Nathas semble au premier abord être quelqu'un de froid, de glacial. En fait, il s'agirait presque d'un euphémisme. En contemplant son visage ravagé, on a l'impression qu'il n'y a plus rien qui ne l'habite, aucune émotion, que c'est une carcasse dénuée de passion qui se trouve devant vous. Mais ceux qui le connaissent mieux savent quel feu habite le corps de l'elfe. Ils savent ce qui grouille dans ses entrailles, brûlant d'un feu inextinguible. Nathas arbore les cicatrices de son passé, et il donne l'impression que plus rien ne peut l'atteindre. Un peu comme s'il avait déjà tout perdu, et que quelles que soient les exactions de son interlocuteur, il ne les craindra pas.

Mais cela n'empêche pas l'elfe d'être d'un naturel autoritaire avec tous ceux qui l'entourent. Rare sont les personne qui pourront le voir courber l'échine devant eux, car la fierté bouillonne en lui aussi bien que sa rage. Bien entendu, Nathas connait les limites de ses pouvoirs, et il sait qu'il n'est pas immortel, son indifférence ne fait que s'allier avec son fanatisme. Il ne craint pas la mort, en parfait druide noir qu'il est. Sa philosophie de la vie fait que pour lui le décès est devenu une part inhérente de son quotidien. Il est habitué à voir des êtres, quels qu'ils soient mourir chaque jour, et autant vivre chaque jour. Bien entendu, il ne s'agit pas forcément d'amis, de proches ou de compagnons, mais d'une myriade d'insectes, de plantes ou de champignons. Seulement, ayant su remettre en cause la place de son existence par rapport au cercle de la vie et de la mort, Nathas sait parfaitement qu'il n'est rien comparé à ce que la nature réserve. Il n'est qu'un des rouages d'une machine vorace dont il ne se fait que le porte-parole finalement.

Car s'il existe une chose avec laquelle Nathas ne cherchera jamais à argumenter, c'est le bien fondé de son culte, le bien fondé du Cycle de vie et de mort. Pour certains il est impensable de voir la vie d'une façon aussi macabre, mais pour un elfe comme lui, c'est simplement une réalité que tous se doivent d'apprendre. La terre se nourrit des morts, les vivants se nourrissent de la terre et les morts se nourrissent des vivants. De la même façon, négligeant la mort, Nathas a une force tendance à en récompenser ceux qui le déçoivent. Il n'est pas le genre de personne à tolérer l'échec, surtout quand c'est pour la mission donnée sert le bien de la communauté. Comme tout être servant le Cycle, il se doit de faire partie d'un tout, et d'aider au bon fonctionnement de la nature. Le sacrifice se révèle toujours inévitable, seul le temps avant sa venue varie.

La ferveur que ressent l'elfe pour son culte, pour ses croyances, prend en partie racine dans le vide qui habite son être, intimement entremêlé à sa colère. Beaucoup de choses lui furent arrachés alors que sa compréhension de la vie et de la mort étaient incomplète, et encore aujourd'hui il regrette ses pertes, et caresse le souvenir de ces êtres disparus. Il a su par le passer utiliser sa douleur pour se hisser au plus haut, puisant dans ses émotions l'énergie nécessaire pour accentuer sa compréhension de la nature.

Seulement aujourd'hui, il ne doit pas se laisser dominer par ses émotions. Il n'est plus celui qu'il a été, et il en a bien conscience. Son but est de mener sa tribu, de préserver le culte contre vents et marées. Il ne pourra pas éternellement échapper à cette guerre, et il devra finir par faire un choix à son tour. Car si la mort est inévitable, le conflit, ne l'est pas forcément. Pour le moment, il a cherché à préserver les siens d'une guerre inutile, pensant qu'un jour ou l'autre la situation se réglerait d'elle-même. Seulement, il sait qu'à un moment ou un autre, il sera dos au mur, et cela l'empli d'une certaine amertume venant accentuée sa noirceur et morosité naturelle. Mais pour le moment, il appliquera son unique crédo : la victoire sourit aux survivants.

Histoire "Approchez vous mes enfants, venez, je vais vous raconter une histoire, l'histoire de notre chef, du plus grand des druides sombres dont nos mémoires font échos. Je vais vous parler de l'elfe Nathas Vod Savo, et de comment il est devenu celui qu'il est aujourd'hui.

