé à se plonger dans leur méditation, sursautèrent violemment, clairement surpris, et se retournèrent vivement vers Shura pour lui lancer un regard noir. Ce dernier eut un petit rire sympathique, et les mains dans les poches, le démon commença à s'approcher du petit groupe tout en parlant d'une voix à la fois forte et joyeuse.

"Oh oh, on dirait que je ne suis pas le seul à m'intéresser à l'ambiance ancestrale de ces ruines. Vous êtes ici pour méditer à ce que j'ai compris ? C'est intéressant, puis-je me joindre à vous ?"

"On a l'air de vouloir d'un guignol comme vous ? Foutez le camp, sale gueux."

L'élève qui venait de parler était une petite rouquine, un peu ronde mais clairement désinvolte dans l'âme. Shura haussa légèrement les sourcils, et sans perdre son air impassible, le chef des assassins sortit tranquillement une pipe de sa poche. Mettant sans vergogne ses interlocuteurs en attente, Shura alluma sa pipe et en prit quelques bouffées, avant de laisser échapper doucement de la fumée de sa bouche. Puis finalement, après avoir regardé la fumée se disperser dans l'air, l'attention du démon se reporta sur l'élève rebelle, son sourire ne quittant pas sa bouche, et ses paroles restant sympathiques, malgré l'amertume de leur contenu.

"Oh, que de violence. Ce lieu me semble pourtant publique... D'ailleurs, si je puis me permettre... Selon les lois du coin, ces lieux appartiennent officiellement à l'empire d'Aile Ténébreuse. A vous voir ,vous n'en faites clairement pas partie. Or... Moi si... -pof pof-... Je suis pro-impérialiste, vous ne l'êtes pas. Ca veut dire que si je veut, je vous vire d'ici sur le champ. A vrai dire, si l'envie m'en prend, je peut même vous faire arrêter pour les paroles grossières que vous adressez à un être supérieur..."

Laissant un silence pesant s'installer sur ces mots, Shura aspira une nouvelle longue bouffée de sa pipe, et après avoir laissé le temps à ses interlocuteurs d'assimiler l'information qu'il leur a transmis, le démon afficha un grand sourire jovial, avant de dire tranquillement :

"Alors, puis-je me joindre à vous ? J'ai toujours été très intéressé par la méditation étrangère ♪"

Je n'ai aucun mal à me faire entendre lorsqu'il s'agit de mes cours et aucun ne s'est endormi jusqu'à maintenant. Bien que cela ne fasse pas aussi longtemps que j'enseigne. C'est nouveau pour moi. Toutefois, je ne peux presque rien refuser à Kazuya.
Jusqu'ici tout ce passe bien, bien que j'avoue ne pas aimer l'atmosphère, je me dois d'honorer le cours quoiqu'il arrive. Pendant que mes élèves se concentrent, que je me retiens de chanter, je balaie de mon regard le site sur lequel nous travaillons afin de rendre un compte rendu en bon et due forme à notre cher directeur.

Dans cet endroit, je ressens tellement de souffrance que je pourrai dresser sans difficulté aucune le scénario qui s'y est produit des années auparavant.

Puis, je rebaisse la tête pour observer l'humain qui tremble un peu. Lui, son empathie est déjà forte et il faudra que nous nous employions à trouver une sorte de protection pour lui. Lorsque vient un bruit de métal que l'on produit sciemment pour attirer l'attention me fait relever légèrement la tête. Mais c'est que l'inconnu surprend tous mes élèves. Il en sourit en plus ! Qui donc est-ce pour agir ainsi ? Je n'ai jamais su si c'est mon sang angélique mais il fait de moi un être qui ne s'emporte jamais où ne sursaute que très peu. Même en cet instant. Cela va sans dire de la réaction de la petite rouquine forte tête du groupe qui se lève pour faire partir l'étranger.

Cliodhna... Ce n'est point une raison d'invectiver cet inconnu. Tout ê... toute personne a le droit d'aller et venir où bon lui semble. interviens-je en me levant sans marcher pour autant.

J'aimerai également toucher deux mots calmes à mon élève mes les gestes de l'importun m'arrête quelque peu et me force sans le vouloir à l'observer encore plus longuement avant de reprendre la parole. Quelque chose de pas naturel est entrain de se passer mais quoi ? La pipe passe encore, mais les effluves qui s'en dégagent... Cette odeur m'est familière. Ce fumet... oui cette odeur de tourbe humide par la rosée aux premières lueurs du jour.

Sylfiria, il y a un siècle. Alors que je soignais des blessés avec Lauviah ma mère, et Kamaël mon père qui entrait en courant et en hurlant. Les portes du domaine qui éclatent, le sang qui coule, les cris de panique, de courage, de défense... Non ce n'est pas possible !!! Ce n'est pas vrai ? Qu'un élève vienne vers moi pour me réveiller de mon cauchemar m'annonçant que je dormais sur le bureau. Et pourtant... pourtant rien y fait. Je recule très lentement de deux ou trois pas, tentant de ne rien faire remarquer. Yehadiel ! Ecoute une de tes fidèles ! Réveille la !

Je me souviens encore de ma mère et moi qui faisions ce que nous pouvions pour protéger la fuite de chacun ou que nous avions caché. Le souvenir de deux enfants humains et de deux enfants anges pris rapidement sans choisir, dans nos bras avec pour but de fuir du domaine envahi par une troupe du démon se faisant appeler Aile Ténébreuse. Mon teint pâlit quelque peu. NON ! Ça ne peut pas être ça ! Pourquoi m'en rappeler maintenant ?

Oh si ! Bonté céleste ! C'est cela à mon grand désarroi. Rien que la manière dont cet être parle de ce démon me confirme que je replonge bien dans le passé. Enfin que le passé remonte à la surface plus exactement. Je reste un instant muette avant de serrer mon sceptre un peu plus fort.

Nul n'est interdit d'assister à un cours. Messire... lui réponds-je sans perdre mon sang-froid, attendant qu'il daigne se présenter.

Aucun de mes élèves ne connait ma véritable nature ni mon origine céleste. J'espère que tout se déroulera sans accroc. Rien n'est encore joué. Tout n'est pas gagné, et je n'ai toujours pas fini mon cours.