[ABANDONNE] "Ah les joies de la nature... Boue, insectes et bêtes sauvages" [Donovan - Serindë]

Donovan s’accroupit derrière un buisson, tout ruisselant de sueur, le souffle court. Il chassa d’un geste de la main négligent les quelques insectes qui lui bourdonnaient aux oreilles. Il vérifia que la corde de son arc était toujours bien tendue, passa une main sur les plumes de ses flèches. Rajusta le poignard à sa ceinture- celui-ci lui rentrait dans la cuisse, et c’était loin d’être agréable. Il n’avait pas prit son épée, pour une fois. Il avait préféré laisser la lame au quartier général de l’Aurore, bien cachée dans un creux rocheux. Pour une partie de chasse, elle l’aurait gênée.
 
L’archer scruta les arbres, attentif au silence angoissant qui régnait en ces lieux. Ha, la bonne idée qu’avait eu Rägmor, de vouloir lui apprendre à chasser. Quelques heures plus tôt, son impatience habituelle l’avait poussé à vouloir expérimenter, seul, les leçons de chasses du colosse. Mais, alors qu’il avait finit par dégoter une biche, la chasseur s’était transformé en proie. A cause d’un maudit skoll, qui avait surgit du tas de verdure ambiant, avec dans l’idée, apparemment, de faire de Donovan son prochain repas. Seuls ses réflexes l’avaient sauvé ; il avait réussi à toucher le skoll à une de ses pattes arrière en plein vol. Il n’était pas resté pour s’enquérir de l’état de ce dernier- les villageois qui travaillaient pour l’Aurore l’avaient mit en garde contre ces prédateurs, aussi avait-il filé.
 
Seulement voilà : non seulement le skoll semblait suivre toujours sa trace, mais en plus il était perdu. Il se remis debout, encocha une flèche à son arc et releva les yeux vers le sommet des arbres. La bête avait surgit des hauteurs, la première fois. Et elle réattaquerait probablement de là-haut. Donovan s’adossa contre un arbre et s’efforça de calmer sa respiration. Ne pas penser à la faim, ne pas penser à la fatigue… Ne pas penser à se faire manger.
 
Donovan laisse les minutes filer, guettant le moindre signe de danger- et rien ne vint. Toujours ce même silence troublant, quelques gazouillis d’oiseaux et le bourdonnement des insectes. Rien qui laissa soupçonner l’approche d’un animal. L’ex-soldat poussa un léger soupir et se pencha, histoire de scruter le reste de la forêt. Toujours rien, à priori.
 
L’apprenti chasseur se détendit et appuya la tête contre l’arbre. Par mesure de précaution, il garda la flèche encochée, se servant de sa main droite qui brandissait l’arc pour la retenir, tandis que la gauche écartait les mèches de cheveux qui lui collaient au visage. Finalement, peut-être avait-il échappé au skoll. Mais pas aux insectes ; ceux-ci lui tournaient toujours autour. Foutus insectes.
 
Présentement, il ne savait pas l’attitude à adopter. Devait-il rester discret et immobile, au cas où le prédateur le retrouvait, ou bien pouvait-il se déplacer sans craindre grand-chose ? Il avait faim, et avait crû apercevoir des baies quelques pas plus loin. Et il aurait voulut trouver un ruisseau où il pourrait se laver – malgré son ancienne vie de soldat, il supportait mal la crasse.
 
Dernier coup d’œil à l’amas de verdure, puis il se décida. Rester sur place n’avait jamais été une bonne stratégie, même en cas de bataille. Il ne voulait pas que le skoll lui tombe dessus pendant qu’il serait trop occupé à le chercher ailleurs.
 
Il se rapprocha des bais qu’il avait vu et en cueillit quelques unes de sa main gauche, un léger sourire aux lèvres. Quel chasseur il faisait… Il ne savait même pas si elles étaient comestibles ou non. C’étaient des petites baies rondes et noires, qu’il n’avait jamais vu auparavant.
Il s'apprêtait à les manger lorsqu'un bruissement de feuilles retentit derrière lui. Il lâcha d'un geste les baies, se retourna et redressa son arc, prêt à décocher sa flèche au moindre signe de danger.

Le Drayame était calme en ce moment...Trop calme. Serindë se doutait bien que quelque chose se tramait dans la forêt, probablement un prédateur aux trousses d'une proie...Fermant les yeux, elle se concentra afin de sonder les alentours, vérifiant qu'aucune entité ne se trouvait près d'elle...Mais en effet, dans le rayon qu'elle couvrait avec son pouvoir, elle ne ressentait aucune présence, si ce n'était que les oiseaux et quelques écureuils. Stellan n'avait pas non plus l'air de sentir un quelconque danger...Il était couché dans l'herbe et mangeait paisiblement l'orge qu'elle lui avait donné, les yeux clos.

-Hm...Restes-là, je vais aller voir plus loin.

Exceptionnellement, la lycan était sous forme elfique, habillée, puisqu'elle revenait tout juste de Sen'tsura pour y faire quelques achats...Entre-autre, l'orge que l'étalon noir était en train d'engloutir. Elle soupira, l'étalon ne lui ayant même pas porté attention, puis empoigna son arc et son carquois déposés devant sa tanière de louve, avant de se mettre en route, relevant son ample capuchon de cape sur sa tête.

La tanière de Serindë avait été creusée sous les racines d'un arbre de taille impressionnante, celles-ci pouvant parfaitement soutenir la terre afin que le plafond ne s'effondre jamais. L'entrée était bien cachée par des buissons épais, puisqu'elle aurait été trop facilement visible autrement, étant beaucoup plus grande qu'une tanière normale. La raison en était simple...Elle devait pouvoir se tenir debout dedans, même sous forme elfique, et Stellan devait aussi pouvoir en faire de même. D'ailleurs, en creusant avec ses griffes, elle s'était assurée que la pente vers son logis ne soit pas trop abrupte, car l'équidé aurait bien pu tomber en descendant sinon.

-Et pas de bêtises!!! dit-elle en s'éloignant.

