Phoebé - Ne te fie jamais à l'eau qui dort [Léandre]

Une Naïade travaillant pour Aile Ténébreuse... Beaucoup pourraient trouver cela contradictoire puisque ce sont des êtres rarement mauvais ou cruel. Mais pour Phœbé, sa nature n'est en rien contradictoire avec son affiliation à la cause des démons. La demoiselle a une grande dose de confiance en elle et sait le pouvoir qu'elle exerce sur les autres. Capricieuse, elle aime qu'on dépende d'elle, qu'on lui demande des faveurs, qu'on lui obéisse et qu'on la craigne et la respecte. Elle aime aussi les compliments et les éloges, voudrait être chouchoutée et comblée au même titre que la princesse qu'elle prétend être. Son confort et son plaisir personnel passent avant le reste et il lui arrive même d'apprécier de noyer des gens. C'est, à son sens, une forme de punition qu'elle justifie toujours d'une façon ou d'une autre. Espiègle et même peste parfois, le sabotage, la manipulation et le mensonge sont ses spécialités au sein de la milice. Assassiner n'est pas son fort et elle n'aime pas voir le sang couler car malgré tous ses travers, elle garde une assez grande part de douceur et de fragilité qui s'accroche fermement à son âme. Elle nourrit pour le Lac Patriarcal, pour sa source et ses environs un amour inconditionnel et se montre féroce gardienne. Jamais rien ni personne ne pourra la défaire de l'attachement qui la lie à ces endroits.

Si faire tourner les têtes lui est facile et qu'elle s'en amuse beaucoup, Phœbé n'est quand même pas dévergondée au point de s'offrir à n'importe qui. Elle préfère le jeu à l'enjeu et briser des cœurs lui permet de garder le sien. C'est d'ailleurs son cœur qui lui a dicté la voie vers le Roi démon. Inquiète pour son lac et le fleuve qui en découle et sur lequel vogue de nombreux bateaux souvent appartenant à l'Empire, elle a préféré se mettre au service des démons que de les endurer. En échange elle a obtenu qu'ils prennent soin de l'eau et des abords et que jamais ils ne s'aventurent près de son refuge dans les montagnes, à la source. Contrairement à ce que beaucoup pourraient croire, elle a à cœur la paix et le bien-être de toutes les créatures qui vivent et dépendent de son eau. Et cette paix, seul les démons peuvent la lui offrir. Souvent elle a honte de montrer cette tendresse presque maternelle ou cette bienveillance qui dort sous sa malice et ses caprices. Mais tout le monde à ses faiblesses, même Phœbé.

Il y a 45 ans est née Phœbé, dans le bassin de la source du Lac Patriarcal. Elle est la deuxième naïade protectrice des lieux et cela fait tout juste une semaine que la précédente a disparut, terrassée par une blessure trop grande pour être soignée même par la magie du fleuve. Les naïades ne naissent pas comme tous les êtres c'est à dire en sortant du ventre d'une autre créature. Elles viennent au monde sous une forme qu'elles garderont toute leur vie. Phœbé ne fait pas exception à la règle. Mélange parfait de magie et d'éléments naturels, c'est sous une pleine lune qu'elle émergea pour la première fois, aussi nue que peuvent l'être les nouveaux née mais avec le corps d'une jeune femme dans la fleur de l'âge. Cette nuit là, la naïade la passa à intégrer tout ce que pouvait savoir son prédécesseur. Et quand on a une vie de presque 150 ans, on a le temps d'accumuler beaucoup de savoirs. Aux lueurs du jour, Phée était en possession de toutes les connaissances qui avaient appartenu à l'ancienne protectrice du lac et elle était prête à faire face à sa mission. Elle se sentait capable de tout affronter et ce fut le cas jusqu'au jour où le soleil rougit et que les démons purent entrer sur son monde.
Au début, comme toutes les créatures de Terra, Phœbé ne prêtait pas attention aux murmures qui couraient depuis le Nord à propos d'une nouvelle religion et d'un pseudo dieu vivant. Ce ne fut qu'à l'arrivée de l'armée démoniaque sur Terre qu'elle prit au sérieux la menace qu'ils représentaient. A croire qu'elle ne pouvait prêter de crédit qu'à ce qu'elle voyait... Peut-être aurait-elle mieux fait d'écouter plus attentivement les rumeurs ou même de se tenir informée de la conquête de Ciel. La jeune femme prit pas part à la bataille de Sen'tsura, trop focalisée qu'elle était sur sa tâche ainsi que sur ses prévisions quand à son propre futur, mais aida tout de même discrètement Galaad a traverser le fleuve quand il prit la fuite. Ce fut la première et dernière fois qu'elle prêta main forte à une rebelle. En quelques semaines, elle vit la région qu'elle chérissait changer de visage et comprit rapidement que si elle voulait préserver son précieux lac en état, elle devait faire alliance avec les occupants du territoire. La réputation de la nouvelle race gouvernante les précédait de beaucoup et Phœbé ne voulait pas tenter le diable en s'opposant à des forces qui la dépassaient largement. Cela lui coûtait de l'admettre mais elle ne faisait pas le poids et préférait s'allier à la menace que de la combattre et mourir. N'ayant aucune connaissance en matière de diplomatie, la naïade se contenta donc, un beau jour, de sortir de ses eaux pour se rendre à la capitale, drapée dans un long manteau.

