Expédition [PV : Milo, Roxo, Albar] {14 Kelrenn}

Ayael était sur les nerfs. Le fait qu’elle s’était faîte engueuler comme une gamine, qu’elle avait les cheveux bleus et qu’elle allait devoir trainer dans les lieux les plus dégoutants de Terra Mystica y était certainement pour quelque chose. A cet instant précis si on lui avait demandé pourquoi elle se rendait dans la boutique d’un apothicaire elle aurait pu répondre sans mentir : c’est une longue histoire.

**************

Elle avait raté son coup… Elle allait mourir. Ayael suffoquait en tentant vainement de respirer. Le géant qu’elle avait tenté d’assassiner résistait aux poisons, comment aurait t’elle pu savoir qu’il buvait des tisanes à la Méthrophilie ? Ce truc avait un goût affreux, mais il avait la propriété d’être un très efficace contre poison. C’est donc à cause d’une saleté de tisane qu’elle se retrouvait collée contre une cuve de teinture avec un type musclé comme un bœuf qui essayait de l’étrangler en la soulevant d’une seule main. Dans un dernier sursaut de lucidité Ayael frappa entre les jambes de son adversaire qui se plia en deux sans la lâcher. Mais son inattention fut suffisante pour qu’elle se saisisse d’une lame et la plante violement dans son bras. Elle avait touché le bon nerf où alors la douleur était suffisante pour qu’il la lâche. Que l’air était délicieux ! Ne lui laissant pas le temps de se reprendre elle lui lacera la gorge grâce à une seconde lame, il la repoussa violement. Son corps heurta la cuve remplit de teinture et sous l’impact, celle-ci se renversa. Avant même d’avoir pu constater si elle n’avait aucun os brisé elle se retrouva noyé sur une tonne de colorant bleu. Heureusement ses prodigieux réflexes lui permirent de rouler sur le côté juste à temps pour ne pas se retrouver piégée sous l’immense cuve de métal.

Une fois qu’elle eut cessé de voir bleu, elle entreprit de retrouver sa cible qui s’était enfuit.

Elle la retrouva dans la rue d’en face. La blessure qu’elle lui avait infligée était manifestement assez importante. Néanmoins ça n’allait pas du tout, elle avait fait trop de bruit, et là des dizaines de passants l’avaient vu sortir cosplayée en Schtroumpf ! En plus il avait peut être eu le temps de dire quelque chose de compromettant. Ce fut très difficile pour elle de sortir de la ville, en effet elle laisaité une traînée bleu partout où elle allait, et disons qu’elle ne passait pas vraiment inaperçu. D’accord elle aimait qu’on la regarde mais là elle aurait voulu se planquer dans un trou de souris. Elle finit par se résigner à trouver une auberge qui accepterait de voir son parquet repeint contre une forte somme d’argent. Il lui fallut une dizaine de longs bains moussant pour réussir à laver son corps, mais ses cheveux restèrent désespérément bleu nuit. Si elle n’avait pas était aussi déprimeé elle aurait presque pu trouver la couleur jolie. Un joli bleu nuit avec des reflets noirs.

Et ce fut loin d’être son seul souci. En revenant à la guilde elle eut la joie de découvrir que tout le monde était au courant de ses exploits y compris le Dynaste Roxo qui l’enguirlanda copieusement avant de lui imposer cette mission d’escorte comme « test de rattrapage ». Qu’elle soit sous l’autorité de quelqu’un pour avoir du travail passe encore, mais qu’elle soit obligée de lui obéir et puis quoi encore ! Pourtant elle n’avait pas le choix… Elle savait à quel point son père serait déçu si elle quittait la guilde et elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même. Néanmoins elle était décidée à pourrir la vie du grand dynaste le plus possible, enfin sans être irrespectueuse… Au moins elle allait s’amuser…

********************

En arrivant à la boutique Ayael offrit un sourire charmeur à l’organisateur et prit la parole même si elle n’était pas sensée le faire.

-Enchantée, moi c’est Rose. Commença-t-elle sur le ton plus amical du monde

Pourquoi Rose ? Elle travaillait pour la guilde et donc devait utiliser son pseudo « La Rose Noire » Mais c’est un peu long à dire « La Rose Noire » et le diminutif le plus plausible c’était évidement « Rose »

-Si vous faites la moindre remarque sur mes cheveux, employeur ou non je vous tue d’accord ? Continua-t-elle sans se départir de son ravissant sourire.