L'elfe était partie en courant, sautant agilement pour éviter tous les obstacles sur son chemin. Pour une raison qu'elle ignorait, depuis quelques années, les bêtes habitant le Drayame avaient cessé de la pourchasser ou de s'en prendre à elle. Elle ne savait pas si elle devait considérer cela comme un signe de respect...Mais elle supposait qu'elle avait finit par se faire une réputation plutôt féroce après toutes ses années passées en ce lieu de paix. Par contre, elle détestait lorsqu'un étranger venait briser le calme de la forêt, sans savoir comment se comporter...Ces habitants de villes ou de villages l'énervait au plus haut point et elle hésitait parfois à les laisser traverser le Drayame en vie, s'ils arrivaient à survivre à ses différents colocataires, certains étant particulièrement agressifs. Elle sourit en s'imaginant que le calme inhabituel soit causé par un humain se faisant pourchasser par l'une de ces bêtes...

Tout-à-coup, elle fut extirpée de ses pensées. Elle sentait deux présences...L'une était un skoll, très forcément. Il était perché au haut d'un grand arbre non loin. Mais l'autre...Elle se concentra d'avantage, fermant les yeux pour mieux ressentir les vibrations de l'entité. Un humain! Un grondement de bête se produisit dans sa gorge, puis elle avança à travers les broussailles et les buissons, jusqu'à arriver à le voir. Il était sale, apparemment, et probablement perdu depuis longtemps. À en juger par ce qu'il s'apprêtait à manger, il ne connaissait rien à la forêt...Ces baies allaient le rendre malade comme un chien s'il les mangeait. Seuls les oiseaux et les herbivores arrivaient à les manger sans risque. Soupirant, elle s'avança un peu plus, faisant bouger les buissons derrière lui, puis encocha une flèche. Elle détestait parler, mais encore plus, elle détestait parler aux humains. Elle était dotée d'un tempérament sauvage, son côté loup étant bien plus présent que son côté elfique...Mais elle se devait d'user de sa voix pour se faire comprendre.

-Je ne mangerais pas ça, si j'étais vous. dit-elle avec son accent elfique.

Son ton de voix était hautain, légèrement hargneux. Elle le regardait avec un air de dédain, haussant un sourcil.

Donovan baissa son arc, sans pour autant en enlever la flèche. Il jeta un regard perplexe à la jeune femme qui venait de faire irruption. Elle avait un regard hautain, irradiant d'une beauté peu commune. Pendant une seconde, l'archer se demanda s'il n'avait pas en face de lui une apparition. Cela ne l'aurait pas étonné, dans cette forêt.

Mais elle avait l'air belle et bien vivante.

-Je ne mangerais pas ça, si j'étais vous, fit-elle.

Elle avait un accent étrange, qui s'accordait bien avec l'aura qu'elle dégageait.

- Merci pour le conseil, souffla Donovan.

Il crut déceler un vague mépris dans le regard de l'inconnue, qui engendra un sentiment de révolte en lui. Avait-il fait quelque chose de mal ? Non, pas à sa connaissance. Quoique pataud comme il était dès lors qu'il se trouvait en pleine nature, cela n'aurait rien eu d'étonnant. Peut-être avait-il pénétré un lieu sacré, ou quelque chose comme ça. Peut-être tout simplement n'aimait-elle pas les intrus.

Il mit de côté son sale caractère. Pour autant qu'il le sache, la jeune femme pouvait lui sauver la mise- il ne donnait pas chère de sa peau s'il se retrouvait seul. Surtout en étant la proie d'un skoll.

- Ais-je fait quelque chose de mal, pour que vous me jetiez ce regard ? Si c'est le cas, j'en suis désolé, et sachez que ce n'était pas volontaire.

Excuses à demi sincères, il s'en rendait bien compte. Tant qu'il parvenait à les lui faire avaler...

- Je me nomme Donovan. Je... je crois bien que je suis perdu. Ha, et d'ailleurs, il y avait un skoll à ma poursuite.. Peut-être ne devrions nous pas rester ici...

A bien y regarder, l'inconnue ne semblait pas humaine. Elle avait quelque chose... de plus. Il n'était pas un connaisseur des êtres non-humains, mais il pouvait s'en rendre compte. Surtout que depuis qu'il avait rencontré Luz, il faisait plus attention à ce genre de chose. Histoire de ne pas finir dans le ventre d'un dragon ou autre.

Donovan baissa définitivement son arc, remit la flèche dans son carquois et leva les mains.

- Ecoutez, je ne vous ferais aucun mal. Je souhaiterais juste un abri... ou un peu de nourriture du moins. Et, si possible, échapper à ce foutu skoll...

L'homme qui se trouvait en face d'elle était très certainement perdu, tout comme il l'indiquait. Elle ne savait pas si elle devait réellement considérer ses excuses, puisqu'elles ne semblaient pas totalement sincères, mais de toute façon, elles étaient inutiles et sans valeur à ses yeux.

Lorsqu'il se présenta à elle, elle sembla surprise, haussant un sourcil. Pourquoi lui disait-il son nom? C'était bien inutile...Ou peut-être était-elle éloignée de la civilisation depuis trop longtemps pour se rappeler toutes les règles de courtoisie. Il était vrai que lorsqu'elle allait en ville, elle ne s'adressait à personne, si ce n'était que les vendeurs et les acheteurs, puis repartait aussitôt. Le regardant d'un air incrédule, elle haussa les épaules, puis soupira. Elle avait déjà détecté le skoll en question, qui venait d'ailleurs de changer de place et de se fondre dans un arbre non loin d'eux, derrière Donovan. La bête espérait probablement qu'elle quitte les lieux et le laisse terminer ce qu'il avait commencé avec l'homme...Pour se venger...Parce qu'elle pouvait bien voir la flèche sortant de l'arbre en question, qui correspondait en tous points avec celles présentes dans le carquois de Donovan.

-Les bêtes de cette forêt ne m'effraient en aucun point. Je suis plutôt respectée.

Elle s'approcha de lui et le regarda de haut en bas. Faisant semblant de ne pas remarquer le skoll, d'abord.

-Parce que vous croyez que j'ai peur de vous, humain?