Les rues de Sen'tsura lui étaient totalement inconnues mais de les voir parsemées de soldats et de badauds au visage malheureux lui donna des frissons dans le dos. Si elle ne connaissait pas la ville avant, elle était pourtant certaine que les changements étaient de taille depuis que le nouveau souverain s'était installé. Mais sans se démonter elle se présenta à l'entrée du palais. La belle aurait été plus avisée d'attendre encore un moment avant de venir se présenter avec sa suffisance et ses exigences car elle ne put même pas voir l'intérieur de la cour. Chassée avec brutalité, il ne lui restait plus qu'à retourner ruminer sa rancœur quelque part dans les eaux froides du lac. Cependant, cet incident lui apprit quelques leçons: elle devait apprendre à caresser dans le sens du poil ces nouveaux habitants si susceptibles et se montrer un peu plus humble, au moins le temps durant lequel elle serait en leur compagnie. Elle avait également apprit que ce nouveau régime reposait sur une discipline et une autorité contre laquelle elle ne pouvait rien faire et que pour arriver à ses fins, il lui faudrait ruser, ce que jusque là elle n'avait jamais été obligé de faire.
Riche de ses déductions, Phœbé attendit donc presque deux moins entier que l’ébullition se calme et que le nouveau système se mette en place avant de retourner demander une audience. Changeant du tout au tout son attitude, elle se fit affable et douce, feignant même la fragilité pour passer les portes. La tactique opéra à merveille et on la laissa entrer pour attendre avec les quelques autres habitants venus faire leurs doléances. Contrairement à ce qu'elle avait attendu, ce ne fut pas Aile Ténébreuse en personne qui la reçu mais un de ses conseillers, assisté de quelques scribes. Humain à première vu, l'homme semblait lassé de jouer au bureau des pleurs et n'accueillit la naïade qu'avec un "suivant" mollasson. Déterminée à se faire entendre, Phée prit sur elle pour déployer des trésors de séduction, aidée par sa nature enchanteresse. Le résultat ne se fit pas attendre et elle eut l'attention de l'homme face à elle. Sans se presser, elle lui expliqua qui elle était et prit une petite voix triste en lui confiant ses inquiétudes quand au traitement des eaux de son lac. Comme l'homme face à elle ne semblait pas passionné par son problème mais plutôt par sa tenue légère, elle ne trouva rien de mieux que d'offrir son aide et ses pouvoirs en échange d'une promesse d'être tranquille. Le conseiller sembla attentif au détail de ses capacités et la congédia (avec beaucoup de courtoisie) en l'infirmant qu'elle recevrait une réponse prochainement. Frustrée, Phœbé repartit donc d'où elle venait en prenant sur elle pour ne pas faire un gros caprice en plein palais.