Puis estimant que tout avait été dit, elle repartit dans l’ombre du Dynaste et croisa les bras. Sans doute à cause de la couleur insolite de ses cheveux qui la complexait horriblement Ayael avait mis son physique en avant, plus encore que d’habitude. Elle portait une robe noire comme à son habitude, et celle-ci était évidement extrêmement décolleté, mais le petit plus de d’habitude c’est qu’au lieux d’être en corset lassé dans le dos, celui-ci était largement ouvert jusqu’au rein. Sinon le reste était tout ce qu’il y a de plus classique, long jusqu’au pied et ouvert sur le côté droit pour permettre une totale liberté de mouvement. Un observateur attentif qui se serait focalisé sur ses jambes aurait pu apercevoir le pantacourt noir qui lui servait de tenu de travail, et qu’elle portait en dessous de sa robe comme à son habitude.

Cela faisait plusieurs mois qu'Albar avait quitté son empire des Glaces. Pas parce qu'il souhaitait voyager, ou découvrir le monde, non, c'était pour des raisons bien plus pragmatiques : éviter de mourir de froid. Certes, il était noble, mais ce n'était plus qu'un mot sur un bout de papier quelque part dans les registres nobliaux de l'Empire. Tout son argent avait fondu depuis déjà plusieurs semaines, et depuis il devait dormir là où il le pouvait : dans la rue. Certes, il était débrouillard, et il gagnait de quoi vivre, mais personne ne voulait engager un SDF. Manger à sa faim était assez difficile, mais se payer une maison ou une chambre d'auberge était quasiment impossible. C'est pour ça que vers la fin de l'automne jusqu'au milieu du printemps, il avait quitté les glaces pour Sen'tsura : il y fait moins froid. Bien entendu, on avait déjà tenté de le détrousser maintes et maintes fois, en lui tranchant la gorge dans la nuit (ce qui était souvent arrivé d'ailleurs), mais il adorait voir la tête des brigands quand il se régénérait et qu'il reprenait non seulement ses ses affaires, mais aussi les leurs. En tout cas, ce n'était pas en vivant des rapines des autres qu'il allait réussir quoi que ce soit. Il lui fallait quelque chose qui paye un tantinet plus, et si possible de légal (pas pour des raisons morales, mais pour éviter les ennuis). Il chercha donc du travail comme il le pouvait, mais, comme à Luütra, personne ne voulait d'un clochard comme employé, même un clochard en costume.

C'est alors qu'il tomba sur une espèce d'annonce intéressante.

" L'explorateur et marchand Milo Kyte recherche des compagnons de troupes pour une expédition dans Le Marais de la Désolation. Cet endroit, réputé comme très dangereux, il vaut donc mieux des personnes sûres d'elles, et qui ne risquent pas de s'enfuir à la première créature rencontrée! Bien sûr, j'accepte n'importe qui, et vous pourrez également être rémunérés durant cette longue expédition. Il faut donc que vous soyez libre durant plusieurs semaines. Les trésors découverts seront distribués de manière équitable, mais je me réserve les plus importants, qui seront revendus dans ma boutique. Si vous êtes intéressés, merci de venir vous présenter au Trouve-tout de Milo, situé dans l'avenue centrale de la capitale. A bientôt. "

Il la relu et la détailla plusieurs fois. Un "explorateur et marchand" : voilà qui promettait d'être rocambolesque et intéressant comme aventure. Il avait toujours aimé partir à l'aventure quand il le pouvait. "Le Marais de la Désolation". Cela fit immédiatement "Tilt" dans sa tête : c'est l'un des rares endroits dans lesquels il n'avait jamais mis les pieds. " Cet endroit, réputé comme très dangereux, il vaut donc mieux des personnes sûres d'elles, et qui ne risquent pas de s'enfuir à la première créature rencontrée". Ca, c'est le moins que l'on puisse dire. Il avait déjà tant entendu d'histoires dessus qu'il ne savait pas s'il fallait croire à ces histoires de fantômes ou pas. Mais qu'on se rassure, il n'était nullement du genre à s'enfuir, bien au contraire. Le danger le stimulait grandement. Il allait participer à cette expédition, dès ce passage là, il le savait. " J'accepte n'importe qui, et vous pourrez également être rémunérés durant cette longue expédition". N'était-il pas considéré comme l'archétype même du "n'importe qui" ces derniers temps? Le SDF anonyme cherchant de l'argent. Voilà qui est parfait : rémunéré et accepté presque à coup sûr. Il appréciait déjà beaucoup ce Milo. Bon, les trésors départagés de façon équitable, ça tombe sous le sens. " Si vous êtes intéressés, merci de venir vous présenter au Trouve-tout de Milo, situé dans l'avenue centrale de la capitale. A bientôt. ". Intéressé? Pour sûr qu'il est intéressé, se dit-il en marchant à grands pas vers le centre de la capitale, cherchant cet espèce de bazar, demandant son chemin à de nombreux passants.