Elle fronçait les sourcils en le regardant, ses yeux argentés mémorisant tous ses traits, puis un elle produit un grondement qui n'avait rien d'humain, totalement animal. L'aider ne lui faisait aucunement envie, mais si elle l'abandonnait et qu'il ne mourait pas, il allait probablement la suivre, ou encore, faire du grabuge dans la forêt. Un long soupir s'échappa de sa bouche tandis qu'elle radoucissait ses traits.

-Quand vous blessez un être vivant, assurez-vous de le tuer, plutôt que de le laisser mourir, ou pire, de le laisser vous surprendre...

Le skoll s'était avancé d'un arbre, juste derrière Donovan. Elle brandit son arc et pointa d'abord sa flèche en direction de Donovan, le fixant d'un air dur, puis releva l'arc au dernier instant, décochant sa flèche qui vint perforer l'arbre possédant une étrange tache plus pâle. Elle n'avait jamais regardé en direction de sa cible, fixant toujours l'inconnu après avoir tiré. La tache en question se décolla lentement de l'arbre, puis tomba lourdement au sol, sous sa forme originelle.

-Je n'ai pas pour habitude d'être courtoise avec les inconnus.

Sans dire un mot de plus, elle alla chercher sa flèche et la remit dans son carquois, puis marcha vers sa tanière, son arc en main.

Qui qu’elle fut, elle était douée à l’arc. Donovan se retourna quand le skoll tomba à terre. Et elle n’avait même pas détourné les yeux…

- Je tâcherais d’y penser la prochaine fois, maugréa t-il. Leur demanderait de pas bouger, que je puisse leur mettre une flèche à travers la tête.

-Je n'ai pas pour habitude d'être courtoise avec les inconnus.

L’archer grinça des dents. C’était quoi, son problème avec les humains ? Il tenta de ravaler sa fierté ; aussi déplaisant que cela puisse être, il dépendait d’elle. Ne rien dire, ne rien dire, ne rien…

- Pourtant, une base de politesse ne vous écorchera pas la langue, laissa t-il échapper.

Il la regarda chercher sa flèche et s’en aller. Où allait-elle ? Devait-il la suivre ? Vu son attitude, il n’était clairement pas le bienvenu. Mais elle n’avait rien dit, aussi décida t-il d’emboîter ses pas aux siens. Elle avait probablement un refuge quelconque à proximité, un camp ou une maison. Quelque chose qui pourrait l’aider.

Donovan ravala un juron. Il lui faudrait agir avec tact et diplomatie. Deux qualités que, malheureusement, il ne possédait pas. Il poussa un soupir. La fatigue, la faim, et maintenant cette fille hautaine… Il aurait mieux fait de rester chez lui. Enfin, au QG de l’Aurore.

- Ecoutes, jeune fille, pourrais-tu au moins me dire ton nom ? Ou dois-je me limiter à « l’Inconnue dans le Drayame » ?

Question diplomatie, il repasserait. Mais tant pis, puisqu’il était lancé sur cette voie là… Il pressa le pas pour la rattraper. Puisqu’elle avait décidé de le prendre de haut, il voulait la bousculer un peu. Pour voir jusqu’où allait la patience de la jeune fille.

- De plus un simple « bonjour » ne te fera pas de mal. Sans parler de ce que peut bien fabriquer une fillette de ton âge en plein cœur de cette forêt.

Sur le coup, il craignit d’y être allée un peu fort. Elle était jeune, certes, mais avait dépassé le stade de l’enfance depuis un bon moment déjà. Quelque part, elle lui rappelait lui quand il n’avait qu’une vingtaine d’années. Le même air hautain, la même solitude.

- Je suis navré d’être venu troubler ta tranquillité. C’est vrai, tu devais être bien, toute seule.

Au fond, il ne lui en voulait pas. Lui qui avait fuit le monde extérieur pendant longtemps, se forçant à un exil absurde en croyant acheter sa liberté de cette manière, ne pouvait pas lui faire de reproches à ce sujet là. Et l’attitude qu’il adoptait présentement ne lui plaisait pas. Il avait horreur de ce genre de comportement. Plus généralement, il détestait avoir à prendre des comportements qui ne lui ressemblaient pas.

Mais si l’inconnue était aussi sauvage et solitaire qu’il l’avait été dans sa jeunesse, elle détesterait ça elle aussi. Et c’était ce qu’il voulait. Non pas vraiment la mettre en colère, mais la forcer au dialogue. Ne serait-ce pour qu’elle lui montre un tant soit peu d’intérêt, et tant pis si celui-ci était négatif.

- Tu es quoi au juste ? Un esprit de cette forêt, ou une divinité ? Une fée peut-être ? Quoique non, pas une fée. Elles ne sont pas aussi froides, je crois. Tu me rappelles un peu la Toundra, tu sais.

Au premier abord, elle se fichait bien de ce qu'il disait, l'ignorant parfaitement en continuant de marcher. Plus il parlait, moins l'envie de l'aider se faisait forte...D'autant plus qu'en marchant, elle laissait maintenant les branches le fouetter plutôt que de les retenir pour lui. L'homme était insupportable...Elle peinait maintenant à garder son calme. Elle avançait toujours...Jusqu'à ce qu'un mot vienne agresser ses oreilles pointues, la faisant s'arrêter net. Jeune fille? Et comme si ce n'était pas assez, il ajouta une nouvelle phrase...Une "fillette dans son genre"...C'en était trop.

Un grondement animal retentit, comme celui d'un loup s'apprêtant à mordre sa proie. Faisant volte-face, elle sortit une flèche de son carquois et usa de sa force lupine pour l'écraser contre l'arbre le plus près, plaçant la pointe de la flèche juste sur sa veine jugulaire. Son bras était placé sur sa gorge et le surélevait légèrement du sol. Pour une personne de sa taille, il était étonnant qu'elle puisse le soulever ainsi...Mais ce n'était pas la seule chose qui était étrange. Lorsqu'elle releva les yeux vers les siens, plantant son visage à 2 centimètres du sien, ils n'avaient plus de pupille...Ni de blanc, l'ensemble de ses yeux était argenté. Elle faisait un effort surhumain pour ne pas prendre forme hybride, ses bras tremblant légèrement tandis que de la sueur perlait sur son front plissé par la colère. Elle parlait en serrant les dents.