Ce que "prochainement" sous-entend quand on travail dans l'administration équivaut à un "deux ou trois mois" pour une personne normale. Ce fut à peu près le délai d'attente que la naïade supporta avant de recevoir un message du palais. Juste à temps ! L'impatience la rendait irritable et elle se montrait bien plus mauvaise à mesure que le temps passait. Ce fut donc avec soulagement qu'elle répondit à sa convocation (elle préféra le voir comme une invitation) et se présenta pour la troisième fois au palais de Sen'tsura.
Depuis sa première visite elle avait eut le temps de réfléchir à son offre et de s'en mordre les doigts à plusieurs reprises. Elle avait parlé sur un coup de tête et à présent elle redoutait qu'on l'ai prise trop au sérieux. Mais en passant les grandes portes du château, elle se ravisa en pensant que si tel était le prix pour préserver son domaine, elle le payerai. Ce n'était qu'une autre méthode pour protéger son fief après tout... Le conseiller qu'elle avait rencontré se trouvait là ainsi qu'un scribe. Il la fit s'assoir et lui expliqua la raison de sa présence: le Seigneur Démon avait besoin de toutes les bonnes volontés à disposition afin de faire face à une menace qui se faisait appeler Rébellion. Ce groupuscule né tout juste après la bataille pour la ville n'avait pas attendu bien longtemps avant de semer le trouble et les démons ne le tolérait pas. Le statut et les capacités particulière de la jeune femme avaient été remarquées parmi les autres offres et quelqu'un dans les hautes sphères avait décidé de la tester avant de se décider sur une réponse quant à l'accord que la demoiselle voulait conclure. C'est ainsi que Phœbé fut envoyée en mission, sa première, pour récolter des informations utiles à l'Empire. Si elle menait à bien ce travail, elle obtiendrait la tranquillité qu'elle désirait et le contrat durerait tant qu'elle resterait loyalement au service de l'Empire. Acculée, la Dame du lac n'eut d'autre choix que d'accepter. Elle se doutait bien que l'état de dégradation du fleuve et du lac était un moindre soucis pour les démons et que cette offre était pour eux une bonne occasion d'avoir une recrue supplémentaire mais elle ne pouvait pas prendre le risque de refuser. Voilà comment débuta sa carrière au sein des forces démoniaques.

Quelques temps plus tard, un nouvel ordre fut instauré par le Roi Démon: la Milice de l'Ombre. Cette branche militaire avait pour but de concentrer des créatures aux talents particuliers afin de maintenir l'ordre. Remarquée pour son très bon taux de réussite et sa capacité naturelle à charmer ses victimes, Phée ne tarda pas à être intégrée à cette faction. Depuis qu'elle travaillait au service des démons, la jeune femme avait changé et s'était laissée convaincre par les arguments de l'Empire. Elle prenait du plaisir à exécuter les ordres qu'on lui donnait et s'appliquait dans son travail, désormais convaincue qu'elle avait choisi le bon camp pour son devenir comme pour celui de son lac.

Le dernier événement en date marquant pour elle fut la rencontre avec Arthurios. Le prenant tout d'abord pour un humain comme les autres, Phée ne lui prêta pas plus d'attention que cela. Mais après quelques explications, il s'avéra qu'Arthurios était bien plus qu'un simple humain... Leur amitié datait de plusieurs centaines d'années en arrière et si la jeune femme n'en conservait aucun souvenir du fait qu'elle ne soit pas la même personne que celle qu'avait connu le chevalier, elle gardait un sentiment confus à son égard.
Dans les tréfonds du lac dormait depuis toujours une épée profondément plantée dans un autel de pierre. Phœbé l'avait toujours vu là et senti vibrer doucement. Mais dès l'arrivée de l'homme sur les abords du lac, l'arme s'était mise à trembler avec plus de force. Cette coïncidence n'échappa pas à la jeune femme qui accepta d'aider Arthur à récupérer l'objet qui n'était autre que sa lame, confiée dans un lointain passé à la première naïade qui vivait là. Bien qu'elle soit aujourd'hui encore au service d'Aile Ténébreuse, Phée n'arrive pas à dénoncer son étrange ami ni à lui nuire malgré qu'il ne partage pas ses opinions politiques. C'est donc dans cette étrange situation qu'elle se trouve à l'heure actuelle. Et elle sent que les choses vont bouger d'ici peu de temps.

[PS: le paragraphe sur Arthurios n'est pas développé simplement pour lui imposer le moins de contraintes possible dans sa future présentation. =) ]