Soudain, en pleine rue, il se stoppa. Une idée venait de lui passer par la tête. Une idée folle, insensée, presque stupide, mais tellement séduisante. Il aimait beaucoup les histoires, les légendes de Terra Mystica. L'une d'elle l'avait beaucoup intéressé : celle de Keldar Orgomil, cet explorateur. Accompagné de cinquante hommes en armes (cinquante soudards en vérité) était allé plus loin que les Marais de la Désolation : il avait été jusqu'à Foam, la citée morte. Les trésors là-bas étaient mirobolants, mais surtout, ce à quoi pensait Albar, c'était la gloire, l'aventure. Là, ils allaient vraiment s'enfoncer dans l'inconnu, le dangereux. C'était ça qui était intéressant. Cependant, il le savait, cette idée était folle, totalement folle, et jamais l'explorateur n'accepterait. Mais peut-être qu'une fois dans les marais, cela allait changer... Oui, peut-être... Il garda cette idée dans un coin de sa tête et se remit en route.

Il arriva alors devant la boutique, qui était visiblement fermée. Un mot posé sur la porte indiquait que c'était aujourd'hui les derniers délais de l'enrôlement pour la mission de Milo, et que ceux qui participaient étaient invités à entrer pour la réunion. Eh bien, il en avait eu de la chance ! A un jour près, il serait passé à côté de ça. C'est donc sans hésitation qu'il poussa la porte et entra. Il tomba dans une pièce emplie de tous les objets les plus bizarres comme les plus banals qu'il avait jamais vu. D'ailleurs, passant devant un miroir, il se dit qu'il n'avait pas fière allure : il avait une barbe de plusieurs jours et son costume était diablement froissé. Par contre, il aimait bien ses yeux : leur couleur dorée allait bien avec le blanc. Quant à son apparence, il s'en fichait éperdument. Il espérait juste que Milo n'allait pas lui en tenir rigueur. Ce serait bête de perdre une si belle opportunité parce qu'il n'était pas coquet.

Il frappa à la porte suivant, d'où provenaient les rumeurs d'une conversation. Il entra sans attendre qu'on lui ouvre, tandis qu'une femme disait cette phrase assez étrange : "Enchanté moi c’est Rose. Si vous faites la moindre remarque sur mes cheveux, employeur ou non je vous tue d’accord ?". Tous les regards se tournèrent vers Albar. Il y avait trois personnes ici : Roxo, qu'il eut la surprise de retrouver là, une femme aux cheveux bleus nuit, celle qui avait parlé (à l'évidence, ce n'était pas sa couleur naturelle et elle ne l'aimait pas. Ensuite, quand elle parla d'employeur, et qu'elle recula derrière Roxo, Albar devina qu'elle était assassine, sous les ordres du fameux Roxo). Et la concernant, le moins que l'on puisse dire... C'est qu'elle était superbe. Albar en fut presque bouche-bée : elle avait un visage d'une perfection à couper le souffle, et ses yeux, de la très étrange couleur rouge, lui donnaient un air mystérieux, et elle en devenait envoûtante. Ajouté à cela son corps parfait qu'elle mettait allègrement en valeur, et Albar se demanda si jamais il avait rencontré plus belle femme de toute sa longue vie. D'un simple sourire, elle aurait pu rendre infidèle le plus vertueux des maris, et d'un simple clin d'oeil, elle aurait put transformer n'importe quel ascète en l'homme le plus passionné qui soit. Quand on le voit, on se dit que tout est possible avec elle, et qu'avec un mot doux, une seule gentillesse sortant de cette si jolie bouche, on est l'homme le plus heureux du monde. Tâchant d'éviter de paraître trop ahuri, il tourna ses yeux vers la dernière personne, vraisemblablement Milo. Albar nota que les assassins avaient mis la main à leurs armes, mais que Roxo s'était vite ravisé.

"Bonjour à tous, faisons vite les présentations : je me nomme Albar Tlassin, comte de Monulia, dans l'empire de Selian, totalement fauché et vivant dans la rue, remonté à Sen'tsura pour l'hiver, et en quête d'argent et de frisson. Surtout d'argent en fait. Manger à ma faim et dormir sur autre chose que le sol me ferait assez plaisir. Et je vous avoue que me faire trancher la gorge toutes les nuits à le don de m'agacer prodigieusement. Oui, j'ai bien dit "trancher la gorge". Je suis un Daeva, une race, certes, peu répandue, mais qui à la capacité de régénérer toutes ses blessures et de vivre extrêmement longtemps. On pourrait simplifier en disant : immortel. Ayant 81 ans et maniant l'épée depuis mon adolescence - enfin, la rapière et les couteaux - je pense être le genre de personne que vous recherchez. Et je parie le quart de ma part du trésor que je ferais une plaisanterie au sujet des cheveux de mademoiselle Rose au cours de ce voyage."