-Je...Ne suis pas...Une fillette. dit-elle en penchant la tête sur le côté, ne le regardant plus, comme si un malaise l'avait prit...

En vérité, elle essayait simplement de prendre le dessus sur son côté animal, ce qu'elle réussit puisqu'en relevant les yeux vers lui, ils étaient maintenant normaux, même si leur iris restait de la même couleur que la lune.

Elle se calma encore plus lorsqu'il parla, bien que cela fut probablement difficile avec son bras écrasant sa gorge. Il s'était excusé, lui faisant part de la tranquillité qu'elle devait avoir en ces lieux, avant qu'il ne vienne y troubler la paix. Son regard changea, restant froid, mais ses traits se radoucissant.

-Serindë. Bonjour.

Elle le dit sur un ton totalement neutre, répondant à ses deux demandes avant de le relâcher en reculant d'un pas, le laissant retomber au sol. Le pauvre était probablement un peu étouffé, mais elle ne se sentit pas mal, après tout ce qu'il venait de lui dire. Elle recommença donc à marcher, aillant l'impression d'emmener avec elle un fardeau dont elle aurait bien pu se passer. Un humain...Et d'autant plus, un humain hautain et sarcastique...Comme elle. En y pensant, elle serra les poings, l'un serrant son arc, se forçant à être plus courtoise. Après tout, lorsqu'elle avait rencontré La Meute, ils l'avaient accueillis avec courtoisie, et sans eux, elle serait vraiment seule, avec Stellan.

-Si j'étais un esprit ou une divinité, je t'aurais fait sortir du Drayame sans même avoir besoin de venir te parler...Si tu ne t'arrêtes pas avec tes sarcasmes, tu apprendras bien vite ce que je suis, et je ne te le conseille pas.

Elle fit craquer son cou en relevant les épaules, puis s'arrêta en face d'un grand arbre, en face duquel se trouvaient deux gros buissons. Stellan était entré, visiblement...Il avait laissé un restant d'orge dans l'herbe, non loin. Elle haussa un sourcil, puis balaya les restes du pied. Il ne devait pas rester d'indices de sa présence, si elle ne voulait pas être pillée...Même si elle n'avait que peu de biens. D'un geste de la main, elle releva une branche d'un buisson, dévoilant la grande entrée de sa tanière. Son regard retrouva celui de l'homme et elle lui fit signe d'entrer, lui présentant l'entrée d'un geste de la main poli, mais complètement sarcastique, vu ses traits.

-Ne traînes pas trop, je ne voudrais pas que quelqu'un remarque ma tanière. Et surtout...Essaies de ne rien briser, ça devrait être facile, puisque je n'ai à peu près rien.

Elle sourit à l'idée qu'en entrant, il soit accueilli par Stellan, son étalon noir. Ses traces de sabots étaient bien visibles dans la pente menant à la grotte, alors s'il était doté de la moindre intelligence, il se douterait de la présence d'un équidé.

Donovan sourit lorsque la jeune fille le plaqua contre un arbre. Il se laissa faire ; d’une part parce qu’il l’avait cherché et qu’elle avait la réaction qu’il avait souhaité, et d’autre part parce qu’elle faisait preuve d’une force étonnante. Même s’il l’avait voulu, il doutait de pouvoir se libérer de son emprise.

Elle lâcha son nom- Serindë- suivit d’un bonjour, le tout sur un ton sec.

-Si j'étais un esprit ou une divinité, je t'aurais fait sortir du Drayame sans même avoir besoin de venir te parler...Si tu ne t'arrêtes pas avec tes sarcasmes, tu apprendras bien vite ce que je suis, et je ne te le conseille pas.

Ben tiens. Donovan n’avait pas pour habitude de se laisser faire, surtout par une personne presque assez jeune pour être sa fille. Mais il prit sur lui. Il y avait eu quelque chose, dans son regard, dont il se méfiait. Etant ancien soldat, son instinct de survie était plutôt bas. En revanche il n’était pas stupide non plus. Il avait la désagréable impression que la jeune fille pouvait bien le manger lui aussi, et il commençait à se dire qu’il avait échappé à un prédateur pour tomber sur un autre encore pire.

- Plus un mot, Serindë, fit-il, enlevant, cette fois-ci, le ton sarcastique.

Il la suivit jusqu’à un grand arbre, au pied duquel deux gros buissons se situaient. Serindë écarta une branche, dévoilant l’entrée d’une tanière.

-Ne traînes pas trop, je ne voudrais pas que quelqu'un remarque ma tanière. Et surtout...Essaies de ne rien briser, ça devrait être facile, puisque je n'ai à peu près rien.

Il acquiesça en hochant la tête et s’engouffra dans la tanière. Il retint un nouveau sarcasme en passant devant elle. Elle semblait faire quelques efforts, et il ne voulait pas gâcher cela à cause de son sale caractère. Il allait devoir se montrer courtois, lui aussi. Enfin… Au moins autant qu’elle, en tous cas.

Il remarqua des empreintes de sabots dans la terre à l’entrée de la tanière. Abritait-elle vraiment un cheval, là dedans ? Il eut tôt fait d’avoir sa réponse lorsqu’il se retrouva face à l’animal de couleur noire. Il s’abstint cependant de tout commentaires – maintenant qu’il avait trouvé un abri, il ne voulait pas qu’on le mette à la porte.

L’archer jeta un regard autour de lui. Effectivement, l’habitat était… sommaire. La jeune fille ne possédait pas grand-chose. Il décida de meubler un peu en se débarrassant de son arc, le posant au sol. Il espérait aussi par là que Serindë y voit un signe amical.

Il s’assit par terre, jetant un regard curieux au cheval, puis étira son dos.

- He bien, je te remercie pour ton hospitalité, Serindë. Si je puis faire quoi que ce soit pour t’aider en retour…

Mais vu le ton qu’elle employait avec lui depuis le début, la jeune fille aurait probablement trop de fierté pour demander quoi que ce soit à un « simple humain ». Il poussa un léger soupir.