Comme vous, comme moi. Il fut un enfant, un jeune elfe de la tribu Devkarin. Mais dès son plus jeune âge, il pouvait ressentir l'étreinte du cycle, il pouvait ressentir les essences de la vie et de la mort entremêlées, festoyant dans la lumière et les ténèbres qui bercent notre monde. Mais il était un peu trop tôt pour devenir druide. Car comme vous, il devait passer les rites, alors que son sang et son âme bouillonnaient déjà à l'idée de découvrir les secrets des druides noirs. Malgré son talent, il n'en restait pas moins un enfant aux yeux de ses prédécesseurs, une jeune pousse, qui devait survivre pour avoir le droit à sa place dans la forêt, qui devait croître. Surtout que l'ascendance de notre cher chef ne jouait pas vraiment en sa faveur... Fils de chasseurs, il n'y avait pas eut de druides dans les rangs des Vod Savo depuis plusieurs siècles, mais tous les espoirs de sa famille étaient tournés vers lui. Il pouvait apporter beaucoup à sa famille, et surtout à la tribus.

Comme vous, il pataugea dans la fange, ramassant à pleine main scarabées et araignées quand on le lui demandait. Comme vous, il construisit ses propres échasses, pour pouvoir s'avancer dans les marais, collectant les champignons pour nourrir les gens, évitant les pièges que la nature nous tend pour se nourrir. Moi même, je ne sais pas si Nathas était naturellement doué pour la survie, ou s'il fut juste chanceux. Ce qui est certain, c'est qu'il sut arriver à son premier véritable rite, sa première véritable épreuve. Je sais vous en connaîtrez cette gloire que d'ici quelques années, vous avez encore un peu de temps pour vous endurcir, et croyez-moi vous en aurez besoin. Personne n'est jamais vraiment prêt pour cette épreuve, et Nathas ne l'étais pas non plus, croyez-moi.

Il fut envoyé dans la forêt, avec pour ordre cette fois-ci, de ramener une proie. Il était seul, avec seulement un coutelas et ses échasses pour seuls outils. Le marais allait-il l'engloutir ? Ou alors serait-ce la maladie ? Les insectes qui viendraient l'empoisonner ? Ou encore les bêtes ? La nature nous réserve tant de belles façon de mourir mes enfants, et nous devons nous montrer digne d'elles, en les évitant ! C'est ce que fit le jeune Nathas, et enfin, il put apercevoir sa première proie potentielle.

Vous l'avez tous déjà vu, ce crâne qu'il arbore fièrement, ce casque d'ossements. Voilà ce qu'il est advenu de la proie de notre chef. Accroupi dans la boue, faisant obstruction des bêtes qui fourmillaient entre ses doigts, venant piquer sa peau de leurs dards et mandibules, Nathas était à l’affût. Dans le marais, sous le couvert des arbres, se trouvait la créature, un lézard gigantesque, à la gueule hérissée de crocs, lui aussi attendant sa proie. Deux chasseurs, et un seul s'en est sorti. Nathas bondit sur le dos de la bête, enfonçant son couteau dans ses chairs. Ou tout du moins, c'est ce qu'il tenta de faire, car la lame ripa sur les écailles sans causer le moindre mal. S'acharnant de toutes ses forces, le jeune elfe ne parvint à rien avec cette arme, et il se fit désarçonner. De nouveau dans la fange, la bête avait cette fois-ci l'avantage. Mais c'était sans compter sur les réflexes de Nathas. Bondissant près d'un arbre, il plongea sa main dans un nid de scarabées nécrophages. Les bêtes s'attaquèrent aussitôt à ses chairs, dévorant sa peau, mordant jusqu'à l'os. Alors que le lézard chargeait, Nathas tendit son bras infesté, et enfonça sa main dans la gueule de l'animal. La mâchoire se referma, mais sa force ne fut pas suffisante pour sectionner le bras de notre chef. Les insectes attirés par une chair plus savoureuse et tendre, dévorèrent la bête de l'intérieur. Oh, Nathas n'était pas indemne, mais il venait de gagner de belles cicatrices, parmi les plus belles de sa collection.

