Comme une seconde naissance...

Cette nuit-là, par un croissant de lune, je n’arrive pas à dormir car il fait trop chaud pour moi et mon dos me démange. Ketil revient de chez une guérisseuse ou une rebouteuse avec une crème apaisante. Nathaniel, lui, s’était mis à confectionner une sorte de tisane avec ce que ma mère avait ramené de sur le marché. Voici que Ketil me force à m’allonger sur le ventre tout en découvrant mon dos. C’est la première fois que je laisse un être autre que ma famille à me toucher ainsi. J’avoue paniquer un peu.

Mais tu en as de ces belles cicatrices près de tes omoplates ô damoiselle Freyia ! dit-il en me passant l’onguent sur les drôles de cicatrices boursoufflées.

Oui Freyia est mon nom, enfin d’emprunt puisque je ne me souviens plus du mien. Non, la pommade ne me fait rien. Ne voulant pas le vexer, vu son âge vieillissant, je me rhabille lentement et prends l’excuse de vouloir aller payer la rebouteuse moi-même. Ce qui en soi, était faux.

Afin d’affronter le grand froid, je sors avec un épais manteau car sensible. Plus le temps s’écoule, plus mes démangeaisons viennent au point de me faire mal. Je ne comprends pas pourquoi. Je me mets à courir tant bien que mal mais le souffle vient à me manquer rapidement. Je dois me calmer car je vois comme des étoiles danser devant mes yeux.

Je crois pouvoir m’enfuir un peu plus loin mais je suis stoppée par un enfant d’environ 14 ans, aux vues de sa stature et de la moustache naissante pleurant la mort d’un animal. Il a l’air d’un passionné, un défenseur de la faune. Il vient de m’émouvoir en étant assis contre un arbre, les jambes ramenées contre son ventre. Oui, je pourrais être sans cœur et continuer ma route faisant comme si de rien n’était. Seulement voilà… c’est comme si intérieurement on m’impose de faire quelque chose.

Lentement je m’approche de lui jusqu’à poser ma main sur son épaule pour me signaler à lui. A mon tour je viens m’asseoir contre l’arbre malgré ma douleur.
Par automatisme peut-être, je me mets à chanter avec douceur dans une langue qui me dit vaguement quelque chose. Mais d’où ? Néanmoins, je ne peux pas m’arrêter en plein milieu de ce chant. Non, je dois aller jusqu’au bout.

Spoiler:

L’enfant lève ses yeux vers moi et me tend la main timidement afin que je l’attire contre moi pour le bercer en même temps que le chant.

Madame ? Tu es une ange hein ?!

Pardon ?! Mais non ! Ça n’existe pas ! Pourquoi dis-tu cela ? Je suis humaine, tout comme toi. lui réponds-je.

Ah moi je suis sûre que si ! Parce que même la meilleure des bardes n’a pas une voix aussi douce que toi ! rétorque-t-il en séchant ses larmes.

Puis, tout à coup, je me sens perdue dans mes pensées. Je n’ai même pas vu que le jeune s’est levé d’un bond puis de me déposer un baiser sur la joue et de partir en courant.

Encore merci ! a-t-il dit en fuyant.

Vous me verriez. Une larme perle sur ma joue. A mon tour je me lève puis prends de nouveau la fuite. Mais… je m’étale au sol dans un hurlement de douleur. Les plus proches villageois pourraient m’entendre mais personne ne bouge. Croyant probablement à une jeune femme se faisant violenter. Que nenni !
J’ai dû peut-être perdre cinq petites minutes parce que lorsque je me relève, je n’ai plus mal aux omoplates et la disposition de mes cheveux change et je reste un peu étourdie. Je passe même ma main à proximité pour me remettre la chevelure en place mais voici que je ressens des… non ce n’est pas possible ! Des plumes ??? Non c’est un mauvais rêve, un cauchemar.

Aniel… me mets-je à murmurer. Je m’appelle Aniel Malakhya, Seigneure déchue ! Crie-je m’étonnant moi-même.

Encore confuse, je grimpe à l’arbre le plus haut, faisant fi de froisser mes longues plumes. Sans plus attendre, je saute dans le vide, mais mes plumes se déploient.

Non c’est I M P O S S I B L E ! dis-je pour moi-même en m’élevant dans les airs.

Passant la moitié de la nuit dans les airs, j’essaie de me calmer tout en reprenant mes esprits. Il fallait que je rentre pour éviter que les autres ne s’inquiètent de trop.
Oui, j’y parviens à revenir calmement.

Maman ! Ketil ! Je m’appelle Aniel Malakhya et non pas Freyia et j’ai quelque chose de grave à vous annoncer. Tout d’abord maman, tu ne t’étonnes pas que ta peau ne se ride pas aussi vite que notre bienfaiteur ? Nathaniel, toi tu ne t’étonnes pas pourquoi tu te fatigues plus vite que les autres de ton âge ? demande-je tout en cherchant mes mots. Ketil, tu as protégé, aidé, soigné deux femmes et un jeune sans nous critiquer, nous acceptant comme nous sommes. Mais… je dois t’avouer que tu as sous ton toit, trois archanges, dont Lauviah ma mère et moi font parties de la seigneurie. bien sûr que je lui laisse le temps d’accepter ou de comprendre la situation.

Un soupir de sa part et un haussement d’épaules :

Je me doutais bien que je ne connaissais pas le drôle de grand bâton de métal dont je ne connais pas la provenance. Quant à vos vêtements, c’était aisé de le comprendre. Mais vous aviez fait votre choix de vivre comme moi. Ce n’est pas la première fois que vous me soignez sans vous en rendre compte.

Quoi ??? Il n’attendait que cela ? Que nous retrouvions notre identité pour ensuite me rendre mon drôle de scêptre. Par la suite, c’est au tour de ma mère qui lui avoue ses doux sentiments et de redécouvrir ce dont elle est capable. Mais cela, n’est pas mon histoire.