- On est peut-être parti sur de mauvaises bases, toi et moi. Que dirais-tu de repartir à zéro ?

Comme si un humain pouvait l'aider...En réalité, elle devait admettre que ça lui faisait du bien d'avoir un peu de compagnie. Elle ne voyait pas les membres de la meute souvent et bien qu'elle aimait Stellan, rester seulement avec lui en tout temps n'étant pas très satisfaisant, côté sociabilisation. Ce qu'elle aimait aussi, c'était que pour une fois, elle pouvait enfin se vider un peu de toute sa frustration, puisque cet homme se laissait faire et envenimait même la situation, à sa façon. Elle sourit, de dos à lui, ne lui permettant pas de voir ce changement sur son visage.

-Repartir à Zéro...Hm...

Il fallait bien un humain pour dire ça. Les animaux vivaient dans le moment présent, si ça allait mal avec un autre être durant un moment, ça pouvait aller parfaitement bien l'instant d'après. Elle soupira, puis se força à être un peu plus courtoise, tout en prenant soin d'ignorer le sujet qu'il venait de lancer, faisant comme s'il n'avait jamais prononcé cette phrase. C'était inutile...S'ils étaient faits pour s'entendre, ils s'entendraient à un moment ou à un autre.

Dans la tanière, il y avait un simple nid fait de feuilles et herbes de toutes sortes, recouvert d'une peau d'ours moelleuse. Bien que ça ne se voyait pas, le lit de fortune était extrêmement confortable. Il y avait aussi un coffre en bois bien simple, ouvert, qui semblait contenir principalement des vêtements et des bandages, ainsi que des flèches supplémentaires et une grosse gourde d'eau. Son sac était posé près de son lit en forme de nid d'oiseau...Forme particulière pour une elfe, mais en vérité, elle avait pour habitude de dormir sous forme animale, ce qu'elle ne ferait pas ce soir là. Dans un coin reculé de la grotte, qui était de bonne taille, il y avait une bonne couche de paille au sol, permettant à l'équidé de se coucher confortablement. Une simple elfe n'aurait pas pu vivre dans de telles conditions.

Serindë marcha vers son sac, puis l'ouvrit et en sortit deux couvertures en laine. Elle se retourna ensuite vers Donovan et les lui tendit, plutôt que de lui lancer...Ce qu'elle avait eu envie de faire.

Malgré son air froid et hautain, elle avait bon coeur, ce qu'elle n'arriva pas à cacher à l'instant.

-Tu peux t'installer dans mon "lit" cette nuit, il est très confortable.

Sans dire un mot de plus, elle ressortit de sa tanière. Une fois à l'extérieur, à l'abri de son regard, elle se dévêtit pour ne pas déchirer ses vêtements, puis changea de forme. Sous forme animale, elle avait un bon odorat, en plus de son don lui permettant de détecter les êtres vivants autour d'elle. L'odorat lui était utile pour détecter les proies blessées ou malades, qu'elle privilégiait pour éviter de tuer un animal en bonne santé inutilement. Il lui fallu peu de temps pour sentir un lièvre, apparemment blessé. Il fut très facile de l'attraper, mais ce ne serait pas suffisant pour eux deux. Elle cacha sa prise dans les bosquets, puis repartit en quête d'une piste. Après quelques minutes supplémentaires, elle sentit un sanglier, cette fois, en bonne santé, mais probablement très vieux...Il ferait une bonne proie.

Serindë changea à nouveau de forme pour l'hybride, mesurant plus de deux mètres et étant très costaude, et surtout très forte. Elle préférait chasser le sanglier sous cette forme, car ils étaient extrêmement agressifs et leurs défenses étaient très dangereuses. En plus, vu la taille de l'animal, elle pourrait tout simplement sauter dessus et lui briser le cou, une mort rapide et sans douleur, ce qu'elle fit. L'animal réussit toutefois à écorcher son bras de façon assez importante, mais elle le cacherait. Il ne devait pas savoir quelle espèce elle était véritablement, et s'il se rendait compte qu'elle avait chassé au "corps à corps", il s'en douterait forcément.

Elle prit le sanglier sur son épaule, puis retourna chercher le lièvre. Une fois à la tanière, elle sortit deux flèches de son carquois, toujours à l'extérieur, et les planta dans les animaux, afin de prétendre qu'elle les avait tués ainsi. Elle changea ensuite de forme et se rhabilla, puis entra, tirant le sanglier par une patte et tenant le lièvre et son arc de la même main.

Stellan était resté couché sur la paille et fixait l'étranger. Normalement, il l'aurait chassé, mais il savait qu'il était en compagnie de son amie et n'en fit donc rien, se contentant d'étirer le cou et de dilater ses naseaux, tentant de le renifler. En voyant Serindë revenir, il hennit doucement pour la saluer, puis regarda à nouveau l'étranger.

L'elfe salua son compagnon, puis entreprit de dépecer les animaux, juste après avoir allumé un feu au centre de sa tanière. Elle détestait manger de la viande cuite, mais elle ferait exception, cette fois, afin de ne pas éveiller des soupçons. Elle ne dit pas mot à Donovan et ne lui demanda pas non plus un coup de main, s'occupant de tout seule. Elle ne le regarda pas non plus. Il n'y avait qu'un hic, toutefois...Elle n'avait aucun bol, ni assiette.

-Il faudra manger avec tes mains...Ensuite je te donnerai mon pain de savon et je te guiderai jusqu'à l'étang tout près. Tu sens plutôt mauvais.

Elle ne lança qu'un rapide regard vers lui, puis elle fit cuire quelques morceaux de viande au dessus du feu, la tenant par un bout d'os qui sortait.

-J'ai aussi ça, pour toi...

Elle fouilla dans son sac, en sortant un tout petit sac de toile, puis lui tendit. Il était rempli de petits fruits qu'elle avait cueilli la veille.

-Ne me remercie pas, je ne le fais pas par gratitude ou par gentillesse, mais par obligation. Tu déranges toute la forêt. Demain je te guiderai jusqu'au village le plus près. Ensuite, tu ne devras jamais revenir.