Les années passèrent, et Nathas fut autorisé à procréer. Assez fort pour survivre, assez fort pour honorer le cycle de sa présence. Il devint un druide noir, et son talent se révéla enfin. Il pouvait étendre ses sens à toute chose, toute vie qui ne se prostituait pas à la lumière du soleil. Il ressentait les myriades d'insectes, mais aussi les champignons qui dévoraient les plantes, les plantes qui dévoraient les corps de plus gros animaux. Nathas percevait le cycle dans son intégralité, et il gagna rapidement sa faux.

Il avait une compagne, une favorite. C'était une belle chasseresse, et bien que dénuée de tout don pour le druidisme, elle avait sue gagner les faveurs du druide noir. Ensemble, ils formaient une paire incroyable, une force effrayante honorant aussi bien les vivants que les morts. C'était un couple prometteur, et leurs graine porta ses fruits. Notre druide noir eut une fille, et vous la connaissez, car comme son père, elle survécu jusqu'à l'âge adulte. Mais c'est là une autre histoire. Celle de notre druide et de la chasseresse est beaucoup plus intéressante.

Car à force de vivre au plus profond du bois, dans son cœur noir, mais aussi dans les marécages pestilentiels, nous en connaissons les dangers. Tous les dangers. Si les plus sages savent ne pas baisser leur vigilance, ils n'en ignorent pas moins ce qui vient d'en dehors de nos terres, ce qui menace et grogne, faisant la guerre avec de l'acier, gâchant la chair des morts et méprisant la vie dans son habit le plus minuscule.

Les étrangers, ont croisé la route de Nathas et sa compagne alors qu'ils chassaient. La coutume devkarin est clair, et ils n'étaient que de la viande pour nos bêtes, du sang pour la forêt. Seulement, le druide noir les sous-estima. Une flèche enflammée l'atteignit en plein cœur, léchant ses chairs avec avidité. La douleur était inimaginable, et les sortilèges que Nathas tissaient contre ses adversaires s'écroulèrent. Point de victoire aujourd'hui, seulement de la douleur, de la peine. Laissé pour mort, il aurait dû être dévoré par la forêt, mais le Cycle en décida autrement.

Nathas devait vivre, car il avait entraperçu le visage de la mort. Mais surtout, car il venait de perdre l'être qui lui était le plus cher, sa compagne adorée, dont la dépouille sans vie se trouvait à quelques mètres de lui. Il rampa jusqu'à ses côtés, la prenant dans ses bras, des larmes de rage perlant sur son visage. Pour la première fois de sa vie, le druide noir venait de découvrir que la mort, pouvait revêtir un visage malfaisant. La nature réagissait à la plainte du druide, s'emportant dans ses échos dévastateurs. Des scarabées ouvrirent les chairs de Nathas, en extrayant la flèche, tandis que des champignons venaient diffuser des sucs anesthésiants et cicatrisants dans ses plaies. Il était en vie, et sa rage venait alimenter le Cycle. C'est à ce moment là, que naquit notre champion, et le terreau de sa naissance n'était autre que la mort de sa compagne.

Il était changé, plus sombre, plus sinistre. Il ramena la dépouille, et nous lui conférèrent les derniers rites. Comme tous ceux avant elle qui s'étaient montré dignes, elle fut enterrée sous un arbre, pour que son âme perdure dans la forêt. Certains dirent qu'elle méritait de finir dévorée par les bêtes pour être morte contre ces étrangers. Mais un seul regard de Nathas les réduisit au silence. Et ceux qui ne furent pas assez sages pour s'en tenir là, finirent par connaître le sort qu'ils réservaient à la défunte.

Car jamais les druides noirs n'avaient connu de membre aussi acharné, possédant une telle soif de revanche, de ne faire qu'un avec la vie et la mort. Le druide fit tomber ceux qui s'opposaient à son ascension, son parcours fut ensanglanté, mais il en est toujours ainsi. Les chefs vont et viennent, mais aucun d'entre eux ne fut comme celui-ci. Le druide devint l'archidruide.

Le corps couvert de cicatrices, son visage ravagé par les flammes, Nathas était un survivant, et ainsi, il était victorieux. Mais croyez-moi mes enfants, son histoire est loin d'être terminée."

Citation :

« Le druide fit tomber ceux qui s'opposaient à son ascension, son parcours fut ensanglanté, mais il en est toujours ainsi. »

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