Une lame siffla près de son oreille. Impressionnant : le bras de Rose n'avait quasiment pas bougé à ses yeux.

"Un tiers de ma part. Vous auriez quelque chose à boire?"

[HJ : Tout d'abord, pardonnez mon retard, j'ai eu quelques complications ces derniers temps. A vrai dire, j'aurais préféré commencer le sujet, et je me sens un peu perdu du coup, vu les trois pavés que vous venez d'écrire. Je vais essayer d'agir en conséquences..]

La boutique de Milo était en effervescence ce jour-là. Après avoir placardé plusieurs affiches dans les rues de la capitale, le jeune homme ne s'était pas attendu à un tel engouement de la part des citadins. Certes, il savait que bon nombre d'entre eux étaient prêts à pas mal de choses pour l'argent, mais quand même, c'était dans le Marais de la Désolation qu'ils allaient! Ce n'était guère une promenade de santé. Mais bon, apparemment, les gens se fichaient des dangers à encourir, ce qui n'était peut-être pas un mal tout compte fait. Une fois engagés, ils ne pourraient plus reculer, et ils seraient obligés de l'accompagner. Coûte que coûte. Toutefois, Milo avait bien fallu annuler l'expédition, puisqu'au bout d'une semaine, personne de vraiment sérieux ne s'était présenté. Déçu, mais résolu, il s'était laissé un jour de plus, avant d'abandonner l'idée. Et là, le miracle s'était produit. Trois jeunes gens, sortis d'on-ne-sait-où, étaient arrivés dans sa boutique, quasiment en même temps.

Les trois inconnus semblaient un peu étranges, tout en demeurant insolites. Le jeune commerçant les observa quelques instants, tout en prononçant des paroles de bienséance, tels les "Ravi de vous rencontrer" ou encore "Vous avez trouvé facilement?". A vrai dire, il ne savait pas par où commencer, et ça l'ennuierait de devoir tout répéter à chaque fois. Après avoir salué vivement le dernier arrivant, il se dirigea sans un mot dans l'arrière boutique, laissant seuls ses trois futurs compagnons. Là, il fouilla plusieurs secondes, et finalement, il parvint à trouver l'objet tant recherché. Il le montrerait en tant voulu. Ceci fait, il revint d'une démarche assurée, puis il s'exprima d'une voix claironnante :

- Bon. Si vous êtes là, c'est que vous avez vu mon annonce. Inutile que je me présente, vous savez sans douté déjà qui je suis. Afin que les choses soient bien claires, je souhaiterais discuter avec vous des modalités du voyage. Sachez tout d'abord que les retours en arrière ne sont pas permis : si vous m'accompagnez, c'est jusqu'au bout, sans quoi vous ne toucherez ni salaire, ni récompense. Ensuite, il faut que je vous mette en garde, même si cela ne me semble pas vraiment nécessaire. Le Marais de la Désolation est considéré comme un endroit très dangereux, et nous aurions de la chance si nous n'avions pas à affronter créatures et bandits en tout genre. A savoir qu'il nous faudra plusieurs jours avant d'arriver dans le marais, et je compte y rester quelques temps afin d'y prélever certaines "textures". Je m'explique. J'ai besoin de pas mal d'ingrédients que l'on ne trouve que là-bas. Il se peut que ces choses vous paraissent insignifiantes, mais elles me sont indispensables. Ensuite, je recherche bien évidemment des trésors et des richesses. Comme dit dans mon annonce, je me réserve les objets les plus rares et les plus chers, mais si nous trouvons pas mal de trésors, vous saurez en profiter.

Tout en parlant, Milo s'était dirigé vers le comptoir, où il gardait en réserve une bonne bouteille. Avec un sourire, il sortit 4 verres, et les tendit à ses camarades, qui semblaient boire ses paroles. Le commerçant avait le don pour faire durer le suspense. Après avoir servi chacun des participants, il continua ses instructions :

- Par mesure de prudence, mais aussi à cause de certaines choses à régler, nous ne partirons que demain dés l'aube, si vous êtes toujours d'attaque, bien sûr. Comme vous le savez sans doute, nous vivons une époque bien sombre, mais cela ne me regarde, ni ne m'intéresse d'ailleurs, pas le moins du monde. Ainsi, mieux vaut éviter de s'en mêler durant notre petite expédition. Ensuite, il faut savoir que si je vous engage, c'est pour m'escorter, et je n'apprécierais pas que l'on me donne des directives. A savoir aussi que vous n'aurez votre salaire que si je reste en vie, chose qui me parait quasiment indispensable. Je suis un piètre combattant, sachez le. Des questions?