Il y avait un fond de mensonge dans ce qu'elle disait...Elle le faisait par gentillesse autant que par nécessité, et elle mentait mal. Lorsqu'elle le faisait, ses joues rosissaient très légèrement et elle évitait le regard de l'autre durant quelques instants. Lorsque le morceau de viande qu'elle tenait fut bien cuit, elle lui tendit, par l'os, puis soupira et fit cuir sa propre viande, son étalon la regardant d'un drôle d'air.

La jeune fille ne sembla pas faire attention à sa proposition de repartir sur de bonnes bases. Quelque part, il ne s’était pas attendu à ce qu’elle accepte, mais il avait tenté le coup. Quitte à passer une nuit coincés dans une tanière avec quelqu’un, autant que cette personne n’ait pas des idées de meurtre dans son sommeil.

Elle fouilla dans un sac et en sortit deux couvertures en laine qu’elle lui tendit. Donovan s’en saisit et la remercia d’un ton calme.

-Tu peux t'installer dans mon "lit" cette nuit, il est très confortable.

Il fut tenté de lui demander où elle, dormirait, mais elle ressortit de la tanière avant même qu’il eut ouvert la bouche. Il se retrouva seul en compagnie du cheval, qui le fixait d’un air étrange.

- Ne me regarde pas avec ces yeux là, je ne mangerais pas ton foin, fit-il à l’équidé.

Il s’étonna presque que le cheval ne lui réponde pas. Un skoll, une jeune fille seule possédant une force surhumaine… Un cheval qui parle était presque la suite logique de ce qui lui arrivait.

Donovan poussa un soupir et fit le point. Il était perdu dans Drayame, bon. Il avait réussit à trouver un refuge- encore qu’il avait l’impression d’avoir un peu forcé la main à Serindë. D’ailleurs… où était-elle passée ? Cela commençait à faire un petit moment qu’elle était sortie, et l’archer se sentait mal à l’aise, enfermé dans cette tanière avec un cheval au regard insistant.

- T’es pas son cheval pour rien, toi.

Serindë revint quelques instants plus tard, ramenant un sanglier et un lapin mort. Des flèches étaient enfoncées dans les animaux, et Donovan eut un petit sourire. Il se trompait peut-être, mais généralement, un chasseur récupérait directement ses flèches après avoir tué… Mais il ne fit aucun commentaire. Elle était déjà suffisamment froide pour qu’il n’ait pas envie de savoir ce qu’elle était réellement. Inutile de se faire encore plus de mauvais sang.

Il la regarda dépecer et commencer à faire cuir quelques morceaux de viande. Elle lui avait dit qu’il devrait manger à la main, ce à quoi il avait répondu par un hochement de tête, puis lui avait fait comprendre qu’il sentait mauvais. Sur ce coup là, il était bien d’accord avec elle, et ne rêvait que de se débarrasser de la saleté qui recouvrait son corps.

-J'ai aussi ça, pour toi...

Elle venait de lui tendre un petit sac de toile dans lequel il trouva des fruits.

- Je te rem…

-Ne me remercie pas, je ne le fais pas par gratitude ou par gentillesse, mais par obligation. Tu déranges toute la forêt. Demain je te guiderai jusqu'au village le plus près. Ensuite, tu ne devras jamais revenir.

Elle rougit légèrement et détourna le regard. Donovan commençait à soupçonner un brin de gentillesse, de bonté chez la jeune fille. Dommage que ceci soit tellement caché par son sale caractère…

- Tu ne veux vraiment pas me voir dans les parages, n’est-ce pas ?

Il resta songeur quelques instants. Il décida alors de lui parler franchement.

- En quoi ma présence te gêne tellement, Serindë ? Je veux dire… n’as-tu personne dans la vie, pour t’enterrer aussi profondément dans la forêt, avec un cheval pour seule compagnie ? N’as-tu pas des amis, de la famille ? N’as-tu pas un amour, ou ne serait-ce qu’une vague connaissance qui pourrait t’attendre quelque part ?

Il ne craignait même plus de froisser la jeune fille. Qu’elle lui serve encore son « qu’un humain » si elle le voulait, mais il voulait passer outre son attitude hautaine.

Serindë n'avait jamais eu un grand intérêt pour les autres. S'il était vrai qu'elle était un membre de La Meute, elle ne voyait les membres que très rarement...Uniquement lorsqu'il s'agissait d'une obligation. Les voir simplement dans le but de "socialiser" comme le feraient les loups normaux n'était pas du tout son genre. La raison pour laquelle elle évitait ainsi de se faire des amis ou simplement des connaissances n'était pas très simple...Elle même ne le savait pas vraiment. Peut-être avait-elle peur d'être blessée ou trahie...Ou peut-être encore avait-elle simplement peur de perdre les gens à qui elle s'attachait. Dire qu'elle était bien dans sa solitude aurait été un mensonge, mais pour une raison ou une autre, elle préférait ça plutôt que de s'attacher.


Donovan avait bien failli la remercier, mais elle lui avait sèchement coupé la parole. Ensuite, il lui posa une question à laquelle elle n'eut pas le temps de répondre, car il avait de suite enchaîné sur un sujet des plus dérangeants pour elle. Ses paroles l'avaient touchée, bien qu'elle tentait de le cacher au maximum. Il avait probablement pu voir un changement dans son regard, mais celui-ci fut minime, car elle fit un gros effort pour sembler tout aussi froide qu'elle l'était normalement.

-Je n'ai personne, et n'aie besoin de personne.

La réponse était claire, nette et précise. Mis à part son accent mélodieux qui ajoutait un minimum de charme
a son parlé, ses mots étaient dénudés de toute émotion. Son regard n'évitait toutefois pas le sien, elle n'avait pas du tout peur de le regarder dans les yeux, après tout, il aurait été trop facile de voir qu'elle tentait de mentir si elle avait détourné le regard...Il ne lui restait qu'à espérer qu'il ne sache pas bien lire dans les yeux des autres.

