Erwin Ramr

Erwin est un homme marqué par la nature. Ayant vécu hors des villes pendant l'essentiel des soixante-quatorze années de sa vie, il a su faire corps avec son environnement. Silencieux, autant verbalement que physiquement, c'est un homme au caractère pointu, sachant mettre le doigt sur ce qui cloche, grâce à une faculté d'analyse bien développée. Outre cela, il est de bonne compagnie, bien qu’il ne s’épanche sur rien, et que ses sentiments filtrent rarement. Au-delà de cette apparente attitude distante, il ne met aucun mystère sur son identité, répondant aux questions de chacun, comme si le fait de partager son histoire pouvait l’aider à trouver la paix. Cela tranche avec son côté taciturne, car il est assez rare qu'il se plonge dans de grandes discussions enfiévrées avec d'autres gens. Cela tient sans doute au fait qu'il en a déjà vu beaucoup, et qu'il est blasé par la cruauté du monde. Outre cela, c'est un homme à l'esprit de décision indépendant. Il lui arrive de se faire son propre avis sur une situation, et de trancher en le proposant, seulement pour augmenter les chances de réussite d'une opération.

Enfanté dans les terres sauvages de Sahawi, Erwin a vécu dans la chaleur du pays du Feu. Mis au monde par une jeune femme de vingt-neuf ans nommée Julia, et élevé par un père autoritaire répondant au nom de Bazim, Erwin passa son enfance et son adolescence dans l'austérité qu'impose la vie dans une tribu nomade. Formée d'une quinzaine de famille, son clan ne restait jamais plus d'une semaine au même endroit, faisant d'Erwin un marcheur émérite dont le corps s'adapta vite aux contraintes des voyages. Grandissant normalement, il était un garçon sans réelle particularité. Ni extravagant, ni introverti, il avait su trouver sa place dans la tribu en tant que chasseur. Cette vie lui plaisait. Il ne trouvait rien de plus excitant que de décocher ses flèches pour qu’elles aillent se planter dans la chair d’animaux qui nourrirait ensuite son clan. Les années passèrent, et sa vie, bien que routinière, était toujours enrichissante. Et puis, ils arrivèrent.

C’était un matin comme les autres, le ciel bleu brillait de mille feux, et l’azur faisait chanter les cœurs. L’acier chanta plus fort. Une troupe de cavaliers d’un seigneur voisin de leur campement déferla sur les familles alors que le déjeuner battait son plein. Beaucoup furent tués. Le père d’Erwin fut emporté dans la forêt, et les cavaliers revinrent sans lui. Sa mère, Julia, fut vendue comme esclave, et emportée par un riche marchand. Quant à lui, il fut enrôlé de force dans l’armée du seigneur. Quelle piètre condition pour le fier chasseur qu’il était. Pendant des années, il dut se livrer à des pillages sans fin, et ses aptitudes de chasse se transformèrent vite en compétences de boucher.

Il avait quinze ans lorsqu’il découvrit ses origines. Semblable à un humain, il avait le pouvoir d’absorber la magie. N’étant pas un érudit, et n’ayant jamais reçu d’éducation magique par ses parents, il ne comprit pas la nature de son pouvoir avant de longues années. Par chance, dans l’inexpugnable château de l’homme qui était maintenant son suzerain, de grandes bibliothèques offraient à qui le souhaitait, une connaissance poussée du monde de Terra. C’est ainsi qu’il apprit son appartenance à la race des Chïstel. Dès lors, il commença à ressentir une faim pour la magie. Une faim dévorante. Il commença à s’en prendre aux magiciens du château, les vidant de leurs énergies magiques. Puis il s’attaqua aux artefacts stockés dans les chambres fortes aux sous-sols du palais. Il emmagasinait la moindre parcelle de puissance, jusqu’au jour où son corps refusa d’accepter plus de pouvoir. Il fut alors pris de tremblements incoercibles et tomba à genoux dans la cour intérieure du donjon. Des gens s’approchèrent, soucieux, curieux, ou simplement fascinés par le ridicule de la situation. Certains se mirent à rire et à se moquer de lui. C’en était trop. Dans un hurlement semblable à un fracas de verre brisé, il abattit ses paumes sur les pavés et s’évanouit. A son réveil, le fief du seigneur qui l’avait enlevé des années plus tôt avait disparu. Il était le centre d’un cercle de cendre large de plus de cinq cent mètres, grain de beauté improbable sur la plaine. Il se releva et comprit que son pouvoir était cloisonné aux limites de son corps. Dès lors il commença à voyager, libre de toute autorité, et à développer son physique pour pouvoir stocker le plus de magie possible en lui.

Changeant de jour en jour, il devint bientôt un homme bien bâti, capable d’absorber toujours plus de force magique. Mais avec un tel développement, venait aussi un plus grand besoin, et Erwin se mit à battre la campagne en quête de nourriture spirituelle. Il écuma ainsi toutes les régions du pays du feu, où sa recherche ne fut guère récompensée que par quelques jeteurs de sorts mineurs qui ne lui apportèrent pas grand-chose. Il migra alors vers le pays de la Terre, prenant l’identité d’un vagabond et devenant un bandit de grand chemin. Il se découvrit un talent pour le vol. Il parvenait à se faufiler par les passages les plus improbables, trouvaient les solutions les plus inattendues, tout ce qui pouvait l’amener à réussir son larcin. Sa principale cible était les artefacts magiques dont il absorbait les forces pour s’en repaître, ne laissant que de vulgaire babiole sans valeur derrière lui. A force de rapines, il se forgea une réputation qui le conduisit jusqu’à Sent’sura. On lui donna le surnom de Brume, car ses exactions ne laissaient jamais aucune trace, et ses actions étaient aussi silencieuses que celles d’une écharpe de brouillard. Il entendit parler d’une guilde qui cherchait quelqu’un possédant ses talents, et son côté analytique lui fit dire que sa traque incessante de magie serait sans doute plus simple en groupe.

C’est par une nuit tiède qu’il rencontra ces gens. C’était un assemblage varié de personnalités. Certains étaient instables et ne cessaient de jeter leur regard sur l’emplacement de sa jugulaire, comme démangés par un côté sauvage, d’autres semblaient ne pas lui prêter une attention particulière, mais n’avaient pas l’air hostiles non plus. Une ambiance intéressante, dans laquelle il allait s’épanouir sans difficulté. Il referma la porte de la taverne derrière lui, et ne fit aucun bruit lorsqu’il s’approcha du groupe.

- Je me nomme Brume et je suis certain que je peux vous être utile…

Les lumières de la taverne se parèrent d’un nouvel éclat. Un éclat d’avenir.

Citation :

"Une troupe de cavaliers d’un seigneur voisin de leur campement déferla sur les familles alors que le déjeuner battait son plein."

▬ Raconte en détail ce passage en insistant sur les sentiments d'Erwin.