Stellan, lui, s'était contenter d'hennir doucement en pointant les oreilles lorsque l'homme s'était adressé à lui. Il comprenait bien ce qu'il disait et son commentaire sur son amie le fit rire intérieurement, puisqu'il pensait aussi qu'elle était terriblement désagréable, parfois...Mais il la connaissait bien et savait qu'elle avait grand coeur.

Une fois qu'ils eurent terminé de manger, l'elfe alla à nouveau fouiller dans son sac, avant de lui tendre son pain de savon.

-Suis-moi, je vais te guider jusqu'à l'étang.

Comme toujours, elle se limitait au minimum requis lorsqu'elle lui parlait. Pour elle, c'était probablement une façon d'éviter qu'une quelleconque forme d'attachement ne se forme entre eux.

-Et n'aie crainte...En ma compagnie, tu es en sécurité. Je suis respectée ici.

Elle sortit de la tanière, le sommant de la suivre, puis marcha jusqu'à l'étang en question. En chemin, elle évitait de parler, marchant devant lui. Cette fois, elle faisait toutefois attention de tenir les branches avant qu'il ne passe, pour ne pas lui envoyer dessus. D'une certaine façon, elle le respectait. Il avait le culot de lui tenir tête et de lui dire la vérité et avait survécu contre un skoll, qui plus est. Son sarcasme était des plus dérangeants, mais malgré tout, sa compagnie lui faisait du bien. Peut-être devrait-elle être plus courtoise...Mais c'était contre sa nature. Elle attendit qu'il se dénude et resta près de l'étang, s'asseyant au bord de celui-ci pour éviter qu'il ne soit attaqué par une créature. Pour elle, la nudité était naturelle et tout sauf gênante, elle même oubliant parfois de se couvrir devant les autres. Elle avait fini par comprendre que les humains ne voyaient pas les choses de la même façon qu'elle...Pendant qu'il se lavait, elle réfléchissait, le regard fixé sur l'eau, absent.

Elle s'imaginait le rejoindre et s'amuser, pour une fois dans sa vie, comme lorsqu'elle était enfant...Mais elle n'était plus une enfant. Agir ainsi aurait représenté trop de risques.

-Je n'ai personne, et n'aie besoin de personne.

Donovan la regarda d’un air suspicieux. Personne n’avait besoin de personne, personne ne se suffisait qu’à lui-même. Quoique, bien qu’il ne la connaisse que depuis peu, si une personne pouvait se suffire à elle-même, c’était bien Serindë.

Elle lui répondit en le fixant droit dans les yeux, et l’archer supposa qu’elle ne lui disait pas tout. Mais il décidé de la laisser en paix pour le moment- elle en avait assez pour lui, malgré son indifférence apparente et son air hautain. Finalement, peut-être n’avait-elle pas aussi mauvais caractère qu’elle voulait le laisser voir.

Il mangea donc sans poser plus de questions, remettant celles qui restaient en suspends à plus tard. Il jeta quelques regards en douce à la jeune fille, mais celle-ci ne semblait pas disposée à parler plus que nécessaire.

-Suis-moi, je vais te guider jusqu'à l'étang.

Ils venaient de finir leur repas, et elle lui avait tendu un pain de savon.

-Et n'aie crainte...En ma compagnie, tu es en sécurité. Je suis respectée ici.

Donovan ne peut s’empêcher de lui offrir un sourire plein d’ironie. Avait-il l’air aussi faible, pour qu’elle se sente le besoin de le rassurer ? Il finit par s’aviser que pour une fois, elle ne le prenait pas de haut, mais faisait montre d’un peu de gentillesse. Il s’en rendit compte lorsqu’elle évita de relâcher les branches qu’elle écartait d’une main sur son passage.

Arrivés sur place, Serindë s’assit au bord de l’étang, le regard perdu dans le vague, fixant l’eau l’air pensif. Attendait-elle qu’il se baigne avec elle à côté ? Il se rappela Luz et ses manières et haussa les épaules. Pourquoi tout ce qui était non humain n’avait aucune pudeur ? L’instinct animal, peut-être. Il déchaussa ses bottes, mais garda sa tunique pour entrer dans l’eau.

Celle-ci était froide et il frémit à son contact. Mais il était des natif des Glaces, aussi s’habitua t-il rapidement à la température. Il plongea plusieurs fois dans l’eau, appréciant la liberté qu’il pouvait ressentir, appréciant le silence qui régnait au fond. Il n’était pas bon nageur, mais ses nombreux naufrages l’avaient forcé à devoir se débrouiller pour ne pas couler. Il se lava tranquillement, puis revint vers Serindë.

- Voilà, je suis propre. Tu vas pouvoir supporter mon odeur. Enfin, je crois.

Il resta dans l’eau, qui l’entourait jusqu’à la taille.

- Et maintenant ? Tu ne te baignes pas, toi aussi ? Je peux surveiller les alentours, si besoin…

Une idée malicieuse lui traversa la tête, et il balança ses bras en arrière dans l’eau avant de les projeter en avant, envoyant de l’eau sur la jeune fille. Ce ne fut qu’après qu’il se souvint de la manière dont elle l’avait plaqué contre un arbre, un peu plus tôt, et il regretta son geste dans les secondes qui suivirent. Après avoir échappé à un skoll, il finirait probablement noyé.

Son esprit allait et venait constamment. Elle se rappelait ses souvenirs d'enfance, avec les autres enfants de la meute...Ceux-ci ne l'appréciaient que rarement, puisque généralement elle était plutôt dominante et solitaire...Un comportement plutôt rare chez un lycan. Les loups sont non-seulement des animaux loyaux les uns envers les autres et sociables, mais en plus, ils sont solidaires et savent se soumettre devant un membre dominant, ce qu'elle avait toujours été incapable de faire. Son père savait, au fond, qu'il était mieux pour elle et pour les autres qu'elle quitte la meute. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle fut recueillie dans une nouvelle meute, plus puissante encore. Elle n'y était pas totalement acceptée, entre-autre à cause de ses problèmes de contrôle de sa colère et de son côté sauvage...En effet, la plupart des membres de sa nouvelle meute étaient plus près de leur côté humain que de leur côté animal, ce qui lui déplaisait réellement.

Un soupir s'échappa des lèvres de l'elfe. Elle releva les yeux vers Donovan lorsqu'il s'adressa à elle, mais elle n'eut pas le temps de répondre...Le fou l'aspergea d'eau froide. À cet instant, un grondement puissant sortit de sa gorge tandis qu'elle montrait les crocs. Elle se devait de garder le contrôle...De ne pas changer de forme...Son côté animal tentait de prendre le dessus, la faisant gronder et fermer les yeux très fort. Une autre part d'elle, plus douce, tentait de la rendre aimable...De la faire plonger dans l'eau pour aller "s'amuser" comme la plupart des humanoïdes l'auraient fait.

Le corps de l'elfe se mit à trembler et elle recula, jusqu'à percuter un arbre.

-Es-tu complètement fou?! dit-elle dans un grondement puissant.

Sa voix n'était plus la même...Elle était plus forte et plus animale. Un nouveau tremblement la surprit, elle devait garder le contrôle...Mais elle sentait déjà cette chaleur s'installer dans tout son corps. Celui-ci s'illumina l'espace d'une seconde dans une faible lueur blanche, empêchant Donovan de bien voir la métamorphose. Ses vêtements, déchirés, tombèrent en lambeaux sur le sol. Lorsque la lumière s'estompa, elle mesurait plus de deux mètres, était couverte de fourrure noire comme sa chevelure et avait les griffes enfoncées dans le tronc de l'arbre, maintenant tournée face à celui-ci. Elle respirait bruyamment, un son purement animal se faisant entendre à chaque expiration. Son corps était musclé et semblait puissant et sous cette forme, elle possédait une queue de loup. Ses oreilles pointues se plaquèrent vers l'arrière, sur son crâne, puis elle fit rapidement volte-face, montrant les crocs en fixant l'homme. Ses yeux n'avaient plus d'iris, ni de blanc...Comme un peu plus tôt. On avait l'impression qu'ils avaient été injectés d'argent. Elle s'avança rapidement et plongea dans l'eau, l'attrapant par la tunique avant de l'élever dans les airs, poussant un long rugissement tout près de son visage. Ses griffes acérées étaient passées à quelques millimètres de sa peau, manquant de le lacérer. Elle secoua la tête en fermant les yeux très fort, puis le laissa tomber dans l'étang, mollement, laissant ses bras pendre le long de son corps.

-Je ne voulais pas me dévoiler...À cause de toi, c'est trop tard.

Sa voix était restée différente de son habituelle. Elle recula lentement jusqu'à la berge, plaquant ses oreilles en le regardant dans les yeux. Étrangement, son regard d'abord froid et enragé était devenu doux, voire même triste. Elle n'avait aucunement honte de cette forme...Mais il ne la verrait plus jamais de la même façon, à présent.

-Es-tu complètement fou?!

Enfin… Son visage prit une expression sérieuse, et il prit des appuis stables dans le fond de la rivière, les mains levées devant lui, prêt à réagir. Il avait sût, pratiquement dans les quelques secondes qui avaient suivies sa rencontre avec Serindë, que celle-ci n’était pas vraiment humaine. Si elle avait montré un peu plus de chaleur, il aurait sans doute laissé passé, comprenant parfaitement qu’un lycan, dragon ou autre préfère garder pour lui sa forme humanoïde. D’autant que ses propres semblables, les humains, justement, avaient des réactions imprévisibles.

Mais avec une femme si hautaine, et qui semblait prête à l’égorger à tout moment, il avait préféré savoir à quoi s’attendre. Histoire de ne pas se réveiller avec une mauvaise surprise au milieu de la nuit.

Une lumière recouvrit la jeune femme un instant, et lorsque celle-ci se dissipa… il ne restait qu’un loup immense, d’une fourrure aussi noire que la nuit. Lycan… il était tombé sur une lycan. Il n’en savait pas grand-chose- seulement qu’il se retrouvait dans une situation délicate.

Avant même qu’il n’ait pu réagir, elle sauta dans l’eau vers lui, l’attrapa et le souleva dans les airs, comme s’il ne pesait guère plus qu’une feuille, et rugit devant son visage. Donovan se rappela soudainement qu’il était désarmé, et se fit la promesse de toujours garder une lame quelconque sur lui. Il porta ses mains devant son visage, préférant, dans le cas ou elle déciderait de mordre, perdre une main plutôt que sa tête.

Cependant, elle le laissa retomber dans l’eau. Donovan refit surface en vitesse, souhaitant éviter de la perdre de vue.

-Je ne voulais pas me dévoiler...À cause de toi, c'est trop tard.

L’expression furieuse qu’elle avait arborée quelques secondes auparavant avait laissé place à une mine… triste.

- Et quoi ? Ne pense tu pas que je préfère savoir avec qui je partage un refuge, surtout quand mon hôte me lance des regards noirs depuis que je l’ai rencontrée ?

Il s’avança vers elle et la toisa du regard, les mains sur les hanches.

- Alors certes, tu es plus grande et plus poilue qu’avant. Tu t’attendais à ce qu’étant un humain, je te crache dessus pour ce genre de détail ? Tu sais, si tu m’avais dit ce que tu étais directement, je n’aurais pas eu besoin de te pousser à bout !

Son visage s’adoucit, ainsi que sa voix.

- Serindë, la femme que j’aime est un dragon qui fait trois fois ta taille, qui a des dents et des griffes qui font le double des tiennes. Et comme si ça suffisait pas, elle vole et crache du feu. Crois tu que je l’ai rejetée, quand elle a prit sa forme de lézard géant ailé ?

Il avait peut-être un peu exagéré au niveau de la description de Luz, mais il n’en restait pas moins qu’elle était effectivement un dragon, et qu’il l’aimait non pas malgré cela, mais avec cela. Son côté dragon était l’une des nombreuses choses qui lui plaisait en elle.

- Bon, maintenant, si tu peux calmer tes ardeurs de louveteau, qu’on puisse rentrer… Je commence à avoir froid. Et oui, je sais, tu n’es pas un louveteau !